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Orthodoxie et hétérodoxie en économie Auteurs: Benjamin Grassineau et autres wikipédiens (voir aussi l'historique) Création de la page: 27 mai 2016 / Dernière modification de la page: 18 février 2025 / Créateur de la page: Benjamin Grassineau
Résumé: Origine de l'article : Wikipédia <https://fr.wikipedia.org/wiki/Orthodoxie_et_h%C3%A9t%C3%A9rodoxie_en_%C3%A9conomie>
Pour cet économiste, et pour bien d'autres, il existe donc de fortes disparités et inégalités dans le champ de la science économique, qui se structurent autour de divers débats idéologiques. Comme par exemple, le débat entre les économistes marxistes et les économistes néolibéraux, le débat entre les post-keynésiens et les théoriciens de l'école néoclassique ou le débat entre les partisans de l'école autrichienne d'économie et les partisans de l'école néoclassique2. Ces clivages conduisent à une situation où une majorité d'économistes (orthodoxes) adhèrent à un paradigme dominant (pour l'essentiel le paradigme néo-classique) et où des économistes numériquement minoritaires adhèrent à des paradigmes dominés (les hétérodoxes). En épistémologie, on peut dire qu'il y a une séparation entre orthodoxie et hétérodoxie lorqu'une théorie ou un paradigme acquiert une place prépondérante et dominante au niveau institutionnel au point de marginaliser les autres. Cette distinction n'est pas limitée à la science économique, elle existe également dans d'autres disciplines. On parle ainsi de Physique standard pour désigner la théorie qui fait consensus chez les physiciens, par opposition à d'autres théories ou approches plus marginales3. Pour comprendre les différentes positions des orthodoxes et des hétérodoxes en économie, et les origines de cette structuration du champ économique, il faut alors analyser cette distinction dans le cadre d'une épistémologie de la science économique. Fondements de la distinctionSelon la définition la plus courante, l'économie, en tant que domaine de la connaissance scientifique, est l'étude des activités visant à procurer aux individus des biens et des services qui leur apportent une certaine satisfaction de leurs besoins. On peut également la définir, dans une approche moins fonctionnaliste, comme l'étude de la production, de la distribution, et de la consommation des biens et des services. De telles définitions laissent le champ ouvert à des approches très diverses qui peuvent être contradictoires et complémentaires, tout en permettant des recoupements. Dès lors, la diversité des approches, même au sein d'un paradigme commun, rend assez relative et conventionnelle la distinction entre économistes hétérodoxes et orthodoxes. Cette classification va dépendre de « l'état » de la pensée économique à un moment donné ; elle est plus ou moins « floue », et elle peut varier de manière significative au cours du temps. Car elle s'appuie en grande partie sur des opinions et des croyances, sur des typifications qui traversent une discipline, et qui sont inscrites dans un contexte politique, scientifique et économique particulier. En d'autres termes, la distinction est historicisée et socialement construite. Mais il n'en demeure pas moins qu'elle est très présente dans divers ouvrages d'économie, et qu'elle et très fréquemment utilisée par les sociologues et les économistes dans le discours qu'ils produisent; ceci aussi bien dans le discours formel (publications, manuels...), que dans le discours informel (congrès, discussion entre collègues...). On peut alors repérer quelques traits communs aux deux ensembles paradigmatiques visés par cette distinction. Position orthodoxeAujourd'hui, l'économie orthodoxe inclut les économistes qui adhèrent à certaines hypothèses ou méthodes de la micro-économie standard ou de la théorie néo-classique, et des théories qui en sont dérivées. Parmi celles-ci :
Position hétérodoxeÀ l'inverse, les économistes hétérodoxes développent des réflexions qui incorporent davantage d'éléments théoriques et empiriques. Il existe plusieurs hétérodoxies. Mais elles ont toutes en commun d'insister, chacune à leur manière, sur certaines faiblesses de l'orthodoxie économique. Ainsi, elles mettent en exergue les points suivants (voir Alain Gélédan, 1988) :
