Recherche pour une revalorisation de la précarité

Il existe un préconçu fort dans la plupart des recherches académiques sur la précarité, les sans-abris, les SDF, celui selon lequel la situation de précarité est forcément subie et, tout au moins, non désirable.

Préjugé bien commode qui légitime des pratiques coercitives sur les populations qui ont choisi un mode de vie alternatif, ou bien, qui trouvent dans ce mode de vie une alternative à la dureté économique du mode de vie classique (logement forcé dans des "cages à poule", expulsions, etc.). Préjugé qui nous conforte, également, dans l'idée que nous sommes avancés, riches (de quoi ?), supérieurs, etc.

L'objet de cette recherche serait d'étudier ce qui, dans le mode de vie des SDF, des précaires, relève d'un choix personnel, ou tout au moins, d'un refus conscient et plus ou moins bien assumé. Il serait aussi de dénicher et de mettre en relief la revendication politique qui est sous-jacente aux pratiques qu'ils développent et au discours qu'ils tiennent. Cette revendication politique est généralement étouffée par le discours misérabiliste, hygiéniste, ou même eugéniste (au sens où on voudrait voir disparaître, ou parquer une population gênante), qui colonise les services sociaux et plus généralement le sens commun.

Bien que j'adhère depuis longtemps à cette idée qu'il est nécessaire de revaloriser la pauvreté (la pauvreté volontaire), l'idée d'en faire une recherche m'est venue il y a peu, en revenant de voyage. J'étais habillé un peu n'importe comment, lorsqu'un zonard m'a interpellé pour discuter avec moi, m'ayant pris pour un SDF, ou pensant que j'étais à la rue. J'étais bien embêté car je ne savais pas quoi trop lui répondre. Dans le fond, il est vrai, en effet, que je revendique un mode de vie plutôt nomade, et que je ne suis pas, actuellement tout au moins, dans une situation financière facile !! Pour autant, j'ai un logement fixe et un revenu. Je lui en fis part et en discutant de cela avec lui, deux points importants me sont apparus.

• D'abord, le flou de la notion, et son caractère stigmatisant. Je sais qu'il existe une large littérature sur la mise en place historique des politiques de contrôle et d'éradication des vagabonds, mais ces travaux historiques ne devraient pas faire oublier la continuité directe avec la réalité actuelle. Sous une forme différente, certes, les vagabonds, les SDF sont aujourd'hui canalisés, parfois chassés, et surtout, dénigrés dans leur façon d'être et de penser. La catégorisation SDF jouant un rôle fondamental dans le processus.
• Ensuite, tandis que je lui faisais part du fait que j'avais déjà un logement, il m'apprit que lui aussi en avait déjà un, mais qu'il ne voulait pas y résider. Peut-être l'a-t-il dit en confiance, car il me prenait pour l'un des siens - et dans le fond, n'était-ce pas le cas ?

Il serait donc urgent d'opérer un renversement axiologique, de façon à ne plus considérer à priori la précarité sous un angle négatif et subi.

Des observations participantes, des entretiens moins dirigées permettraient peut-être de progresser dans cette voie.

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