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Supprimons le financement public de la recherche et de l'enseignement en économie Auteurs : Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique) Création de la page: 26 novembre 2013 / Dernière modification de la page: 26 mai 2022 / Propriétaire de la page: Benjamin Grassineau
Résumé :
Article rédigé en 2006. Vulgum et RSU « La transformation d'une profession libérale en profession dominante est équivalente à l'institution légale d'une Eglise. Les médecins métamorphosés en biocrates, les professeurs en gnosocrates, les entrepreneurs de pompes funèbres en thanatocrates, sont bien plus proches des clergés subventionnés que des syndicats. En tant qu'instructeur diffusant ce qui est conforme à l'orthodoxie scientifique, le professionnel agit comme un théologien. En tant qu'entrepreneur moral, il joue le rôle du prêtre : il crée le besoin de sa médiation. En tant qu'aide militant, il joue le rôle du missionnaire et traque les déshérités. En tant qu'inquisiteur, il proscrit les déviationnistes : il impose ses solutions au récalcitrant qui se refuse à reconnaître qu'il est un problème. » Ivan Illich, Le chômage créateur, 1977, p 48. « Nulle part la liberté n'est plus nécessaire que là où notre ignorance est la plus grande - aux frontières de la connaissance, autrement dit là où personne ne peut prédire ce qu'on va trouver un peu plus loin devant soi. » Friedrich A. Hayek, La constitution de la liberté, 1994, p 390. J'ouvre1 ici un débat sur la situation actuelle de l'enseignement et de la recherche en économie. A bien des égards - nous allons voir pourquoi - celle-ci n'est plus tenable et il faut donc transformer la manière dont nous enseignons, apprenons, utilisons et produisons l'économie. Comment s'y prendre ? Je propose comme « solution miracle » de supprimer le financement de la recherche et de l'enseignement des sciences économiques dans les établissements publics. Je propose cette solution, car c'est une solution pleine de bon sens, souhaitable pour de nombreuses raisons, peu coûteuse, facile à mettre en place, utile à la société, économe et éthique. En fait, tant du point de vue de la morale, de la justice sociale que de l'efficacité économique, c'est de loin la meilleure solution. De plus, c'est une solution parfaitement adaptée à des positions épistémologiques et idéologiques contradictoires.
La solution de la suppression du financement dépasse donc les clivages idéologiques. C'est une solution raisonnable, sensée et efficace, et qu'il faut sans doute mettre en oeuvre le plus rapidement possible. J'en conclurai, pour ouvrir une perspective, qu'il faut repenser de manière plus générale le financement des sciences sociales (ce que je ne développe pas ici), et repenser la façon dont nous enseignons, diffusons, produisons et pensons ces sciences dans nos sociétés. Pourquoi couper la source ? J'ai un gros défaut. J'aime traîner sur Wikipédia. Et j'aime écrire des articles pour cette encyclopédie libre et coopérative. C'est ainsi que je me suis amusé à faire des articles pour une quinzaine d'économistes lauréats du prix de la banque de Suède en sciences économiques en mémoire du père Nobel (par chez moi, on dit "père machin" pour les vieux). Petit passe-temps bien sympathique qui permet de meubler les temps morts. Je donne ici quelques conclusions que j'en ai tirées. Le mystère du Papa Nobel d'économie Tout d'abord, pourquoi ai-je perdu du temps à le faire ? Essentiellement pour deux raisons
Je suis alors arrivé à la conclusion suivante : il l'est ! Les économistes récompensés par l'institution Nobel ne servent à rien, n'ont rien fait d'intéressant, n'ont rien inventé (ils ne font que mathématiser des banalités), sont complètement à côté de la plaque (ce qu'ils racontent est soit faux, soit déconnecté du réel), disposent d'une aura grotesque à la vue de la médiocrité de leurs travaux, sont hyper-engagés politiquement (presque tous les prix de la banque de suède sont décernés à des libéraux de gauche ou de droite2), si bien que leur soi-disant autorité et neutralité scientifique, censée être garantie par la rigueur des mathématiques, cache le plus souvent des prescriptions politiques, des préjugés de sens commun ou des délires idéologiques. Comme l'a très justement fait remarquer Serge Latouche, La meilleure façon de connaître la réalité sociale n’est sans doute pas celle qui s’enseigne dans les écoles. Les grands romanciers et les grands poètes mêmes nous en apprennent souvent plus sur la société dans laquelle nous vivons que les prix Nobel d’économie et les social scientists, les scientifiques du social.'' La déraison de la raison économique, 2001, p 160. De plus, si nous considérons le fait que ces économistes ont assuré leur promotion personnelle grâce à l'argent du contribuable, et grâce à l'argent - soutiré à des travailleurs payés au lance-pierre - de divers mécènes, lobbies et think-tanks, alors, il est clair que ce sont de véritables poids pour la société. Question : comment peut-on récompenser des crétins pareils, aussi inefficaces, pédants, aveugles et conformistes (et dangereux quand ils prônent leurs politiques délirantes) ? Et comment peut-on les écouter ? C'est un mystère de la nature humaine qui me fait penser que :
Combien nous coûtent les économistes ? Où va l'argent que nous leur donnons ? Commençons par un petit calcul. Admettons qu'un prof d'éco d'élite (une sorte de bête de course) soit payé en moyenne durant sa vie au moins 5000 euros par mois pour dire toutes les choses intelligentes qu'il raconte, et qu'on peut entendre au bistro du coin sous une forme moins "élégante". A cela rajoutons bien 1000 euros en conférences, voyages et autres (car les économistes étant modernes, ils sont plutôt du genre hyper-nomades). On atteint alors les 6000 euros par mois. Soit 70.000 euros par an. Arrondissons à 100.000 car on a sûrement oublié pas mal de frais d'entretien (un économiste de luxe coûte cher, il est exigeant, c'est un peu comme une "rue de la paix au Monopoly"). Multiplions par 50, le nombre d'années où il faut faire en sorte que l'économiste soit payé pour qu'il puisse reproduire sa force de travail. Car il faut savoir que les économistes nobélisés vivent vieux. Ce sont toujours les meilleurs qui partent en premier. A preuve, Keynes, qui était un économiste éclairé (il y en a), est mort assez jeune (63 ans). Par contre, Hayek, un danger public (qui a pas dit que des conneries...), a continué à sévir et à distiller sa haine des pauvres qui veulent se syndiquer, de la démocratie, de l'Etat providence, de Robin des Bois, de la révolution française et des socialistes jusqu'à 93 ans (c'est à mon avis la seule chose qui permet d'expliquer le succès de sa revanche sur Keynes, digne d'une histoire de comics américain). Quoi qu'il en soit, la charge pour la société d'un économiste