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Blog sur l'économie non-marchande et la culture libre
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Pourquoi lo-fi ? Par opposition radicale à ceux qui prétendent qu'il y aurait de la « bonne » et de la « mauvaise sociologie ». Lo-fi car on peut faire de la sociologie sans être mutilé, limité, aliéné par le style académique pompeux, réactionnaire, ultra-sérieux et politiquement correct qui colonise les revues académiques.
Conséquence, la sociologie lo-fi peut être mal écrite, traiter de sujets introuvables (ou pas), être non-marchande, anti-système, etc. Cette orientation « atypique » et le flou qui entoure la notion, font que certaines analyses sortent parfois du cadre du laboratoire.
 

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Anti-anti-marchand

Auteurs : Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique)
Date de création de l'article : 2008
Rubrique: La revue de sociologie lo-fi
Etat de la rédaction: finalisé
Droit de rédaction : ouvert sur invitation
Licence : Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 26 novembre 2013 / Dernière modification de la page: 23 août 2022 / Propriétaire de la page: Benjamin Grassineau


Résumé : Article rédigé et publié en 2008



A entendre de nombreux intellectuels de droite, de gauche, du centre et d’ailleurs, le monde se décomposerait en deux forces hostiles et antagonistes : les anti-marchands et les pro-marchands, avec au milieu, ceux qui acceptent le compromis, comme les keynésiens, François Hollande ou les adeptes du commerce équitable.

Je dois dire que je suis bien embarrassé, parce que je ne me reconnais dans aucune de ces catégories. Je ne suis pas anti-marchand. Comment pourrais-je l’être ? Je recours sans arrêt à des produits et des services fournis par le marché. Je ne suis pas non plus pro-marchand. Pourquoi ? Tout simplement parce que je sature du marché. Globalement, j’en ai un peu marre d’être inondé de produits industriels et de publicité marchande; et parce que pour certains trucs, le marché ne m’intéresse pas. A mon sens, ça me paraît logique de faire certains trucs dans un cadre non-marchand. Même si c’est pas toujours simple… Notamment quand on veut réaliser gratuitement des pratiques non-marchandes, qui sont culturellement considérés comme marchandes. Par expérience, je sais qu’il semble presque anormal, ou louche, de proposer des sorties en voile gratos. A l’inverse, pour une femme, vendre son corps, c’est pas génial. Ou alors, elle doit le vendre dans un contrat longue durée qui s’appelle le mariage !

Donc, une fois n’est pas coutume, je vais prendre la défense du marché contre les anti-marchands. Espèce courante dans les milieux universitaires et alternatifs – à ATTAC par exemple – où de farouches partisans militent ardemment contre le marché, tout en faisant la course au super-marché bio du coin, et en se comportant comme de vils capitalistes du savoir.

Ce qui est assez fabuleux dans le marché, c’est que grâce à lui, vous pouvez faire des trucs qui sans ça, seraient infaisables. Pourquoi ? Parce que la majeure partie de la populace est stupide ! Voilà tout – et je sens que je vais passer pour un gros misanthrope mais bon… Je prends un exemple. Vous avez un projet fantastique en tête, et vous voulez faire appel à des bénévoles pour qu’ils vous aident à le réaliser. Dans 99% des cas, il ne se passera rien. Si c’est un peu original, un peu risqué, vous ne pourrez y arriver que si vous êtes un manipulateur sans scrupules. Mais ne comptez pas sur la bonne volonté du troupeau ! Eh bien, dans ce cas précis, je suis bien content qu’il y ait du marché. Grâce à cela, je peux contraindre les gens à réaliser mes souhaits contre quelques pièces de monnaie, ce qui est assez formidable.

Certes, je ne nie pas que le marché n’a pas que des avantages. Je vois au moins trois gros inconvénients.

