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Mode d'emploi d'une étincelle

Auteurs: Laure et Henri (voir aussi l'historique)
Création de l'article: 2015
Etat de la rédaction: finalisé
Droit de rédaction: ouvert
Licence: Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 24 janvier 2016 / Dernière modification de la page: 29 mars 2024 / Créateur de la page: Benjamin Grassineau



Résumé: Article collectif visant à définir ce qu'est une étincelle. Avec la participation de Henri.






Une étincelle, c’est quoi ?

C’est une séance réunissant quelques personnes, durant laquelle chaque participant exprime ses besoins-nécessités-souhaits-envies-etc., ainsi que les services ou choses qu’elle peut proposer aux autres.

Une sorte de « Le bon coin » près de chez soi ?

Pas du tout !

Car :

  • Les personnes sont présentes.
  • Il ne s’agit pas seulement de demander ou de proposer : il s’agit des deux.
  • Et il ne s’agit pas que d’une seule chose, ou d’un seul service : chacun fait devant les autres la liste de ce qu’il veut offrir ou recevoir.

Ces choses ou services ont un prix ? et même peut-être une monnaie spéciale ?

Si le donneur et le receveur décident que c’est gratuit, c’est gratuit.

S’il y a un prix, c’est dans la monnaie qu’on veut, mais pas dans une monnaie spéciale.

Ce sont des échanges, alors ? par exemple « cours d’espagnol contre taille de rosiers » ?

Eh bien non : vous pouvez obtenir un service sans contrepartie à l’égard de celui qui vous le rend, ni vers qui que ce soit d’autre.

Bon, ce ne sont pas des échanges ; c’est quoi alors ?

C’est du don. Vous pouvez donner ce que vous avez qui vous encombre, ou ce qui pourrait faire l’affaire de quelqu’un d’autre. En entendant les besoins des autres, vous pouvez décider de proposer quelque chose que vous avez et que demande un autre participant durant la séance.

Du don ? mais quel intérêt ?

L’intérêt de donner. Si vous n’avez pas souvent l’occasion d’être généreux, en voilà une !

Mais si vous préférez vendre et que l’autre personne en est OK, vous vendez. Un seul « instrument de mesure » y a sa place : le sentiment d’équité découlant du degré de satisfaction, qu’on est d’ailleurs invité à sentir et à exprimer.

Bon, on voit un peu le principe. Mais comment ça se passe ?

Ça commence par la proposition que fait une personne, par exemple, à une ou deux ou cinq ou six personnes de réaliser une Etincelle : des personnes qu’elle connaît, ou des personnes qu’elle voudrait mieux connaître, ou qu’une des personnes invitées connaît. On peut aussi inviter de parfaits inconnus, pourquoi pas ?

On décide du lieu, de la date et de l’heure du début ; il vaut mieux estimer aussi l’heure de fin de la séance : ça dure plusieurs heures !

Plusieurs heures ?

Avant d’avoir expérimenté, on a peine à y croire, mais la réalité est là…

Et que fait-on durant une séance ?

Primo, un temps est consacré à ce que chacun identifie pour lui-même les besoins-nécessités-souhaits-envies qu’il ressent. Et chacun examine aussi les choses ou services qu’il peut proposer à d’autres, dans tous les domaines (matériel, psychologique, financier, spirituel) et de tous les points de vue: personnel, familial, professionnel, communautaire. On note tout ça par écrit.

Dans les faits, une demi-heure n’est pas de trop pour cette partie de l’Etincelle.

Une demi-heure ?

Comme, fort heureusement, nous n’avons pas en permanence ces préoccupations à l’esprit, ça prend un peu de temps d’en établir la liste.

Si ça peut aider, on peut proposer de l’établir par catégories : la chaleur humaine, la santé, l’espace où je vis, les déplacements, la contemplation, mes compétences ou celles que je recherche, les choses, l’argent, etc.

Puis, chacun, tour à tour, prend le temps de dire aux autres ce qu’il a noté.

Et chacun note ce qui est dit par chacun des autres, sans interrompre la personne qui s’exprime.

Il n’est pas rare que, en prenant tout le temps qu’il faut, chacun s’exprime ainsi durant une demi-heure. C’est un fort temps de parole et d’écoute.

Pour engager le tour de table, la personne qui a pris l’initiative de la séance peut prendre la parole la première.

Il n’y a pas de présentation pour commencer ?

Ce n’est pas idéal de commencer par une présentation ordinaire, où chacun dirait sa profession, sa situation familiale, etc. (en omettant d’ailleurs généralement de dire quels sont ses revenus : c’est tabou, ça !!!)

