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Contre-culture, gauche française et réseau alternatif

Auteurs : Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique)
Date de création de l'article : 2008
Rubrique: La revue de sociologie lo-fi
Etat de la rédaction: finalisé
Droit de rédaction : ouvert
Licence : Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 28 novembre 2013 / Dernière modification de la page: 03 octobre 2022 / Propriétaire de la page: Benjamin Grassineau


Résumé :



J’entends souvent parler, ces derniers temps, de contre-culture. Depuis le fatidique, « je veux tourner la page de Mai 68 », proclamé par notre grand chef suprême, tout le monde semble avoir son mot à dire sur le sujet. Le problème, c’est que comme toujours, dans ces discours très médiatisés, on est parfois assez loin de la réalité. La preuve. De nombreux gauchistes, pour bien montrer à quel point ils se sont sentis offusqués par les paroles de leur ennemi héréditaire, ont été, en signe de protestation, jusqu’à brandir le flambeau de la contre-culture comme si c’était le leur. Mascarade ! La plupart d’entre eux n’ont aucun lien avec ce mouvement. Leurs modes de vie, leurs pratiques et leur philosophie de vie en sont aux antipodes. C’est tout particulièrement vrai dans ce qu’on appelle communément le réseau alternatif, où la filiation avec la contre-culture est totalement imaginaire…

Je vais tenter de le démontrer en quatre étapes.

  1. D’abord, je vais montrer ce qu’est véritablement la contre-culture et quelle est son histoire.
  2. Ensuite, je montrerai que contrairement à une idée reçue, la contre-culture n’a jamais percé en France après la seconde guerre mondiale. Elle est restée très, très, très minoritaire, et le mouvement des seins-nus ou du retour à la ferme, ou bien les évènements de Mai 68, n’y ont pas changé grand chose.
  3. Ma troisième étape consistera à montrer que le réseau alternatif de production et de diffusion de biens et services culturels, très bien implanté en France, n’a aucun rapport avec le mouvement de la contre-culture. Au mieux y a-t-il quelques ressemblances. Mais elles sont fortuites et liées à la diffusion de certaines technologies (la guitare électrique !) et de traits culturels spécifiques (le rock) en Europe dans les années 1970. Sans nier l’importance de ce phénomène de diffusion culturelle entre un pôle économique dominant (l’Amérique des années 1960 et 1970) et l’élite urbaine ou la classe moyenne appartenant à un pôle dominé, je vais montrer qu’il n’implique nullement l’existence d’une continuité entre d’un côté la contre-culture, et de l’autre la gauche française et le réseau alternatif.
  4. Enfin, dans la quatrième partie, j’aborderai la question de la continuité entre la contre-culture et le mouvement de la culture libre, ouverte et conviviale.

Qu’est-ce que la contre-culture ? Quelle est son histoire ?

Il est temps ici de tordre le cou à une idée reçue. La contre-culture ne naît pas dans les années 1970. Elle naît au début du XXème siècle. Et elle ne naît pas dans les couches populaires, mais dans la bourgeoisie. Eh oui… Je sais qu’il y a beaucoup de post-marxistes branchouillés qui vont être un peu tristes d’entendre ça… Et pourtant… C’est authentique ! La raison en est assez évidente. A l’époque, la classe laborieuse est bien trop occupée à défendre ses intérêts ou rattraper son retard sur les riches, pour perdre son temps à concevoir un monde sans hiérarchie ! Qu’est-ce qui fait rêver le serviteur - et donc qu’est-ce qui le pousse à travailler ? C’est de devenir maître à son tour. Ou d’être mieux payé. Ce n’est pas de supprimer le rapport hiérarchique qui l’accable ! En revanche, des gens qui ont déjà tout ce qu’il faut, et qui ont du temps à perdre, eh ben ils ont le temps d’expérimenter de nouvelles choses, voire même de remettre en cause leur position établie…

C’est donc dans un contexte de bourgeois un peu blasés que la contre-culture a été créée. Elle va s’appuyer sur des pratiques, des expérimentations individuelles et collectives et sur la défense de certaines positions théoriques et éthiques bien spécifiques. Je ne prétends pas en faire le tour, mais je pense que grosso-modo, on peut distinguer les positions suivantes.