Tous ces points échappent aux approches microéconomiques néoclassiques qui se focalisent surtout sur l'équilibre de long-terme (modèles d'équilibre général ou partiels), et la structure des marchés (économie industrielle). C'est pourquoi les approches hétérodoxes présentent un intérêt évident pour comprendre le fonctionnement de l'économie. Comme le fait remarquer Alain Gélédan 9: Les hétérodoxes sont des éléments indispensables d'une connaissance des bases de l'économie. Ils défrichent souvent des champs de la connaissance qui sont mal intégrés par les écoles aux solides ancrages. Ainsi, ils permettent de trouver des réponses à des questions qui seraient sans eux des déserts pour la connaissance (...). Ils font progresser les théories dominantes en mettant en évidence des questions qu'elles intègrent mal. Causes et conséquences de la domination de l'orthodoxie en économieFacteurs déterminants dans la domination de l'orthodoxieIl existe deux opinions opposées. Elles renvoient indirectement à un débat épistémologique. Position des orthodoxesPour les économistes orthodoxes, la supériorité de l'économie néo-classique vient du fait qu'elle décrit et explique mieux le fonctionnement de l'économie que les approches hétérodoxes. Cette opinion s'appuie sur une position épistémologique internaliste, dont l'un des principaux représentants est Karl Popper. Trois hypothèses sont sous-jacentes à cette démarche.
Dès lors, il n'y a pas lieu de distinguer entre hétérodoxie et orthodoxie en économie. En effet, pour les économistes orthodoxes, la science économique est une science cumulative. Peu importe que les théories soient orthodoxes ou hétérodoxes, ce qu'on étudie et ce qui importe, c'est la validité des propositions scientifiques (ou vérité-correspondance), en dehors de toute considération idéologique. En fait, lorsqu'une théorie est jugée de manière académique comme moins « mauvaise » qu'une autre, ceux qui s'attachent aux anciennes théories le font, selon les orthodoxes, pour des motifs non scientifiques. Les économistes orthodoxes suggèrent en effet qu'ils refusent d'adhérer à ces nouvelles théories parce qu'ils sont conservateurs, ou qu'ils refusent de se plier aux faits, qu'ils agissent par idéologie, qu'ils sont dans l'ignorance, etc. Ce type d'arguments a été regroupé par Albert O. Hirschman sous l'appellation de rhétorique réactionnaire. 10 Par exemple, la théorie de la valeur économique a suivi une progression chronologique : à la théorie de la valeur-travail a succédé la théorie de l'utilité cardinale, puis celle de l'utilité ordinale. Chaque théorie a alors apporté des améliorations à la compréhension de la valeur, et a rendu les plus anciennes obsolètes. Par conséquent, ceux qui continuent à croire à la théorie de la valeur-travail sont dans l'erreur. Et ils le sont la plupart du temps pour des raisons idéologiques, tels les marxistes qui refusent d'admettre que la théorie de la valeur-travail est fausse, car cela ébranlerait leurs convictions. Position des hétérodoxesLes économistes hétérodoxes, ainsi qu'une partie des spécialistes en sciences sociales et en philosophie - toutes disciplines confondues - adoptent des positions plus critiques vis à vis de l'orthodoxie économique. Selon eux, non seulement la supériorité de l'orthodoxie économique n'est pas évidente, mais de plus, elle a une origine bien différente de celle qui est suggérée par les tenants de l'économie orthodoxe. Cette position est toutefois loin d'être homogène. On peut, en simplifiant, distinguer trois points de vue distincts au sein même de l'hétérodoxie économique. Position relativisteDans une optique relativiste, les causes de la domination de l'orthodoxie sont à rechercher dans le fonctionnement de la communauté scientifique et dans les valeurs ou croyances qui animent les chercheurs. D'une part, les facilités de publication et d'accès aux postes au sein des