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Problème de l'isolement social et espaces de gratuité mobiles.

Projet de recherche rédigé dans le cadre d'un appel à projet en janvier 2022. Ont participé à son élaboration : Ana Patricio, Benjamin Grassineau et Charles Péchon. Le projet n'a finalement pas été envoyé.

Introduction

Occupant une place croissante au sein de la société moderne, le phénomène de l’isolement intéresse désormais des domaines aussi variés que la recherche en sciences sociales, la politique et l’action sociale. Pourquoi et comment se développe-t-il ? Quelles sont ses conséquences sociales, sanitaires et économiques ? Par quels leviers peut-on agir dessus ? Ce sont là autant de questions auxquelles un vaste courant de recherche tente aujourd’hui de répondre.

Notre projet de recherche s’inscrit à l’intérieur de ce courant et propose une approche expérimentale et théorique inédite. Tout en nous appuyant sur les résultats des études déjà menées, nous proposons une recherche-action participative sur les phénomènes d'isolement qui se centre sur la problématique des relations entre système d’échange et système relationnel.

Après avoir présenté ce contexte théorique dans lequel s’inscrit notre projet de recherche, nous exposerons notre méthodologie et quelle expérimentation nous comptons mettre en place afin d'envisager des moyens d'actions efficaces, pertinents et souples permettant aux acteurs concernés d'agir sur les phénomènes d'isolement.

Contexte

L'isolement fait l'objet de politiques publiques depuis plusieurs années, notamment quand la solitude fut déclarée « grande cause nationale » en 20111. Des rapports et des études[ ont alors été publiés régulièrement par différentes institutions, comme le CESE2 ou par des associations ou fondations, comme celui du CREDOC. Ils montrent de manière relativement nette que le phénomène est multifactoriel. Nous rajouterons qu’il trouve sa source dans deux types de facteurs : des facteurs « individuels », largement couverts par le champ de la recherche et de l’intervention médico-sociale, et des causes davantage structurelles ou holistes.

Facteurs individuels

À l’intérieur du paradigme individualiste, la source de l’isolement est recherchée dans l’individu. Certes, le propos peut être nuancé en fonction du « public » auquel il appartient, mais la tendance qui est globalement suivie consiste à expliquer l’isolement en centrant l’analyse sur les comportements individuels qui y conduisent et sur les caractéristiques biologiques, psychologiques ou sociales qui sont propres aux individus étudiés. Les études qui s’inscrivent dans ce cadre montrent que l’isolement s’observe dans des situations marquées par des ressources individuelles insuffisantes, un déficit dans la mobilité effective ou dans l’accès à la mobilité et un état de santé dégradé (dépression, maladie longue…). Par ailleurs, les ruptures biographiques courantes avec les changements de mode de la vie moderne (divorces, perte d’emploi, déménagement, deuil,..) participent également a l’isolement. Ces situations individuelles précaires génèrent une méfiance vis-à-vis d’autrui, une insécurité grandissante et la défiance envers des institutions3. Autant de parcours qui maintiennent les personnes dans l’isolement.

L'isolement est donc le produit d'une « situation individuelle globale », c'est-à-dire qui concerne la plupart des aspects de la vie d'une personne, et qui va se matérialiser par un affaiblissement, une diminution du lien social dans ses principales sphères de socialisation. Cohen4 parle à ce sujet de « vulnérabilité relationnelle », soulignant le fait que l'isolement relève d'un processus à deux niveaux : d'une part la difficulté d'établir des relations avec les autres individus et d'autre part de s'inscrire en tant que citoyen au sein d'une société. Dans le même esprit, Pan Ké Shon remarque que « l’isolement relationnel renvoie aux représentations du lien social et de sa fragilité. Ainsi, l’absence ou le nombre restreint de contacts interpersonnels avec des personnes extérieures au ménage signalent un risque de vulnérabilité »5. Analyses qui ne sont pas sans rappeler celles de R. Castel lorsqu’il introduit le concept de « désaffiliation » qui procède d'une double dynamique caractérisée par une précarité économique et une fragilisation relationnelle6. Les études quantitatives réalisées par le CREDOC mettent également en lumière la globalité d'une situation socio-économique particulière (précarité économique).

