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Principes de fonctionnement du réseau non-marchand

Auteurs: Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique)
Création de l'article: 2012
Etat de la rédaction: finalisé
Droit de rédaction: ouvert
Licence:


Création de la page: 26 décembre 2012 / Dernière modification de la page: 29 mars 2024 / Créateur de la page: Benjamin Grassineau



Résumé:


Vous voulez participer au réseau non marchand, mais ne savez pas quoi offrir ou prêter ?

Le problème vient peut-être du fait que vous vous posez la mauvaise question ;-). Ce qu'il faut se demander, c'est : qu'est-ce que je souhaite faire, qu'est-ce que j'ai envie de réaliser comme activité, sans exiger de contre-partie de la personne avec qui je vais le faire ?. Vous pouvez avoir envie de prêter, de donner, d'emprunter, de jouer aux échecs... peu importe ! La démarche, c'est de se demander "de quoi ai-je envie, sans exiger de contre-partie", et de ne pas raisonner en terme "d'offre et de demande", de "coût et de bénéfice", de "don et de réception", de "corvée et de plaisir".

Appelons cela le:

Principe de non contre-partie obligatoire

En le suivant, on s'aperçoit qu'il y a presque toujours quelqu'un qui a un souhait symétrique au notre. Je souhaite donner gracieusement mon canapé ? Symétriquement, quelqu'un en a sûrement envie et besoin, et a envie de le prendre

Seulement, on a souvent en tête qu'on aide ainsi celui à qui on donne le canapé (il est dans le besoin, il en profite, etc.). Mais tournée autrement, cette idée devient. Je souhaite me débarrasser de ce canapé qui m'encombre ? Or, quelqu'un accepte gracieusement de m'aider. Ce n'est plus vraiment vous qui aidez l'autre, mais l'inverse !!! Et c'est potentiellement pareil pour tout !! C'est ce qu'on peut appeler le:

Principe de symétrie de l'échange

Il consiste à ne pas porter de jugement sur les intentions et sur les profits potentiels liés à l'échange, voire à les ignorer. A ce stade, l'échange est juste un échange de souhaits.

Mais ce principe n'est valable qu'à la condition que l'échange soit non contraint. Sinon, si vous forcez une autre personne à réaliser une action avec vous, en lui disant que vous lui rendez service, dans un sens, vous "abusez d'elle"1. Il est assez facile d'exclure cette condition en supposant que l'échange n'a lieu que s'il y a rencontre entre deux souhaits parfaitement consentis. En fait, il faut reconnaître que ce n'est pas toujours simple dans la pratique. Certains essaient toujours de vous "forcer la main". Et cela se corse quand l'échange est déjà engagé... Il n'est pas rare qu'une fois la partie démarrée, vous "forciez" l'autre à jouer". Pour éviter cette situation, il faut rajouter le:

Principe de l'abandon libre

Il signifie juste qu'à tout moment, même si un échange est engagé, l'un peut rompre l'échange avec l'autre.

Mais supposons que les deux souhaits qui se rencontrent soient : "je souhaite donner mon canapé, et recevoir de l'argent" et "je souhaite recevoir un canapé et donner de l'argent". On est bien d'accord que dans ce cas, on est loin de l'échange non marchand. Pour parer à cette difficulté, il faut poser un principe supplémentaire qui est le:

Principe de non-conditionnalité

Il indique que lorsque vous émettez un souhait pour réaliser une action, vous ne devez pas émettre un souhait conditionnel sur une autre action qui pourrait être réalisée indépendamment de la première. Il faut poster un souhait sur une "action élémentaire", et les deux souhaits doivent correspondre à la même action élémentaire - même si les rôle au sein de l'action élémentaire peuvent diverger2.

Comment savoir si les deux souhaits sont conditionnels ? Il suffit de regarder si les deux actions souhaitées peuvent être réalisées de manière indépendante. Dans l'exemple retenu, je peux effectuer un don d'argent. C'est une chose. Je peux transférer un canapé. C'en est une autre. Les deux actions sont indépendantes. Et elles pourraient donner lieu à deux souhaits distincts.