est d'environ 5 millions d'euros. Par comparaison, un Rmiste à vie revient à peu près à 500 euros x 12 mois x 40 ans = 240.000 euros. (Car les populations les plus démunies ont une espérance de vie nettement inférieure à celle des populations aisées). Soit 20 fois moins. Il y a eu environ 60 économistes récompensés depuis la création du prix de la Banque royale de Suède. On tombe donc à 300 millions d'euros. Ajoutons les 50 millions du prix nobel (prix et frais divers), on arrive à 350 millions d'euros. Un chiffre approximatif bien sûr. Mais qui laisse à réfléchir. Voilà le prix à payer pour que des joyeux lurons sortent des banalités que des piliers de bar expliquent mieux et plus clairement..., et décident à l'occasion de l'avenir de la planète ! Moi ça me sidère. Et il ne s'agit là que de l'argent distribué à l'élite économique. En fait, on dépense environ 5 % du PIB dans les pays industrialisés pour l'enseignement et l'éducation (Info 1 et info 2). Admettons que 5 % de cette somme soit alloué à la recherche et à l'enseignement en économie, qui sont en tout point du monde, complètement standardisés et creux (on en apprend autant sur Internet ou en bossant en entreprise). On obtient approximativement du 0,2 %. Avec un PIB mondial de 40 000 milliards d'euros, ça fait à peu près 100 milliards d'euros par an. Ce sont donc en moyenne tous les ans, 100 milliards d'euros qui partent en fumée pour la gloire des économistes (et je ne parle pas de tout ce papier gâché pour meubler des revues aussi bêtes qu'ésotériques). Chaque être humain paye donc pas moins de 20 euros par an pour entretenir « l'éducation économique » et la recherche en économie. Et à mon avis, si nous tenons compte des frais de collectes de données, nous atteignons facilement les 50 euros, voire les 100 euros. Et pour quel résultat ? Pour nous dire qu'il va falloir privatiser la sécurité sociale, supprimer les minima sociaux, privatiser les forêts, les espèces rares, le domaine maritime, et que tout va rentrer dans l'ordre ! Mais avec une telle somme, nous pourrions faire plein de trucs sympas : relancer la croissance, lutter contre la misère, protéger les espèces menacées, etc. Et nous pourrions décider par vote pour savoir à quoi cet argent pourrait servir (imaginons un méga-vote par Internet...). Pour le chômage des économistes ! Donc, voilà la solution à tous nos problèmes ! Mettons les économistes au chômage et laissons l'étude de l'économie aux citoyens, et non pas à des gourous pseudo-scientifiques qui s'imaginent qu'ils ont percé les secrets de l'être humain (qu'ils soient marxistes, orthodoxes, libéraux, libertariens ou néo-marxo-libéral-anarcho-transhumaniste à dominante punk-attitude !). De plus, à la différence des physiciens, ils peuvent bosser chez eux, et ils peuvent très bien faire leur propagande à leurs frais ! Donc question : pourquoi diable les économistes n'y ont pas pensé avant ?! Eux qui sont pourtant si prompts à nous seriner que nous devrions mieux gérer notre argent si mal dépensé3. Eux qui nous promettent un avenir radieux si nous supprimons la gratuité de l'enseignement. Ce serait pourtant en complet accord avec leurs théories ? Pourquoi aurait-on besoin d'économistes qui nous bassinent que le marché fonctionne naturellement à merveille, et qu'il ne faut surtout pas intervenir, si tout fonctionne naturellement bien ? Terrible contradiction ! Il serait vraiment superflu de payer une caste d'intellectuels aussi chèrement, pour étudier un système qui fonctionne si bien spontanément. Autant se contenter d'études privées ou d'études faites par des bénévoles. Le financement de la physique et de la médecine est à la limite souhaitable, puisqu'il y a des problèmes à régler. Mais pourquoi donc financer des économistes ? Pour qu'ils nous disent de ne rien faire et de supprimer leur financement ? Et d'ailleurs, comment se fait-il qu'il existe des politiques et des doctrines libérales ? La société ne devrait-elle pas marcher spontanément, guidée par la toute puissante main invisible ? Pourquoi s'encombrer de doctrines et d'organes politiques inefficients et perturbateurs ? Réponse : pour défendre la citadelle libérale contre les méchants interventionnistes et les méchants syndicalistes qui risquent de perturber le sacro-saint Marché. Hélas, à terme, nous savons bien qu'une telle attitude engendre la dictature et la police de la pensée. Forcer, contraindre, obliger les individus à ne rien faire et à penser droit, cela semble légèrement interventionniste ! Et de plus, admettons-le, ce n'est pas franchement libéral. Nouvelle contradiction. Quant aux économistes orthodoxes qui s'imaginent que la concurrence a besoin d'être rétablie (les modérés de Toulouse 1). Très bien ! Ca ne change rien au problème. S'ils prônent l'interventionnisme et l'expertise économique, pourquoi devrait-on les croire eux, plutôt que les keynésiens, les religieux, les socialistes, les marxistes et les politiciens ? N'est-ce pas aux citoyens de décider ? Si ! Car dans le cas contraire, c'est la dictature d'une pensée unique et universelle. C'est la technocratie ou - oh mon dieu ! - le saint-simonisme ! Retour au cas précédent. C'est le règne de l'inquisition libérale ! C'est la loi du FMI et de la Banque Mondiale. Et nous allons finir par être obligés d'aller nous réfugier à Cuba ou en Antarctique pour échapper aux méfaits de ces experts omnipotents !!! Qui plus est, ces économistes standards qui nous harcèlent pour que nous admettions que la connaissance est une denrée comme les autres, que Platon, Mozart, les Beatles, Joy Division, Nirvana, Linux, la relativité d'Einstein et le boudhisme sont comparables à des chaussettes ou à des grille-pains, ces économistes standards, donc, ne commettent-ils pas une même erreur ? S'ils prônent l'interventionnisme pour rétablir la concurrence, alors qu'ils commencent par rendre concurrentiel l'enseignement en économie, qui est un produit comme les autres. Si des "entreprises idéologiques" rencontrent des barrières à l'entrée du marché de la production du savoir "économique", il faut absolument remédier à ce problème ! Que les libéraux interventionnistes se réveillent ! Vite ! Qu'ils fassent en sorte que le marxisme, le régulationnisme, l'anthropologie économique, le néo-ricardisme, le catholicisme économique aient leur place dans les facs d'éco ! Qu'ils brisent le monopole et la tyrannie qu'ils font eux-mêmes régner sur les universités ! Plutôt que d'aller vociférer leurs leçons à droite à gauche, ne pourraient-ils pas commencer par appliquer à eux-mêmes leurs propres directives ! Encore une analogie avec l'inquisition. C'est en prônant l'amour universel qu'on a envoyé des populations entières au bûcher ! Et c'est en prônant la liberté (du moins ce que les libéraux appellent la liberté) et la concurrence, qu'on est en train de détruire la liberté et la concurrence