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Pour un service public auto-régulé

Auteurs: Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique)
Création de l'article: 2007
Etat de la rédaction: finalisé
Droit de rédaction: ouvert
Licence: Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 17 mai 2015 / Dernière modification de la page: 24 avril 2024 / Créateur de la page: Benjamin Grassineau



Résumé: Article rédigé en 2007. Je l'avais proposé à une revue écologiste, mais je n'ai jamais eu de réponse ! Ensuite, j'ai tenté de le formaliser, mais je n'ai jamais terminé. Ma position a évolué depuis, mais l'idée demeure pertinente ! J'y aborde le concept de jardin libre et en annexe celui de cout superflu qui demanderait un approfondissement.






Un des principaux enseignements qui peut être tiré de l'émergence et de la croissance du Réseau Coopératif des Logiciels Libres, est que le maintien d'un Réseau Coopératif dans une activité est conditionné par le transfert des fonds et des ressources du Marché ou des Appareils qui opèrent au sein de cette activité vers le Réseau Coopératif1. Dans l'informatique immatérielle, pour différentes raisons conjoncturelles et structurelles, ce transfert a été effectué sans l'intervention du régulateur public. Principalement par des firmes informatiques qui ont investi des sommes conséquentes dans l'Open Source pour concurrencer des firmes déjà bien implantées.

Mais une telle initiative privée est assez rare. Comment faire alors pour favoriser les Réseaux Coopératifs sans éluder indéfiniment le problème de leur financement ? En effet, comment faire pour financer des activités ouvertes et partager les ressources générées par ces activités ou affectées à ces activités ? En sachant que nombres de ces activités ont un cout élevé, et qu'il est souvent impossible d'orienter la production collective dans plusieurs directions simultanément.

Nous proposons dans cet article de répondre à cette question, en exposant les principes d'un Service Public pouvant être dit auto-régulé, assumé en partie, non pas par les Appareils publics, mais par les citoyens dans le cadre de Réseaux Coopératifs ouverts, fondés sur la participation libre et égalitaire de tous ceux qui désirent s'y investir.

Le financement des activités.

Avant d'en arriver à l'exposé des principes du Service Public Auto-Régulé (SPAR), commençons par énumérer les différentes formes de financement possibles d'une activité, ainsi que leurs avantages et leurs inconvénients.

Deux formes de financement.

Soit une activité A financée par des citoyens. On peut distinguer deux grands types de financement :

  1. Des financements contraints. Par le biais d'une contrainte directe ou indirecte, des citoyens financent A. Ces contraintes se présentent sous la forme d'une obligation de participation, ou d'une obligation de financement pour bénéficier d'un bien ou d'un service généré par A2.
  2. Des financements non contraints. Ils n'obligent en aucun cas les citoyens à financer A.

Notons que pour les formes contraintes, il y a plusieurs types de contraintes possibles.

  • Contraintes non discriminantes. La contrainte s'exerce de la même manière pour tous les citoyens. Différents cas possibles : tirage au sort, vote égalitaire pour déterminer la contrainte, contrainte fixée à un taux donné; etc.
  • Contraintes discriminantes. La contrainte s'exerce différemment suivant le statut des personnes. C'est le cas de l'impôt proportionnel, d'un impôt fixé sur la base d'une loi quelconque, etc.

Si le financement non contraint ne pose pas de problèmes théoriques particuliers, les financements contraints sont en revanche plus difficiles à cerner. Pourquoi parler de contraintes directe et indirecte ? Examinons pour le comprendre, les contraintes suivantes : a) maintenance des droits de propriété, b) création monétaire, c) taxation, d) travail forcé. Nous avons là des financements contraints, mais qui ne sont pas évidemment de même nature.

  • a) L'instauration d'une règle de propriété est une contrainte pouvant potentiellement être dirigée à l'encontre des propriétaires et des non-propriétaires. En effet, elle peut potentiellement contraindre un acteur à ne pas faire certaines choses et à respecter la propriété d'autrui telle qu'elle est définie par la loi. Elle contraint donc potentiellement l'acteur à se soumettre à la loi et à pratiquer des échanges en conformité avec la loi. L'idée d'une propriété sans contrainte, chère à certains libéraux, est donc absurde; la propriété est par nature une contrainte indirecte. Puisque dans un financement contraint, il y a des règles qui permettent de garantir que le transfert des fonds sera conforme aux règles de propriété. Dans une vente, par exemple, qui est un moyen très répandu de financement, l'acheteur est contraint de respecter la propriété du vendeur, et de lui verser une certaine somme, en fonction de l'accord qu'il aura passé avec lui. La propriété est donc à double tranchant. Elle restreint les possibilités de l'acteur, puisqu'il ne peut plus user librement d'un grand nombre de biens et pratiquer librement certaines activités; mais elle le rend en revanche souverain sur sa propriété, et accroit ses pouvoirs lorsqu'il se rend propriétaire d'un bien ou d'un statut.
  • b) Il en va de même dans la création monétaire. S'il n'y a qu'une seule monnaie légitime au sein d'un gouvernement, les acteurs sont obligés d'utiliser la monnaie frappée par le gouvernement pour effectuer leurs transactions. Ce qui est une contrainte.
  • c) Dans la taxation en revanche, il n'y a pas forcément de contrainte directe. L'État s'autorise simplement à puiser dans un stock de biens, qui sont censés être la propriété du contribuable. Mais il n'oblige pas le propriétaire à agir, il se contente de réduire la richesse du contribuable. Il agirait de la même manière s'il effectuait un vol. L'État ne demande pas le consentement de l'acteur, mais il ne le force pas non plus à agir selon ses vues; et il en fait exactement de même quand il protège les droits de propriété. S'il demandait le consentement de tous les acteurs, la situation deviendrait rapidement chaotique. Même si en fait, la situation est plus complexe, car le contribuable est en général contraint par divers moyens légaux de verser une partie de sa richesse à l'État.
  • d) Enfin, dans le cas du travail forcé, alors oui, l'État contraint l'acteur à agir selon ses vues, et on peut parler de contrainte directe. Toutefois, là encore, il faut distinguer différentes formes de contraintes. La contrainte sera plus faible si l'État contraint un acteur à donner une partie de ses ressources-travail sans préciser la nature du don forcé, mais en fixant par exemple un équivalent horaire, que s'il oblige les acteurs à accomplir des tâches précises.

