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Quelques précisions sur les règles et les objectifs de la maison non marchande de Puivert

Auteurs : Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique)
Date de création de l'article : 15-05-2016 06:09
Rubrique: Le journal de la culture libre et du non-marchand
Etat de la rédaction: finalisé
Droit de rédaction : ouvert
Licence : Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 15 mai 2016 / Dernière modification de la page: 24 mai 2016 / Propriétaire de la page: Benjamin Grassineau


Résumé :



Je reproduis ici un texte que j'ai commencé à écrire à destination des usagers de la liste de discussion de la maison non-marchande de Puivert mais que je n'ai finalement pas envoyé.

L'objectif de la maison non marchande de Puivert est de proposer des outils et des ressources en libre accès (local, jardin, atelier, liste de discussion, etc.), qui permettent d'offrir et de recevoir des ressources gratuitement (services, biens, informations, graines, etc.). Cet objectif s'inscrit à l'intérieur d'un objectif de société plus général : proposer des alternatives concrètes aux échanges qui sont fondées sur la contrainte (obligation de contre-partie ou obligation de contribution), tels que le troc, la vente, l'achat, le travail salarié, l'impôt, etc.

Son fonctionnement, au regard de cet objectif, repose sur deux règles simples :

  • Maximiser la possibilité pour toutes et tous d’utiliser librement et de manière non-directive les ressources présentes dans le lieu et de participer librement et de manière non-directive à sa maintenance, à sa promotion et à son amélioration.
  • Utiliser au maximum des ressources gratuites (autoproduction, récupe, dons) et libres (domaine public, licences libres) pour faire fonctionner et progresser le lieu1.

Le magasin gratuit, à ce titre, en tant qu'élément de la maison non marchande de Puivert, répond à trois objectifs complémentaires.

  • Il permet à des personnes de donner facilement et gratuitement des affaires plutôt que d'avoir à les jeter ou à les vendre - d’autant que dans la pratique, il n’existe pas de borne-vêtements à Puivert et que la déchèterie la plus proche est assez éloignée du village.
  • Il permet à des personnes de récupérer gratuitement et librement des affaires, de façon simple et conviviale, sans avoir à en faire la demande, et sans devoir demander au propriétaire s'il est d'accord pour leur donner2.
  • Il permet de promouvoir les échanges non-marchands et un dispositif fonctionnel qui les facilite, à la condition qu'il donne l’image d’un lieu propre et accueillant.

Ces trois objectifs sont complémentaires. Si l'image du magasin gratuit est bonne, il est probable que davantage de personnes apporteront des objets, ce qui maximisera la possibilité d'en récupérer. Mais ils sont aussi antagonistes. Par exemple, quand des personnes dérangent des affaires en fouillant ou pire, déposent des affaires sales et en vrac, elles ternissent l'image du magasin gratuit et démotivent les autres usagers.

J'ajoute que ces objectifs sont ceux du magasin gratuit, mais chacun, de son côté, peut participer au lieu pour des motivations qui lui sont propres : environnementales, économiques, sociales, etc. Chacun fait comme il veut.

Pour remplir ces trois objectifs, le magasin gratuit repose sur quelques règles de fonctionnement très simples :

  1. Chacun est libre d'y utiliser, d'y prendre et d'y déposer des affaires, selon deux règles : 1. premier arrivé, premier servi, 2. les affaires qui y sont déposées doivent être « prenables ».
  2. Chacun est libre de participer à l'amélioration du magasin gratuit, à sa promotion et à sa maintenance comme il l'entend.
  3. Il est interdit de le déranger et de le vandaliser.
  4. Le magasin est ouvert en permanence pour maximiser la disponibilité et l'accessibilité des ressources qui s’y trouvent.
  5. Personne n’est payé pour le faire fonctionner, pour donner, récupérer, etc., il n’est pas subventionné et il fonctionne majoritairement avec de la récupe et des dons.

Voilà tout. C'est simple, sans chichis et ça marche ! Ce qui est déjà pas mal !

Pour en revenir aux événements récents, lorsqu'un objectif tend à prendre trop d'importances par rapport aux autres, il faut rééquilibrer la balance. Ces derniers temps, l'objectif des donneurs (que le bien qu'ils donnent serve à quelqu'un) devenait trop pesant et contraire à la bonne image du freeshop. Il fallait donc agir tout en restant en accord avec les règles relatives à son fonctionnement. Et c'est ce que j'ai fait car la première règle peut être utilisée pour réguler le stock. Mon action était donc compatible avec celle-ci. Au passage, régulièrement, certains usagers « vident » le magasin gratuit pour faire des vide-greniers, et même si ça m'énerve beaucoup, je les laisse faire. Car, concrètement, aucune règle du magasin gratuit ne l'interdit véritablement.

Et il est vrai qu'aucun moyen, à notre portée, ne permet de prévoir la destination des biens qu'on dépose dans le magasin gratuit - et heureusement ! Certains prennent les affaires pour les revendre, d'autres pour les utiliser d'une manière qui sera peut-être incompatible avec celle qu'en espérait le donneur, d'autres pour les collectionner, d'autres pour les jeter, d'autres pour construire une fusée et partir sur la lune. Que sais-je ! C'est ça la liberté ! Que dirions-nous si lorsqu'on achète un bien, on nous interdisait de le donner et de le partager. Ce serait la révolution. Au moins le jour de noël. ;-) Au passage, c'est en partie sur cette idée que le mouvement de la culture libre s'est initialement constitué. Le droit à redonner et à disposer gratuitement des codes-sources quand on a acheté un logiciel.