paradigmes dominants, et le conformisme des économistes peuvent créer un « effet boule de neige » qui favorise les paradigmes déjà en place. D'autre part, les convictions des économistes sont avant tout un problème de valeurs. Certains économistes croient à la supériorité de l'orthodoxie - d'autres non - pour des motifs très variés. Ils adhèrent à un point de vue car ils ont de bonnes raisons d'y croire, ou de faire semblant d'y croire, et on ne peut guère aller au delà de cette observation. On ne peut que respecter leur opinion, et constater que certaines idées sont plus répandues que d'autres - probablement parce qu'elles sont plus attractives et mieux diffusées, ce qui expliquerait l'inégalité entre les courants. Il n'y a donc pas de hiérarchie objective des théories économiques. L'économie néo-classique avance, en fonction de ses propres critères de validation scientifique, tout comme le font l'économie marxiste et le keynésianisme chacuns de leur côté. Il existe plusieurs traditions de pensée qui co-existent, et les raisons du succès d'une tradition sont très complexes, voire aléatoires. De plus, comme chaque tradition se positionne à des niveaux de réalité différents, il y a incompatibilité entre les paradigmes. Ainsi, la tradition holiste, défendue par John Maynard Keynes, est incompatible avec la tradition néo-classique, mais toutes deux ont leur part de vérité, dans la mesure où elles se conforment à leurs propres critères de validation scientifique11. Si l'économie néo-classique est aujourd'hui dominante, c'est donc avant tout le résultat d'un effet de « mode ». Mais cela n'implique pas pour autant qu'elle soit un courant de pensée « meilleur » que les autres. À preuve, la période des années 1960 a été marquée par un engouement certain pour le keynésianisme et la macro-économie. Puis la mode a changé au cours des années 1980, faisant la part belle à la microéconomie. Mais il existe encore aujourd'hui des économistes qui continuent à croire dans les vertus théoriques et empiriques du keynésianisme. Simplement, ils sont quantitativement moins nombreux et occupent des postes institutionnels moins bien placés. Pour autant, cela n'implique pas que leur point de vue soit inférieur à celui des économistes orthodoxes. Position externalisteLa domination de l'orthodoxie économique trouve son origine dans des problèmes de légitimisation du savoir qui s'insèrent dans un contexte politique et socio-économique et la frontière entre hétérodoxie et orthodoxie fluctue en fonction du contexte social, scientifique, économique et politique. Car en légitimant certains aspects et méthodes, ou certaines branches de l'économie, en leur conférant un statut d'orthodoxie, on favorise les politiques économiques qui s'en inspirent. Une telle position s'appuie implicitement sur deux hypothèses, qui forment toutes deux la base d'une position externaliste. La première n'implique pas nécessairement la seconde. Explication en sociologie de la connaissanceTout d'abord, première hypothèse, une position orthodoxe n'est jamais assurée, et pour assoir sa domination, un courant de pensée doit légitimer sa supériorité. Dès lors, tout un ensemble d'outils de légitimation institutionnelle (prix, postes clefs, parutions d'articles, ouvrages de référence, manuels scolaires, etc.), ayant un caractère plus ou moins coercitif, vont être utilisés pour favoriser (ou défavoriser) l'orthodoxie en place. Un sociologue constructiviste comme Pierre Bourdieu (2001) explique alors l'argumentation orthodoxe, en supposant qu'elle résulte de le structuration du champ économique. Selon lui, les dominants (les orthodoxes) essaient de légitimer leur conception de la science en la naturalisant (neutralité axiologique et apparence scientifique), « Les dominants imposent de facto comme norme universelle de la valeur scientifique des productions savantes les principes qu'ils engagent eux-mêmes consciemment ou inconsciemment dans leurs pratiques, notamment dans le choix de leurs objets, de leurs méthodes, etc. (...) leur propre pratique devient la mesure de toutes choses, la