Enfin, concernant l'emploi des ressources récoltées, il faut noter que les ressources peuvent être affectées à trois postes distincts.

  • a) Un investissement dans un capital fixe. Il peut s'agir de créer ou de maintenir les infrastructures permettant aux acteurs de produire librement des biens et de réaliser librement certaines activités. La mise à disposition de jardins ouvriers, d'ateliers publics, de routes, entrent dans cette catégorie. Leur réparation et leur entretien, liés à la dégradation du capital fixe, également.
  • b) Un investissement en capital fluctuant. Il arrive que le capital fixe nécessite une dépense d'énergie ou une dépense monétaire pour être rendu productif. L'État peut alors mettre à la disposition des acteurs de l'énergie à bon marché, des crédits, etc.
  • c) Un investissement en capital travail. L'État peut être amené à financer le travail qui permet de rendre le capital fixe productif ou à financer certaines activités3.

Examen des deux formes de financement.

Examinons ici plus en détail les deux formes de financement.

Formes non contraintes.

Financement associatif. Les acteurs s'associent volontairement pour financer un bien commun. L'inconvénient d'une telle pratique est qu'elle tourne souvent au « monopole corporatiste ». Il peut y avoir une fermeture au niveau des inputs et des outputs de l'activité A de production du bien commun. Même si une ouverture légale et démocratique de l'activité pourrait contre-balancer cette tendance. Notons qu'en théorie, si le montant de la cotisation est fixé, et si la cotisation est obligatoire, alors, nous retombons dans une forme contrainte.

Mécénat, dons, prix libre, appels à contribution... Ces financements peuvent être une source intéressante et non négligeable de revenus. Ils sont fréquemment utilisés dans le financement des Logiciels Libres. Autre exemple, le prix libre, qui consiste à ne pas fixer de prix sur un bien et de contrainte de paiement. Il est répandu dans les milieux alternatifs, mais se retrouve également dans d'autres activités, dans les musées par exemple.

Formes contraintes.

Le financement par la vente des produits de l'activité. C'est une forme contrainte, puisqu'elle oblige l'acheteur à verser une somme d'argent donnée, ou à troquer des biens qu'il possède, pour bénéficier des services ou des biens en question. Cette solution marchande pose deux problèmes.

  1. Il peut en découler de l'opportunisme. Les producteurs peuvent être tentés d'accroitre leurs prix ou leur volume de production non pas pour satisfaire un objectif qui est propre à l'activité, mais uniquement dans un objectif de retirer un profit. Les producteurs peuvent alors développer ce qu'il convient d'appeler des couts superflus [cf. Annexe] : ils tentent de capter de nouveaux consommateurs par tous les moyens (ou de les fidéliser), ils investissent dans des services markéting, ils modifient les besoins des consommateurs pour trouver des débouchés, ils s'adaptent au Marché le plus lucratif, donc au consommateur moyen, ils standardisent leurs produits pour réduire les couts de production, etc. En définitive, la vente des produits de l'activité conduit à une standardisation des produits et souvent à une dégradation de la qualité des produits puisqu'il n'est plus possible de prendre le risque de produire pour des minorités et puisqu'il faut produire en priorité pour ceux qui ont les moyens d'acheter. Ajoutons que le consommateur peut difficilement contrôler le bien, sa qualité et sa production; et que le producteur est tenté non pas de produire un bien de qualité, satisfaisant un acte de consommation, mais un bien qui pousse à l'acte d'achat, ce qui est très différent. Ce ne sont là que quelques exemples qui montrent que les producteurs peuvent provoquer de nombreuses externalités et couts superflus.
  2. La fermeture de l'accès aux produits issus de l'activité. Elle est plus ou moins obligatoire si l'on veut contraindre le consommateur à se séparer d'une partie de sa richesse pour bénéficier des biens et services produits. Mais elle tend à provoquer une fermeture de la production. Pour deux raisons :
    1. Les producteurs s'ils veulent retirer des bénéfices de leur production, doivent limiter l'éparpillement et la diffusion des ressources. Ils sont en plus enclins à limiter l'accès aux ressources pour conserver leurs privilèges.
    2. Les producteurs sont contraints par les consommateurs (concurrence, responsabilité du producteur). Ils doivent donc renforcer le contrôle sur la production, limiter les erreurs « contenus » dans le produit échangé, s'adapter aux attentes du consommateur.

Notons que dans l'absolu, la fermeture de la consommation ne remet pas en cause le principe d'une ouverture de la production. Ce qui permet d'envisager, par exemple, une ouverture de la production fondée sur le principe de la rémunération au prorata du travail fourni. Seulement, remarquons qu'une telle rémunération nécessite un contrôle de l'activité, ce qui limite la liberté d'action au sein de l'activité. Une solution peut être de mélanger les deux types de production. Une production libre et ouverte, dans laquelle les acteurs ne sont pas rémunérés mais accomplissent l'activité « à leur guise »; une production contrainte, dans laquelle les acteurs sont sommés d'accomplir certaines tâches s'ils veulent être rémunérés. L'évaluation du travail peut alors être effectuée démocratiquement, par les acteurs rémunérés et par les acteurs non-rémunérés. Mais les conditions requises pour l'application d'un contrôle démocratique de ce type restent encore à découvrir. Même si la mixité du bénévolat et du travail rémunéré existe déjà. On la retrouve fréquemment dans le développement de certains Logiciels Libres. Le développement d'OpenOffice est ainsi partagé entre les développeurs indépendants et bénévoles, et les développeurs rémunérés.

Un financement démocratique. Tous les citoyens sont obligés de verser une certaine somme, qui sert ensuite à produire le Service Public. Les acteurs décident par vote, de l'utilisation des fonds, et du niveau des fonds engagés.

Un financement indirect. Tous les citoyens touchent un revenu minimal qui leur permet d'exercer le travail de leur choix. Ils s'engagent alors dans les activités de leur choix, que celles-ci soient lucratives ou non.

Un financement direct. Les citoyens se chargent de fournir un Service Public. Soit en produisant eux-mêmes des outils qui sont mis à leur libre disposition : des universités gratuites, des locaux libres, des revues publiques d'expression libre, des bibliothèques, des outils de production libres (appareils de mesure, voitures, salles, outils, ateliers, appareils divers...), etc. Soit en rémunérant directement les acteurs qui produisent le service. C'est le cas standard.