Partant de là, on sait lorsqu'on se situe ou non dans un échange non marchand. Exemple, je veux jouer aux échecs avec une autre personne. Evidence: j'ai besoin d'elle pour déplacer les pièces. Car ces actions font partie de l'action élémentaire. Dans ce cas, il est normal, quelque part, que je souhaite que l'autre bouge les pièces ! Sinon, l'activité ne peut avoir lieu ! Les souhaits postés sur ces sous-actions élémentaires sont parfaitement légitimes, au regard d'un échange non-marchand. Et je suis aussi en droit d'abandonner l'activité si l'autre ne les bouge pas !!! En revanche, si j'oblige l'autre à me payer pour jouer avec lui, j'exige de lui quelque chose qui est "hors activité élémentaire". Car, j'aurais très bien pu réaliser l'activité mutuelle, avec ou sans lui, et sans lui demander de l'argent. Et, il faut souligner que si je le menace d'abandonner la partie s'il ne me paye pas, cela revient au même. C'est tout à fait légitime d'un point de vue marchand, mais c'est illégitime dans un échange non-marchand.

Mais imaginons désormais que pour réaliser l'activité, il faille réaliser une sous-action conditionnelle. Par exemple, engager des ressources (de l'argent, une voiture, une caméra) ou réaliser une action, comme transporter un bien d'un lieu à un autre pour le donner. Action "extérieure" à l'action élémentaire, mais pour autant, indispensable. Cette situation n'a pas encore été prise en compte, et elle pose la question de savoir : qui va s'y coller ? Il faut pour résoudre ce problème, lui appliquer le principe de non conditionnalité.

Première question à se poser: "est-ce que je peux réaliser cette action conditionnelle sans l'aide de l'autre personne ?" Si oui, alors, la question est résolue. J'aurais réalisé l'action, qu'il y ait ou non l'autre personne. C'est le cas de l'auto stop, un très bon exemple d'échange non-marchand.

Examinons un cas plus délicat. Je n'aurais pas pu réaliser l'activité si l'autre personne n'avait réalisée la sous-action conditionnelle. Alors, il faut distinguer trois sous-cas :

  1. Si une personne sur les deux aurait pu réaliser l'activité sans l'aide de l'autre, alors, c'est tout simplement un partage des rôles, ou un partage tout court. Typiquement. Une personne dispose d'une voiture, et elle prend un auto-stoppeur. Ca ne change rien, ou pas grand chose à son action. Et quand bien même, dès lors qu'il réalise son action sans exiger une action extérieure de l'autre personne, c'est tout à fait légitime au regard d'un échange non-marchand.
  2. Si les deux personnes ont besoin mutuellement l'une de l'autre pour réaliser l'activité élémentaire. Alors, il faut distinguer deux sous-cas :
  • Si l'une d'entre elles a besoin que l'autre (ou les autres) réalise avec elle l'activité élémentaire, avec les moyens dont elle dispose, pour que l'activité élémentaire ait lieu, on se situe dans un cadre non-marchand. En effet, les deux personnes se mettent d'accord pour réaliser l'activité élémentaire ensemble. C'est le cas de la partie d'échecs ou de la sortie en voile !! Ensuite, chacun met à disposition pour la réalisation de l'activité mutuelle, les ressources dont il dispose. Et il peut même l'indiquer dans ses souhaits avant de réaliser l'activité.
  • Si au moins une des deux personnes a besoin de l'autre personne pour réaliser l'action conditionnelle (et non l'activité élémentaire), et qu'elle l'exige dans ses souhaits, qu'elle pose cela comme une contrainte, alors, il n'est plus possible de parler d'échange non-marchand. Car la contre partie souhaitée doit porter exclusivement sur l'action élémentaire et non sur l'action conditionnelle. Sinon, c'est une situation de troc, ou de partage de coût (coopérative). Typiquement, c'est le cas du covoiturage. Sont exclus du réseau non-marchand, ces situation types. Et à notre avis, contrairement à une définition couramment admise, il ne s'agit pas d'échanges non-marchands.