  • La régulation locale et démocratique. La vie en ville, le travail dans les structures pyramidales, c’est pas toujours une partie de plaisir… Au début du siècle, il y a donc pas mal de gens qui commencent à se demander si ça serait pas plus mal de gérer l’activité industrielle dans des petites communautés d’activités, réguléees de manière démocratique. Aldous Huxley, par exemple, surtout réputé pour ses romans de science-fiction, explore cette idée dans l’un de ses essais, La fin et les moyens qu’il rédige en 1937. Pour lui, il faut en finir avec les grosses bureaucraties marchandes ou les régimes communistes totalitaires, pour revenir à des formes de production plus locales et plus humaines, gérées démocratiquement. Mais attention, si vous lisez attentivement son ouvrage, vous verrez qu’il condamne assez fermement le marxisme ou le collectivisme. Et c’est un point à ne pas négliger. Le mouvement de la contre-culture n’est pas un mouvement marxiste. Notamment parce que le collectivisme et le socialisme d’Etat ne sont pas compatibles avec la contre-culture. On ne peut pas être à la fois contre la coercition, pour la régulation locale, l’individualisme et la démocratie directe, et pour le marché ou les bureaucraties d’Etat. C’est antinomique.
  • L’anti-hiérarchie. En fait, ce qui se passe, c’est que dès le début du XXème siècle, même les bourgeois commencent à en avoir marre des grosses bureaucraties, de l’armée qui les envoie au front, et de l’ambiance passablement tyrannique qui règne dans les usines ou dans les écoles. On commence donc à voir apparaître pas mal d’expérimentations ou de discours franchement anti-hiérarchiques. L’école de Summer Hill d’A. S. Neill, dans les années 1920, en est un bon exemple. L’idée est qu’il ne faut pas contraindre l’enfant et faire preuve d’autorité à son égard, sauf, à la rigueur quand cela est nécessaire pour sa sécurité. C’est également à cette époque que fleurissent bon nombre de pensées et d’expérimentations anarchistes individualistes. De même, c’est à ce moment que les dadaïstes poussent le rejet de l’autorité de la Raison assez loin dans les extrêmes… En fait, lorsque ces auteurs rejettent la hiérarchie, ils rejettent surtout la hiérarchie qui permet de contraindre ou d’exclure des gens pour la satisfaction d’intérêts privés. Ou encore, la hiérarchie qui crée des inégalités artificielles entre des personnes normalement égales, et qui les plongent dans un rapport de domination assez malsain. Ce rejet de la hiérarchie a des conséquences importantes, mais à condition qu’on l’interprète correctement. Il n’implique pas l’absence totale de hiérarchie, mais plutôt une tendance, une voie à suivre. Voie qui est notamment caractérisée par un certain bordel. Car qui dit absence d’autorité, dit augmentation temporaire de l’entropie, avant que la communauté d’égaux ne parvienne éventuellement à trouver un consensus. Ca flotte, chacun mène sa barque, parfois ça marche, parfois non… Mais l’important, c’est que tout le monde se sente à l’aise, et fasse ce qu’il a envie, comme il en a envie, sur la base du volontariat… C’est une forme de régulation très différente des structures pyramidales classiques, voire des structures familiales classiques - le féminisme est d’ailleurs un aspect important de la contre-culture. On fonde les relations sur la confiance, le dialogue, le choix de vie, l’ouverture, etc. Ca a aussi une conséquence importante : personne n’est obligé d’adhérer à la contre-culture. Sur le fond, ça reste très individualiste. Par conséquent, une révolution contre-culturelle ne pourrait se faire que par la libre adhésion des révolutionnaires. Rien à voir donc, avec la révolution française, qui s’est faite sous le règne de la guillotine, ou de la révolution rouge, qui s’est faite sous celui des goulags… Rien à voir non plus avec le socialisme ou le « libéralisme économique ».
  • Le libre-accès aux biens et aux services, l’ouverture des services, le recours à l’auto-production. L’idée de fond étant de casser le lien marchand. Fondamentalement, cela implique de reconnaître le droit à disposer de biens et services gratuitement et de produire des services gratuitement et librement. Par exemple, d’être médecin sans nécessairement avoir de diplômes. Ou encore de pouvoir se soigner soi-même ou en ayant recours au rebouteux du coin. Mais il s’agit là d’une tendance, d’un objectif, pouvant être contre-balancés et minorés par des considérations pragmatiques.
  • La défense du relativisme. Durant la première moitié du vingtième siècle, il y a trois phénomènes d’importance qui se produisent. 1. La montée de l’enseignement obligatoire et la professionnalisation de la culture. 2. La prise de conscience des méfaits de la colonisation. 3. Les deux guerres mondiales. Tous ces phénomènes ne sont pas franchement neufs. La professionnalisation de la culture avait en fait démarré avec la montée de l’église, les méfaits de la colonisation étaient connus depuis longtemps, et les guerres existaient depuis les premières bactéries. Mais quoi qu’il en soit, peut-être à cause du progrès technologique, on commence à comprendre qu’il y a un truc qui déconne grave dans la société industrielle. Ce qui amène à trois conséquences. 1. Le rejet assez radical de l’école obligatoire et de la façon dont elle dispense son enseignement de façon brutale et hiérarchique. Comme on l’a vu avec Neill. Mais Huxley n’est pas tendre non plus avec l’éducation de masse… 2. La redécouverte et la défense des cultures des peuples colonisés. Ce qui conduit au relativisme épistémologique. Les surréalistes, par exemple, vont puiser leur inspiration dans les rêves - comme de nombreux peuples - ou dans l’art africain, amérindien et océanien. Des anthropologues comme Margaret Mead ou Bronislaw Malinowski vont aussi jouer un rôle important dans la redécouverte et la défense des cultures « primitivies ». 3. Le rejet de la science et du rationalisme. Accusés à juste titre d’avoir pas mal soutenus les gouvernements totalitaires… Mais ce rejet prend plusieurs formes. Chez les dadaïstes, il est radical… Il en va de même chez Aldous Huxley qui n’hésite pas à redorer le blason des religions orientales et à tester le LSD pour se mettre dans l’ambiance. En revanche, chez un auteur comme Norbert Wiener, pape de l’informatique libre et pourfendeur avant l’heure des brevets industriels, ce qui est surtout condamné, c’est le mariage entre la science et les militaires. Mais pour le reste, la science reste la science.
  • Le retour à la nature. La plupart des mouvements qui sont aujourd’hui à la mode chez pas mal d’occidentaux moyens, sont en fait apparus dès le début du XXeme siècle, et se sont amplifiés dans l’entre deux-guerres. Vous pouvez vérifier dans n’importe quelle étude historique bien documentée. Le retour à la nature, l’écologie, le naturisme, le végétarisme sont apparus en Europe dès le début du XXeme siècle. Souvent en France d’ailleurs, et dans des communautés d’expérimentations d’anarchistes individualistes. Il y a pas mal de littérature sur le sujet. Donc, je vais pas trop m’attarder dessus.
  • Le holisme. Tiens, vous allez me dire, mais qu’est-ce donc que ce truc ? Eh bien le holisme, c’est un point essentiel de la philosophie de la contre-culture. C’est une attitude d’esprit, plus ou moins normative, qui consiste à considérer comme un tout, dans son ensemble, un processus ou une entité. Bon, c’est un peu technique, mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que ça s’oppose à l’approche réductionniste ou cartésienne. Dans le holisme, toutes les parties de la réalité doivent être intégrées ensemble, il faut par exemple regrouper recherche et action (la recherche-action), macro et micro, disciplines opposées entre elles, etc. Ca peut paraître bizzare, mais c’était assez à la mode durant la première moitié du XXeme siècle. Par exemple, John Maynard Keynes en économie, l’ennemi juré des néo-libéraux, était un holiste. Les premiers penseurs de la systémique, les premiers écologistes, étaient également des holistes. Sur le plan pratique, ça a certaine conséquences, puisque cela suppose de prendre en compte simultanément tous les aspects de la vie humaine. Ce qui tranche, en quelque sorte, avec le réductionnisme excessif lié à la division de la travail, où l’action humaine est tellement parcellisée qu’elle n’a plus aucun sens. Dans le holisme, l’action s’intègre dans une finalité, dans un tout, elle incorpore d’autres actions, prend des significations spécifiques en fonction du contextes… En gros, le holisme pousse à développer sa propre philosophie de la vie, et ses propres pratiques. Et plus spécifiquement, il fait de la contre-culture un mouvement global, qui réunit tous les aspects de la vie, et qui ne concerne pas seulement quelques activités de loisir isolées comme la musique ou l’art contemporain. C’est pourquoi la contre-culture peut se retrouver aussi bien dans le sport, dans la chasse, la pêche, la plomberie, la musique, la voile, la construction de maisons et l’échange de fax ! La contre-culture est un mouvement par définition global. C’est une attitude d’esprit, une tendance qui peut s’appliquer à tout, du moment qu’on n’applique pas de manière rigide un modèle défini au préalable.

Bon, pour résumer, je dirai que la contre-culture n’est pas née au début des années 1970, comme on l’affirme souvent, mais au début du siècle en Europe. Le problème, c’est qu’après les ravages du nazisme, elle y tombe en décrépitude. Elle subsiste dans quelques rares ilôts isolés, mais elle n’a plus la gloire d’antan. En revanche, aux Etats-Unis, des réfugiés de la seconde guerre mondiale continuent à porter son flambeau. Jusqu’au mouvement hippie des années 1960 et 1970, qui est clairement dans la continuité de la contre-culture. Pourquoi ça a redémarré là bas ? J’en sais rien. Peut-être à cause de l’influence intellectuelle de ces réfugiés… Mais bon, là je dis ça, mais ça reste de la pure spéculation. En tous les cas, Aldous Huxley illustre bien la transition entre le mouvement européen et le mouvement américain qui lui fait suite. Huxley défend dès les années 1940 les principes de la contre-culture dans quelques essais magistraux, avant d’être érigé comme un des penseurs phares de la contre-culture des années 1970.

La contre-culture en France après la seconde guerre mondiale.