Service Public Auto-Régulé (SPAR).

Parmi l'ensemble des financements contraints et discriminants possibles que nous venons d'examiner, l'un d'entre eux va retenir notre attention. Il s'agit d'un système de financement des outils publics au sein d'une activité A, qui est assuré par une taxation des producteurs du Marché au sein de cette même activité A4. En d'autres termes, une taxe fixe ou proportionnelle est prélevée sur le bénéfice ou le chiffre d'affaires des producteurs privés et marchands (les Firmes), afin de financer un service public gratuit ou au cout le plus faible possible au sein de cette activité A. Ce service public est alors organisé à la manière d'un Réseau Coopératif. Il est ouvert à la participation de tous, et tous les acteurs sont sur un pied d'égalité pour décider de l'orientation de l'activité au sein du Réseau Coopératif. Pour assurer l'adéquation entre consommation et production, le Réseau Coopératif est donc fondé sur une ouverture de l'activité à tous les citoyens et sur un contrôle démocratique direct. Les producteurs intégrés dans le Résau Coopératif sont des bénévoles et/ou des producteurs qui sont rémunérés en fonction de la quantité de fonds publics disponibles au sein du Réseau Coopératif. Appelons ce système, le Service Public Auto-Régulé (SPAR).

Principe de l'auto-régulation.

Si un tel service peut être dit auto-régulé, c'est qu'il possède comme caractéristique de s'équilibrer automatiquement. En effet :

  • Si la qualité du SPAR se détériore, ou si le prix du SPAR s'accroit, faute de fonds suffisants par exemple pour assurer l'innovation au sein de ce service, les consommateurs se tournent vers le Service Privé (SP) fourni par les Firmes du Marché qui voient alors leurs bénéfices s'accroitre.
  • Les fonds affluent alors de nouveau pour alimenter le SPAR, par le biais de la taxation, qui va de ce fait gagner en qualité.
  • Le SP voit alors à son tour ses bénéfices s'éroder, et est par conséquent obligé de chercher d'autres marges de bénéfices : par exemple, en innovant ou en améliorant son rendement et sa qualité.
  • Ceci implique une diminution des fonds affectés au SPAR. Le SPAR perd donc en qualité, ou est déclassé par rapport au SP, qui est amélioré suite aux innovations par exemple.
  • Etc.

Tout l'intérêt du SPAR est de permettre une correction automatique des défaillances induites par le Marché. En effet, on sait que le fonctionnement des Marché est entaché par plusieurs défaillances chroniques : les Firmes vendent en général leurs biens et services nettement au delà des couts nécessaires à la production (une partie des bénéfices allant à la rémunération d'acteurs inactifs); elles peuvent dans certains cas ne plus innover si elles sont en position avantageuse, ou en position de monopole; il peut y avoir une diminution de la qualité des biens et services fournis; elles peuvent cibler leurs ventes exclusivement sur les populations les plus riches; elles peuvent chercher à éviter de se lancer dans des recherches trop couteuses qui viseraient à limiter les effets externes indésirables de leurs activités (elles n'ont pas d'intérêt à le faire); elles génèrent des couts superflus, etc5.

Différentes solutions ont été apportées pour parer à ces difficultés. La plus en vogue à l'heure actuelle consiste à mettre en place des agences de régulation spécialisées sur une activité donnée, dont la fonction est de veiller à ce que le Marché se rapproche d'une situation « paréto-optimale » (législation, contrôle des prix, concurrence sur le marché, etc.). D'autres solutions consistent à construire des Marchés visant à internaliser les effets externes, tels les Marchés de permis d'émissions négociables. En somme, dans les deux cas, il s'agit de pratiquer, soit la répression, soit la privatisation des outils et ressources productives et publiques. On conviendra aisément que de telles solutions sont couteuses (les couts de contrôle des institutions mises en place et les couts d'expertise sont élevés), pas nécessairement fiables et efficaces; créent un gaspillage des ressources qui est lié aux couts du marché (par exemple, les couts liés à la redondance des services markéting engendrés par la privatisation, les couts de gestion des marchés, etc.), orientées vers des objectifs contestables posant certains problèmes éthiques (l'idée qu'il faille protéger les consommateurs en privatisant les ressources et en luttant contre les monopoles ne fait pas l'unanimité6). Par exemple, une partie de la population ne peut accéder aux SP, et ceci même pour les biens de première nécessité : nourriture, vêtements, transports, énergie, eau, éducation, etc. D'autres problèmes sont liés au fait que les Firmes agissent comme des prédatrices. Elles tentent de susciter des besoins chez les populations susceptibles de consommer. Il en découle un gaspillage, tels les investissements en publicité7. Enfin, il existe des problèmes liés au fait que les agences de régulation peuvent être corrompues par les Firmes.

Dès lors, plutôt que de mettre en place des agences de régulation coercitives et corruptibles, ne serait-il pas plus judicieux de mettre en place un SPAR dont le seul pouvoir coercitif serait de taxer les acteurs du Marché au sein de l'activité ? Un tel service ne concernerait bien entendu pas toutes les activités, mais uniquement les activités de première nécessité, et certaines activités qui seraient choisis par un processus démocratique. Pourquoi le SPAR remplacerait avantageusement un monopole ou un Marché régulé par une agence de régulation ? Il y a plusieurs raisons.