Enfin, Les situations objectives d'isolement peuvent aussi être analysées à travers le sentiment de solitude. Celle-ci étant perçue différemment selon les individus, ce qui peut influer sur la situation réelle concrète des ces derniers. Ces deux aspects sont par ailleurs corrélés à une défiance envers les institutions et une certaine résignation de la part des personnes seules qui ne fait qu’aggraver la situation.

Facteurs sociétaux

Les études mettant en avant les facteurs individuels de l’isolement tendent donc à montrer que, même s’il est lié à des facteurs individuels (santé, psychologie, etc.), celui-ci s’insère dans des trajectoires systémiques ; or, il n’est guère réaliste d’espérer analyser de telles trajectoire en négligeant l’influence sur elles des phénomènes sociaux, économiques et techniques plus globaux. Pour illustrer ce propos, contrairement à ce qui était espéré dans les années 2000, les outils numériques ne suffisent pas à nourrir les échanges de façon qualitative. Ils ne remplacent pas les échanges en visu et pourraient même renforcer l’isolement. Dans ce cas, l’augmentation de l’isolement physique n’est-il pas en partie lié à la tendance globale de l’envahissement croissant de la vie quotidienne et du système relationnel par le système technique ? De telles questions ouvrent la voie à des recherches holistiques, centrées sur ces déterminismes macro-sociaux, et, ce faisant, à inventer ou choisir des modes d’intervention qui en tiendraient compte.

De fait, exclusion, vulnérabilité, solitude, isolement, désaffiliation, ont des causes sous-jacentes plus globales devant être raccrochées à des dynamiques macro-sociales complexes et à une situation sociale et économique globale. Il en va ainsi du concept d’anomie, introduit par Durkheim, qui traduit un affaiblissement progressif et durable des grands réseaux de sociabilité qui augmente le risque de fragilisation des individus et du collectif (l’isolement et le suicide pouvant en être une des conséquences). Se fondant sur cette analyse macro-sociale, Durkheim observe deux relations majeures. Premièrement, l’accroissement de l’anomie est lié à des facteurs économiques conjoncturels ou cycliques. Secondement, « l’enveloppe communautaire » peut constituer une protection contre des phénomènes.

Au delà de la prise en considération de ces déterminismes sociétaux, il faut noter que les conséquences de l’isolement ne sont pas purement individuelles. L’isolement induit également la défaillance des liens et met à mal la cohésion sociale et la capacité de résilience d’une société. Sans compter d’éventuels problèmes de santé publique liés en particulier au non-recours aux droits et à la santé, sans doute aggravé par l’isolement – question abordée dans le plan de stratégie pauvreté de 2018-2022 (l’accompagnement social doit renforcer les activités créant a favoriser le lien social et rompre l’isolement).

Problématique

Les approches holistiques ou individualistes de l’isolement font ressortir un fait saillant : le facteur économique est prépondérant dans la problématique de l’isolement. Ce que nous tenterons de reformuler autrement : le système d’échange7 - au sens où l’entend l’anthropologie économique – en particulier la répartition des ressources qu’il rend possible ou réalise de facto, joue un rôle déterminant sur le système relationnel ; entre les deux venant s’interposer le système technique et le système informationnel.

Illustrons cette proposition par un exemple issu de l’actualité. Dans l’épidémie du Covid-19, les modalités de circulation du virus délimitent un système d’échange marqué par des droits, des interdictions et des obligations. Ainsi, une interdiction pèse sur le fait de « donner le virus »8 et conduit à des obligations diverses. Les mesures prises par les États pour réguler ce système d’échange a des effets sur le système technique (développement de vaccins, utilisation de masques, techniques de distanciation sociale) et le système informationnel (message d’alerte, peur d’un ennemi invisible, etc.). Il en résulte deux effets. 1. La construction d’une économie marchande qui se greffe à ce système d’échange, 2. une modification structurelle du système relationnel qui impacte sur l’isolement. Par conséquent, aussi éloignées qu’elles peuvent sembler à priori, on voit donc bien que les thématiques de l’isolement et de l’échange sont en réalité indissociables.