Tout cela est bien beau, mais que s’est-il passé en Europe après la mort de la première vague de la contre-culture ? Eh bien rien. Elle est morte et bien morte. Pire, elle s’est morcelée. Car elle a transigé avec le critère holiste. Certains se sont mis à faire de la contre-culture musicale, d’autres de la contre-culture naturiste, d’autres de la contre-culture végétarienne, etc. Ca a souvent été le cas pour la petite bourgeoisie ou la classe moyenne qui tentait de reproduire les pratiques contre-culturelles de la contre-culture bourgeoise, sans vraiment en comprendre la philosophie. Ce qui n’avait plus guère de sens… Car tout l’aspect expérimental, bordélique, surréaliste de la contre-culture avait fondu comme la neige au soleil. Il en a été de même lorsque ces classes, qui aspiraient à un niveau de vie plus élevé, ont tenté de singer la deuxième vague de contre-culture américaine. Elles ont imité les pratiques, et appris bêtement quelques bouts de philosophie, sans rien y comprendre. Si vous voulez on pourrait faire la comparaison avec le logiciel libre. Utiliser Mozilla Firefox fait-il de vous un libriste ? Ben non. Car adhérer au logiciel libre, c’est adhérer à une certaine éthique, utiliser massivement des logiciels libres, se bouger le cul pour comprendre comment fonctionne un logiciel et une console, essayer d’être hébergé de manière indépendante, aimer bidouiller, etc. Et tout cela dans l’idée qu’il faut le faire pour des raisons personnelles. Il n’y a pas de guide idéologique ou comportemental pour être un libriste. C’est en fonction d’objectifs pratiques, éthiques, économiques ou philosophiques qu’on le devient - certains libristes sont d’ailleurs bien à droite… Eh bien il en va de même pour la contre-culture. Élever des chèvres, se foutre à poil sur la plage ou faire soi-même son potager n’implique pas que vous ayez compris quoi que ce soit à la contre-culture. Ca implique juste que vous utilisez Firefox et OpenOffice.org sur votre système d’exploitation Windows, juste parce que vous trouvez ça plus « fun » ou parce que c’est gratuit… Bon. Faut pas tout mélanger.

Une autre confusion assez fréquente, est de mélanger la contre-culture avec son expression artistique, le rock et les deudeuches à fleur, et en conclure que puisqu’on faisait du rock à Paris et puisqu’on avait des deudeuches à fleur en dordogne, on était des hippies… C’est là une erreur fâcheuse. Je m’explique. La seule chose qui est indéniable dans ce rapprochement farfelu, c’est qu’une nouvelle technologie musicale, la guitare électrique, a eu des effets notables sur la musique occidentale. C’est parti des Etats-Unis, avant d’arriver assez rapidement en Europe. Certes. Mais c’est vrai aussi du hamburger, de l’ordinateur et du système d’exploitation Windows. Je suppose qu’à l’époque, bon nombre de farouches partisans de la contre-culture mangeaient des hamburgers (végétariens j’espère !). Faut-il en conclure que le hamburger est l’emblème de la contre-culture ? Non bien sûr ! Eh bien c’est pareil pour le rock. Il a été utilisé par des adeptes de la contre-culture, comme ça a été le cas du téléphone, de l’ordinateur ou de la machine à laver le linge… Et naturellement, ça a été le cas aussi en Europe quand les technologies américaines s’y sont diffusées. Cela dit, il est vrai que les adeptes de la contre-culture ont utilisé le rock pour faire du rock progressif qui résumait bien leur état d’esprit, mais il ne faut pas pour autant en déduire que le rock est une émanation exclusive de la contre-culture. De la même manière qu’il ne faut pas en conclure que le principe des communautés ou de l’art primitif (sculptures africaines, océaniennes), qui ont été repris lors des deux vagues de la contre-culture, sont des inventions de la contre-culture. Pour la simple et bonne raison qu’ils n’ont pas attendu la contre-culture pour exister !

Quoi qu’il en soit, je soutiens que cette seconde vague de contre-culture n’a pas eu d’impact véritable en France. Elle est restée franchement marginale et incomprise. Pourtant, me direz-vous, n’avons-nous pas eu Mai 68 ? N’y a-t-il pas eu une libération des moeurs grâce à Mai 68 ? La gauche française n’a-t-elle pas massivement repris le flambeau de la contre-culture ? Eh ben non. Et je vais montrer que ces trois propositions sont fausses.

Mai 68 et la contre-culture, rien à voir !

Tout d’abord, les évènements de Mai 68 n’ont qu’un lointain lien avec la vague américaine de la contre-culture. Car Mai 68 n’a pas été inspiré par la contre-culture, Mai 68 a été un mouvement étudiant, marxiste et situationniste. Ca n’a aucun rapport. Ajoutons que Mai 68 n’était pas un mouvement pacifiste, c’était un mouvement violent. Il est vrai que ce mouvement a pu surprendre par son ampleur. Et pourtant, des mouvements comme Mai 68, l’histoire de France en est constellée. En France, et notamment à Paris, fer de lance de la révolution industrielle française, il y a toujours eu des agitations dans les mouvements ouvriers, teintées d’un certain anarchisme. Quant aux mouvements étudiants, ils surgissent ça et là depuis le moyen âge. On en trouve des traces dans de nombreux documents historiques dès le bas moyen âge. C’est dire qu’en France, c’est une vieille tradition ! Il ne faut trop s’en étonner. Les étudiants sont toujours partants pour monter sur les barricades et chanter des slogans révolutionnaires… La fougue du jeune âge et la désinhibition du collectif n’y sont pas étrangers… Mais de là à affirmer qu’ils comprennent toujours pourquoi ils le font, il y a un pas à ne pas franchir.

La vérité, c’est que ce n’est pas parce qu’on a fait Mai 68 qu’on était un radical de la contre-culture. La grosse masse des étudiants, et probablement des ouvriers, était là ce mois-ci à l’endroit où il fallait. Point. C’est le seul rapport qu’ils ont avec la contre-culture. Si bien que lorsque j’entend le vieux refrain, « voyez-vous tous ces soixante-huitards, voyez ce qu’ils sont devenus ? Ils sont devenus cadres ou banquiers », ça a tendance à m’énerver. Déjà, il faut préciser qu’ils ne le sont pas tous devenus… Et de toute façon, on ne peut pas leur en vouloir… Par définition, l’étudiant est un peu révolté dans son jeune âge, et il est facilement influençable - ce que les syndicats étudiants savent bien - donc, il suffit de le manipuler un peu pour qu’il se lance dans la bataille. Mais de là à vouloir absolument à ce que ça colle à ses convictions ! Croyez-vous que tous les gens vont au travail en étant convaincus qu’ils oeuvrent pour le bien de la société industrielle ? Ben non. La plupart des gens s’en foutent. Ils vont au turbin parce qu’il faut y aller ou parce que ça leur rapporte des avantages concrets. Même chose pour les soixante-huitards…

Bon bref, ni Mai 68 ni les post-soixante huitards ne peuvent se revendiquer de la contre-culture. C’étaient deux choses bien distinctes.