bonne manière faire qui tend à discréditer les autres manières » (Idem, 2001, p 124), ils « sont en mesure d'imposer, souvent sans rien faire pour cela, la représentation de la science la plus favorable à leurs intérêts, c'est à dire la manière convenable, légitime, de jouer et les règles du jeu, donc de la participation au jeu », (Id., 2001, p 73), et pour cela, ils doivent masquer l'origine des règles du jeu qui les avantage dans le rapport de forces qu'ils ont progressivement constitué (et c'est à la sociologie critique de mettre à jour ce mécanisme de censure). Au contraire, les hétérodoxes tentent de contester les instruments de légitimation de la science, « Les révolutionnaires, au lieu de se contenter de jouer dans les limites du jeu tel qu'il est, avec ses principes objectifs de formation des prix, transforment le jeu et les principes de formation des prix », (Id., 2001, p 125). Par conséquent: La définition de l'enjeu de la lutte scientifique fait partie des enjeux de la lutte scientifique. Les dominants sont ceux qui parviennent à imposer la définition de la science selon laquelle la réalisation la plus accomplie de la science consiste à avoir, être et faire ce qu'ils ont, sont ou font. C'est parce qu'il en est ainsi que l'on se heurte sans cesse à l'antinomie de la légitimité : dans le champ scientifique comme ailleurs, il n'existe pas d'instance à légitimer les instances de légitimité. (Id., 2001, p 126). Par exemple, la domination de l'économie orthodoxe est accentuée par le fait que la plupart des attributions du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel ont été faites à des économistes néo-classiques ou classico-keynésiens, réputés pour la technicité mathématique de leurs travaux, et bien souvent libéraux. Or, le Prix de la Banque de Suède est la récompense la plus prestigieuse en économie. On peut dire qu'il « donne le ton » à cette discipline12. Ensuite, deuxième hypothèse, il existe un lien entre théorie économique et politique économique. Pierre Bourdieu (1998) a ainsi soutenu l'idée selon laquelle la domination de l'orthodoxie économique, et les théories économiques, étaient déterminées par des facteurs politiques et idéologiques. Il a justifié sa thèse avec une panoplie de recherches théoriques et empiriques très pointues. Son raisonnement s'appuie sur les points suivants :
C'est pourquoi Pierre Bourdieu (1998), dans l'optique d'un structuralisme génétique et d'un engagement politique antilibéral, déclare que le discours dominant est orienté vers « la mise en pratique d’une utopie, le néolibéralisme, (...) convertie en programme politique (...) qui, avec l’aide de la théorie économique dont elle se réclame, parvient à se penser comme la description scientifique du réel (...) Cette théorie tutélaire est une pure fiction mathématique, fondée, dès l’origine, sur une formidable abstraction : celle qui, au nom d’une conception aussi étroite que stricte de la rationalité identifiée à la rationalité individuelle, consiste à mettre entre parenthèses les conditions économiques et sociales des dispositions rationnelles et des structures économiques et sociales qui sont la condition de leur exercice. (...) cette « théorie » originairement désocialisée et déshistoricisée a, aujourd’hui plus que jamais, les moyens de se rendre vraie, empiriquement vérifiable. En effet, le discours néolibéral (...) est un « discours fort », qui n’est si fort et si difficile à combattre que parce qu’il a pour lui toutes les forces d’un monde de rapports de forces qu’il contribue à faire tel qu’il est, notamment en orientant les choix économiques de ceux qui dominent les rapports économiques et en ajoutant ainsi sa force propre, proprement symbolique, à ces rapports de forces. Au nom de ce programme scientifique de connaissance, converti en programme politique d’action, s’accomplit un immense travail politique (dénié puisque, en apparence, purement négatif) qui vise à créer les conditions de réalisation et de fonctionnement de la « théorie » ; un programme de destruction méthodique des collectifs. » ExemplesA