On notera également dans cet exemple qu’il existe deux manières distinctes de considérer le problème de l’isolement. Dans le paradigme individualiste, comme les facteurs sociétaux sont déplacés hors du champ de l’analyse, on tendra à faire de l’isolement un problème purement individuel, en se concentrant sur la symptomatologie qui en découle, à défaut de pouvoir mettre en évidence une étiologie satisfaisante. Cela signifie que les facteurs holistes sont négligés. L’environnement est considéré comme une donnée exogène et la question est dirigée vers l’individu est non vers les conditions dans lesquelles son action est contrainte de se déployer.

Ainsi, dans une situation où une personne ou un groupe est assigné, enfermé, sous la contrainte d’une prescription prenant sa source dans une institution publique, on peut supputer que des acteurs collectifs (associations notamment) enfermées dans un paradigme individualiste auront tendance à se positionner en gestionnaire des symptômes de l’isolement plutôt que de tenter d’en éliminer la cause, à savoir la contrainte d’enfermement émanant de l’institution qui les finance, ou bien, les structures globales qui conduisent à produire la situation.

Ce phénomène sera d’autant plus prégnant dans un système d’échange marchand. Considérons en effet la question de la précarité. Étant pluridimensionnelle, comme le montre bien le paradigme individualiste, elle peut être :

  • relationnelle (ne connaître personne),
  • économique, c’est à dire liée à la disponibilité des ressources (propriété, ne pas être en mesure d’acquérir des biens élémentaires, être isolé par rapport aux « objets », être privé d’accès aux espaces de socialisation),
  • cognitive (santé mentale, manque d’information, représentations, absence de finalités, perte du désir de rencontrer du monde, etc.).
  • usagère (se sentir seul pour accomplir quelque chose, ne pas maîtriser des usages, etc.)

La précarité et l’isolement trouvent leur origine dans un système d’échange dominé par la modalité d’échange marchande et par la modalité d’appropriation de type « propriété privée » ou « appropriation et gestion par l’État ». Et ceci pour les raisons suivantes.

  • Les espaces de socialisation et les activités de mise en relation font l’objet d’un marché organisé et structuré, auxquels appartiennent notamment les organisations en charge de traiter le problème de l’isolement. Il y a donc une « marchandisation et une privatisation du lien social », du public ciblé et des espaces dédiés à cet effet (les espaces ouverts et gratuits étant limités en termes d’activités possibles et d’accès aux ressources),
  • le système d’échange marchand a souvent besoin d’exclure les autres systèmes d’échange pour fonctionner ou à défaut pour maximiser ses marges (en empêchant par exemple un accès direct et gratuit aux ressources afin de recréer de la rareté),
  • le marché tend à induire un cloisonnement et une spécialisation des espaces en fonction du type d’activités ou d’objets mis en vente (exclusion par la spécialisation),
  • l’échange marchand tend à créer de la distance sociale (à repousser la relation), contrairement à d’autres formes d’échanges, fondées sur l’économie non-marchande réticulaire, qui tendent au contraire à renforcer le lien social,
  • on peut raisonnablement craindre qu’un monopole radical des constitué autour du marché de l’isolement,
  • et de façon assez basique la propriété privée des ressources et des outils de production, et le monopole radical du marché sur de nombreuses activités, induisent une exclusion dans l’accès aux ressources (disponibilité restreinte) qui sont, en pratique, à la base de la précarité.

Prenant appui sur ces constats, la question de recherche que nous sommes amenés à nous poser est la suivante :

les organisations chargées de gérer l’isolement, et rémunérées à cet effet, ne tendent-elles pas à marchandiser leur public et à l’orienter vers des structures marchandes, participant ainsi au processus de renforcement de l’isolement, au lieu de chercher à démarchandiser et à ouvrir les espaces qui les maintiennent dans cette situation de précarité ?

Méthodologie et dispositif de recherche

Déploiement d’une recherche-action

Nous proposons d’aborder cette problématique à travers deux angles distincts.

Premièrement, nous construirons une enquête qualitative visant à observer si les acteurs collectifs concernés par la question de l’isolement et intégrés dans des systèmes d’échange marchand (notamment l’économie des subventions) adoptent et véhiculent des représentations « pro-marchandes » et développent des solutions qui vont dans ce sens.