Le mythe de la révolution des moeurs

Cependant, on peut tout de même arguer qu’il y a eu après Mai 68 une certaine révolution des mœurs. Et puis, il y a eu beaucoup de babos qui sont partis se perdre en Dordogne et des écoles nouvelles qui ont poussé à droite à gauche. Oui, c’est vrai, mais c’est une coïncidence chronologique qui ne prouve en aucun cas la filiation de Mai 68 avec la contre-culture… Je m’explique. Tout d’abord, s’agissant de la révolution des mœurs engendrée par Mai 68, elle n’a jamais eu lieu. C’est un mythe. Il y a eu une légère évolution des mœurs, engendrée par le développement de la société industrielle, mais elle n’est pas liée à la vague de contre-culture américaine. Elle tient plutôt au développement du travail industriel, à l’arrivée sur le marché de nouvelles techniques médicales et à la déprofessionnalisation de l’« expression », liée à des facilités accrues de publication. Et quelque soit le sens qu’on donne à ces évolutions, il est faux de considérer qu’elles sont dans la continuité de la contre-culture. Le droit à l’avortement et l’augmentation des divorces sont des aspects conjoncturels et culturels qui n’entrent pas nécessairement dans la philosophie de la contre-culture. Individuellement, on peut être un adepte de la contre-culture, tout en condamnant (pour soi) l’avortement et en s’unissant à vie à la personne qu’on désire… Il n’y a rien d’antinomique. À condition que cela reste un choix individuel consenti. Mais de toute manière, cet aspect là des rapports humains n’entre pas à priori, dans le mouvement de la contre-culture. C’est trop spécifique. C’est comme si vous demandiez à un marxiste si il faut ou non se brosser les dents. Certes, j’admets qu’il est parfaitement capable de vous répondre que la brosse à dent est une arme impérialiste, mais en principe, c’est pas son domaine… Du moins pas à ma connaissance. Cela dépend d’un choix de vie…

Mais revenons à nos moutons. Avons-nous vraiment assisté à cette fameuse révolution des moeurs ? Vous pensez que oui ? Eh bien regardez un peu mieux autour de vous ! Le décor a un peu changé, certes, mais la pièce n’est-elle pas restée la même !? Fondamentalement, le modèle qui prévaut dans l’éducation, le travail, la communication (hormis depuis l’arrivée d’Internet) est un modèle hiérarchique et bureaucratique. Les deudeuches à fleur n’ont eu qu’un temps. Aujourd’hui, toutes les voitures sont grises ou monochromes (ou alors on met de la pub dessus). Les gens ne pensent plus qu’à réussir dans la société de consommation, à s’acheter une voiture, une belle baraque et partir en vacances pour pourrir des paysages ! Oui, c’est vrai, parfois, ils vont se parquer dans des camps pour se foutre à poil ! Mais est-ce vraiment une libération des moeurs ? Car pour ce qui est de montrer ses nichons sur la plage, moi qui suis du bord de mer, j’ai remarqué que de moins en moins de meufs le font. Ce que je trouve bien dommage ! Quant aux babos de Dordogne et aux écoles nouvelles, ils y en a eu certes. Mais deux remarques. Tout d’abord, les écoles nouvelles, ça existait bien avant Mai 68… Qu’il y ait eu un effet de mode avec les soixante-huitards. Peut-être. Mais en tout cas ça n’était pas une révolution ! Quant à la soi-disant évolution dans l’enseignement, personnellement, je ne l’ai jamais observé au cours de mes tristes années de prison scolaire et universitaire ! L’école reste un lieu de propagande et d’endoctrinement malsain, hiérarchique et coercitif où on apprend à courber l’échine (même chose pour la fac). D’ailleurs, il suffit de lire Ivan Illich pour s’apercevoir que le mouvement de la contre-culture ne prônait pas la généralisation des écoles nouvelles, mais plutôt la généralisation de réseaux du savoir permettant un échange mutuel, volontaire, non-coercitif et horizontal de connaissances. Ces réseaux du savoir étaient censés avoir un fonctionnement franchement différent des écoles nouvelles qui ont pullulé après Mai 68 et qui ont donné bonne conscience aux profs branchés urbains qui ont mis leurs marmaille dedans, croyant être en accord avec l’orthodoxie babos française. En fait, la révolution scolaire de la contre-culture se voulait bien plus radicale ! Comme quoi, ces petits bourgeois suiveurs n’avaient vraiment rien compris à la contre-culture…

En réalité, si ces réseaux existent aujourd’hui, c’est grâce à Internet. La contre-culture, en France, n’a rien fait pour assurer leur développement. Dernier truc : les babos. Déjà, le retour des citadins à la campagne, ça existait avant les années 1970. Faut quand même le préciser. Et puis en vérité, des babos, y en a pas eu des masses… Et comme je l’ai expliqué plus haut, beaucoup n’ont fait que singer les rites de la seconde vague de la contre-culture, c’est à dire la vague américaine, sans en comprendre la philosophie implicite. Ce sont devenus de bons petits soldats de l’orthodoxie hippie qui ont appliqué à la lettre les préceptes de leur nouvelle religion. J’en ai rencontré une comme ça, qui vit aujourd’hui dans le fin fond de la Charente-Maritime. Elle est intégrée dans un réseau de babos du coin qui se soutiennent dans ce monde d’incompris. Bon, je ne connais qu’elle, mais je sais qu’elle est bien intégrée dans son réseau de babos, elle doit donc être assez représentative. Ben si c’est le cas, c’est pas glorieux. Parce qu’elle est franchement pathétique. Le seul truc qu’elle ait gardé des hippies, c’est le côté snob (j’en suis, les autres non) et le côté tarée/droguée. Elle fume de l’herbe, fait payer (très cher) des espèces de séances de magnétisme auxquelles elle croit fermement. Elle habite à la campagne, c’est bien, mais pour elle, ça se résume surtout à balancer sans arrêt des pics sur les citadins. Puisque dans les faits, elle a mis ses gosses dans un lycée bourge de centre-ville pas loin de son trou paumé, elle ne va jamais cueillir des plantes sauvages, elle a sa voiture, son frigo et tout le confort… Bref, elle vit comme n’importe quel bouseux du coin. Et pour couronner le tout, elle s’est mariée/divorcée avec un gugusse hippie qui s’est mis à faire de l’élevage intensif de chèvres dont il revend aujourd’hui les fromages sur le marché de la ville du coin (c’est authentique !). Pour finir, plutôt que de laisser les murs à l’air libre, elle fout du placoplatre partout ! Si ça c’est être babos, alors faut arrêter le délire ! Bon, bref, le niveau culturel est là, c’est vrai, mais la contre-culture, elle, a déserté les lieux depuis longtemps. Si elle les a jamais habités…

La gauche et la contre-culture

J’en viens à mon troisième point. La contre-culture aurait perduré dans la gauche française… Alors là, c’est vraiment une récupération franchement ridicule ! C’est ridicule pour la simple et bonne raison que le mouvement de la contre-culture était un mouvement individualiste, donc par définition, rétif à toute forme d’organisation bureaucratique. Et qu’en est-il aujourd’hui de la gauche française ? Nan mais franchement, n’importe qui de sensé qui adhère à la contre-culture, s’en va en courant dès qu’il entre dans le local d’une de ces bureaucraties gauchistes - voire même anarchistes. Mais bon, je vais quand même prendre au sérieux deux minutes cette idée et voir si la contre-culture se retrouve de près ou de loin dans une des branches de la gauche française. Puisqu’en effet, la gauche française est loin d’être unifiée, elle est divisée en plein de branches différentes.

