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Pourquoi la maison non-marchande de puivert a fonctionné ?

Auteurs : Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique)
Date de création de l'article : 09-11-2022 11:42
Rubrique: Le journal de la culture libre et du non-marchand
Etat de la rédaction: finalisé
Droit de rédaction : ouvert
Licence : Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 09 novembre 2022 / Dernière modification de la page: 10 novembre 2022 / Propriétaire de la page: Benjamin Grassineau


Résumé : J'ai écrit ce petit texte sans prétention au début de l'année 2021, suite à ma découverte des préjugés tenaces qui animent les « travailleurs sociaux », en particulier lorsqu'il s'agit d'entreprendre une action mobilisatrice. Je trouve leur approche ouvertement, bien qu'ils ne s'en rendent même plus compte, manipulatrice et artificielle, collectiviste et planifiée ; là où il faudrait au contraire laisser libre cours à l'imagination individuelle, à la confiance, à l'indétermination et à l'entraide spontanée. Or, c'est précisément ce que nous avions cherché à faire à la maison non-marchande de Puivert. Et c'est en ce sens que notre démarche n'a rien à envier à celle qui domine le travail social...

Voilà du moins l'état d'esprit dans lequel je me trouvais au moment de la rédaction de ce texte.

Le fait est que le « travailleur social » cherche à calquer ses concepts savants sur des « populations cibles », se transformant ainsi, tout en s'en défendant vigoureusement, en ingénieur ou en opérateur, spécialisés dans le modelage et la modélisation de la « matière sociale ». Las ! Bien des désillusions l'attendent au tournant ! Car cette matière est complexe, mouvante, jamais inerte. Le public cible résiste sans relâche, contourne les procédures, désobéit aux injonctions et refuse de s'aventurer dans les chemins où on tente de l'égarer, que ce soit par la force ou, plus sournoisement, en lui faisant croire que c'est pour son bien... Ce contexte rend les travailleurs sociaux bien souvent impuissants face à un public aussi « rétif » qui, plombé dans l'irrationnalité, n'arrive même pas à se mobiliser pour défendre ses intérêts !

Ce texte est donc un cri brut, un appel au bon sens qui ne fait que rappeler un message vieux comme Hérode : « vous désirez aider votre prochain ? commencez déjà par les laisser vivre en paix et vous aider vous-même ».

Pas gagné...



Voilà comment je m'y suis pris. Je suis arrivé dans ce village, j'ai dit :

« Ok, j'aimerais vivre sans argent (plus précisément, sans échange marchand) et je pense que c'est une bonne chose que la société ait moins d'argent et qu'on peut faire des choses sans, je suis sûr que ça peut améliorer plein de trucs ».

Le but était radical : proposer une alternative non-marchande intégrale pour développer un équivalent payant pour toute chose, appliquer ce principe à ma propre vie, expérimenter toutes les formes d'échange sans obligation de contre-partie définitive, utiliser des ressources non-marchandes ou privées pour faire fonctionner le lieu, maximiser l'ouverture, être non-directif sur l'organisation et supposer que ces mécanismes suffiront à assurer la régulation du lieu (par exemple, le problème du sur-stock peut être réglé par le fait que chacun est libre de prendre les affaires comme il le souhaite).

Je n'ai rien demandé à personne, j'ai juste dit :

« voilà, on va faire comme ça, je propose un lieu (chez moi) où on dépose, on prend gratos, ceux qui veulent venir viennent et participent comme ils veulent. Le but est simple, on a tous des problèmes, mais l'idée, c'est de s'organiser entre nous, sans intermédiaire, de façon indépendante, pour vivre sans argent. Je propose pas la lune : la réussite scolaire, aider à trouver un travail, la reconnaissance académique, etc. Je propose juste de nous organiser pour subvenir à nos besoins en inventant des formes d'échange qui permettent d'y arriver. J'ai les compétences pour les inventer (je sais faire un site internet, je suis créatif, je sais conceptualiser), je m'y mets. »

J'ai « emmerdé » personne avec des idées de recherche-action, de développement, de finalités, de revitalisation des territoires, etc. (pour tout dire, je n'ai jamais vraiment cru à ces concepts et pour moi, la question des motivations devait être détournée de son sens : elle devait servir à réinterroger le pourquoi de l'échange marchand ; en revanche, j'ai cru dès le début à l'idée de revitalisation des territoires ruraux, mais je ne l'ai jamais vraiment exploité), j'ai juste affiché mes intentions clairement : essayer de vivre sans argent (ce que je n'ai d'ailleurs jamais réussi à faire) et ma volonté de développer des échanges sans argent et surtout sans obligation de retour. Ce qui n'a pas plus à tout le monde. Il a fallu que je sois intransigeant. Ca fonctionnera sans argent, sans subvention et sur des principes de communication entièrement ouverts (à l'époque, je voulais radicalement rompre avec le modèle de la recherche académique). Point. Du coup, je n'ai rien demandé à personne. C'était comme ça et c'est tout. Qui m'aime me suive. C'est ouvert.

Et ça a marché. Il y a eu des milliers de personnes qui ont utilisé ce lieu, ça a permis de revitaliser le village hors saison touristique. Des bénévoles ont repris le lieu spontanément en main sans que je ne leur demande rien.

Ca a été long, j'en ai bavé. Comme le magasin gratuit était ouvert à tout vent, j'ai ramassé des crottes pendant des années, rangé et trié des affaires pourris, répondu à des relous. J'ai bravé bien des tempêtes ! Mais on a tenu bon, moi, Sarah Plantier, mon ex-compagne et deux ou trois autres personnes qui venaient de temps en temps. On a été le noyau du projet.

Je n'ai jamais vraiment eu de reconnaissance pour ce projet. Engagé dans une démarche d'open science radicale, je ne voulais pas diffuser mes idées en dehors de l'auto-publication. Dans l'idée que tant que c'était en ligne, c'était publié. Certes, c'était ambigu chez moi, mais je voulais refuser d'entrer dans le marché de la publication et de la reconnaissance. J'ai cependant toujours eu en tête l'idée de répondre à une question avec la maison non-marchande de Puivert : la faisabilité de la gratuité en dehors de la sphère immatérielle.

Le projet a fait des petits. En particulier via le site nonmarchand.org qui, à un moment donné (2013), a eu son heure de gloire et en raison d'une expérience similaire au café citoyen à Lille. Un exemple : aujourd'hui, quand vous voyez le terme « espace de gratuité », dites-vous que ça vient probablement de ce site !




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