  • Il laisserait la possibilité aux Firmes et aux acteurs d'entrer librement dans certaines activités, ce qui résoudrait le problème des barrières causées à l'entrée des activités par les monopoles naturels ou légaux. De plus, en cas de détérioration du SPAR, les acteurs garderaient la possibilité de faire défection ou bien, de prendre la parole et d'agir au sein du SPAR pour améliorer son fonctionnement et sa qualité. Et, ceux qui souhaiteraient s'investir dans le SPAR, pourraient le faire comme ils l'entendent, et ne seraient pas empêchés de le faire, car il y aurait une ouverture de la production.
  • Il serait peu couteux, puisqu'il ne subirait quasiment pas l'impact des couts du marché, et des couts liés au contrôle des prix et au respect des droits de propriété. Tous les couts juridiques seraient réduits de façon drastique.
  • Le SPAR ne laisserait pas les Firmes dominer « sauvagement » une activité. Car par son influence, il les obligerait indirectement à se conformer à la législation. En effet, on peut par exemple compter sur les effets de la consommation citoyenne. Actuellement, le principal frein à une telle consommation est le cout des biens et services éthiques (ou écologistes, environnementaux, etc.). Or, dans une activité munie d'un SPAR, une infraction des Firmes à la législation ruinerait leur réputation, et, à la différence de la configuration classique, les consommateurs pourraient alors se tourner vers des biens éthiques et moins chers.
  • À la différence d'un service public classique, il y aurait des mécanismes stabilisateurs qui empêcheraient une éventuelle croissance expansionniste – ce qui est une critique souvent adressée aux services publics classiques, à tort ou à raison... En effet, en cas de croissance excessive, les fonds du SPAR s'amenuiseraient, ce qui limiterait automatiquement sa croissance.
  • Enfin, il contraindrait spontanément les Firmes de l'activité à réduire leurs marges bénéficiaires. En effet, le SPAR serait en concurrence avec les acteurs des SP. Par conséquent, comme nous l'avons décrit plus haut, une augmentation des bénéfices, liée à une augmentation des prix dans le SP trop au delà du cout de production, serait limitée par la concurrence du SPAR qui les ramènerait vers des prix moins élevés. Cette régulation serait effectuée sans cout de contrôle.

Certes, on nous rétorquera que le SPAR risquerait de monopoliser l'activité et d'assécher le Marché. Mais un tel scénario est en fait peu crédible. D'une part, le succès trop important du SPAR aurait pour conséquence de réduire les fonds qui lui sont attribués. D'autre part, le SPAR viserait à produire des biens de qualité moyenne et non des biens de luxe. Il ne viserait pas, à priori, à produire des articles destinés à une clientèle aisée. De plus, son aspect ouvert le rendrait très certainement moins fiable que le SP. Les acteurs du SPAR n'étant pas obligés envers les consommateurs, l'erreur y serait probablement plus courante. Le SPAR n'assurerait pas forcément, par exemple, un service continu, car la continuité du service dépendrait de la volonté de bénévoles. Sans doute le SPAR serait en réalité de bonne qualité, mais il arriverait épisodiquement que sa qualité se détériore. Par conséquent, les Firmes trouveraient aisément une clientèle en produisant des produits de luxe ou un SP possédant des caractéristiques qui font défaut au SPAR (par exemple des services continus). Il y aurait toujours une différence suffisante entre le SPAR et le SP pour justifier l'existence de cette dernière et le différentiel de prix. On observe déjà cette situation dans l'activité informatique : parfois à qualité égale, les Logiciels Libres, pourtant gratuits, concurrencent difficilement les logiciels propriétaires. Et ce temps de retard du SPAR serait vertueux, puisqu'il inciterait les Firmes à innover pour gagner un temps d'avance sur le SPAR.

Principaux avantages du service public auto-régulé.

Reste un problème majeur. Supposons que les sommes allouées au SPAR soient destinées en partie à rémunérer les acteurs qui y participent. N'y aurait-il pas alors un risque d'opportunisme de la part de ces acteurs ? Il faut pour éviter cela, distinguer deux types de financement du SPAR.

  • Le premier est un financement par la vente des biens issus de l'activité, quand les services ou les biens sont vendus au cout de production.
  • Le second est un financement direct, capté sur les Firmes du secteur.

Si les salaires sont prélevés sur la vente, alors un détournement malveillant des fonds par les acteurs du SPAR, appelons-les les « sparistes », produirait une dégradation de la qualité du SPAR. En effet, les sommes investies dans le capital fixe nécessaire à la production deviendraient trop faibles. Donc, il s'en suivrait une baisse des sommes tirées des ventes, donc une baisse des salaires des sparistes. De plus, c'est ici que l'ouverture de la production jouerait un rôle capital. Si des sparistes venaient à engranger des bénéfices trop importants, il y aurait un afflux de travailleurs vers le SPAR, et par conséquent, du fait de la redistribution automatique et égalitaire des salaires dans un Réseau Coopératif, chaque spariste touchant le même salaire, les salaires individuels des sparistes diminueraient. Ce qui découragerait à priori, les tentatives de détournement de fonds à des fins privées.

Cette ouverture de la production serait également vertueuse en cas de financement direct. En effet, admettons qu'il y ait une amélioration significative du SP. Alors, les sparistes engrangeraient des salaires importants. On pourrait en déduire qu'ils produiraient alors un service de basse qualité, afin de travailler peu, tout en bénéficiant de sommes importantes. Seulement, il ne faut pas oublier que le SPAR serait ouvert, et donc, que l'augmentation des bénéfices attirerait de nouveaux travailleurs. Afflux de travailleurs qui augmenterait la qualité et le volume des produits fournis par le SPAR, et réduirait les salaires des sparistes. Les sparistes auraient donc tout intérêt à rester à une certaine « distance » du SP. Il s'en suit que le SPAR avec rémunération des travailleurs, ne conduirait pas à une disparition du Marché.

Et n'oublions pas que nous avons effectué ces raisonnements en posant une hypothèse tout à fait irréaliste, à savoir que nous tenions pour négligeable le fait que les sparistes travailleront très certainement pour des objectifs philanthropiques ou pour des finalités qui seront propres à l'activité. Donc, même en conservant les hypothèses micro-économiques standards extrêmement restrictives, le SPAR apparait comme économiquement viable.

Enfin, un autre avantage du SPAR serait d'exercer un contrôle sur les producteurs, à faible cout. En effet, les sparistes confirmés auraient acquis une bonne connaissance de l'activité. En outre, ils seraient guidés par une éthique propre à cette activité, probablement bien plus marquée que celle des Firmes produisant le SP, puisqu'ils ne seraient pas contraints par des impératifs économiques. Leur but ne serait pas de faire du profit, ou de tirer des bénéfices de l'activité qui sont nécessaires à leur survie, mais de réaliser l'activité pour différentes raisons qui n'appartiennent qu'à eux. Les passionnés dans une activité quelconque prennent généralement plaisir à accomplir leur activité tant qu'on ne les contraint pas à l'accomplir d'une certaine manière. Leur logique et leurs motivations seraient donc très différentes... Car les communautés du SPAR seraient relativement autonomes, s'organiseraient comme elles le souhaitent, et répondraient à des objectifs différents de ceux des Firmes. Il s'en suit qu'ils pourraient exercer un contrôle direct sur les Firmes du Marché et dénoncer le cas échéant leurs dérives. Ils représenteraient en quelque sorte, la voix de la communauté, le contre-pouvoir citoyen. D'autre part, leur éthique et leur distance vis à vis du profit (distance liée au fait qu'ils ne sont pas contraints par la concurrence), les conduiraient à trouver des solutions technologiques visant à contre-carrer les externalités indésirables engendrées par leur activité. Le législateur pourrait alors contraindre les Firmes à acheter ces technologies au SPAR, ce qui augmenterait son financement par la vente.