dans nos universités, et de contraindre des populations entières à se soumettre au diktat du marché (tout en ignorant royalement leur propre conception de l'économie). Refusons un enseignement idéologisé D'ailleurs, même si nous supprimions le pouvoir tyrannique des économistes orthodoxes sur nos universités (et par extension leur pouvoir sur l'enseignement continu et les lycées), cela n'empêcherait pas qu'ils puissent continuer à délirer dans leur coin et à distiller leur propagande à droite à gauche. No censure ! Laissons-les libres ! Mais de là à leur verser des fonds pour les encourager dans leur délire, c'est un peu irresponsable ! De là à les rémunérer (sans que nous ayons le choix) pour qu'ils endoctrinent nos enfants, nos futurs cadres, politiciens, et des armées d'étudiants (comme à Toulouse 1)... Non ! Devons-nous aller à l'école ou à l'Université pour apprendre l'astrologie, la scientologie et l'économie orthodoxe comme si c'étaient des sciences exactes... ? Devons-nous être notés sur notre capacité à maîtriser des théories farfelues, et se voir recalés et marginalisés si nous refusons un enseignement idéologisé, incertain et factice ? Il fut hélas un temps où les étudiants n'avaient pas le choix. Les religions ou les idéologies politiques dominaient l'enseignement avec une main de fer. On croyait ce temps révolu. Erreur ! Avec nos chers économistes orthodoxes, nous avons fait un prodigieux bond en arrière. Fini le temps de la liberté ! L'idéologie est de retour ! Nous sommes passés d'un savoir critique, intelligent et varié, qui pouvait être remis en cause et réévalué de manière libre et égalitaire, à un savoir dogmatique, uniforme, coercitif, irréfutable, hiérarchisé et irréaliste... Actuellement, il n'y a donc que deux solutions. Soit nous rétablissons la liberté d'enseignement, et nous passons d'un enseignement idéologique et monopolistique, à un enseignement ouvert où tous les courants sont représentés à égalité. Soit nous supprimons purement et simplement l'enseignement de l'économie. Car l'université n'a jamais eu pour vocation de financer des recherches en astrologie et en scientologie, et de leur donner une légitimité scientifique. Il en va de même pour la recherche et l'enseignement en économie orthodoxe. Nous n'avons pas à donner un crédit scientifique et financier à des individus qui sont prêts à saborder la démocratie et l'Etat-providence sur la base d'hypothèses aussi irréalistes que les anticipations rationnelles ou les marchés purs et parfaits. Nous ne pouvons plus continuer à financer des groupes idéologiques qui prônent ouvertement un programme anti-démocratique, qui dispensent dans nos universités des théories qui sont absolument infondées, et dont la supériorité ou la crédibilité empirique n'a jamais été prouvée. C'est à terme, mettre en péril notre liberté politique. Ca me rappelle une chanson de Rage Against The Machine I've got no patience now (Maintenant, je n'ai plus aucune patience) Yes I know my enemies (Oui je connais mes ennemis) À méditer... Jean-Robert Pitte mérite-t-il le SMIC ? En matière d'enseignement, une question se pose depuis fort longtemps : à quoi sert réellement l'école ? S'élève-t-on en s'imprégnant du savoir scolaire et en gravissant les échelons hiérarchiques de l'institution scolaire ? Ou au contraire, tombe-t-on progressivement dans la médiocrité ? Dans une interview récente, parue dans le Figaro du mardi 30 mai 2006, p 124, Jean-Robert Pitte (JRP), président de l'université Paris-Sorbonne (Paris IV) nous apporte un début de réponse : même en atteignant les sommets de l'institution universitaire, on peut s'embourber dans la banalité et la misère intellectuelle. À tel point qu'en lisant son interview, on est pris durant un instant, d'un profond scepticisme : l'école est-elle encore un outil mis au service de la société pour élever l'homme au dessus de l'ignorance, ou est-elle devenue un refuge pour mandarins aigris qui approchent très lentement de l'age de la retraite ? En effet, si comme JRP l'affirme avec force dans son interview, l'institution universitaire va mal, ce n'est certainement pas la massification de l'enseignement qu'il faut mettre en cause. Non. Il faut surtout s'inquiéter que des individus comme lui puissent occuper des postes à ce point haut-placés, et bénéficier de salaires mirobolants, payés gracieusement par la société, tout en trouvant de surcroît, le temps de rédiger des livres pour leur propre compte. Concrètement, où est le problème ? JRP nous inonde dans sa petite interview – qu'il donne pour faire la promo de son futur livre (un bon petit commerçant de détail en somme, un vendeur de marché qui harangue la foule en espérant qu'une ou deux ménagères naïves viendront acheter ses salades périmées) – d'un discours néo-libéral pré-formaté, qui est d'une platitude sans borne et d'une inexactitude alarmante. Comme tout bon néo-libéral, JRP (Dallas, ton univers impitoyaaable...!) tente de nous faire flipper avec la fameuse thèse du péril imminent – décrite avec brio par Albert O. Hirshman5. Le principe est simple, pour ne pas dire simpliste, l'université va mal, elle croule sous le poids des contradictions engendrées par la bureaucratie et par l'État-providence (encore lui), il faut donc la réformer prestement; il nous faut aller vers plus de libéralisation et vers la privatisation de l'enseignement, sinon, nous courrons tout droit à la catastrophe. On connaît la chanson ! Les journalistes des Échos et de La Tribune nous balancent la même sauce à longueur de journée. Nous vivons dans un pays paralysé par la bureaucratie et le conservatisme, et le seul remède à tous nos problèmes est de privatiser les universités ou d'augmenter les droits d'inscription. C'est mathématique ! Examinons tout cela plus en détail. Que sur certains aspects, l'université aille mal, c'est un fait peu contesté, et hélas peu contestable. Reste qu'il faut bien prendre en compte les points suivants. À quel niveau cela va mal et jusqu'à quel point ? Quelles sont les causes de la misère universitaire ? Comment y remédier ? L'université est-elle vraiment en crise ? À la première question, on ne peut donner une réponse simple. En effet, tout dépend des objectifs qu'on fixe à l'université. Si l'université a pour objectif de former le plus possible de jeunes à l'activité professionnelle, alors, il est clair que l'université remplit très bien sa fonction. C'est même surprenant de voir à quel point elle la remplit bien. Et ceci contrairement à ce qu'affirme JRP, lorsqu'il nous dit, « le seul critère valable est le taux d'insertion professionnelle, que l'on est loin de connaître ». Deux remarques.
Continuons. Selon JRP, je cite, « le premier cycle universitaire est une voiture-balai destinée à masquer le chômage des jeunes ». Soit ! Il pense ce qu'il veut. Mais une telle affirmation nécessite deux précisions.