  • La gauche de droite. C’est la gauche en costard-cravate qui se positionne sur les thèmes à la mode et roule en 4×4… Naturellement, aucun lien avec la contre-culture.
  • La gauche républicaine-enseignante-socialo. C’est la gauche bien-pensante qui pleure sur Léon Blum et Jean Jaurès. Bon. Pas besoin de se fatiguer pour montrer qu’ils n’ont aucun rapport avec la contre-culture. Y a qu’à voir comment ils sont habillés et ce qu’ils pensent de l’école… Parce que le dogme républicain, la science professionnelle, la culture et l’enseignement professionnels auxquels ils adhèrent en masse, c’est antinomique à la contre-culture. Qui plus est, pour une bonne partie, être à gauche, ça signifie surtout défendre les intérêts de leur profession. Là encore, rien de contre-culturel. Je sais, c’est un peu illichien comme remarque, mais bon, le fait est là…
  • La gauche communiste. Comme vu plus haut, le mouvement de la contre-culture n’avait aucun rapport avec le marxisme et le communisme. La dictature du prolétariat, la conscientisation du peuple, l’éducation du peuple, l’accès gratuits aux ressources et services médicaux et scolaires, c’est pas franchement cool dans l’esprit de la contre-culture. Tout simplement parce que ça empêche les gens de recourir à l’auto-production et que ça permet principalement à des professions établies de défendre leurs intérêts et de soumettre les déviants à leurs vues. Bon, donc, rien à voir.
  • La gauche trotskiste, semi alternative, anar. Personnellement, dans les faits, je vois pas trop la différence avec les autres branches vues plus haut. Sur le fond, la logique est la même, même si les moyens sont peut-être un peu moins coercitifs. Encore que ça se discute…
  • La gauche chrétienne. Eh oui ! Ça existe ! Bon. Il y a déjà plus de rapport avec la contre-culture que les gauches précédentes. Notamment parce qu’ils sont plus individualistes. Jacques Ellul par exemple est bien plus proche de la contre-culture que n’importe quel gugusse du PS ou du PC. Le problème, c’est que c’est une gauche souvent très rigide, puritaine et qui nous prend franchement la tête avec le devoir de charité. De ce fait, le lien est quand même assez distant.
  • La gauche alternativo-artistico-branchouillée. C’est celle-là qui forme le gros du réseau alternatif. Pour aller vite, c’est la gauche des artistes et bobos urbains. Je vais y consacrer le chapitre suivant, donc, je ne m’étends pas trop sur le sujet…
  • La gauche écolo, alter-mondialiste. Alors là, on est quand même un peu plus près de la contre-culture. Mais le problème c’est qu’on perd le côté holiste dans une espèce de contre-culture parcellisée et rigide, où chacun fait ses trucs dans son coin. Il y a une sorte de division du travail de la contre-culture. De plus, on tombe souvent dans le dogme ou dans les problèmes des bureaucraties vus plus haut.
  • La gauche marginale. Elle est composée de gens isolés, idéalistes, qui agissent en dehors de toute structure bureaucratique gauchiste, et qui adhèrent à la philosophie de la contre-culture au prix d’une marginalité difficile à vivre - ce qui est très concret - et qui ont compris que l’application dogmatique et rigide des préceptes de la contre-culture n’était pas une fin en soi. On rencontre des gens comme ça de temps en temps, mais par définition, ils n’ont pas de point de ralliement… De plus, c’est un mouvement très, très, très minoritaire.

En bref, en France, pour conclure, n’en déplaise à notre grand chef suprême, on ne peut pas tourner la page à Mai 68, puisque Mai 68 n’a eu quasiment aucun impact sur la société française. Il n’a eu qu’un impact sur l’imaginaire des français… Et encore… A mon avis, il a surtout echauffé les esprits de la droite francaise qui se sont sentis un peu offusqués, ou bien excités, allez savoir, mais ça va pas plus loin. Dans les faits, rien n’a changé. Ou si ça a changé, Mai 68 n’y est vraiment pour rien…

La contre-culture et le réseau alternatif ou commercial de production et diffusion de biens et services culturels.

Bon, si vous avez tenu jusqu’ici, malgré le charabia que j’ai pu raconter, ça veut dire que je peux continuer mon petit délire… Donc, allons-y… ! Alors, j’ai montré dans les paragraphes précédents que Mai 68, la fameuse révolution des moeurs, les mouvements babos franchouillards et la gauche française n’avaient pas grand chose à voir avec la contre-culture. Mais il reste un petit village gaulois qui résiste à la critique… C’est le réseau alternatif. Ma quesaquo le rézo alternatif ? Eh ben le réseau alternatif, c’est une nébuleuse d’artistes, d’amateurs, de semi-professionnels qui pratiquent de la musique, de la culture ou de l’art « alternatifs »,. Alternatif, ça veut dire qui sont censés être clairement distincts de ce qui est commercial. Je sais c’est vague, mais c’est à peu près comme ça que les rézoteux alternatifs se définissent. Précisons, ils ne font pas forcément de l’art alternatif pour lutter contre l’art commercial, ils peuvent aussi le faire parce qu’ils préfèrent le post-punk-hardcore-métal-déstructuré-tango-jazz à Doc Gynéco. Et pour écouter du punk-hardcore-métal-déstructuré-tango-jazz (merci le copier-coller), il faut aller dans des concerts alternatifs. Pas le choix. Ce qui est leur droit le plus strict, je n’ai rien à dire là dessus. Le seul problème, c’est que certains ont quand même un discours assez vindicatif sur l’art commercial, et se revendiquent, au moins indirectement, de la contre-culture. Ne serait-ce que par la filiation qu’ils revendiquent entre le rock et la contre-culture. Bon, alors là, du coup, comme c’est dans notre sujet, ça va nous préoccuper quelques instants.

La question est donc la suivante : le réseau alternatif peut-il se revendiquer de la contre-culture ? Je pense que non pour deux raisons. 1. Les pratiques du réseau et la philosophie qu’il promeut sont antinomiques à la contre-culture. 2. Il n’y a pas véritablement de filiation entre le réseau alternatif et la contre-culture. J’examine les deux points successivement.

Le réseau alternatif, un marché hiérarchisé

En me fondant sur ma petite expérience, je pense qu’il est clair que le réseau alternatif s’appuie sur tout un ensemble de pratiques commerciales de base, hiérarchiques, exclusionnistes et franchement non-conviviales.