Mais il reste encore une difficulté de taille. N'y a-t-il pas un risque que les sparistes pêchent par excès de spécialisation ? Une spécialisation excessive dans une activité pourrait les conduire à une « étroitesse d'esprit ». Certes, mais il faut bien voir que dans un SPAR, les acteurs pourraient décider par des discussions et par des votes ouverts à tous, de l'orientation de l'activité et de l'allocation des fonds qui seraient mis à leur disposition. La plupart des fonds iraient alors très certainement dans des investissements en capital fixe : achat de serveurs informatiques, d'outils de production, de locaux, etc. Car, même si les acteurs parvenaient à jouir d'une véritable autonomie, elle serait limitée par le fait que le SPAR serait ouvert, et que la communauté pratiquant l'activité serait soumise à un processus démocratique plus global. Cette ouverture aurait des effets vertueux. Elle permettrait notamment d'éviter la spécialisation excessive des sparistes en les confrontant à de nouveaux entrants qui auraient les mêmes prérogatives qu'eux (ce qui est un des fondements des Réseaux Coopératifs), et elle permettrait d'apporter des points de vue nouveaux sur certains problèmes.

Par exemple, admettons qu'un SPAR de production énergétique, néglige certains dégâts écologiques produits par l'activité. On peut penser que la réaction ne se ferait pas attendre. Des écologistes investiraient massivement le SPAR pour signaler les dangers de telle ou technologie énergétique et tenteraient de modifier les méthodes de production. S'en suivrait un compromis entre les deux camps. L'ouverture du SPAR au sein d'une activité permettrait donc aux sparistes de bénéficier des points de vue et opinions de nouveaux entrants, ou du point de vue des citoyens pratiquant d'autres activités, ce qui favoriserait le contrôle d'une activité par les consommateurs et par la société – et non plus exclusivement par les producteurs (l'élite ou la masse ouvrière). Il s'en suivrait une meilleure adéquation entre consommation et production. Car la prise de parole jouerait, contrairement à ce que Hirschman (1995) observe dans les marchés imparfaits, un rôle de régulation tout à fait central. Les acteurs ayant des vues et des intérêts particuliers pourraient infléchir l'activité dans des directions inattendues et respectueuses de certains paramètres que des spécialistes sont souvent incapables de percevoir ou d'évaluer.

Quatre autres avantages.

À noter également quatre points.

Le premier est que la généralisation des SPAR à toutes les activités permettrait de réduire considérablement le cout des ressources produites par ces activités. Il s'en suivrait donc un enrichissement conséquent de la société prise dans son ensemble (il y aurait plus de biens produits), et une réduction considérable de la pauvreté (les biens seraient plus facilement accessibles). Beaucoup de services seraient gratuits, et les couts de production diminueraient de ce fait dans de nombreuses activités. Dès lors, le cout du SPAR diminuerait encore plus, car il y aurait un cercle vertueux.

  • Le SPAR d'une activité A est généralement dépendant des outputs issus d'autres activités (le groupe B).
  • Si un SPAR est implantés dans l'activité B, le cout des outputs de l'activité B va diminuer.
  • Ceci va entrainer une diminution des couts de production dans l'activité A.
  • Mais certaines activités du groupe B, ou d'un groupe C, dont dépendent les activités du groupe B, sont dépendantes de A, ce qui va entrainer une diminution des couts de production dans ces activités.
  • Ce qui finalement va entrainer à nouveau une baisse des couts entrant dans l'activité A.
  • Etc.

A terme, un tel système pourrait conduire à une gratuité globale des SPAR. En sachant qu'une telle gratuité serait toujours menacée par la détérioration de la qualité des services produits par les SPAR, qui seraient alors concurrencés par les SP. Une défection serait donc toujours possible.

Notons pour finir qu'un tel système pourrait fonctionner en établissant un prix unique pour tous les SPAR, ou une somme allouée identique pour toutes les activités. Dans ce cas, la régulation serait assurée par les variations de ressources affectées au SPAR, desquelles dépendraient les salaires, et non par les variations des prix des biens sur le Marché. En effet, imaginons une situation où il n'y ait pas de financement fondé sur la taxation des entreprises privées – cela compliquerait inutilement le raisonnement. Le Service Public (SPU) a le monopole de leur activité. Supposons en outre qu'il y ait une pénurie sur les services fournis par un SPU. Cela peut signifier deux choses. Si le SPU est assuré par la vente des biens, alors, les acteurs du SPU augmentent leur production pour gagner des fonds supplémentaires, soit en travaillant plus, soit en bénéficiant de l'apport de nouveaux entrants. Dans ce cas, l'équilibre est rétabli jusqu'à ce qu'il y ait un trop plein d'acteurs qui fasse à nouveau baisser les salaires. Si le SPU reçoit une somme fixe, quelque soit son niveau de production, le cas est un peu plus complexe. En effet, supposons qu'il y ait une pénurie. Dans ce cas, il y aurait trop peu d'acteurs qui travailleraient dans le SPU. Mais en contre-partie, les salaires seraient très élevés. Ce qui attirerait de nouveaux travailleurs. Cependant, dans ce cas, comment serait-il possible qu'il y ait une adéquation entre la consommation et la production ? Une solution serait de recourir à des listes de demande de la part des consommateurs. Grâce à la prise de parole, les consommateurs indiqueraient le niveau de production qui leur est nécessaire. Mais remarquons tout de même que dans une telle situation, l'augmentation du niveau de production ne serait pas corrélée à une augmentation du niveau des salaires, ce qui risquerait de provoquer des pénuries. Une solution pourrait être de fixer le niveau des sommes allouées aux activités par vote, ou de le coupler au niveau de demande. Si l'on suppose maintenant que nous sommes en présence de SPAR, le raisonnement reste valable. Simplement, en cas de pénuries ou de dégradation de la qualité, les Firmes et les acteurs du SPU interviendraient pour rétablir l'équilibre, ce qui permettrait une meilleure réactivité.