Toujours selon JRP, les jeunes sont mal orientés dans des filières généralistes, « ils ont plus de chances d'être éliminés prématurément de l'université et aucune d'accéder au métier de leurs rêves ». C'est bien triste en effet. Mais l'université n'y est pas pour grand chose ! Toute notre société est fondée sur cet écrémage généralisé. Ceux qui veulent faire du cinéma, de la chanson, devenir riches, ou être pilotes, en sont les premières victimes ! Au moins l'université peut-elle parfois leur offrir une seconde chance, et une chance équitable, fondée sur le talent, le labeur et la ténacité, et non sur l'arrivisme. Je n'ai rien contre l'arrivisme, il faut de tout pour faire un monde. Mais ceux qui souhaitent parvenir au sommet en empruntant des voies différentes doivent pouvoir le faire. La réussite par les études et les diplômes vaut bien celle qui consiste à gravir par tous les moyens les marches de l'entreprise ou des réseaux, ou à gagner au Loto ! Dans tous les cas, ça n'est jamais simple, et l'université ne fait que refléter un choix de société. Elle ne fait que s'adapter et se conformer à un monde dur et hiérarchisé, où les bonnes places sont rares et difficiles d'accès. Pour JRP, « l'arrivée massive des générations du baby-boom n'a jamais été réfléchie », de là les problèmes que nous rencontrons actuellement. De plus, plongeant dans les racines de l'histoire, il nous sort une phrase assez mystérieuse, « Louis XIV et Colbert l'ont laissé végéter [l'université] et elle n'a passionné aucun régime par la suite, excepté Napoléon. » Voilà une interprétation historique franchement rapide et hasardeuse. Tout d'abord, je ne pense pas, personnellement, que Napoléon n'ait fait que du bien à l'université française; il l'a étatisé, et a fait d'une espèce de melting-pot encore empreint des coutumes du moyen-âge, et encore relativement autonome, un organisme public, rationalisé et mis au service, pour ne pas dire au pas, du pouvoir impérial. Ensuite, comme l'a parfaitement montré Jacques Le Goff6, les universités se sont inscrites dans des rapports toujours plus ou moins conflictuels et coopératifs avec les pouvoirs en place, et ceci depuis le moyen-âge. La période sous Louis XIV était surtout marquée par la volonté du pouvoir royal de soumettre l'université à ses vues et à ses objectifs, et de la séparer du pouvoir religieux7. Dans tous les cas, à aucun moment, le Roi Soleil et son ministre ne l'ont laissé végéter ! Ils ont simplement tenté de la réformer. Ne pervertissons pas l'histoire... J'en reviens au baby-boom. Soyons un peu précis. Ce n'est pas le baby-boom qui a provoqué la massification universitaire, il l'a juste amplifié. En réalité, le processus était à l'oeuvre depuis la fin du XIXème siècle, et ce n'est pas un léger sursaut démographique qui a tout chamboulé. C'est une transformation du mode de vie et l'émergence de la société moderne et industrielle. Par conséquent, quand JRP nous dit dans son interview qu'il faudrait limiter les inscriptions en sociologie, c'est bien dommage pour lui, car il aurait très certainement besoin de quelques cours de socio pour y voir un peu plus clair ! Mais bon, passons... Il semble, selon JRP, que le processus n'ait pas été réfléchi. D'un strict point de vue néo-libéral, c'est plutôt heureux ! Tant mieux. Le processus s'est produit naturellement : à un excès de demande a correspondu un accroissement de l'offre. Que dire de plus ? Rien. Dans une telle logique, c'est tout à fait normal que le processus n'ait pas été conscient et planifié. En revanche, ce qui a été réfléchi, ce sont les politiques visant à accompagner et à réglementer le phénomène, et le nouveau « marché » qui commençait à se structurer. Et un tel processus ne pouvait être planifié, car la législation a dû accompagner progressivement, et au cas par cas, des changements qui ne pouvaient jamais être complètement anticipés. Dernière gaffe de JRP, il s'exclame, « ce sont surtout les jeunes inscrits dans les deux premières années d'université qui sont descendus dans la rue – comme cela se produit depuis depuis plus de quarante années » . Quoi de plus naturel !!!
Pour résumer, JRP est donc convaincu que nous sommes en crise et que d'autres crises seront inévitables. Pour JRP le prophète, l'apocalypse universitaire n'est pas loin, il est à nos portes ! La crise couve. La mise en péril est nécessaire. Les réformes aussi. Mais passons sur ses qualités divinatoires et son brillant esprit de synthèse, capable d'embrasser avec autant d'acuité, une situation sociale extrêmement complexe. Ce que les étudiants – et les professeurs – critiquent dans le système actuel, c'est surtout le manque de poste dans l'enseignement supérieur, et l'abus de pouvoir des professeurs sur les étudiants. C'est en ce sens qu'il y a une crise, du moins pour la majorité des acteurs de l'enseignement supérieur. Pour d'autres, plus minoritaires, comme moi, il est clair que la crise a d'autres sources, notamment la hiérarchisation de l'université. Je pense que tant qu'il y aura une hiérarchie universitaire, il y aura des effets pervers liés à cette hiérarchie rigide. Ce qui n'a rien à voir avec le caractère public ou privé de l'enseignement; le problème vient du fait que les étudiants n'ont quasiment aucun pouvoir décisionnel sur l'enseignement universitaire, et que l'enseignement tend de plus en plus à 1. se professionnaliser sous la pression des entreprises qui tentent d'investir les universités, et 2. s'orienter vers un enseignement aux mains de groupes idéologiques qui formatent et lavent le cerveau des élèves, avec des cours dont le contenu s'appauvrit dramatiquement sous la pression de laboratoires autistiques, qui veulent imposer leur point de vue à des universités entières, et à des populations estudiantines prises en otage. Le problème vient donc de la tête de l'université, de ces professeurs qui n'ont aucun respect pour l'enseignement et pour leurs étudiants, et qui font de l'université un champ de bataille où ils tentent de faire triompher leurs idéologies, leur nom ou leur réputation. Ce sont ces gens-là qu'il faut contrôler. Pas les étudiants. Ce sont eux qui sont potentiellement dangereux et problématiques. Lorsqu'ils sont soumis à une idéologie, ou lorsqu'ils ne vivent que pour mettre leur nom dans des articles poubelles, ils sont prêts à tout. Le sommeil de la raison engendre des monstres, l'ambition effrénée et le conformisme également. Vous n'avez qu'à assister aux cours d'économie à Toulouse 1 pour vous en convaincre. Ça fait froid dans le dos. Les causes de la crise universitaire selon JRP Venons-en aux causes de tous nos malheurs, et aux solutions respectives. JRP en souligne au moins cinq dans sa brillante interview. 1. « Les politiques sont terrorisés par les étudiants », ce qui mine toute tentative de réforme. 2. La démagogie politique. 3. Le manque de moyens financiers. 4. La gratuité du service public. 5. Les étudiants ont trop de liberté, et peuvent s'inscrire dans des filières mal positionnées sur le marché de l'emploi. Étudions ces différentes causes successivement.
