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Pourquoi lo-fi ? Par opposition radicale à ceux qui prétendent qu'il y aurait de la « bonne » et de la « mauvaise sociologie ». Lo-fi car on peut faire de la sociologie sans être mutilé, limité, aliéné par le style académique pompeux, réactionnaire, ultra-sérieux et politiquement correct qui colonise les revues académiques.
Conséquence, la sociologie lo-fi peut être mal écrite, traiter de sujets introuvables (ou pas), être non-marchande, anti-système, etc. Cette orientation « atypique » et le flou qui entoure la notion, font que certaines analyses sortent parfois du cadre du laboratoire.
 

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L'obsolescence programmée a bon dos...

Auteurs : Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique)
Date de création de l'article : 2014
Rubrique: La revue de sociologie lo-fi
Etat de la rédaction: en cours de rédaction
Droit de rédaction : ouvert
Licence : Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 04 juillet 2014 / Dernière modification de la page: 19 septembre 2022 / Propriétaire de la page: Benjamin Grassineau


Résumé :



Quiconque fait régulièrement les poubelles, et j'en suis, ne peut qu'être effaré par la quantité astronomique d'objets en parfait état de marche, ou en bon état de conservation (vaisselle, habits, etc.) qui y atterrissent. En fait, pour qui veut bien accepter de regarder en face ces enclos de plus en plus sécurisés et privatisés qui sont le théâtre d'un objetcide massif, le constat est alarmant. Des milliers de tonnes d'objets fonctionnels ou pouvant être aisément réemployés partent à la poubelle, dans des conditions dégradantes (je ne vais pas dire qu'un objet a une âme, mais il mérite quelque part un peu plus de "respect" - à chacun de le trouver dans ses propres convictions écologiques, religieuses ou autre). Une fois dans ces lieux aux odeurs peu avenantes (quoique c'est une affaire de goût ! je ne déteste pas personnellement !), ils s'entrechoquent, s'abîment, bref, se prennent d'un coup une bonne boufée d'entropie...

Cela, qui s'en soucie ? Sûrement pas les consommateurs moyens, et sûrement pas la classe moyenne, qui n'hésite pas à refiler des cartons entiers d'affaires à Emmaüs, avec bonne conscience, alors qu'il s'agit d'une entreprise plus que douteuse (exploitation des pauvres, discours favorable à la réinsertion des marginaux dans le "monde du travail", etc).

En fait, même s'il est difficile de trouver des statistiques très claires, il est indéniable que la quantité d'objets manufacturés encore "vivants", ou dans le pire des cas, aisément réparables ou réutilisables à d'autres fins, atteint des niveaux astronomiques, par la faute d'une armée anonyme de consommateurs/jeteurs qui agit en toute bonne conscience.

Mais construire cette bonne conscience ne va pas de soi. Jusqu'aux années 1980, notamment, l'objeticide était trop visible pour qu'elle puisse gagner la grande masse. Les poubelles étaient dans la rue, les décharges étaient à ciel ouvert. Le charnier était sous nos yeux ! Impossible de se voiler la face. Comment faire, alors, pour redorer le blason de l'homme occidental, et en particulier du prolétaire occidental.

Facile !

Première étape. Masquer les poubelles. C'est chose faite avec les déchèteries et la répression sauvage de la poubelle sauvage. Désormais, tout est caché dans des sacs, dans des poubelles grises et uniformes. Donc, la rue est enfin propre !

Deuxième étape. Faire passer l'acte de jeter en un don philantropique ou en acte civique grâce au tri individuel. C'est chose faite avec les marchands du recyclage. Les sinistres points relais servent un peu partout en Europe, à rassurer les consciences.

Troisième étape. Trouver une minorité qui sert de pendant à la "bonne majorité". Qu'on peut facilement stigmatiser par ses pratiques honteuses. Qui est en cause ? Qui agit mal, à l'inverse du bon citoyen qui trie ses déchets et les amène au point-relais du quartier ? Deux cibles sont privilégiées. 1. Le chien, qui Ô grand malheur ne peut faire autrement que d'étaler ses déjections dans la rue. Conséquence, on le pourchasse et on pourchasse leurs maîtres. 2. Les nouvelles vagues d'immigration, qui sont, comme on le sait bien dans la classe moyenne lourdement scolarisée - donc conscientisée nous dirait les marxistes - sales et mal éduqués ! Bref, rien de neuf sous le soleil. Un "-cide" s'accompagne toujours de racisme. Voilà qui est fait. Plus de chiens, plus de gens sales (exit les clodos), et les rues seront à nouveau propres ! On accuse une minorité, comme ça, on ne voit pas le mal qu'on fait !