Tout d’abord, les pratiques sont globalement marchandes, même si c’est un marché qui se veut équitable. Puisque pour aller vite, la plupart des biens et services culturels qui y sont fournis sont payants. En général, pour justifier cela, on argue qu’il faut bien rémunérer les pauvres artistes qui encaissent des frais de déplacement et perdent du temps à peindre ou à faire de la musique. Mouais. Personnellement, cet argument ne me convainc pas du tout. Pourquoi ? Parce que faire de la musique, de l’art, est presque toujours un loisir et un plaisir. Par contre, l’écouter ou le regarder, pas toujours… Je veux dire par là, que celui qui en chie dans une expo ou dans un concert de musique expérimentale, c’est le consommateur. C’est pas le producteur. Et puis, c’est toujours gratifiant de se la péter dans une soirée en étant la star du moment. La preuve, ça augmente pas mal les chances de pouvoir s’enfiler une bônasse admirative qui traîne dans la soirée… Quoi qu’il en soit, est-ce que ça vous viendrait à l’idée de rémunérer le guitaro qui vient vous casser les oreilles autour d’un bon feu de plage alors que vous préféreriez écouter tranquillement le doux bruit des vagues avec votre dulcinée… ? Ben non. Et est-ce que ça vous viendrait à l’esprit de payer pour aller voir le surfeur sur la plage qui est en train de vous offrir un joli spectacle ? Ben non. Tout simplement parce que le surfeur se fait plaisir, et vous vous faites plaisir à le regarder. Ca s’arrête là. Autre exemple, trouveriez-vous normal que les organisateurs d’un rassemblement de motards soient obligés de payer les motards pour qu’ils viennent dans les rassemblements ? Ben non. Tout simplement parce que les motards le font d’eux-mêmes, avec leurs pépettes. Ils sont à égalité. Tout le monde participe au spectacle. Donc, bybye l’argument des pauvres musicos qui payent si cher leur déplacement (sinon, il faut payer tous les gens qui partent en vacances…). Parce que dans tous les cas examinés, on est dans un rapport normal, non marchand. Y’a rien à redire. Le problème, c’est que dans les squats urbains ou dans les soirées branchouillardes du centre ville, il y a des gens qui pensent différemment. Pour eux, quand ils vous détruisent les oreilles avec leur bruit inaudible, ils considèrent qu’ils accomplissent un service… Je répète pour que ça rentre bien, quand ils vous détruisent les oreilles avec leur bruit inaudible, ils considèrent qu’ils accomplissent un service (vive le copier-coller). Allez, on le répète encore une fois ? Nan pas besoin.

J’espère que vous commencez à comprendre l’absurdité du truc. Le fond du problème, c’est que ces branchouillards urbains se positionnent sur un marché. Ils vendent un service à des consommateurs. Et de là naissent tous les problèmes que l’on connaît. Car plutôt que de faire des soirées où les gens s’échangent mutuellement de la musique de manière horizontale, « j’écoute ce que tu fais, t’écoutes ce que je fais », ils mettent en place et perpétuent un système où des producteurs écoulent leurs produits et services à des consommateurs qui n’ont d’autres droits que de choisir le groupe auquel ils vont filer quelques kopeks. Ce qui a une conséquence directe : la montée des pratiques exclusionnistes et hiérarchiques. Dans la mesure où l’accès à la production procure des avantages monétaires et symboliques évidents, celui-ci est restreint et réservé à une pseudo-élite… Vous pouvez le vérifier par vous-même. À ma connaissance, toutes les assoces alternatives qui pullulent dans le réseau alternatif pratiquent un filtrage exclusionniste et hiérarchique. C’est mathématique. On peut donc comprendre pourquoi c’est si peu convivial. Ca l’est parce que derrière des trucs aussi cons et grotesques que de sélectionner un groupe, être pote avec un groupe tendance, savoir qui passera en première partie, il y a des enjeux marchands ou des enjeux en terme de classement social.

Ce que je veux dire par là, c’est que la consommation et la production de ces biens et services culturels s’inscrivent dans une espèce de milieu urbain malsain, et servent donc de repères, de signaux, dans des classements hiérarchiques entre des jeunes citadins en mal de domination. Celui qui a son assoce, qui fait passer les groupes qu’il aime, qui mange végétarien, qui cultive son potager, il est branché, il est au dessus des autres, il peut se la péter. Il le fait pas par conviction profonde, il le fait parce que ça se fait. Point. Et occasionnellement, parce que ça lui permet de bénéficier de services sexuels à faible coût… Je sais. C’est vraiment très con. Mais pourtant, c’est comme ça que ça fonctionne. Et naturellement, ça donne un truc qui n’a plus rien de convivial, puisque la moindre activité de base, jouer de la zik, faire son potager, manger des patissons imbouffables, ne pas regarder la télé, s’inscrit dans un rapport de snobisme et dans un rapport hiérarchique hyper malsain. Tout est prétexte au classement social… Certains, quand ils entrent en contact avec ce rapport hiérarchique détestable, ont une réaction de rejet bien naturelle. Personnellement, je dois avouer que quand je trainais dans le réseau alternatif bordelais, je n’ai jamais autant bouffé de ma vie au Quick, et je n’ai jamais autant regardé la télé… Je n’étais pas le seul. J’ai connu des potes largement aussi énervés que moi… Bon. Honnêtement, pour tenir plus d’un an ou deux dans un milieu comme ça, il faut aimer les rapports de domination, ou alors, être complètement insensible au snobisme urbain… Quoi qu’il en soit, pour conclure, malgré un discours avenant, le réseau alternatif est en fait plus un marché fermé et hiérarchique qu’un réseau non-marchand. Donc, aucun rapport avec la contre-culture.

La filiation du réseau alternatif avec la corporation artistique

Mais trêve de bavardage. Passons au deuxième point. Le réseau alternatif est-il le descendant de la contre-culture ? Eh bien historiquement, absolument pas. Le réseau alternatif, en France du moins, a une filiation bien différente. Il s’inscrit dans la continuité de la corporation artistique et culturelle. Ce qui est très, très, très différent. Je m’explique. Au moyen âge, les professions étaient regroupées dans des corporations parfois assez informelles. À cet époque, être un musicien, un saltimbanque, n’était pas très glorieux. Mais il n’empêche, c’était un métier avec ses rites, ses croyances, ses pratiques et tout le bataclan. C’était une profession plutôt « à gauche », plutôt rebelle, mais une profession quand même. Jacques Le Goff a écrit pas mal de trucs sur le sujet, pour ceux que ça intéresse. C’était aussi une profession qui s’inscrivait dans la machine hiérarchique et idéologique mise en place par les églises pour convertir et contrôler les fidèles. En fait, il en allait de même pour la plupart des professions « culturelles ». C’est d’ailleurs dans ce contexte que l’université naît en Europe, comme fer de lance de la professionnalisation de la culture.

Bon. Le seul problème, c’est que pour les curés, l’art, la science, la culture devaient être des trucs désintéressés, voire même gratuits. Mais cela ne voulait pas dire qu’ils devaient être non-hiérachiques et non-contraignants (imposés par la force). Nathalie Heinich montre bien d’ailleurs, qu’un peu plus tard, dans l’ancien régime, cette culture donne naissance au mythe de l’artiste « aristocratique », désintéressé, coolos, parfois ténébreux et paumé… Sur la base de ce substrat culturel, va donc se construire un modèle individuel et collectif de l’artiste cool, de gauche, désintéressé. Qu’on retrouve notamment dans la manière qu’ont les jeunes étudiants un peu gauchos de s’habiller cool. Genre pantalons larges et turban sur la tête pour les étudiantes.