Le deuxième point est qu'il serait possible de coupler un tel système avec un financement indirect, telle une allocation universelle, afin de permettre aux sparistes désireux d'accomplir bénévolement une activité, de pouvoir le faire sans trop de contraintes. L'allocation serait probablement assez faible, puisque nombre de SPAR seraient gratuits, ou très peu chers. Elle pourrait être financée par le biais de la création monétaire. Ce qui réduirait le caractère coercitif de la taxation qui est nécessaire à son financement, et ce qui permettrait une redistribution des ressources8. Cette allocation, en permettant aux acteurs de travailler dans les activités où ils en ont envie, et là où ils se sentent le plus productifs, conduirait à une bonne « allocation des ressources ». Certes, dans les activités réellement peu attractives, il faudrait peut-être prévoir une rémunération des acteurs. Mais cela ne poserait pas de problèmes de fond. En effet, comme vu plus haut, le SPAR serait ouvert à la participation, il y aurait donc un équilibre qui s'établirait spontanément. Car si les salaires devenaient trop élevés dans une activité A, les acteurs afflueraient dans A, ce qui réduirait le niveau des salaires dans A. Si au contraire, les salaires devenaient trop bas, il y aurait une migration des travailleurs vers d'autres activités.

Nous nous permettons ici une brève digression. Trois arguments sont avancés, en général pour discréditer l'allocation universelle.

Le premier est que les acteurs ne seraient plus incités à travailler. Cependant, cet argument a ses limites. En premier lieu parce qu'en l'absence de contraintes, les acteurs trouvent un intérêt à travailler pour des raisons qu'il est impossible de prévoir à l'avance. En second lieu parce que les acteurs travailleraient très certainement pour se hisser dans la hiérarchie sociale, comme ils le font aujourd'hui. On peut le montrer par l'absurde. Si les acteurs travaillaient aujourd'hui exclusivement pour se loger et se nourrir, ils travailleraient nettement moins et alloueraient leurs ressources vers des biens de première nécessité. Or, c'est contre-factuel. Une grande partie de la consommation est ostentatoire. Avec une allocation universelle, la seule différence est qu'ils ne travailleraient plus dans la crainte de ne plus pouvoir se loger ou se nourrir. En plus, en plafonnant la rémunération des « activités immatérielles » (activités politiques, markéting, management, direction, enseignement, ...), ou en supprimant la rémunération de ces activités, ce qui serait rendu possible par l'allocation universelle – et par le fait que ces activités seraient assumées par la collectivité dans son ensemble, c'est à dire que tous les citoyens participeraient, s'ils en ressentent la nécessité, aux affaires de la vie publique –, on valoriserait les activités manuelles. Ce qui éviterait les comportements opportunistes, et dirigerait les ressources-travail et les ressources financières vers des tâches utiles, et non vers le maintien ou l'accroissement des couts superflus.

Le deuxième argument est que l'allocation universelle engendrerait la paresse et favoriserait l'assistance. C'est peut-être vrai. Mais n'est-ce pas également le propre du Marché ? Le consommateur dans un Marché est d'une certaine manière infantilisé. Il se positionne dans une relation (demande) / (satisfaction sans efforts), avec le producteur. Il ne peut plus intervenir comme producteur responsable9; il ne peut plus s'engager dans le processus de production. Ce qui est le propre de l'assistance. Simplement, dans le Marché, ce privilège est réservé, par définition, à une minorité. Au contraire, l'État, en favorisant l'auto-production et l'indépendance (par exemple, en mettant à libre disposition des jardins publics10), en apprenant aux citoyens à résoudre leurs problèmes sans recourir aux services marchands (bâtiments, construction, etc.), voire en les incitant financièrement à pratiquer l'auto-production, romprait cette dépendance.

Enfin, le troisième argument, une l'allocation universelle couterait trop cher. Ce serait le cas si elle ne permettait dans le même temps une suppression de certains mécanismes de redistribution (allocations familiales11, prestations Assedic, RMI, API, bourses d'études, etc.) De plus, on peut imaginer une réduction des problèmes d'effets de seuil et des trappes à inactivité. Sans compter les problèmes psychologiques liés au fait de se sentir assisté. Prenons par exemple, une allocation universelle de 200 euros par personne/mois. Multiplions par 60 millions d'habitants et par 12, nous obtenons une redistribution de 144 milliards d'euros12. Si on compare cette somme aux 59 milliards d'euros versés en 2004 uniquement pour les prestations familiales, on voit qu'un tel système n'est pas aberrant. Surtout si, comme nous l'avons vu, des services sont financés par le SPAR. Ce qui résorberait les couts superflus et limiterait la charge pesant sur les ménages à faibles revenus. Sans compter le rôle stabilisateur d'une telle redistribution, dans un cadre keynésien. Notons en outre que le SPAR, ou le plafonnement des rémunérations de certaines activités immatérielles, aurait aussi pour conséquence de limiter ces couts superflus. Enfin, ajoutons que ces couts superflus seraient réduits par la simplicité de la mise en oeuvre de l'allocation universelle. Il n'y aurait pas d'examens des dossiers, de calculs de couts, de démarches administratives, etc. La quantité de travail libérée par la suppression de ces couts superflus serait probablement importante.

Le troisième point est que le SPAR assurerait une redistribution égalitaire des richesses qui ne nécessiterait pas d'impôt sur le revenu. En effet, la frange de la population qui supporterait la charge du SPAR serait celle qui engendrerait des bénéfices, ou qui disposerait des moyens nécessaires pour se fournir dans des SP de très bonne qualité.

Enfin, quatrième point, un SPAR couplé avec une allocation universelle, rendrait insignifiant le problème du chômage. En effet, les acteurs ne seraient pas privés d'activités. Ils pourraient s'engager sans contraintes, c'est à dire sans contraintes et sans obligations, dans des activités de leur choix. Là, ils bénéficieraient d'une formation indirecte qu'ils pourraient réutiliser ultérieurement sur le Marché. Comme cela se fait couramment dans l'Open Source.