l'appui de cette deuxième hypothèse, les historiens ont montré l'existence, depuis les physiocrates, d'un lien étroit (et réciproque) entre la pensée économique et les appareils politiques. L'économie fut parfois nommée la science du prince... Pensons aussi au lien étroit entre la science économique marxiste et les régimes communistes. Plus récemment, le courant alter-mondialiste suggère que la domination de l'économie néo-classique au cours des années 1980 et des années 1990 sur l'échiquier de la pensée économique a eu une influence sur les prises de décision politiques des différents gouvernements, ou des organisations internationales comme le FMI ou la Banque Mondiale13. Mais la question reste de savoir si ce sont les changements de direction des politiques économiques qui affectent la science économique, ou l'inverse. Un exemple classique du lien entre théorie économique et politique économique est le problème de la neutralité de la monnaie. Pour les économistes néo-classiques, l'accroissement de la masse monétaire n'a pas d'impact sur l'économie, hormis une inflation temporaire. Ils appuient cette idée sur la théorie quantitative de la monnaie. De plus, le déficit budgétaire est néfaste car il crée un effet d'éviction. Quant à l'effet multiplicateur, il est nul si les agents ont des anticipations rationnelles. Il faut donc le limiter (laissez-faire et politique de rigueur budgétaire). Or, ces théories ont débouché sur des politiques économiques concrètes en inspirant la BCE. Pourtant, les keynésiens affirment au contraire qu'une relance budgétaire ou monétaire a un impact positif sur la croissance économique (multiplicateur budgétaire et monétaire), et stabilise l'économie. Une politique désinflationniste favorise en outre les épargnants (leur capital conserve sa valeur) et défavorise les emprunteurs, ce qui rend plus difficile l'accession au capital, et accroît en conséquence les inégalités sociales. Au final, il s'agit donc bien d'un problème politique. Position de « l'anti-économie »Nombreux sont les auteurs qui aujourd'hui rejettent de manière radicale la plupart des apports et des méthodes de l'économie néo-classique. On peut les regrouper par soucis de simplification, dans la catégorie de « l'anti-économie ». Il existe deux types de points de vue.
Remarquons que ces points de vue sont comptatibles avec une position internaliste et une démarche scientifique. En effet, l'économie orthodoxe est rejetée, non pas parce qu'elle ne permet pas de prendre de la distance par rapport à une méthode scientifique rigoureuse (argument que tiendrait une pseudo-science), mais au contraire pour son manque de pertinence scientifique, et pour le manque de robustesse de ses hypothèses de départ15. Les critiques proviennent donc souvent de disciplines dont la scientificité n'est pas mise en doute, comme par exemple l'anthropologie économique ou les sciences cognitives. Conséquence de la domination de l'orthodoxie néo-classiqueOn peut en noter trois :
Quel avenir pour l'orthodoxie ?Ce mouvement contre la domination de l'orthodoxie néo-classique tranche avec la période des années 1960, années fastes du keynésianisme, duradurant lesquelles l'État-providence était tout puissant. L'orthodoxie penchait alors très nettement du côté des keynésiens. Ceci suggère que l'évolution de la pensée économique suit un cheminement plus ou moins imprévisible. Dès lors, si l'orthodoxie se déplace au gré des modes et des impératifs socio-politiques, il se pourrait que la microéconomie néoclassique, même si elle occupe aujourd'hui le haut du pavé, subisse un jour le même destin que la macroéconomie keynésienne. Mais reste à savoir quelle hétérodoxie deviendrait alors la nouvelle orthodoxie, et si le contexte permettrait qu'une telle distinction soit toujours d'actualité. Même si il s'agit de pures spéculations, on peut imaginer trois scénarios possibles.
Quelques hérésies fondatricesCertaines hétérodoxies ont acquis une notorioté d'envergure en sciences économiques, on parle alors d'hérésie fondatrice. Nous en énumérons ici quelques unes.