Fondamentalement, cette « culture artiste » n’a pas de lien avec la contre-culture. C’est une culture branchouille, gauchisante, qui considère que les choses de l’esprit doivent être faites par des gens désintéressés - et donc, tant mieux si on a la gratuité de la culture - et compétents. Vous avez bien lu le mot qui fâche : compétents. C’est là que la différence se fait avec la contre-culture. L’art ou la culture en France, ce n’est pas un truc d’amateurs ou de paysans. C’est un truc de professionnels, de citadins éclairés et de gens compétents. Certes, il se doit aussi d’être désintéressé. Donc il est mal vu de faire de l’art exclusivement pour du pognon… Bon, mais y a juste à faire un concert pour le tiers-monde, et on se rachète une bonne conscience. Ou alors on jette quelques textes haineux sur Internet contre les groupes qui jouent dans des salles où l’entrée est supérieure à 5 euros… Comme ça, on s’imagine qu’on est du bon côté de la barrière… Mais en tous les cas, c’est ce qui explique que les professionnels et semi-professionnels de la culture sont « presque » d’accord pour que la culture soit gratuite, c’est à dire libre d’accès à la consommation, à condition qu’elle continue à être réalisée par des professionnels rémunérés, soi-disant compétents, et donc que l’accès à la production et à la diffusion soit fermé et contrôlé.

Ça, ça débouche logiquement sur un monopole radical. Seuls des professionnels sont amenés à produire un bien ou un service, en le calquant sur une orthodoxie, et à le diffuser plus ou moins de force aux consommateurs passifs et incompétents. C’est un modèle qui marche, mais c’est un modèle hiérarchique dont la dynamique est fondée sur l’inférorisation des amateurs, des consommateurs et des hétérodoxes. Celui qui ne recourt pas aux services des professionnels est un déviant. Ou encore, le pauvre hère qui veut devenir professionnel doit subir un long apprentissage scolaire, avant d’atteindre la compréhension profonde des choses profondes. C’est le cas par exemple dans l’art contemporain où celui qui ne comprend pas les délires subtils des bozardeux est un moins que rien. Bon. On pourrait analyser ce système plus en détail. Mais d’autres l’ont fait avant moi. Ivan Illich, par exemple. Donc je vais pas me fatiguer. Et puis, ce qu’il faut surtout retenir, c’est que cette « culture artiste », qu’on retrouve dans le réseau alternatif, où le désintéressement pour les choses marchandes est la norme obligatoire, n’a rien à voir avec la contre-culture. C’est deux trucs complètement différents. La contre-culture prône au contraire l’effacement entre les professionnels et les non professionnels ou toute forme d’exclusion fondée sur une hypothétique compétence. Son message serait plutôt, « vous voulez faire de l’art, de la science, de la culture, eh bien faites-en, et faites-le comme bon vous semble… ». Ben oui, c’est le minimum requis pour qu’un outil ou une pratique demeurent conviviaux… Tout cela pour dire que le réseau alternatif n’a pas prolongé la contre-culture. Au contraire, en s’en revendiquant, il l’a plutôt coulée et dogmatisée. Ce qui semble normal dans la mesure où la « culture artiste » est un héritage des appareils d’endoctrinement mis en place par la religion catholique. Dans ces appareils, la culture, l’art, les choses de l’esprit sont des outils de propagande et ils visent à inculquer des dogmes. Donc, il faut les contrôler. Quitte à les diffuser au maximum en les rendant gratuits. Rien de surprenant alors, que les apparâts de la contre-culture américaine aient muté dans le réseau alternatif français en une idéologie contraignante, intransigeante, sclérosée, où l’on clame en choeur sa haine du beauf et du riche, c’est à dire du non-converti, du déviant, de l’hétérodoxe, dans des messes pathétiques qui s’appellent des concerts…

La fin de la contre-culture ?

Bon, mais alors, la contre-culture est-elle morte, rayée de la carte par le réseau alternatif ? Heureusement, non ! Car une lueur d’espoir vient aujourd’hui de la culture libre et ouverte, et de l’Internet libre. C’est à dire du retour à la culture comme outil convivial. J’entends par là une culture d’amateurs, faite pour des amateurs, et non soumise à des corporations et des professions formelles ou informelles. Car le fait qu’aujourd’hui, chacun puisse diffuser sa propre production culturelle individuelle ou collective, sans être obligé de passer par les intermédiaires détestables et tyranniques du marché alternatif, comme les associations branchouilles ou les locaux sordides des grands centres urbains, constitue une petite révolution. Finie la tyrannie de ces intermédiaires verreux dont le seul objectif est de contrôler et de formater une pauvre assoce à deux balles ou un local miteux. Aujourd’hui, vous voulez diffuser votre art, votre musique, eh bien faites-le et boycottez ces assoces corrompues où l’on tente de reproduire les schémas désolants et dépassés de la « culture artiste ». La culture libre et ouverte, je dis bien ouverte, c’est la garantie de mettre un terme à cette culture artiste, ou tout au moins, de la laisser moisir bien gentiment dans son ghetto doré d’intellos et d’artistes précaires ou aisés, qui pourront se pavaner à loisir sur leurs compétences et leurs gouts raffinés. Ils aiment leur ghetto, eh bien qu’ils y restent ! Honnêtement, je préfère un système où l’on a d’un côté, de la vraie culture commerciale, parce qu’il en faut, avec des gros films bien chers à produire, qui passent par des circuits de diffusion bien étanches; et de l’autre, une nébuleuse non-marchande d’amateurs, qui font de la culture pour le plaisir, pour s’éclater et qui n’envisageront même pas de faire payer un concert, une projection ou une expo. Je veux dire par là qu’il n’y a que deux modèles cohérents.

  • Le modèle amateur pur. Tout le monde est au même niveau, et on fait de l’art, de la culture, ou plein d’autres trucs, juste pour s’éclater et de manière rigoureusement non-marchande. Vous pouvez alors jouer dans la rue, dans des soirées, chez vous, n’importe où.
  • Le modèle capitaliste pur. Vous faites de l’art pour le vendre sur un marché. Point. Inutile alors de mâtiner votre production artistique d’un discours anti-capitaliste vénéneux. Vous êtes un capitaliste dans votre domaine. Et c’est tout. Même si vous êtes dans l’alternatif. Parce qu’il n’y a pas de commerce de l’art qui soit équitable, comme le prétendent les excités du réseau alternatif. Soit on fait de l’art pour l’art, soit on fait du commerce.

Et je vais plus loin. Je pense qu’il faut arrêter d’opposer les deux. Chacun a sa fonction. Si certains veulent faire de l’art commercial, eh bien qu’ils le fassent. C’est leur affaire. Et d’ailleurs, ça a son utilité. Mais dans ce cas là, qu’ils ne perdent pas de vue qu’ils ne font pas de la culture libre et ouverte. Donc, qu’ils arrêtent de nous prendre la tête avec un discours gauchisant simpliste et pathétique. Si certains veulent faire de la culture libre et ouverte, qu’ils le fassent. Tant mieux. Finalement, tout le monde n’attend que ça. De la culture libre et ouverte sympa, où tout le monde peut participer, écouter ce que font les autres, danser, chanter, peindre, ou que sais-je… vivement que ça se généralise…