Un travail bien rempli ? C'est sur ce dernier point qu'on peut réellement se demander pourquoi on paye JRP ? À quoi sert-il vraiment ? Théoriquement, il doit être notre représentant, ou au moins celui des étudiants et professeurs de la Sorbonne. Il doit représenter le monde universitaire. Il est mandaté par la communauté pour le représenter. Or, que fait-il ? Il nous balance une vieille soupe néo-libérale, mâtinée de conservatisme répugnant, qui va à l'encontre de la majeure partie de l'opinion du monde étudiant. Tous ces étudiants qui ont été manifester contre le CPE, les a-t-il oublié ? Oui. Il ne s'en soucie guère. Les représente-t-il vraiment ? Non. Il utilise surtout sa position institutionnelle pour balancer sa propagande de droite néo-libérale, et pour préparer l'opinion à des réformes universitaires dont personne ne veut, hormis quelques étudiants endoctrinés de Droit et d'économie. Les professeurs n'ont aucune raison de souhaiter une diminution des effectifs universitaires. Les étudiants non plus. Pas plus que le personnel administratif ou le personnel de maintenance des universités. Je me pose donc la question. À quoi sert ce type ? Ne pourrait-on pas le destituer quand il sort un discours à ce point contraire à l'éthique universitaire, humaniste et républicaine, et contraire à l'opinion et aux intérêts de la majorité du milieu universitaire. Je pense que oui. Et je l'invite d'ailleurs à démissionner. Les têtes du mandarinat sont trop vieilles, il faut laisser la place aux jeunes. Enfin, dernière remarque. JRP évoque à plusieurs reprises le manque de moyens financiers dans les universités. Bien. Il n'a qu'à commencer à toucher un salaire raisonnable, qui soit à la hauteur de sa position hiérarchique. Je pense qu'un SMIC serait amplement suffisant. Il a déjà les honneurs. Pourquoi donc le rémunérer plus que les autres. Est-il au courant que nombres d'étudiants peinent à survivre en suivant leurs études ? Est-il au courant que des étudiants s'endettent sur dix ans ou plus pour se payer une école de commerce, alors que lui, a pu profiter dans sa jeunesse d'un enseignement public libre, ouvert et généreux ? Croit-il qu'en augmentant les droits d'inscription, cela va améliorer les choses ? Peut-être. Mais ce qui est certain, c'est que c'est facile, lorsqu'on est agrégé et qu'on touche les droits d'auteurs sur au moins au moins neuf ouvrages, de demander une augmentation des droits d'inscription. Ce n'est pas lui qui sera concerné par une telle mesure. En revanche, ce serait probablement plus courageux de sa part d'accepter de réduire de manière drastique son salaire mirobolant. Voilà donc quelqu'un de mandaté par les contribuables et les universitaires sur la base d'une confiance censée être réciproque, et que fait-il ? Il profite de sa position pour écrire et publier des livres qu'il n'a même pas mis dans le domaine public, alors qu'il touchait déjà des sommes d'argent conséquentes en provenance des fonds publics. Comment appeler ça ? Du vol ? Une trahison ? Est-il reconnaissant envers la patrie ? Allons-bon ! Quand je vois quelque chose d'aussi choquant, j'en tiendrais presque un discours de droite ! Ne nous étonnons donc pas que tant de gens finissent par être séduits par des opinions d'extrême-droite. Ce genre d'injustice sociale, couronnée par une pseudo-légitimité intellectuelle et un discours hypocrite, est à proprement parler révoltant. Cela dit, au passage, n'oublions pas que les universitaires se débrouillent très bien, sans l'aide de personne, pour virer à l'extrême-droite. En 1933, 25% des universitaires enseignants étaient membres du parti national-socialiste10. Heureusement que depuis ces années sombres, l'université s'est démocratisée. Au moins cela a-t-il pu favoriser l'émergence d'un contre-pouvoir hostile à ce mandarinat qui est une puissante force conservatrice, raciste et élitiste. Un salaire réellement justifié ? Au final, je crois donc qu'on peut clairement poser la question : JRP mérite-t-il un smic ? Si il accomplissait correctement son travail, oui. En revanche, un ouvrier ou un employé qui font mal leur travail, on les vire. Du moins, puisque la société fonctionne actuellement comme ça, je ne vois pas pourquoi JRP ferait ainsi exception à la règle. Ce n'est pas un extra-terrestre, que je sache !! Or, non seulement, il ne représente pas, par son discours, le milieu étudiant et universitaire qu'il est censé représenter. Mais de plus, comment a-t-il pu écrire autant de bouquins, tout en étant directeur de divers instituts ou universités ? A-t-il glandé pendant qu'on lui versait des salaires amplement suffisants (c'est une litote) ? À quoi ont-ils servi, ces salaires ? Et bien, n'allons pas chercher trop loin. Il donne quelques indices dans son interview : « la plupart des présidents d'université, même ceux de gauche, disent la même chose que moi dans les dîners en ville ». Voilà à quoi servent leurs salaires, à enrichir les restaurateurs. Rien de surprenant. Comme l'avait déjà remarqué Jacques Le Goff11, l'université était au moyen âge composée indistinctement d'une population riche et d'une population pauvre. Elle ne fermait pas ses portes aux étudiants pauvres et aux déshérités. C'était un lieu de production et de diffusion du savoir qui était ouvert, ainsi qu'un ascenseur social. Privilège du moyen âge, fruit d'un long processus historique, puissante tradition dont nous sommes aujourd'hui encore, les heureux bénéficiaires. Puissante tradition culturelle, que des extrémistes néo-libéraux ou des économistes néo-classiques sont en train de faire voler en éclats, au nom d'une idéologie délirante. Première réponse à un commentaire. Quelques ajouts à la relecture. Commentaire : Juste une question : qu'est ce que le "néo-libéralisme" ? Est-ce synonyme de libéral ? Parce qu'une chose est sur, JRP n'est pas libéral : c'est un étatique de droite, c'est à dire un conservateur tout ce qu'il y a de dirigiste. Manifestement, vous ne portez pas le libéralisme dans votre coeur. Mais ce qui est rigolo, c'est que pas mal de choses que vous semblez déplorer (par exemple, la rémunération de JRP ou encore le financement de certaines activités de recherche que vous qualifiez d' "inutiles") seraient réglées dans une société réellement libérale, c'est à dire où la recherche et l'enseignement universitaires sont essentiellement (voire totalement) du fait du secteur privé. Réponse : Je pense que ta réponse ne fait que refléter le débat pervers que les néo-libéraux ont réussi à insuffler dans la plupart des esprits. Tout se passe comme si nous étions coincés entre deux extrêmes : d'un côté, le marché, seul horizon possible d'une société libre, de l'autre, l'Etat, horizon terrifiant qui mène au totalitarisme et à l'asservissement. Aucune autre issue possible. Seulement,