Quatrième étape. Malgré tout, le fait demeure. Les poubelles, les vraies, celles qui sont certifiées par la grande église étatique, sont remplies à craquer ; des objets flambants neufs partent dans les bennes officielles, les vieux outils de papi finissent dans la benne à métaux de la déchèterie aux enseignes vertes. Insupportable ! Il faut décidemement trouver un coupable. Qui ? C'est simple, on ne change pas une formule qui marche. La faute en incombe aux... capitalistes. Diables de capitalistes, décidémment, ils sont toujours fourrés dans les sales coups. Mais comment s'y prennent-ils ces roublards, pour remplir à ras-bord nos poubelles ?

Les petits malins font appel à un plan machiavélique : l'obsolescence programmée. Ils fabriquent des objets qui vont casser très très vite pour qu'on en rachète des neufs. Conséquence, les poubelles débordent d'objets victimes d'une mort prématurée. Prématurée, car planifiée.

Alors, je m'arrête un peu sur le raisonnement. D'abord, les liens de causalité. Dans l'idée des partisans de cette thèse :

  • Les biens de mauvaise qualité sont rapidement cassés. A cela s'ajoute une thèse économiciste : les biens sont de piètre qualité parce qu'ils sont bons marchés - certains diront, puisant à nouveau dans la fibre nationaliste, parce qu'ils sont fabriqués en Chine !
  • Les entreprises produisent des biens destinés à être cassés rapidement et impossibles à réparer.
  • Si ces biens sont de piêtre qualité, c'est pour que le consommateur doive en racheter d'autres.
  • Les consommateurs victimes n'ont d'autre choix que de les jeter, ce qui accroît de manière considérable la masse totale des déchets.

Alors, les biens de mauvaise qualité sont-ils forcément moins résistants à l'obsolescence ? A vrai dire, il est bien difficile de le déterminer. D'abord, parce que la notion de qualité est floue. Comment la mesurer ? Pour y parvenir, il faudrait parvenir à établir une mesure quantitative ou à défaut quantitative de ce qu'est la qualité. En fait, en la matière, tout se confond dans une grande marmite conceptuelle. On confond allègrement qualité, prix, complexité, robustesse, durabilité, etc. Le tout dans un mélange informe de représentations archaïques, de rumeurs, d'expériences personnelles et de marketing savamment élaboré. En réalité, que sait-on de ce qu'il advient d'un objet après qu'il ait été vendu ? Pas grand chose... Sans doute pour quelques objets où il existe des services après-vente payants, les entreprises disposent-elles de données privées, mais dans l'ensemble, on navigue dans un vaste trou noir - dont le coeur se compose de la masse immense des déchets en tout genre, mûs par une même force d'obsolescence ! Dès lors, on ne peut qu'émettre des hypothèses.

Commençons par examiner l'hypothèse classique. Les biens bons marchés sont de mauvaise qualité, et donc, par raccourci, les biens peu chers se cassent vite.

Examinons la thèse du côté consommateur.

Première hypothèse, il est très probable que le comportement des consommateurs diffère en fonction du prix de l'objet. Il est raisonnable de supposer qu'un bien à bas prix est moins bien entretenu qu'un bien très cher. Exemple, le stylo-bic et le Mont-Blanc. Que je sache, les deux écrivent pourtant de la même manière. Conséquence, dans ce cas, l'obsolescence n'est pas liée à la qualité du produit, et à fortiori, au prix en tant qu'indicateur de sa qualité. Elle est liée au prix, mais uniquement parce que le prix est un indicateur de la valeur marchande du bien.

Autre point, la complexité d'un produit est souvent un indicateur de qualité. Une montre multi-fonction, par exemple, est généralement considérée comme étant de bonne qualité. A l'inverse, une montre de base est considérée comme étant de qualité moyenne. Ce qui peut poser deux problèmes. Premièrement, un bien complexe est potentiellement plus fragile et plus difficile à réparer qu'un bien simple. D'où un lien de causalité inversé. Ce qui est de bonne qualité est plus facilement cassable et suit une dégradation plus difficilement réversible. On connaît bien le problème, au passage, pour les voitures modernes. Deuxième problème, la complexité du bien, et, dans une certaine mesure, on peut dire que les biens, construits aujourd'hui, sont plus complexes qu'avant, nécessite un usage plus précis, plus spécialisé. C'est flagrant avec l'informatique. Conséquence. Dans certains domaines, notamment ceux où l'auto-production s'est démocratisé (comme le bricolage), ce n'est pas tant la qualité qui entre en jeu que le mauvais maniement de l'objet par l'usager. Quiconque pratique un peu l'administration informatique, même à très faible niveau, connaît bien la question ! Je connais des personnes qui jettent des ordinateurs en parfait état de marché, âgé de trois ou quatre ans, parce qu'ils rament. Mais pourquoi rament-ils ? Pas parce qu'ils sont de mauvaise qualité, mais parce que les utilisateurs ont installé Windaube !

Je passe désormais du côté producteur.

La grande idée qui circule dans le prolétariat surconsommateur - prolétariat qui, loin de se limiter aux industries manufacturières, a investi l'industrie du savoir dès le deuxième exode rural des années 1950, entraînant dans la foulée son lot d'idées débiles -, c'est que le prix est un indicateur de la qualité.




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