Deuxièmement, en s’appuyant sur la démarche de la recherche-action, nous mettrons en place un outil convivial qui jouera un triple rôle, 1. révéler par contraste l’idéologie sous-jacente qui anime les organisations ayant à charge la gestion de l’isolement, 2. développer une structure potentialisant les échanges non-marchands à un niveau méso-économique (taille d’un campus par exemple), 3. permettre à des personnes précarisées de construire par eux-mêmes une structure qui facilite le développement

Concernant le premier point, nous espérons que cette recherche-action nous permettra d’observer les phénomènes suivants :

  • l’existence d’un paradigme individualiste dans les représentations du secteur médico-social qui tend à mettre en cause la personne isolée et non son environnement,
  • fondées sur cette idéologie, des pratiques d’orientation systématique du public isolé vers des institutions marchandes et professionnelles,
  • des représentations négatives sur la faisabilité, l’efficacité et les finalités des systèmes d’échange non-marchand (et donc du dispositif),
  • l’incapacité de relier l’isolement à des phénomènes marchands : fermeture, marchandisation du lien social,
  • une négligence ou une méconnaissance marquée des systèmes d’échange réticulaire et locaux non-marchands existants (peut-être en raison d’une concurrence potentielle),
  • les réactions de rejet ou d’invisibilisation face à des outils conviviaux et non-marchands.

Enfin, nous parions sur le fait que la recherche-action nous permettra de créer les conditions pour que les acteurs frappés par l’isolement soient prêts à s’investir et à se mobiliser dans des structures alternatives au marché, et donc à intervenir directement sur leur environnement méso-économique.

Public, territoire et dispositif mobilisé

Selon les études du CREDOC, l'isolement touche différentes catégories sociales mais tout particulièrement les jeunes et les personnes âgées sans doute parce qu’ils ont comme point commun d’être exclus du salariat. Dans un premier temps, notre étude se focalisera sur la population des jeunes et en particulier la population étudiante qui nous semble d’autant plus pertinente qu’elle est encadrée par de nombreux acteurs associatifs.

Le dispositif que nous utiliserons permettra de tester les hypothèses de recherche, d'entrer en contact avec les personnes touchées par ces phénomènes, de les questionner sur une durée suffisante afin d'affiner la description de leur situation et de leur perception, enfin de voir comment et sur quels leviers il est possible d'agir pour répondre à ces problématiques sociétales prégnantes.

Concrètement, il s’agit d’un espace de gratuité mobile qui circulera entre différents campus des universités toulousaines et qui sera conçu selon les critères de l' « outil convivial »9. Sous la forme d’une caravane, ce lieu d'échange et de convivialité sera propice au lien social, à la possibilité de se valoriser en donnant et facilitera l'accès à des ressources. De manière générale il sera alimenté par le don et permettra à toute personne de s'y rendre afin de prendre et/ou de donner des objets, de proposer des activités, d'échanger et de rencontrer d'autres personnes. Il visera aussi à informer et à potentialiser l’information relative aux systèmes d’échanges non-marchands à construire sur le territoire concerné.

Cette caravane10, propulsée par l’association GratiLib, se situe actuellement à Toulouse à la Maison de l'économie sociale et solidaire mais elle pourra être déplacée sur le campus de l'Université de Toulouse afin de toucher le public étudiant.

L’étude pourra être complétée par une étude comparative avec un autre dispositif de ce type qui s’en est inspiré et dont l’association GratiLib a fait partie des initiateurs, le boomerang, qui se situe à Paris dans le XVIIIème et le XIXème arrondissement et qui se déplace dans différents quartiers. Inscrit dans une démarche de prévention spécialisée, il vise à reconstruire des circuits d’échange et un imaginaire commun entre des quartiers où les jeunes sont en conflit. La comparaison entre ces deux espaces pourrait permettre de tester certaines hypothèses de recherche que nous venons de formuler.

Outils d’observation

Notre méthodologie d’enquête utilisée pour cette recherche qualitative, qui pourra être déployée à la fois dans la sphère réelle et virtuelle, sera : la recherche documentaire, les entretiens semi-directifs et les observations qualitatives. Nous espérons également mobiliser des étudiants vidéastes pour qu’ils puissent se servir du dispositif comme support pour un documentaire. La grille d’entretien et les grilles d’observation seront adaptées aux indicateurs et aux relations que nous souhaitons mettre en évidence. L’échantillon à interviewer sera composé des acteurs suivants : une partie des professionnels qui travaillent dans les associations cibles, une partie du public isolé repéré par ces associations et une partie du public repéré dans l’espace de gratuité comme un public isolé.