Annexe.

Lorsque les ressources sont engagées dans le but d'accaparer des profits sur des services déjà existants, à administrer les organisations, on peut appeler ces différents postes de dépenses les couts superflus. Ils visent à administrer les organisations, protéger la structure hiérarchique, résister à la concurrence, etc. Leur mesure est particulièrement difficile, mais leur existence est aujourd'hui reconnue en sociologie et en économie des organisations. Dans les structures hiérarchiques et les Marchés, on peut en distinguer plusieurs.

  1. Les couts d'organisation : couts d'administration13, dépenses d'expertise, conseils, formation, encadrement, management, direction, couts d'archivage, couts de contrôle des employés, cout de commandement, couts en cas de conflits juridiques, formation et rémunération des experts, sommes allouées aux voyages d'affaire, sommes allouées aux congrès, séminaires, colloques... Ces couts sont principalement liés aux couts relatifs aux Appareils. Il est difficile de les calculer car il faudrait pour cela savoir quel est le volume d'emploi qui est consacré aux activités vues plus haut, et le volume affecté aux activités réellement productives. Or, d'une part, la comparaison en travail horaire n'est pas forcément pertinente, et d'autre part, on ne dispose pas de données agrégées sur le sujet.
  2. Les couts de prédation : marketing, emballages, publicité14, communication, agences d'intermédiation, routage, services de vente, sondages, conférences, congrès d'universitaires, tournées promotionnelles, appels téléphoniques chez les particuliers pour la promotion de biens et services, envois de publicité par courrier, foires et salons, spams, ... La plupart de ces postes de dépenses connaissent une forte croissance, en terme de volume de production et d'effectifs employés depuis 10 ans (Insee, 2003). Nombre de ces dépenses ne visent pas à satisfaire des besoins, mais à créer des besoins chez les consommateurs, à diffuser au maximum un produit, ou à contraindre les consommateurs à consommer. Leur finalité n'est pas de satisfaire un besoin, mais de créer le besoin ou d'orienter l'achat vers une firme en particulier, et d'augmenter ainsi le profit perçu. Les firmes peuvent donc agir directement sur le consommateur, ou sur les concurrents. Ces couts provoquent différents effets pervers. Les firmes créent de nouveaux besoins et des débouchés pour leurs services; elles marchandisent des services qui étaient auparavant assumés par les acteurs privés; elles créent de nouveaux débouchés pour d'autres marchés; elles génèrent des inefficacités économiques : opacité sur la qualité des biens, rétention artificielle d'informations, standardisation des services adressés aux particuliers, dépendance des particuliers aux institutions marchandes et étatiques, blocage de l'accès à certains secteurs (par exemple, les particuliers ne peuvent plus se rencontrer directement pour échanger et sont obligés de passer par des intermédiaires), pollution, stratégie de dénigrement des concurrents (ce qui entraîne la circulation d'informations erronées), opacité sur les prix (Ex : la spéculation est un cout de prédation qui écarte un bien de sa « valeur réelle ». D'autre part, les couts de prédation se répercutent dans le prix du bien final), etc.
  3. Les couts de la coordination marchande : couts liés à la finance, marché d'options, marché spéculatif, assurances, couts de la propriété (armature juridique de la propriété privée et couts nécessaires au respect des contrats, services de sécurité15...), fourniture aux cadres pour faire des affaires (voyages en classes affaires, démarchage...), activités de sélection et mise à disposition de personnel, couts de transaction (contient les couts liés à la recherche d'un prix bas et de la qualité lorsque les prix et la qualité ne sont pas fixés), couts de vente (salaire des vendeurs, déplacement des vendeurs...), couts de communication inter-entreprises, couts liés au travail des intermédiaires, couts du transport des marchandises16
  4. Les couts de l'inefficacité du marché : effets pervers, contrôle des effets externes, assurances, couts liés à la propriété (bien délaissé, mal optimisé, etc.), gaspillage, transports domicile/lieu de travail, effets pervers, transferts sociaux pour limiter les effets du chômage, inflation, couts de redondance, couts de la contrainte, couts de contrôle17...

Bibliographie.

  • Grassineau Benjamin, « Dynamiques et cadres organisationnels dans les activités sociales », Document du Cerso 04/05, Univ. Paris-Dauphine, Rapport du sixième congrès Européen de Sciences des Systèmes, Paris, France, 19 au 22 Septembre 2005 (2006 pour la version numérique).
  • Grassineau Benjamin, « Quand le Marché finance la résistance au Marché », OMNSH, 2007.
  • Hirschman Albert, Défection et prise de parole : théorie et applications, Paris, Fayard, 1995.
  • Insee, La France des services. Services aux entreprises. 2003-2004, Paris, Insee, 2003.

Notes

1 Sur ces aspects là, voir Grassineau (2005, 2007).

2 Ou par les fonds générés par une autre activité étant en rapport avec l'activité A (par exemple de la publicité) ou avec les acteurs pratiquant A (ils peuvent être actionnaires), ou par l'accaparement des ressources générées par une activité n'ayant aucun lien avec l'activité A.

3 D'autre part, l'emploi des ressources peut concerner les activités de trois manières différentes. a) la facilitation de certaines activités, b) l'interdiction d'un certain nombre d'activités, c) l'obligation d'un certain nombre d'activités. En ce qui concerne l'obligation, notons qu'on pourrait envisager un système de taxation dans lequel les acteurs seraient contraints de verser une partie de leurs ressources qui serait employée à financer les activités destinées à obliger les acteurs à verser cette partie de leurs ressources... Le cout de la taxation coïnciderait alors avec les ressources de la taxation...

4 L'existence d'une telle contrainte peut se justifier en arguant que tout acteur qui est propriétaire, est redevable envers la société et envers les autres membres de cette société, du fait même qu'il soit propriétaire, et que les autres membres lui offrent un droit d'exclusion et un droit à jouir d'une partie des biens auxquels ils pourraient normalement avoir accès.

5 Nous n'étudions pas ici les défaillances du marché en tant qu'elles constitueraient des écarts par rapport à une situation paréto-optimale ou une situation de marché pur et parfait.