C’est en ce sens que je pense que l’espoir vient surtout des marginaux de gauche que j’ai évoqué tout à l’heure. Vous savez, ceux qui n’ont jamais pu adhérer à la gauche bureaucratique ou à la culture artiste, et qui ne se sont pas laissés embarquer dans les engrenages malsains du réseau alternatif. Je pense qu’il y a nettement plus de chances qu’ils aient réellement envie de pratiquer de la culture libre et ouverte. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que c’est dans leurs habitudes. Ils n’ont pas le lourd passif de la culture artiste, ou de la culture urbaine ou ouvrière, où le classement social tient lieu de guide suprême. Quand on a vécu dans la marginalité, le classement social, on a fait une croix dessus. Notamment quand on a un peu voyagé - j’entends voyager, et pas aller dans des clubs-med ou dans des circuits touristiques informels pour étudiants en mal de paysages exotiques et de sensations fortes - puisqu’on sait bien, à partir de là, que la hiérarchie sociale est relative, et qu’elle sert seulement à occuper les gens qui n’ont rien à faire de leur journée. Je pense que ce qui fait la force de la gauche marginale, c’est d’avoir compris le truc suivant. Se sentir bien parce qu’on s’est acheté des Lacoste ou parce qu’on a été voir le dernier concert de Johny Halliday, alors que d’autres l’ont pas fait, c’est franchement nul. Mais c’est peut-être encore plus pitoyable de se sentir bien parce qu’on ne porte pas de Lacoste et parce qu’on a pas été au dernier concert de Johny Halliday. Ça c’est en gros le truc du résoteux alternatif de base. Il croit être plus intelligent que les autres parce qu’il fait exactement l’inverse de ce que font les bourges ou les beaufs. Mais c’est super con, puisqu’au final, il n’a fait qu’inverser le classement hiérarchique. Alors que le but, c’est de casser le lien hiérarchique. Par exemple, il est parfaitement stupide de se dire « nature » pour aller contre l’« artificialité » assumée des bozardeux urbains. Ou alors, de dire, « ouais, moi je fais de la musique avec du matos pourri, et ceux qui font de la musique avec du gros matos, c’est des guignols ». C’est vraiment le stade ultime de la bêtise humaine. Je préfère les cons du premier degré à ces cons du second degré. Bon, enfin, là n’est pas la question. Là où je veux en venir, c’est que les marginaux de la contre-culture, ont compris depuis longtemps que l’essentiel dans la vie, ce n’est pas de vivre avec des belles serviettes, ou de brandir ses torchons en clamant qu’elles sont plus belles que les serviettes (y’en a, j’te jure !), c’est de se la couler douce, et de vivre selon ses propres principes, en fonction d’une philosophie personnelle dont il est assez aisé de délimiter les grands principes. Pas besoin de se fixer des dogmes contraignants ou une hygiène de vie épuisante, il suffit de se fixer quelques grandes lignes, un idéal de vie. Voilà tout…

Je pense que la culture libre et ouverte peut nous apporter pas mal de chose à ce niveau là. Elle peut nous ramener vers des choses normales, comme par exemple, un concert où tout le monde se plante, où les musiciens ne savent pas jouer, mais où ils participent parce qu’ils ont envie de participer et comme ils le veulent. Voilà ce que serait un vrai concert alternatif. Ce ne serait pas un concert où des fidèles se prosternent lugubrement devant l’autel sacré, et où toucher les instruments de leur idole est un crime impie ou une bénédiction divine, ce serait un gros bordel, où tout le monde jouerait dans son coin, où les musiciens s’échangeraient des disques, des idées, des projets, où un spectateur pourrait arrêter le concert quand il aurait envie d’aller aux chiottes. Ce serait un lieu convivial où l’on pourrait parler, ragasser, couchailler, fumer, dormir, se faire griller des merguez, parler de choses et d’autres, etc. Parce qu’aujourd’hui, à quoi ressemble un concert alternatif ? À une version médiocre et trashos des concerts de chambre des grands bourgeois.

Je crois qu’il est grand temps de renvoyer ces concerts dans les oubliettes. La contre-culture, à travers la culture libre, ouverte et conviviale nous montre la voie. Il y a plein de manières de renouveller tout ça et de se remettre à faire des choses intéressantes. Précision. Je ne pense pas que le marché des concerts, des expos, de la culture doive forcément disparaître, il faut qu’il subsiste. Mais il est surtout temps de lui trouver de véritables alternatives, et de veiller à ce qu’elles restent conviviales, c’est à dire qu’elles ne s’institutionnalisent pas ou ne se marchandisent pas. Grâce à Internet, aujourd’hui, de telles aventures deviennent possibles. Mais même si elles sont possibles, encore faut-il que les marginaux, qui ont gardé en eux l’âme de la contre-culture se bougent un peu les fesses pour les réaliser. La première chose à faire est peut-être déjà de commencer à réinvestir les rues et les campagnes aujourd’hui culturellement désertes, puisque toutes les ressources et les services culturels sont concentrés dans les marchés commerciaux ou alternatifs localisés dans les salles tendances ou les grands centres urbains. Je pense que c’est un bon début à une désintermédiation radicale de la culture. Car si sur Internet, la désintermédiation est aujourd’hui une réalité, ce n’est pas le cas dans la vraie vie qui devient de plus en plus morne et contrôlée par les professions établies. Bon, mais il ne faut pas baisser les bras. Nous sommes à un moment charnière. C’est maintenant qu’il faut se lancer, expérimenter. Faites du neuf, du vieux, peu importe, l’essentiel est de se marrer. Et à n’importe quel âge. La trentaine est le meilleur âge pour prendre sa guitare, son synthé ou ses caracas, et aller chanter sur les toits de sa ville. Faites n’importe quoi qui sort de l’ordinaire. Pour que l’extraordinaire devienne ordinaire. Pour que se balader à poil dans la rue en chantant du mozart devienne aussi banal que de rouler en 4×4. Filmez-vous si ça vous motive, et diffusez tout sur le Net ! Il faut que la liberté revienne dans nos contrées. Car que vaut une vie sans liberté ? Et à quoi ça sert d’être libre si on en profite pas ? C’est ça le message de la contre-culture. Et c’est aussi de dire que la vraie contestation n’est pas de lutter pour avoir ce que les riches ont, ou de faire l’inverse de ce que font les riches par esprit de contradiction. C’est de dire aux riches et aux puissants, « votre richesse, c’est une richesse de pacotille, ce ne sont que des artifices ». C’est de leur dire, « vous croyez vraiment être riche, mais je peux avoir la même chose que vous avec rien ou pas grand chose ». Un gusse se croit riche en faisant une croisière hors de prix autour du monde ? Ok, je prends mon sac à dos, je me nourris de plantes sauvages, et je fais la même pour pas un rond en auto-stop. Et en plus, je m’éclate et je rencontre plein de gens sympas ! Mais notez-bien, si j’ai envie de me faire une croisière sur un yatch, rien ne m’empêche non plus de le faire. La contre-culture, c’est aussi de dire aux riches et aux puissants, « vous pensez vraiment que l’on a envie d’avoir ce que vous possédez ? Vos diplômes, votre petit réseau pour vos tournées européennes et vos expos, ou votre grosse baraque ? Eh ben non. C’est peut-être dur à entendre, mais il y a des gens qui n’en ont pas envie, et ils ne sont pas frustrés pour autant ! Ca les intéresse pas, tout simplement. La preuve, le peu que j’ai, je le donne gratos. Pourquoi ? Tout simplement parce que ça me plaît. » Voilà le vrai message de la contre-culture. Et c’est en ce sens qu’elle est révolutionnaire. Tout comme la culture libre, ouverte et conviviale et révolutionnaire. Pourquoi ?

Parce que de la même manière que Gandhi a fait plier un puissant empire militaire par la non-violence, on peut détruire un puissant empire marchand d’une manière toute simple : en donnant gratuitement ce que les autres vendent.

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