Par ailleurs, dans le cadre d’une recherche citoyenne, l’espace de gratuité offrira – parmi d’autres activités – la possibilité de participer à la recherche en cours. D’une manière générale, les méthodes de la recherche-action11 participative, tant pour la construction des connaissances que pour la transformation possible de la situation, seront privilégiées dans cette recherche. Rappelons qu’il s'agit d'une part d'analyser une situation sociale caractérisée par l'isolement, et d'autre part, de tenter d'établir un dispositif qui transformerait cette situation, en modifiant les facteurs qui la produisent.

Diffusion

Une fois la recherche-action aboutie, nous nous concentrerons sur la rédaction du texte et les outils de diffusion à privilégier. À ce moment, en nous fondant sur les données récoltées, nous élaborerons des préconisations et des recommandations des bonnes pratiques utiles à la lutte contre l’isolement.

Il nous semble important de valoriser les résultats de cette recherche via l’essaimage des résultats. Outre la production d’un rapport qui pourra être mise en ligne sous licence de libre diffusion pour consultation, nous pourrons au travers de l’espace de gratuité mobile nous déplacer et proposer des échanges citoyens autour des résultats de la recherche, afin de sensibiliser le plus grand nombre des personnes.

Nous pourrions ainsi constituer une vidéo avec les explications principales à envoyer aux associations pour essaimage sur le territoire national. Par ailleurs, nous proposons aussi la constitution des fiches explicatives avec des recommandations des bonnes pratiques.

Calendrier

Une première phase préparatoire de 3 mois sera consacrée aux points suivants :

  • recueillir les représentations des acteurs avant que le dispositif ne soit installé (représentations sur la faisabilité et la non-faisabilité du projet),
  • commencer à promouvoir le projet et à informer dessus,
  • approcher les acteurs institutionnels potentiellement concernés,
  • énumérer les initiatives existantes et leurs méthodologie d’action,
  • mobiliser des étudiants qui pourraient être partie prenante du projet
  • les impliquer dans le repérage des espaces pertinents en terme d’installation de l’espace de gratuité mobile.

Durant la deuxième phase, qui durera 4 mois, nous proposons les actions suivantes :

  • interroger et de mobiliser le public cible en utilisant la démarche de « l’aller vers »,
  • recueillir la parole et la réaction des professionnels pour comprendre leur démarche,
  • impliquer des acteurs-chercheurs dans le travail de recherche sur le principe de la science citoyenne,
  • travailler avec les acteurs sur des transformations des pratiques.

Durant la quatrième phase, qui durera 2 mois, nous essaierons :

  • d’impliquer des acteurs-chercheurs pour assurer la continuité de la recherche-action,
  • de consolider le projet sur le plan institutionnel,
  • d’impliquer au maximum les acteurs institutionnels et les étudiants dans l’évaluation, l’analyse des données de recherche et la diffusion future des recherches,
  • de prévoir d’autres expérimentations du même type sur d’autres campus ou dans un contexte intergénérationnel (circulation de l’espace de gratuité mobile sur les quartiers sensibles du Mirail, avec des EPHAD par exemple).

Notes

1 Par Mr. Fillon, alors premier ministre.

2 Avis du Conseil Économique Social et Environnemental, « Combattre l'isolement social pour plus de cohésion et de fraternité », 28 Juin 2017.

3 Voir Paugam. S, entretien avec la Fondation de France

4 Cohen. V, « La vulnérabilité relationnelle », Socio-anthropologie, 1, 1997

5 Pan Ké Shon J. L., 2003, « Isolement relationnel et mal être », Insee Première, n°931

6 Castel. R, « De l'indigence à l'exclusion, la désaffiliation. Précarité du travail et vulnérabilité relationnelle », in J. Donzelot, « Face à l'exclusion, le modèle français », Paris, Esprit, 1991

7 On peut le définir comme un système comprenant d’une part, les droits et les obligations portant sur des ressources et déterminant leurs modes de circulation réels ou possibles (modalité d’échange), d’autre part, la circulation effective de ces ressources en adéquation avec ces modalités d’échange.