Cela étant dit, réponse à la question. Selon moi, néo-libéral n'a rien à voir avec libéral. Les auteurs libéraux, qui ont vécu pour la plupart en Angleterre du XVIIème au XIXème siècle, étaient des auteurs intelligents, sensés, percutants, qui ont dit des choses remarquables, et à mon avis, nous ne pouvons qu'admirer leurs textes, même si il faut le faire avec beaucoup de recul. Les autres, les marchands de soupe qui sont régulièrement nobélisés et qui hantent nos universités en se drapant d'équations raffinées comme unique source de prestige et de légitimité (les sorciers de la finance ou de l'Etat minimal), sont de pauvres hères sans cervelle, qui rabâchent à longueur de temps les mêmes slogans dans des articles aussi interminables qu'illisibles (quoique les propagandistes purs à la Salin écrivent assez bien en général; au moins c'est plaisant à lire, c'est déjà ça). Ce sont des fanatiques qui ne diffèrent guère des marxistes endoctrinés des années 30 et des années 70. Je suis toujours surpris de voir comment Boudon, Berlin, Tirole, Hayek, Mises, Ekeland, Salin, Lucas, Stigler et leurs copains, ressassent toujours les mêmes slogans, sous des formes plus ou moins sophistiquées. Leur conformisme intellectuel n'a d'égal que la dangerosité et l'hermétisme de leur doctrine. Sur le fait que JRP soit un étatiste dirigiste néo-libéral, c'est sûrement vrai. Bon, certains ont bien réussi à se dire nationaux-socialistes, à chacun ses antinomies. Et puis, Hayek a assimilé le socialisme au fascisme, je lui renvoie la balle. J'associe le néo-libéralisme au néo-conservatisme et à la droite fascisante. Et à juste titre, car ce n'est certainement pas de ma faute si dans les faits, les néo-conservateurs se sont alliés avec autant de facilité avec les néo-libéraux (voir le texte de Jean-Louis Perrault pour confirmation, lien sur l'article orthodoxie et hétérodoxie sur le blog, ou lire Halimi). Et vice-versa. Qui se ressemble s'assemble. Hayek y a d'ailleurs bien contribué à ce mariage (une vraie agence matrimoniale, mais il a pourtant raté son idylle avec Keynes... Snif... Une minute de silence). Avec lui, la misère morale du conservatisme s'est vue parée d'une aura étincelante ! Les conservateurs sont devenus des apôtres de la liberté, des pourfendeurs bienveillants du totalitarisme; le racisme, la hiérarchie et l'autorité, sont apparus subitement comme de vraies valeurs funs et libérales... Ne confondons donc pas les intentions affichées des politiciens ou des idéologues avec les implications réelles de leurs discours et de leurs programmes. On peut scander qu'on désire ardemment la liberté du plus grand nombre, et que c'est pour ça qu'on veut privatiser les universités, mais le résultat réel sera bien différent : exclusion des étudiants démunis, précarisation, appauvrissement des programmes, etc. Pour en revenir à la question du contenu soi-disant néo-libéral de ce que j'avance. Je précise, si les universités sont régulées exclusivement par des entreprises privées, je pense que nous courons droit à la catastrophe (thèse de la mise en péril). Selon moi, la privatisation des universités ne réglera rien (thèse de l'inanité). Elle ne fera qu'empirer les choses (thèse de l'effet pervers). Et quand tu t'exclames, pas mal de choses que vous semblez déplorer (par exemple, la rémunération de JRP ou encore le financement de certaines activités de recherche que vous qualifiez d' "inutiles") seraient réglées dans une société réellement libérale, c'est à dire où la recherche et l'enseignement universitaires sont essentiellement (voire totalement) du fait du secteur privé. je ne peux certes pas te contredire. Avec l'idéologie néo-libérale ou l'économie néo-classique, on peut tout justifier. C'est la solution miracle à tous les problèmes. A côté, Madame Soleil fait pâle figure. Ton propos sonne donc aussi creux qu'un vase chinois. Tu aurais pu dire exactement le contraire, ça aurait été pareil. Maintenant, les faits. Dans les systèmes à universités privées, comme aux Etats-unis,
Dans tous les cas, le marché n'arrange rien. Bon, j'espère que ça répond à ta question. Je sais très bien que la privatisation des universités, ça marche à merveille sur le papier. En fait, sur un tableau noir, avec des théories aussi vides et ineptes, tout est toujours parfait. Dans les faits, ça ne fonctionne pas. C'est nul. Au mieux, les réformes avancées ne servent à rien, au pire, elles empirent la situation. Et c'est immoral, car cela restreint la possibilité d'un choix de société. Le marché est un choix possible..., parmi d'autres... Etant un empiriste et un partisan de la démocratie, devant des faits aussi évidents, la privatisation des universités me semble donc aussi absurde qu'inadaptée à la situation actuelle. Et de toute façon, même si ça pouvait fonctionner, ce n'est pas une raison pour le faire. Pourquoi ? Voilà la raison principale. Je n'ai pas envie que ma fille galère pour se payer des études, et je n'ai pas envie de lui payer des études hors de prix ! Je suis buté, je suis un charentais ! Et je suis bien déterminé, avec d'autres je l'espère, à défendre mes acquis envers et contre tout. Là dessus, je suis franchement libéral, extrémiste, moraliste et égoïste ! Qu'on se le dise ! Mais ça n'empêche pas de réfléchir à un enseignement moins directif et hiérarchisé qu'à l'heure actuelle. On a par exemple la démocratie directe, ou d'autres solutions, comme une ouverture des universités à des courants de pensée minoritaires, un vote des salaires du personnel universitaire, un vote des citoyens pour déterminer l'orientation des programmes de recherche publics, une ouverture des revues, etc. Mais à mon avis, dans tous les cas, on ne peut, et on ne doit pas s'opposer à ce que des universités privées et une recherche privée existent, tant qu'elles restent sous le contrôle des citoyens (car si des chercheurs s'amusent à trafiquer le génome humain, on est en droit de s'inquiéter). Cela n'a rien de néo-libéral. En revanche, je reconnais que ce n'est pas anti-libéral. Nuance... Essayons de ne pas systématiquement polariser et diaboliser le débat. Je n'ai rien contre les idées libérales, je pense qu'elles peuvent faire avancer le débat; mais en revanche, j'en ai contre cette clique de néo-libéraux ou d'économistes néo-classiques qui pervertissent le débat. Ils se réclament du libéralisme, je pense que c'est une supercherie, et une manoeuvre habile... Ils ne sont pas plus libéraux que Hitler était socialiste. Tu n'as qu'à lire des textes de Hans-Hermann Hoppe si tu n'es pas convaincu. Mill, Hume et Smith, en revanche étaient des "libéraux". Et je lis toujours leurs textes avec un grand intérêt. Et qu'est-ce qui ressort de leurs réflexions et de leur propagande ? C'est que la perte du contrôle des membres de la société sur leur avenir et sur leurs conditions de vie, c'est la route directe vers l'esclavagisme ! C'est pourquoi Mill était favorable à l'allocation universelle et à l'égalité des genres. Eux ont connu la tyrannie, l'oppression, ont vu les effets désastreux du marché laissé au contrôle exclusif de ceux qui en tirent les ficelles. Ils ont vu des populations entières dans la misère. Ils ont vu des civilisations s'éteindre sous les coups de butoir du marché sauvage. Et c'est bien là où nous mênera le néo-libéralisme. Pour conclure, Hayek voulait que ceux qui réclament plus de justice sociale éprouvent de la honte à avoir défendu un tel point de vue. Je pense quant à moi que ce seront très certainement les néo-libéraux qui auront un jour honte des propos qu'ils ont tenu. Mais finalement je ne leur souhaite pas. Pourquoi ? Pour les raisons suivantes.