Une des conséquences importantes de ce principe de non-conditionnalité, c'est qu'il faut exclure de nombreux services non-marchands qui sont financés par une contribution obligatoire indirecte. Pourquoi, car indirectement, l'organisation qui fournit le service m'a contraint à la financer, donc, à réaliser l'action conditionnelle de financement de son service. La liste est donc longue. Elle comprend tous les services non-marchands publics fournis par l'état (l'impôt) et ceux fournis par des organisations subventionnées par l'état, à la condition, dans le deuxième cas, que la subvention soit conditionnée à la fourniture du service (rien n'empêchant une association qui vit de subventions, de fournir un service non-marchand de manière indépendante). Exit, au passage, nombre de bibliothèques associatives3.

Ces conditions nous ont permis de délimiter ce qu'est un échange non-marchand pour une action mutuelle isolée, mais qu'en est-il pour des actions répétées ? Celles-ci posent un problème bien connu. Supposons qu'une personne m'offre gracieusement un outil, c'est bien une action non-marchande. Maintenant, si, en échange, je dois lui payer des bidules pour le faire marcher, ce n'est plus vraiment un échange non-marchand... C'est un échange marchand déguisé. D'où le

Principe de rejet des échanges marchands déguisés

Il faut faire attention. Le fait qu'une personne tire un intérêt d'un échange non-marchand est tout à fait normal. Elle peut même en tirer un profit monétaire indirect. Pourquoi pas. Le problème survient quand elle exige une contre-partie obligatoire indirecte, dont la réalisation est conditionnée à un échange non-marchand. Car on retombe alors, indirectement, dans le cadre du principe de non-conditionnalité. L'exemple le plus simple est le dealer qui donne de la drogue, avant de la faire payer !!

Pour parer à cette difficulté, il faut étendre le principe de non-conditionnalité à des actions répétées, et y ajouter un principe de non dépendance. L'échange non-marchand ne doit pas rendre une ou deux personnes dépendant d'échanges marchands (voire, dans un cadre plus restrictif, faciliter ces échanges marchands) et il ne doit pas dépendre de la réalisation d'échanges marchands.

Cela étant dit, rien n'empêche, dans l'absolu, de réaliser des échanges non-marchands pendant un certain temps, puis, finalement, de changer d'avis et de les réaliser de manière marchande. Tout va bien ! Tant que ça n'a pas créé une situation de dépendance.

Mais c'est un principe très général. Et il ne s'applique donc, dans le cadre du réseau non marchand, que pour les cas les plus flagrants. En effet, il est extrêmement difficile de savoir si une action non-marchande implique la réalisation d'une action marchande, indirectement. Mais vous pouvez quand même le garder en tête quand vous allez réaliser des échanges.

En revanche, ce principe s'applique pour les organisations qui souhaitent adhérer à l'association Anomali. Si, par leurs activités, elles contribuent à faciliter la réalisation d'échanges marchands, et en particulier d'échanges réalisés dans un cadre professionnel, elles ne peuvent adhérer à l'association.

Reste qu'établir un lien de causalité entre la fourniture d'un service non-marchand et la fourniture d'un service marchand n'est pas toujours aisé. C'est pourquoi l'entrée dans l'association pour les organisations relève d'une prise de décision collective prise sur le mode du consensus.

1 Au passage, c'est ce que font nombre d'associations de "bienfaisance" oeuvrant pour le développement, l'aide aux démunis, la construction d'école, etc.

2 Par exemple : apprendre (enseigner) et apprendre (s'instruire) ont la même signification en français, conduire/être conduit

3 Reste une difficulté. Supposons que je ne paye pas d'impôt... En ce cas, il faut à mon avis réfléchir, non plus en terme de personne individuelle, mais en terme d'entités collectives : l'ensemble des usagers, d'un côté, le régulateur public. Entre les deux, il y a bien échange contraint (et non échange marchand...), donc il n'y a pas échange non-marchand. Pour que je puisse vraiment dire que je suis hors échange contraint, il faudrait que je me désolidarise complètement des personnes imposées. Pourquoi pas, cela dit...



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