6 La littérature est abondante, il serait donc illusoire de vouloir l'énumérer ici. Signalons cependant qu'il existe une démonstration très intéressante sur l'inefficacité des luttes contre le monopole dans faite par Hirschman (1995). Son idée centrale étant que la qualité des services et produits fournis peut se détériorer en situation d'oligopole, d'avantage qu'en situation de monopole, du fait de l'intervention conjointe des mécanismes de défection et de prise de parole – les théories néo-classiques et keynésiennes n'incluant pas la prise de parole dans leurs modèles.

7 Par exemple, la déréglementation du service de renseignements téléphoniques a contribué à une opacité des prix, à une dépense publicitaire superflue de 270 millions d'euros en France, et à une baisse de la fréquentation du service de l'ordre de 30 %. La plupart des services déréglementés ont laissé apparaitre ce genre de problèmes : baisse de la qualité, augmentation des couts, etc.

8 La création monétaire a en effet pour conséquence de réduire la richesse des ménages les plus riches. La démonstration est fort simple. Si la quantité de monnaie dans une économie est de 1000 euros et que les richesses se partagent ainsi. X possède 900 euros (90% de la richesse), Y n'en possède que 100 (10% de la richesse). Supposons que la banque décide de créer 600 euros de monnaie, qu'elle répartie équitablement. La quantité globale de monnaie passe alors à 1600 euros. X possède alors 1200 euros (75%), tandis que Y possède désormais 400 euros (25%). Rapport qui est d'ailleurs indépendant de la dévaluation éventuelle créée par l'augmentation de la masse monétaire.

9 C'est en ce sens, d'ailleurs, qu'il serait souhaitable que la publicité, scientifique (quand les scientifiques publient leurs résultats pour augmenter leur notoriété) ou marchande (lorsque les producteurs envoient des signaux pour attirer l'attention sur leurs produits ou fournir des informations sur leur produit) reste sous le contrôle des citoyens. Contrôle qui ne s'exercerait, bien entendu, que par défaut, c'est à dire lorsque des abus seraient constatés. Car une telle ouverture permettrait une participation accrue et responsable des citoyens à la production. Ils feraient l'effort de savoir si tel produit est nocif, si telle publicité est valable, etc.

10 On pourrait envisager deux types de jardins publics. Tout d'abord, des jardins privés distribués à ceux qui désirent pratiquer l'auto-production (acteurs collectifs ou individuels). Le système existe déjà avec les jardins ouvriers. Ensuite, des jardins libres, fondés sur le principe des Logiciels Libres, où les acteurs pourraient participer librement à une production ouverte, sans qu'il n'y ait de fermeture de l'accès aux inputs et aux outputs, et sans qu'il n'y ait un commandement à la production. Le principe en serait que les ressources issues de la production seraient librement accessibles à tous, c'est à dire à n'importe qui. Dans le cas d'arbres fruitiers, dont les fruits pourrissent au sol le plus souvent chez les propriétaires privés ou dans les lieux publics, de tels jardins ouverts et libres seraient tout à fait envisageables. À noter qu'on pourrait également envisager des biens librement accessibles (à la location), en ce qui concerne certains biens électroménagers : aspirateurs, mixeurs, etc. Dans chaque quartier, il serait possible de mettre en place un tel système. Mais cela ne conduirait-il pas à une baisse de la production ? Certes, mais cela limiterait principalement la production superflue et cela accroitrait la fertilité des biens : la consommation des biens serait optimisée. Idéalement, cela permettrait aux consommateurs occasionnels de se fournir des biens sans avoir à les acheter, donc cela limiterait les signaux envers les producteurs qui les conduisent à produire des biens de première nécessité utilisés de manière sous-optimale. De plus, les consommateurs soucieux de bénéficier de ces biens à plein temps pourraient toujours le faire (il est probable que le matériel public serait moins disponible et de moins bonne qualité), ce qui assurerait des débouchés pour les producteurs. Enfin, notons que ces biens publics pourraient être réparés par le premier venu, ce qui limiterait les couts de leur maintenance. Pour finir, ajoutons que ce principe de service public ouvert pourrait être prolongé par l'accessibilité au public, dans des conditions décentes, de locaux vacants ou inhabités. Les habitants pourraient alors participer à la restauration de ces biens, ce qui limiterait la dégradation de certains biens privés non utilisés.

11 Par exemple, durant les dix premières années de la vie d'un enfant, l'allocation pourrait être distribuée aux parents.

12 En sachant que des prestations complémentaires pourraient être versées à certaines populations défavorisées.

13 Selon l'Insee (2003, p. 45), les effectifs salariés dans l'administration d'entreprises passent en France de 58 200 à 200 300 entre 1991 et 2001. Par comparaison, les effectifs alloués à la recherche et développement passent de 130 500 à 146 200 sur la même période. En outre, les services d'administration d'entreprises sont de plus les mieux rémunérés (idem, p. 53).

14 Selon l'Insee (Ibidem), de 1991 à 2001, en France, les effectifs salariés dans la publicité et les études de marché passent de 97 900 à 110 400.

15 Selon l'Insee (2003, p. 59), le nombre de personnes occupées dans les services juridiques aux entreprises est de 138 359 en 2001. À cela, il faudrait bien entendu rajouter les couts de formation. Toujours selon l'Insee (id., p. 65), 123 033 personnes sont occupées dans les services de sécurité en 2001. Ce poste comprend les services de conseils sécurité, surveillance, transports de fonds, enquêtes sécurité et gardes du corps. Les services de sécurité connaissent une augmentation de la production en volume de plus de 40% entre 1992 et 2001.

16 Toujours selon l'Insee (id., p. 11), le volume d'emploi alloué au tertiaire marchand, en France, passe de 7 606 000 personnes (équivalent « temps plein ») en 1980 à 10 721 700 personnes en 2002. Les services aux entreprises, les activités immobilières, les services financiers et les services administrés passent de 7 311 500 personnes à 10 771 300 personnes sur la même période.

17 Les couts de redondance sont liés à la multiplication de certains services dans une situation de concurrence. Par exemple, les entreprises vont toutes investir dans des services markéting, il y a alors redondance. Les couts de contrainte sont liés à la démotivation engendrée par les échanges marchands ou coercitifs. Il en va de même pour les couts de contrôle, il faut appliquer les contrôles et vérifier que les acteurs réalisent correctement leurs tâches.



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