  • Les cas où les acteurs marchands se comportent de manière opportuniste, c’est à dire qu’ils vous poussent à acheter leurs produits. Dans ce cas, vous n’êtes plus maître de recourir au marché. C’est le marché qui aliène vos désirs.
  • Les cas où la personne qui répond à vos demandes n’a pas vraiment le choix…
  • Les cas où les acteurs marchands influent sur la législation, restreignent les libertés ou pompent et gaspillent toutes les ressources.

Bon. Ce sont des cas très courants. Je trouve pas mal qu’il y ait des anti-marchands, dans l’absolu, car ça limite un peu toute cette cohorte d’abus marchands. Mais quand même. Ca me gonfle un peu.

Et puis, fondamentalement, je pense qu’il n’y a qu’une manière cohérente d’être anti-marchand. C’est de proposer gratuitement des services non-marchands alternatifs…

Un exemple. Admettons qu’une personne soit laide, socialement nulle et pauvre. Je pose une question pragmatique. Comment fait-elle pour avoir des rapports sexuels ? Faites-bien attention à ce qui va suivre. Je ne défends pas la prostitution, mais je critique l’anti-prostitution. Et je me centre ici naturellement sur la prostitution volontaire et non-contrainte. La question est, je le répète, comment fait le pas-beau pour avoir des rapports sexuels ? Il y a trois cas possibles.

  • La réponse pro-marchande. Celle d’Amsterdam ! Il paye des personnes consentantes pour avoir des rapports sexuels. Mais encore faut-il qu’il ait des tunes…
  • La réponse anti-marchande. Celle du Vatican ! La sexualité est un truc intrinsèquement non-marchand. La prostitution doit être interdite. Et tant pis pour les boutonneux !
  • La réponse anti-anti-marchande. Celle des gens libres ! Une personne qui entend en empêcher une autre de recourir à des services marchands – pour des raisons morales ou pragmatiques – doit lui procurer un équivalent gratuit. A condition, naturellement, que l’activité non-marchande ne soit pas illicite. En d’autres termes, une personne qui entend lutter contre la prostitution marchande devrait offrir son corps gratuitement ! Allez, au hasard, disons au moins une heure par semaine !

Plus j’y réfléchis, plus je me dis qu’une telle solution anti-anti-marchande est cohérente, optimiste, courageuse et réellement révolutionnaire. Le meilleur moyen de lutter contre le marché, c’est de le concurrencer. Je ne dis pas que ce n’est pas extrême, mais à la rigueur, pourquoi pas. Certes, le non-marchand devrait rester totalement non-contraint. Il devrait être impensable, et condamnable, de forcer quelqu’un à offrir des biens ou services non-marchands. Mais ce que je maintiens, c’est qu’un anti-marchand, si il s’en prend au marché, doit fournir une alternative gratuite au marché. Disons, totalement au hasard, de l’ordre de 10 heures par semaine, dans un truc qu’il aime bien faire – ce qui n’aurait aucun rapport, j’insiste, avec la charité chrétienne détestable, faite d’obligation morale, de commisération et de pitié. Et quand je dis alternative, c’est une alternative non-discriminante. Ni pour les pauvres, ni pour les riches, ni pour un club sélect de gens spéciaux. Si une personne désire faire de la bouffe gratos, elle devrait le faire, si possible, pour n’importe qui… Principe qui serait à tempérer, de mon point de vue, par des considérations pragmatiques. Par exemple, la sexualité est un truc trop complexe pour qu’on la laisse totalement free. On pourrait envisager, par exemple, des forums d’échange dans les centres urbains, où les gens intéressés viendraient s’échanger leurs biens et leurs services gratos, mais avec des possibilités de refus… Les grecs avaient bien leurs bordels publics, alors pourquoi pas…

Voilà ce que serait une société libre. Une société où les anti-marchands seraient des alter-marchands et non des gardiens d’un ordre moral illusoire, de droite ou de gauche, qui voudraient imposer leurs vues à la société toute entière.




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