Dans une étincelle, on n’est pas un CV. Et on n’est pas là non plus pour tirer parti des autres. L’identité de chacun apparaît suffisamment à l’écoute de ses offres et demandes, et c’est bien mieux !

Ensuite ?

Un second tour peut être décidé ; par exemple pour énoncer des demandes ou propositions dont le souvenir est venu en écoutant les autres.

Vient alors le moment où tout le groupe va dialoguer avec une première personne : mieux comprendre ses offres/demandes, proposer d’y répondre, orienter vers des personnes qui pourraient y répondre, etc. « Ben, moi j’ai vu que tu avais besoin de ça, je peux t’apporter ça, je peux t’aider à approfondir ça, est-ce que tu peux m’expliquer ça, je connais quelqu’un qui peut t’aider sur telle ou telle demande, et ainsi de suite. » C’est un moment assez magique où on reçoit l’énergie de tout le monde sur ce que soi-même on a envie de faire : on se sent reliés sous cette forme où l’autre a vraiment écouté ce dont j’avais envie et a vraiment envie de m’avancer sur ce qui me tient à cœur : comme l’autre, inversement, a dit ce dont il a vraiment envie, ça vibre suffisamment pour que moi je sente que l’énergie de l’aider dans son avancement, et donc spontanément ça crée plein de liens de générosité.

Puis, même chose avec une seconde personne.

Et on fait le tour des présents.

Avant de clôturer la séance, retirer une offre ou une demande que l’on a faite est encore possible.

Puis, on prend les numéros de téléphone, les agendas, etc. tout ce qui va permettre de concrétiser ce qui n’est pas concrétisé sur le moment. Et on se dit aussi quelques mots – pas plus ! - sur ce qu’on a ressenti, ce qu’on a découvert, ce qui nous a troublés, etc.

Ça se passe où ?

Mieux vaut que ça se passe dans un lieu favorisant l’empathie. Une salle de maison de quartier ou un bistrot ne sont pas l’idéal. Quand ça se passe chez quelqu’un, c’est mieux.

Et ça donne des résultats ?

Dans les faits, on est toujours très étonné de la manière dont chacun y trouve des solutions, parfois tout à fait inattendues.

Pour que les choses aient plus de chances de se concrétiser, c’est pas mal que chacun ait noté les besoins et les offres de chacun des autres ; les solutions peuvent se présenter des semaines ou des mois plus tard !

Et c’est encore mieux si chacun a bien noté les engagements qu’il a pris à l’égard de chacun des autres, afin de s’en souvenir !

Au fond, l’intérêt de l’Etincelle, c’est que ça crée des liens entre les personnes.

Oui, comme le font les SEL, par exemple. Mais, ici, il n’y a aucune organisation centralisée, aucun planning d’activités, aucune appartenance.

Une fois qu’on a participé ne serait-ce qu’une fois à une Etincelle, on est à même d’en organiser soi-même. C’est une façon de faire qui peut se répandre très largement, très librement.

Pourtant, il ne suffit pas qu’on l’ait vécu une fois pour avoir envie de le refaire. Même des gens qui fonctionnent déjà beaucoup comme ça au quotidien ne se sentent pas forcément portés à en organiser… Il est souhaitable d’être, en plus, persuadé que ça peut fonctionner à grande échelle.

C’est donc une vraie concurrence aux supermarchés !

Il s’agit, en effet, de remplacer le réflexe « Je devrais acheter ci ou ça » par « Je devrais demander ci ou ça ». A ce stade embryonnaire, les hypermarchés n’ont pourtant pas grand-chose à craindre de la propagation des Etincelle ! Oui, nous sommes sous l’emprise massive des marchandises que le système doit nous vendre s’il veut subsister ; pratiquer autrement, c’est tenter de s’affranchir progressivement de cette emprise, mais il y faut le temps…

A l’occasion de cette distance qu’on prend avec « acheter, encore acheter, toujours acheter », il se produit chez les participants une découverte d’un autre mode d’existence : « S’écouter prendre racine en soi, et voir se dessiner des chemins entre nos îles, surgir un archipel tissé de nos vies et, sans chaînes, généreusement, briller des étincelles de chaleur humaine. »

Besoins, nécessités, souhaits, envies, c’est bigrement large !