8 Quoiqu’on ait bien vu des covid-party.

9 Illich. I, « La convivialité », Paris, Seuil, 1973.

10 Espace de gratuité mobile mis en place par l'association Gratilib.

11 La recherche-action est une démarche scientifique dans laquelle « il y a une action délibérée de transformation de la réalité ; (…) [avec] un double objectif : transformer la réalité et produire des connaissances concernant ces transformations », Colloque INRP, Paris, 1986.


Proposition pour le colloque de l'AIFRIS. Rédigée trop tard.

Pourquoi et comment se développe l’isolement ? Comment est-il possible d’agir dessus ? Nous proposons ici de montrer en quoi les espaces de gratuité conviviaux pourraient apporter des éléments de réponse pertinents à cette problématique.

Comme bien d’autres phénomènes sociaux, l’isolement est multifactoriel. On ne peut donc traiter tous ses facteurs simultanément. Il convient alors d’examiner lesquels sont prioritaires dans l’analyse du phénomène et dans la nature des interventions qui en découlent. Appuyons-nous pour cela sur une typologie factorielle.

Les facteurs, et par conséquent, les formes d’intervention afférentes d’un phénomène social comme l’isolement peuvent être classées en fonction de quatre critères :

  1. L’échelle : l’individuel, le méso et/ou le niveau macro-sociologique.
  2. Le « niveau structurel » : l’« arrière-plan », la structure « profonde » ; ou bien, le superficiel, le conjoncturel.
  3. La « distance » par rapport au « phénomène » en tant que tel : l’action peut porter sur le phénomène proprement dit (ex : on amène directement la personne isolée à une fête !) ou bien, s’appuyer sur des facteurs plus éloignés, d’un point de vue causal, temporel, géographique ou même « téléonomique ». De là une distinction entre des actions ciblées sur des variables qui caractérisent le phénomène en tant que tel, ou au contraire, sur des variables qui sont supposées agir sur lui.
  4.  Le type de « système » auquel le facteur appartient : biologique, relationnel, technique, économique (circulation, échange).

À cette typologie factorielle correspond une typologie des formes ou « politiques » d’action sociale (fondée sur la compréhension et la transformation des phénomènes).

Par exemple, les politiques médico-sociales se focalisent sur les comportements, les trajectoires, les caractéristiques biologiques, économiques, psychologiques ou sociales, au niveau individuel et non structurel. Les facteurs incriminés sont également faiblement distanciés du problème. La réinsertion par le travail, un suivi psychologique, des aides économiques ponctuelles constituent alors l’arsenal mobilisé contre l’isolement.

Les espaces de gratuité conviviaux, que l’on peut définir comme des espaces dans lesquels la circulation et l’échange des biens et des services sont fondés sur l’absence d’obligation de contre-partie définitive, aborde le problème de façon bien différente. Leur niveau d’action est méso-social (développement de structures intermédiaires de circulation ou d’échanges non-marchands), structurel (action sur la structure même des systèmes d’échange), bien plus distancié (le phénomène visé n’est pas l’isolement en tant que tel) et orienté sur la transformation de variables économiques structurelles (comme les systèmes d’échange).

En tant qu’outil d’analyse et de transformation sociale, ils conduisent alors à :

  • révéler la prédominance de la professionnalisation et de la marchandisation dans la construction de la valeur-travail et du marché du travail, qui constituent des facteurs d’exclusion et donc d’isolement ;
  • voir dans l’empêchement ou l’obligation de donner et de prendre induit par l’économie marchande, un facteur majeur de l’isolement ou de troubles psycho-sociologiques qui y conduisent ;
  • réduire la précarité économique en cause dans l’isolement à travers un double mouvement : 1) l’accroissement de la disponibilité globale des ressources via le développement de systèmes alternatifs d’échange non-marchands et réticulaires, 2) l’effacement de la valeur-marchande au profit de la valeur d’usage ;
  • dévoiler, à travers la confrontation des modèles, le rôle des politiques médico-sociales conventionnelles dans le renforcement du risque d’isolement.

Nous appuierons notre propos sur une analyse comparative et qualitative de quatre espaces de gratuité. En retenant trois variables (mobilité, professionnalisation, urbanité), nous verrons comment ces espaces de gratuité constituent des outils de mobilisation, d’analyse et d’action, pertinents dans des contextes pluriels.

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