Notes1 On trouve cette interprétation de la pensée de John Galbraith dans une phrase tirée d'un article de Jamie Morgan, Le monde à l'envers de l'économie néo-libérale. ⇑ 2 Le débat entre ces deux écoles, moins médiatisé que le débat entre les marxistes et les néolibéraux, donne pourtant lieu à de vives controverses. Par exemple, Pascal Salin dans un article paru en 2000 dans le Québécois Libre, Instaurer le pluralisme dans l'enseignement de l'économie, dénonçait le monolithisme de l'enseignement de l'économie dans les universités françaises ⇑ 3 Actuellement il existe ainsi un débat entre les partisans du Big-Bang, largement majoritaires, et ceux qui s'y opposent. Sur certains aspects, il s'apparente à celui qui existe en économie, même si les enjeux sont tout à fait différents. Un des aspects du débat est relaté dans An Open Letter to the Scientific Community. On retrouve alors les mêmes types d'arguments que dans les débats entre économistes orthodoxes et hétérodoxes, par exemple, « This reflects a growing dogmatic mindset that is alien to the spirit of free scientific inquiry. Today, virtually all financial and experimental resources in cosmology are devoted to big bang studies. Funding comes from only a few sources, and all the peer-review committees that control them are dominated by supporters of the big bang. As a result, the dominance of the big bang within the field has become self-sustaining, irrespective of the scientific validity of the theory. » ⇑ 4 De nombreux économistes (généralement classés comme orthodoxes par les hétérodoxes...), contestent ce point de vue ; selon eux, l'orthodoxie est idéologiquement neutre, elle n'est qu'un outil d'analyse scientifique permettant aux économistes d'anticiper l'effet de certaines mesures politiques ou économiques (voir par exemple, Michel De Vroey, La théorie économique est-elle au service du libéralisme ?, dans Problèmes économiques, La Documentation française, N° 2821, 3 septembre 2003). En outre, ils font remarquer que les positions des économistes orthodoxes sont à nuancer et dépendent de la sensibilité des différents auteurs. Par exemple, des économistes comme Jean Tirole ou Jean-Jacques Laffont optent pour un interventionnisme décentralisé. Ils prônent la mise en place d'agences de régulation. D'autres, dont beaucoup sont catalogués comme des libéraux de gauche, optent pour des politiques redistributives (Thomas Piketty) ou correctives (Joseph Stiglitz). Dans tous les cas, ils rejettent les analyses keynesiennes et construisent leurs recommandations politiques à partir de l'idée qu'il existe un écart par rapport à une situation paréto-optimale ou par rapport à un marché pur et parfait (correction des imperfections de marché), ou encore sur des principes de justice sociale (voir John Rawls). Léon Walras, tout en étant libéral, soutenait déjà de telles politiques au XIXe siècle. En cela, il faut donc bien distinguer les analyses orthodoxes qui se construisent sur les notions de rationalité, de paréto-optimalité ou d'équilibre pur et parfait (fondement théorique et idéologique du libéralisme : le marché est optimal sous certaines conditions, ce qui n'exclut pas un interventionnisme limité), des approches hétérodoxes. Avec deux nuances chez les hétérodoxes : rejet radical des concepts de marché, d'équilibre et de rationalité (Gabriel Tarde, Bronislaw Malinowski, Pierre Clastres, Serge Latouche, etc.), rejet de l'hypothèse d'efficience des marchés et de l'équilibre de marché (Piero Sraffa, John Maynard Keynes, Karl Marx, etc.). D'un point de vue idéologique, la différence avec les premières approches est la suivante : soit la notion de marché est rejetée comme non-pertinente, et par conséquent, l'ordre social ne peut être régulé par le marché (rejet des fondements du libéralisme économique), soit le marché est considéré comme structurellement inefficient, il ne peut conduire, même dans les meilleures conditions à une situation optimale (le marché n'est pas le meilleur moyen de régulation). Ce qui là encore, sape les fondements du libéralisme économique. De plus, l'efficacité n'est pas nécessairement définie comme une situation paréto-optimale. Il n'y a pas de séparation entre la redistribution (égalité), la coordination et l'échange économique (liberté). L'ordre économique, si jamais on peut le différencier des autres ordres, est intégré dans des processus