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Remarques sur l'observation et ses objectifs (à propos du Boomerang)

Auteurs : Benjamin Grassineau, Charles Péchon (voir aussi l'historique)
Date de création de l'article : 02-04-2023 09:42
Rubrique: Le journal de la culture libre et du non-marchand
Etat de la rédaction: finalisé
Droit de rédaction : ouvert
Licence : Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 02 avril 2023 / Dernière modification de la page: 22 juin 2023 / Propriétaire de la page: Benjamin Grassineau


Résumé : Bref échange par courriel qui porte sur l'éthique de l'observation en recherche.



Charles Péchon (21 juin 2022)

Cela fait plusieurs mois que je participe au projet, presque un an. Depuis le départ il est question d'une « recherche-action » autour de la mise en place d'un espace de gratuité visant à questionner les dynamiques de la violence. Il s'agit aussi d'une action nouvelle dans la prévention spécialisée, il est donc aussi question de voir en quoi cette celle-ci pourrait s'effectuer à travers un espace de gratuité. De plus, le projet se veut participatif et convivial, dans la mesure ou les utilisateurs sont libres d'orienter l'espace dans la direction qu'ils souhaitent, sans qu'il soit possible d'imposer un type d'orientation.

Pour répondre à ces objectifs et mener cette « recherche-action », nous prenons des notes sur ce qui se passe sur l'espace de gratuité. Ainsi nous nous positionnons, plus ou moins, comme des observateurs ( mais aussi comme des acteurs puisque que nous le mettons en place, l'animons, etc. ).

C'est notre position d'observateur que je souhaiterai questionner, pour peut-être en discuter lorsque l'occasion se présentera. Chaque participant à la « recherche-action » n'a pas forcément les mêmes objectifs, ni la même conception de la « recherche » , etc.

J'envisagerai donc la position d'observateur à partir de ma conception de la « recherche ».

Je participe à ce projet car je connaissais déjà un peu les « espaces de gratuité » grâce à Benjamin et qu'il me plaît de contribuer à leur développement. J'ai pu découvrir la prévention spécialisée grâce à cela et celle-ci m'intéresse beaucoup et me semble, en tout cas originellement, proche de ce que je pense ( libre adhésion et anonymat pour les jeunes, non-institutionnalisation, liberté d'action, critique sociale pour le mouvement de prévention spécialisée, par exemple ). En outre, il s'agit à travers cette « recherche-action », engagée avant ma venue, de penser par exemple les rapports entre gratuité, prévention spécialisée, action sociale, situation globale des jeunes. Cela me semble tout à fait pertinent et c'est d'ailleurs pour cette raison que cela constituera une partie de mon travail de thèse. Enfin, cet ensemble est destiné à permettre une certaine autonomie ( émancipation ? ) chez les utilisateurs de l'espace de gratuité ( donc nous aussi ).

Les objectifs ( ceux défendus par l'équipe qui met en place ce projet ) me paraissent donc tout à fait acceptables, c'est pourquoi je participe.

Cependant les choses se compliquent quelque peu lorsqu'on pense aux moyens sensés les servir. D'abord le terme « recherche » me pose problème. Je considère que la recherche de manière générale, c'est-à-dire la « technoscience », est une des causes actuelles, et ce depuis assez longtemps, de la négation de la personne, donc de sa liberté1. La recherche n'existe pas sans la technique et inversement, or ce couple indissociable participe autant à la manipulation de l'homme que de la nature. C'est à dire considère l'homme comme un objet, mesurable, manipulable, etc. et se focalise sur le plus pesant, le plus collectif. La technoscience ne saisit que des déterminismes, c'est pourquoi pour elle la liberté n'existe pas. La technoscience sert en outre au développement de l’État et de l'économie : les crédits ne sont pas pour rien2.

Penser le monde qui nous entoure, donc par exemple le projet dont je parle, ne doit pas se servir des moyens de la technoscience, sinon les objectifs sont perdus. Comment dès lors penser les rapports entre gratuité, prévention, liberté, violence, etc. sans considérer l'homme comme un objet manipulable, c'est la question que je voulais poser.

Quelques éléments. D'abord l'équipe qui le fait est indépendante de la « recherche » officielle et assez libre dans ses façons de faire et ses objectifs. Cela constitue donc un bon départ. De plus, l'action mise en place, si nous arrivons à la maintenir dans cette orientation, est conviviale3 au sens d' Illich, ce qui constitue aussi un point positif.

Mais j'ai eu l'impression en écrivant le compte-rendu que ma position d'observateur représentait justement ce que je rejette. Mettre sur un site les observations de personnes, même anonymes, qui viennent sur l'espace de gratuité, qui ne savent pas forcément qu'elles font l'objet de ces observations ( la formule est déjà révélatrice... ) me semble peu respectueux de leur personne. Je n'aimerai pas qu'on le fasse avec moi. Comment faire alors pour tout de même penser les rapports entre gratuité, prévention, violence, etc. ( d'autant plus que c'est exploratoire, donc je ne sais pas encore exactement quoi observer ) sans tomber dans le travers que je dénonce ? L'observation n'est pas forcément exclue, mais il faudrait trouver, je pense, des conditions assez précises dans lesquelles elle ne correspond pas au fait de faire de ces personnes des objets d'observation. Je ne sais pas vraiment comment, même si la première chose à faire, c'est sûr, est de se poser la question.

Benjamin Grassineau (21 juin 2022)

Bonjour Charles, ton texte est excellent. Je le trouve très intéressant et pertinent. Et j'approuve ta démarche. Il me semble indispensable d'avoir une réflexion, critique ou non, sur notre action de recherche. 

J'opposerai toutefois, pour compléter ton argumentation, une recherche artisanale, conviviale et non marchande, à une recherche technoscientifique, hiérarchisée et marchandisée. C'est une position que je défends depuis au moins quinze ans. Le droit à faire de la recherche sous la première forme. Et GratiLab s'inscrit dans cette démarche (certes avec pas grand monde)...

Mais cette posture requiert une réflexion de fond sur les conditions d'évaluation, de participation et de diffusion de la recherche ; et aussi, potentiellement, d'accepter de faire primer l'éthique sur l'efficacité. Néanmoins, faut-il généraliser ou considérer (bien que ce soit aussi une généralisation...) que chaque recherche ou recherche action peut développer localement ses propres outils et méthodologies de recherche, sa propre éthique, sans prétendre à un impérialisme épistémologique (cf. Feyerabend) ? Il y a derrière cette interrogation la question du relativisme qui est fort intéressante et qui pourrait venir nourrir ton propos.

Bref. J'ai hâte de lire ton texte une fois achevé. J'ajoute aussi pour finir qu'il n'y a bien sûr aucune obligation pour publier sur le carnet de recherche. S'il m'arrive de mettre un peu la pression, c'est en tant « qu'animateur », d'une certaine manière, et surtout pour encourager à ce qu'il soit alimenté collectivement. Mais on peut apporter ce qu'on veut comme contenu. Ce qui n'est d'ailleurs pas la norme dans la recherche conventionnelle !

A très bientôt.

Notes

1 Voire par exemple B. Charbonneau, A. Grothendieck, J. Ellul, G. Hottois, Pièce et main d'oeuvre, etc.

2 Il est vrai que je vais sans doute faire une thèse...

3 Cela pourrait encore faire l'objet de précisions quant aux conditions qui permettent de l'affirmer.

Catégories : Recherche conviviale




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