La maison non-marchande de Puivert étant un espace indirectement dédié à la maximisation des libertés individuelles, il serait dommage qu'elle devienne - du fait de l'égoïsme inconsidéré de certains donneurs qui s'imaginent faire un cadeau à l'humanité en se débarrassant d'affaires dont ils ne veulent plus... - un espace voué à la répression des échanges marchands et de la consommation. Eh oui ! Car consommer sans acheter, c'est bien ce que propose le magasin gratuit.

En pratique, toutefois, pour conserver les objets dans le circuit d'échanges non-marchands, c'est à dire pour éviter qu'ils soient revendus ou stockés sans être utilisés, deux solutions sont possibles : la première est la gratuithèque, qui permet de prêter gratuitement les objets, mais j'encourage plutôt le prêt à domicile, car la capacité du lieu est limitée ; la deuxième est de tenter de rendre les objets invendables, en marquant GRATUIT dessus, et d'encourager leur circulation gratuite en pratiquant du bookcrossing, en rendant les objets « nomades », etc.

Autre point. La règle qui consiste à laisser le magasin gratuit ouvert en permanence pour accroître la disponibilité des biens, minimiser la gestion et faciliter les dépôts, rend très difficile le contrôle des usagers au niveau du rangement. Par conséquent, lorsqu'on range, on doit le faire en sachant que cela sera très vite dérangé. Dans un sens, on le fait un « peu pour rien ». Et c'est dur ! Combien de fois l'ai-je rangé pour rien ? Je ne les compte plus. Mais n’est-ce pas le principe même d'une action « désintéressée ». On la fait « pour rien » ! Ou si, pour le plaisir de ranger, ou pour le plaisir éphémère de voir le magasin gratuit rangé l'espace d'une journée ! La liberté est à ce prix !

Deux points pour terminer.

On me fait souvent remarquer que les activités de la maison non marchande pourraient être plus efficaces en dérogeant aux principes que j'ai évoqués plus haut. Par exemple, il y aurait plus de monde aux ateliers si on faisait payer un petit quelque chose pour motiver et responsabiliser les participants. Ou bien, il faudrait faire des ateliers professionnalisés, sur le modèle de l'expert compétent, chichement payé pour venir écouler son trop-plein de science dans des cruches vides ! Mais de tels objectifs d'efficacité, en plus d'être grandement hypothétiques, sont à rejeter car ils sont intrinsèquement antinomiques aux objectifs et aux règles de fonctionnement du lieu. Le seul critère d'efficacité valable, à cet égard, est celui de la maximisation de la liberté d'accéder aux ressources. Ensuite, qu'il y ait ou non du monde, c'est secondaire. L'élément de référence, déterminant, est que ceux qui veulent proposer et de recevoir des ressources gratuitement puissent le faire librement.

Enfin, sur un plan plus politique, je vais sûrement en choquer plus d'un, mais je rappelle que le lieu est privé et n'a pas un fonctionnement démocratique, mais libéral. Ceci signifie qu'il existe quelques règles de base, édictées de façon très autoritaires (participation libre, gratuité, non-directivité, libre-accès...) par le gérant du lieu, et elles sont à prendre ou à laisser. Pour ceux qui ne sont pas d'accord avec elles, et surtout qui veulent imposer des solutions incompatibles avec ces règles et ces objectifs, ils peuvent naturellement créer ailleurs une initiative du même type fonctionnant avec d'autres règles. C'est très simple à mettre en oeuvre et ça ne demande au pire qu'un jour de travail par semaine. On peut le faire intégralement, en mettant à disposition un local, mais aussi de manière plus modeste, une partie de son jardin à disposition sur le modèle du jardin libre, une boîte à livres devant chez soi, un tableau d'annonces non-marchandes, etc. Certaines personnes, par exemple, très critiques à l'égard de ma gestion du projet, disposent de grandes surfaces de terre cultivables, et je pense qu’elles seraient bien avisées d'en mettre une partie à la disposition de tous sous la forme d’un jardin libre ! Elles pourront alors utiliser la liste de discussion pour se faire connaître (ou d'autres espaces numériques dédiés). De même, la liste de discussion permet de proposer des dons et des prêts gratuits directement de chez soi et je les encourage à le faire.

Notes

1 Ces règles sont dictées par le fait que pour qu'une ressource soit gratuite, il n'existe pas 30000 solutions :
- Soit la ressource est « produite spontanément » par la nature, ou découle indirectement d'une activité humaine dont l'objectif premier n'était pas de la proposer gratuitement (ex: les déchets, le joli spectacle des surfers(euses) en activité, etc.). Dans ce cas, elle est gratuite tant qu'elle est librement accessible (hélas de moins en moins, ex: les bornes vêtements dans lesquelles on peut déposer mais pas prendre).
- Soit elle est auto-financée et fondée sur la participation volontaire et gratuite de contributeurs motivés, mais ce faisant, il paraît alors « normal » de les laisser agir comme ils l’entendent.
- Soit elle est financée par la contribution obligatoire, comme les « services publics », mais auquel cas, est-elle vraiment gratuite ?
- Soit elle est financée par des services annexes payants qu'elle contribue à développer (le fameux cadeau bonux).
Les deux dernières solutions me paraissent peu souhaitables pour de nombreuses raisons. J'ai donc décidé - tout seul, il est vrai - de ne promouvoir et mettre en œuvre que les deux premières solutions.

2 Pas besoin d'aller fouiller les poubelles et de se couper avec des bouts de verre pour trouver un objet dont on a envie ou besoin ! Pas besoin non plus de devoir demander à son voisin de la vaisselle au risque d'essuyer un refus parfois humiliant !




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