Et c'est la seule que je leur reconnais. Réponse à Yves Boquet, à propos de sa remarque sur le salaire et l'emploi des professeurs d'université Commentaire de Yves Boquet. Cher monsieur, vous semblez ignorer que les enseignants chercheurs en université ont une double activité d’enseignement et de recherche, sans compter les responsabilités administratives souvent apprises sur le tas car nous ne sommes pas formés à celà en passant l’agrégation. La publication d’articles et de livres fait partie de nos activités. C’est sur cela que nous sommes recrutés et promus, selon l’adage anglo saxon publish or perish. Libre à vous de ne pas partager les idées de Jean-Robert Pitte, c’est votre droit et c’est tant mieux, mais un peu de sérieux dans la critique ne ferait pas de mal. Les salaires des universitaires, même présidents d’université, sont loin de ceux des cadres des multinationales ou des hauts fonctionnaires plongés dans les magouilles et la corruption. Quand à "glander", je vous invite à échanger un mois de séquence universitaire avec un professeur ou maître de conférences pour voir si vous sauriez tenir le choc, entre les cours, les examens de fin d ’année, les colles de CAPES, l’organisation de colloques, parfois l’accueil de collègues étrangers, les rédactions d’articles et de publications, les entretiens avec étudiants, les lectures de thèse et rédaction de rapports de thèse, les réunions administratives (conseils de département, d’UFR, etc..), l’examen de dizaines de dossiers de candidatures pour les postes de maitre de conférences et ATER, les demandes de financements divers, les évaluations de programmes et master pour le ministère de l’EN, dans le contexte du manque de moyens matériels dont souffre l’université française. Un prof d’université qui aime son métier (eh oui cela existe d’apprécier son travail) ne fait pas 35 heures par semaine, il en fait le double au moins, et les "vacances", "congés" et "jours fériés" sont pour l’essentiel consacrés à la préparation des publications et des cours pour les nouvelles questions aux concours types CAPES-Agrég. La prochaine fois que vous prendrez un train, cherchez le prof d’université, il est facile à repérer, il corrige ses copies dans le train parce que c’est le seul moment qui lui reste à l’occasion de ses déplacements de colloque en réunion. Ma réponse Monsieur, je crois que vous partez d’un présupposé regrettable. A savoir que votre travail est utile pour les étudiants et pour les citoyens. Rien ne me paraît moins évident. Tant qu’il n’y a pas de contrôle des étudiants et des citoyens sur le travail des professeurs et des chercheurs, je ne vois d’ailleurs pas comment faire pour le vérifier. Par conséquent, lorsque vous affirmez que la publication d’articles et de livres fait partie de vos activités. Soit. Mais qui en a décidé ainsi ? Vous ? Et au nom de qui, s’il vous plaît ? Je crois plutôt qu’en écrivant des articles et des livres, vous faites surtout la promotion de votre carrière. Publish or perish. Bien. Mais cela corrobore parfaitement mes arguments. En se lançant dans la course sans fin à la publication, les universitaires ne sont que de vulgaires capitalistes. Leur instinct de survie, ou leur ambition, leur montent à la tête et les poussent à publier n’importe quoi ! Sinon, pouvez-vous m’expliquer pourquoi la plupart des professeurs ne mettent pas leurs ouvrages et leurs articles en libre disposition sur Internet ? Et pourquoi je n’en rencontre jamais sur Wikipédia ? N’avez-vous pas envie de faire partager votre passion ? De faire du "travail" bénévole ? Pouvez-vous m’expliquer également pourquoi une somme considérable d’articles sans intérêt est publiée tous les jours partout à travers le monde (cf. les articles de l’American Economic Review) ? La vérité, c'est que mélanger le recrutement avec le niveau des publications est une absurdité, c'est la porte ouverte au clientélisme, à la démagogie, à la corruption et à l'appauvrissement et à la standardisation de la production intellectuelle universitaire. Tel quel, le recrutement par les publications est donc totalement absurde et pervers. Cela étant dit, j’examine vos arguments plus en détail.
Permettez-moi donc de vous dire, pour conclure, que je ne fais pas de différences fondamentales, aujourd’hui, entre les cadres des multinationales et la majeure partie des professeurs et cadres de l’enseignement supérieur. Les uns comme les autres décident, au détriment d’une population qu’ils ont intellectuellement et économiquement infériorisés, d’organiser des colloques et des voyages d’affaire ? Et pour quelle utilité ? Je l’ignore. Je suis désolé de l’avouer, mais comme beaucoup d’autres, je n’arrive pas à saisir le sens de toutes ces activités. Je vois juste que leur travail brille, qu’il sont "dans les étoiles", que j’aimerais bien avoir leurs billets, et partir en vacances dans leurs congrès, mais qu'à côté d'eux, la plupart des gens sont en revanche, pardonnez-moi l’expression, dans la merde. Je vois d’un côté des gens qui font des petits boulots, qui sont mal payés, qui galèrent, qui ne voyagent que très rarement, et qui font pourtant un travail utile ; de l’autre des gens qui vivent dans les nuages, et qui font pourtant un travail totalement inutile. Les uns prennent le bus, les autres roulent en 4x4. Expliquez-moi cela, professeur. Première loi sociale de l’occident, le salaire et le prestige sont inversement proportionnels à l’utilité du travail effectué. Dans les universités, il y aurait des moyens de contre-balancer cette loi. Par exemple, il faudrait faire en sorte que les étudiants puissent contrôler le salaire et le travail de leurs professeurs. Et croyez-moi, je suis sûr que si c’était le cas, vous travaillerez moins. La plupart des tâches que vous faites me paraissent relativement aisées à effectuer. Je suis prêt, comme vous, à aller quémander des financements, en tant qu’étudiant responsable et créatif ; je suis également prêt à évaluer le travail de mes camarades, sur la base, éventuellement, de vos conseils avisés ; je suis prêt à voter pour savoir qui pourra bénéficier de places d’Ater - pas besoin d'un organisme autonome d’évaluation, ou même d'évaluation tout court, pour cela. De nombreux étudiants sont prêts à s’auto-évaluer en groupe en votant et à régir les universités de manière responsable. Donnez-leur les moyens de le faire et toute cette paperasse administrative fondra comme neige au soleil. Croyez-vous que nous avons vraiment besoin de vous ? Sûrement pas. C’est vous qui avez besoin de nous pour travailler d’avantage. Surtout qu’apparemment, vous semblez apprécier votre travail. D’ailleurs, si vous voulez faire des heures sup, je suis sûr qu’on doit pouvoir s’arranger. C’est marrant parce que je n’éprouvais pas la même chose quand j’ai bossé en grande surface. Mais en revanche, je vous rassure, quand j’ai fait des saisons comme poissonnier sur les marchés, j’aimais bien mon travail (eh oui cela existe d’apprécier son travail). Finalement, toutes vos critiques ne me semblent vraiment pas très argumentées. Vous ne faites que rabâcher le discours préformaté tenu par vos collègues, qui est propre