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De la subversion du camping sauvage
Auteurs : BenjaminGrassineau (voir aussi l'historique)
Date de création de l'article : 10-11-2025 10:52
Rubrique : La revue de sociologie lo-fi
Etat de la rédaction : finalisé
Droit de rédaction : ouvert
Licence : Licence culturelle non-marchande
Création de la page: 10 novembre 2025 / Dernière modification de la page: 17 novembre 2025 / Propriétaire de la page: Benjamin Grassineau
Résumé :
La pratique du camping sauvage est subversive. Elle s’inscrit en rupture et en opposition à deux mondes, celui de la maison sédentaire et celui de la maison nomade.
Bien plus encore qu’une antinomie technique ou culturelle, elle est économique et politique.
En cause ?
La neutralité, le vide économique du camping sauvage qui ne coûte rien et ne rapporte rien. Cette gratuité, cette vacuité économique est insoutenable pour ceux qui prennent un crédit, tant pour leur maison que pour leur camping-car !
Elle est aussi politique car elle fait fi de la propriété privée, de l’attachement à la terre. La vie du sédentaire se construit dans le territoire, dans sa possession ou dans son usage durable, exclusif ou non. L’appropriation de l’espace a pour conséquence son morcellement, sa division et l’établissement, dans des processus négociés ou de long terme, de règles d’interaction entre les propriétaires ou les privilégiés qui possèdent un droit d’usage ou d’occupation temporaire.
Le temps, les us et les coutumes, le Droit, figent, entérinent ce morcellement. Ils stabilisent des pavages, des emboîtements géométriques, des lignes virtuelles. La règle, le Droit, la rectitude naissent dans cette représentation abstraite et mathématique de la possession, de l’interaction planifiée. À chacun sa place, son identité, son territoire. Au sein de l’espace que délimite la frontière, le même, la propriété immatérielle, les caractéristiques de ce qui fait Soi. Le système est structuré dans l’espace et dans le temps. Fragile édifice qui mourra avec les représentations collectives qui lui confèrent une concrétude illusoire.
Mais le système a ses failles ; ses dysfonctionnements ; ses erreurs qui surgissent en permanence et enclenchent, en principe, divers processus d’auto-conservation.
Le système se reproduit aussi. Il s’élargit. Mû par la nécessité de se conserver. Et à force, il étend son empire sur toute chose ; sur tous les biens qui composent les morceaux d’espace-temps qu’il contrôle ; puis sur tout ce qui est, tout ce qui, d’une manière ou d’une autre risque d’abattre les fragiles symboles qui assurent sa pérennité.
Et c’est là que la dynamique du camping sauvage le menace. Car celui-ci ne s’ancre pas dans une éternité mythifiée, sacrée, que les divinités cautionneraient sans retenue – ce qui ne saurait surprendre car en somme, il ne sont que le reflet, la surface, de dynamiques profondes, majeures qui traversent le système.
Le camping sauvage est éphémère, parfois invisible, soumis à des trajectoires fugaces, parfois aléatoires… Il n’a pas de sens, pas de racine, pas l’auguste respect de « ce qui est à toi » et de « ce que je te dois ». Le camping sauvage est l’usage brut, sans fioritures, sans représentations véritablement arrêtées, solides. L’être humain, et non l’agent d’un système, se pose là où l’environnement l’accueille et l’appelle. Il est là un jour, puis il disparaît ; pour réapparaître ailleurs. Sa présence manque. Certes son empreinte est là, plus ou moins forte. Mais elle ne suffit jamais à marquer son identité. Elle ne s’extériorise pas vis à vis de l’espace-temps qu’elle intègre. Elle ne l’englobe pas. Elle s’articule avec lui.
Le camping sauvage est de la même nature que la plage, du moins sous sa forme sauvage. La place occupée est celle d’un jour. L’empreinte laissée sur le sable mouillé finit toujours par s’effacer.
Mais la terre, où le camping sauvage prend corps est soumise à d’autres règles, d’autres représentations que la plage. L’espace de gratuité, dans le camping sauvage, est la terre en tant qu’objet d’une forme d’usage, d’une modalité d’appropriation et d’une idéologie qui va avec. Sur la plage, cette idéologie prédomine. Sur la terre, il se heurte à un système bien plus rigide, excluant, clivant, violent.
C’est de là que naît le choc ; ou plutôt l’oppression diffuse, permanente, harcelante, contre ceux qui, comme de splendides oiseaux migrateurs, se plaisent à se poser sur une île, le temps d’une halte, avant de repartir sans relâche vers un ailleurs qu’ils sont seuls à connaître.
N’est-ce pas là le cœur profond de l’humanité ?
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