décisionnels de nature politique et sociales (voir les articles Karl Polanyi et sociologie économique). ⇑ 5 Sur ce sujet, on pourra se référer aux analyses de Jacques T. Godbout, L'esprit du don, Paris, La découverte, 2000. ⇑ 6 L'ouvrage de référence est La grande transformation, Gallimard, 1983. ⇑ 7 Se référer par exemple à l'article Gustav von Schmoller. John Maynard Keynes adoptait également cette position ⇑ 8 Ici, on retrouve naturellement les fondements de l'économie marxiste. Cela dit, des économistes non-marxistes, comme François Perroux se sont également engagés dans cette voie théorique. ⇑ 9 Alain Gélédan, Qu'est-ce que l'hétérodoxie ?, dans Histoire des pensées économiques - Les contemporains, Editions Sirey, p 450 et p 150, 1988. ⇑ 10 Albert O. Hirschman, Deux siècles de rhétorique réactionnaire, Fayard, 1991. Par ailleurs, Hirschman montre que cette rhétorique peut également être employé par les contestataires. ⇑ 11 Voir Paul Feyerabend (1998). ⇑ 12 Voir Hazel Henderson (2005). ⇑ 13 Voir par exemple Joseph E. Stiglitz (2002). ⇑ 14 Voir Pierre Bourdieu (2000), Francis Dupuy (2001) et Mario Bunge (1986). ⇑ 15 C'est par exemple la position de Benoît Mandelbrot vis à vis de la finance orthodoxe. Il l'expose dans son ouvrage Une approche fractale des marchés : Risquer, perdre et gagner, Odile Jacob, 2005. C'est également celle de Malte Fischer et Susanne Kutter, Comment la recherche sur le cerveau contredit les modèles économiques, Wirtschaftswoche, N° 28, 7 juillet 2005, pages 2 à 4, 28 septembre 2005. ⇑ 16 L'analyse de Pierre Bourdieu porte ici sur la Physique mais il s'en est également resservi pour étudier les conséquences de la mathématisation de l'économie. Selon lui, « La mathématisation produit d'abord un effet d'exclusion hord du champ de discussion (...) la mathématisation de la physique tend peu à peu, à partir du milieu du XVIIIe siècle, à instaurer une très forte coupure sociale entre les professionnels et les amateurs, à séparer les insiders et les outsiders; la maîtrise des mathématiques (qui est acquise au cours de la formation) devient le droit d'entrée et réduit le nombre non seulement des lecteurs mais aussi des producteurs potentiels. (...) La coupure implique la fermeture, qui produit la censure ». ⇑ 17 Même si le terme n'est pas consacré, il permet de rendre compte du fait que les économistes orthodoxes considèrent en général que les lois qu'ils découvrent sont des lois naturelles. Certains auteurs comme Pascal Salin dans son ouvrage Libéralisme, Paris, Odile Jacob, 2000, oppose ce mouvement de pensée au constructivisme, qui prétend que la réalité sociale peut être intentionnellement construite selon des voies décidées au préalable par les agents économiques. Mais ici la notion de constructivisme est à replacer dans le sens très particulier du constructivisme tel qu'il est défini par les penseurs autrichiens. On ne doit donc pas la confondre avec d'autres courants constructivistes, comme le constructivisme de John Searle, par exemple. ⇑ 18 Voir par exemple l'analyse de Jean-Louis Perrault, Genèse de la Bête ou tout ce qu’il faut savoir avant de lire de l’économie et que vous n’apprendrez pas dans « le » Mankiw., Paris, Les nouveaux enjeux économiques internationaux: acteurs et stratégies, Institut supérieur européen de gestion, 20 mai 2003. Pierre Bourdieu (2000) a également réalisé une étude sur la structuration du champ des économistes. D'autre part, la revue Actes de la Recherche en Sciences Sociales publie régulièrement des analyses sur le sujet. Enfin, il peut être intéressant de se référer à l'étude suivante : Tom Coupé, L'univers professionnel des économistes, Kyklos, Volume 57, 2004-3, pages 36 à 45, 11 mai 2005. ⇑ 19 http://autisme-économie.org. Ils ont récemment publié un pamphlet collectif : Les éconoclastes, Petit bréviaire des idées reçues en économie, La découverte, 2004. Voir également : DOSSIER : L’économie, une science trop humaine ?, Problèmes économiques, La documentation française, No 2847, 17 mars 2004. ⇑ 20 Sur l'économie politique de Tarde, on pourra également se référer aux travaux de Maurizio Lazzarato, un sociologue qui inscrit ses travaux dans le courant de la philosophie de la différence. Voir par exemple son article La Psychologie économique contre l’Économie politique. ⇑ Ressources bibliographiques
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