En participant à une Etincelle, en exprimant ce qu’on éprouve le besoin de recevoir, de donner, de partager, dans tous les domaines sans se mettre de barrières thématiques, on peut prendre conscience de tout ce qu’on veut faire sans quelquefois oser nous l’affirmer à nous-même, tout ce qu’on voudrait réaliser : ça peut inclure toutes les sphères matérielle, spirituelle, psychologique et même financière.

Nous n’avons pas que des « besoins » ! Même nos envies sont nous-mêmes, non ? C’est pourquoi parler d’une concurrence avec le commerce est tout à fait insuffisant. Dans une écoute chaleureuse, nous pouvons « reprendre pied » et être plus conscient de ce que nous sommes en réalité.

Ça va donc bien au-delà d’une bourse d’offres et de demandes !

Laure, qui a initié ce processus :

« On est un peu formatés à séparer les offres et les demandes : or, pour moi, ce n’est là qu’une habitude de la logique marchande des choses qui a besoin d’un donneur et d’un receveur. Cette logique va à l’encontre du bonheur de chacun, parce que pour moi les plus fortes intensités de bonheur – et je compte en vivre le plus souvent possible – ce sont les moments où il n’y a pas de ressenti de donneur ou de receveur. La chose n’est pas aboutie tant que je ressens en donneur et un receveur : quand cette perception se dissout, il y a encore plus de bonheur à recevoir. »

Ça existe depuis quand ?

Ça a démarré en Guadeloupe, limité à un groupe qui s’est dissout depuis. En métropole, depuis un an et demi, il y a eu une vingtaine d’Etincelle, réunissant de 2 à 10 personnes, des jeunes et des vieux et même de jeunes enfants.

Ça veut dire que des groupes se sont formés ?

Une vingtaine de séances ont eu lieu, mais il n’en a pas résulté des groupes constitués. Ce n’est d’ailleurs pas le but.

Pour reprendre l’expression un peu mystérieuse de Laure : « La forme normale de l’Etincelle est la forme dissoute ». Autrement dit, le but des séances est d’activer les capacités de générosité de chacun, mais il n’y a aucune raison de restreindre aux séances elles-mêmes ces capacités que nous avons !

En participant à une ou plusieurs Etincelle, chacun entre en relation avec une personne, deux personnes, plusieurs personnes. Il y a un sentiment de confiance dans une manière de fonctionner, mais ce n’est pas un sentiment d’appartenance à un groupe qui se doit fidélité, ave engagement horaire ou des choses comme ça.

Quels risques ?

D’abord, le « risque » de donner, de recevoir, de partager : toute nouvelle relation présente un risque...

Il y a aussi, bien sûr, le risque que les engagements ne soient pas tenus.

Mais il existe encore un risque très particulier : comme c’est quelque chose qui génère beaucoup d’enthousiasme à chaque fois et d’un coup, suivant l’univers relationnel dans lequel on est jusqu’alors, certaines personnes peuvent être assez déstabilisées parce que c’est une grosse porte de possibles qui s’ouvre. Il peut être difficile de parvenir à faire le pont entre ce qu’on a vécu jusqu’à présent et ce qu’on vit sous forme facilitée dans l’Etincelle.

Des profiteurs ?

Chacun est garant de son propre sentiment d’équité. Ce n’est pas une instance extérieure, ni non plus une pratique commune qui décide de la justesse des choses, c’est « moi, comment je sens les choses », et « l’autre partie, comment elle ressent les choses ». Cette manière de mesurer qui peut d’ailleurs varier au cours du temps de l’échange.

C’est une révolution ?

Laure :

« Je suis partie de mes propres observations de ‘Comment je fonctionne moi-même’, et ‘Comment les êtres humains fonctionnent entre eux spontanément dans les échanges’. Bien sûr, la plupart du temps, les gens ont l’impression que ce mode de fonctionnement ne peut être que marginal. Donc, ils n’osent pas affirmer que c’est comme ça que les choses fonctionnent au mieux, …même si c’est ce qu’ils préfèrent.

Les gens n’osent pas le dire parce que c’est complètement discrédité. C’est-à-dire qu’il faut – et c’est ce que tout le monde fait – passer son temps à faire fonctionner le système marchand pour que les choses soi-disant, à grande échelle, les choses marchent :à la rigueur, on concède que, de manière marginale, on peut fonctionner comme ça mais c’est pas ça qui tient le filet.

Et si c’était l’inverse ? Ce qui fait qu’on continue à se sentir vivants c’est qu’on fonctionne quand même un peu au moins comme ça ; on pourrait donc se sentir encore plus vivants si on fonctionnait carrément comme ça, si notre culture nous y poussait. »



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