à la catégorie d'individus à laquelle vous appartenez : les fonctionnaires parvenus de l'enseignement supérieur. Et au lieu de vous ouvrir à la voix critique des étudiants, vous préférez vous replier sur la défensive. Ce qui est somme toute, parfaitement cohérent avec l'attitude actuelle des professeurs. La plupart sont méprisants, hautains et humiliants envers leurs étudiants. Ils sont sourds à leurs remarques. Est-ce vraiment sérieux en ce début de XXIe siècle ? Dans un âge de liberté et de soi-disant progrès scientifique, les individus qui sont censés être la crème de l'élite intellectuelle se rangent comme des moutons derrière un discours conformiste et idéologique. Et ce sont ces mêmes individus qui créent un enseignement hiérarchique et sclérosant qui infériorise les individus et qui paralyse le savoir. Voilà qui est, vous me le concéderez certainement, révoltant et inquiétant. Dans ce qu'on croit être un siècle de progrès, une tyrannie continue à s'exercer dans l'ombre. Mais où donc... ? Dans les universités. Mais croyez-moi, les étudiants auront bientôt fini de courber l'échine. Croyez-moi, la roue va tourner. Bientôt, nous ne serons plus à votre service, c'est vous qui serez à notre service. Les professeurs ne seront plus nos maîtres, mais nos serviteurs. Quel enseignement nous dispenserez-vous ? C'est nous qui en déciderons. Vous êtes au service de la société, des étudiants et de la communauté, et non pas à son commandement. Les professeurs sont mandatés par la communauté pour exercer certaines tâches, et non pour imposer une direction d'action ou une vision à la communauté. Tout comme un chef d'entreprise doit être au service de son entreprise et de ses employés, et non au service de ses propres intérêts. C'est le fondement d'une société libre. Lorsque le travail du peuple est au service du peuple, et non au service d'une soi-disant élite intellectuelle ou économique qui le gouverne. Lorsque le travail collectif sert à ceux qui l'ont produit, et non à une poignée d'individus qui se servent de la communauté pour favoriser leur réussite individuelle. Voilà mon opinion. Allez, un peu d’IAM pour finir, Certains naissent dans les choux, d’autres dans la merde Commentaire de DUMOUCH Rodolphe N’attaquez pas l’ensemble des universitaires ! Concernant le travail des chercheurs et professeurs d’Université, je partage à 100 % les remarques de M. Yves BOQUET. La polémique qui s’en suit est fort dommageable. Finalement, certains propos rejoignent le néolibéralisme, l’idée de mettre les enseignants au pas sous la coupe de gestionnaires, de DRH ou d’autres trous du cul de ce genre n’est pas loin. Ségolène Royal a d’ailleurs déjà franchi le pas, en proposant de transformer les professeurs du secondaire en animateurs pédagogos subalternes, pointant leurs heures. Mais au départ, je ne crois pas que le travail des universitaires était en cause. On parlait de la malhonnêteté intellectuelle de Jean-Robert PITTE, qui ne doit pas déteindre sur le monde universitaire dans son ensemble. Monsieur PITTE, en effet, est assez mal placé pour donner des leçons de "marché". Il a été payé grassement pour se pencher - 5 ans durant - sur un sujet qu’il aurait bien eu du mal à vendre, même au coût du SMIC, s’il était sous la coupe d’un "DRH" à la con : "La géographie du goût de la morue séchée". Ne rigolez pas ! Et comme l’auteur de ce blog l’a fait remarquer, il a bénéficié largement de la gratuité de l’enseignement qu’il veut supprimer à la jeunesse actuelle. C’est cela le plus répugnant. C’est une caractéristque de la génération 68, qui continue à "jouir sans entrâves", mais en bourse. Ma réponse. Je me permet de donner quelques réponses à vos commentaires. Tout d'abord, je voudrais clarifier un point. Je n'ai pas d'hostilité particulière envers Jean-Robert Pitte, et je précise que je ne m'intéresse qu'à ses opinions politiques sur le monde universitaire. Je ne prends pas en compte ses points de vue sur d'autres sujets. Par ailleurs, si je me suis permis de remettre en cause de manière radicale ses opinions politiques, et de souligner, à travers son exemple, les problèmes liés aux statuts des dirigeants universitaires – qui me paraissent bien plus graves que les problèmes liés au statut des étudiants qu'il évoque à plusieurs reprises dans son interview – c'est que, dans la mesure où il affiche publiquement ses opinions, et qu'il peut, en tant que directeur de la Sorbonne, être considéré comme un personnage public, il s'expose immanquablement aux critiques les plus virulentes. Cela étant dit. Je réponds à trois de vos critiques.
Première critique. Vous avez tort, j'ai tort aussi. Car ce n'est ni à vous ni à moi de décider du salaire et de la fonction des dirigeants universitaires, mais à tous les universitaires et à tous les citoyens qui se sentent concernés par le sujet. Pourquoi ? Je m'explique plus loin. En attendant, je vais commencer par répondre à la deuxième critique : mes propositions seraient proches de celles des néo-libéraux. C'est parfaitement faux. Ce serait le cas si je préconisais la privatisation des universités. Or ce n'est pas du tout mon intention. Et je pense même, à l'instar d'Ivan Illich, que l'espèce la plus dangereuse en matière de réformateurs de l'enseignement (ce sont les mots qu'il emploie), est celle qui veut résoudre les problèmes de l'enseignement (par l'opération du Saint-Marché) en confiant la gestion des universités à des entreprises privées, et en laissant le marché réguler l'offre et la demande d'enseignement. Je réponds maintenant à la troisième critique. Mais auparavant, une petite digression s'impose. Je pense, et je ne suis pas le seul (voir les travaux de Bourdieu), que nous subissons actuellement une invasion idéologique. Cette invasion est le fait de l'idéologie néo-libérale. Quelle est cette idéologie ? C'est une religion dogmatique qui n'a qu'un lointain rapport avec les idées des penseurs écossais du XVIIIe et du XIXe siècle, et qui se manifeste sous diverses formes (doctrine néo-libérale, libertarianisme, micro-économie, école autrichienne d'économie, macro-économie néo-classique, etc.). Elle est née des errements de la guerre froide, et comme beaucoup d'autres religions, elle vise trois objectifs : appliquer son programme à l'ensemble de la société, éliminer les autres doctrines et contrôler la tête des institutions de légitimation et de diffusion du savoir. Je n'accorde donc pas plus de crédit scientifique à l'idéologie néo-libérale (et donc à la micro-économie produite par les pontes et les sous-fifres de Toulouse 1 ou de Polytechnique) que j'en accorde à l'animisme, au bouddhisme, au christianisme et à la scientologie. L'invasion idéologique néo-libérale actuelle ne diffère en rien de l'expansion de la religion catholique au début du premier millénaire, ou de celle de l'Islam durant la seconde moitié du premier millénaire. Ce n'est ni la première, ni probablement la dernière invasion idéologique. Je pense toutefois que l'animisme, l'Islam, le bouddhisme, le taoïsme et l'astrologie sont bien moins dangereux, et bien plus sensés que la religion micro-économique qui est prêchée dans nos universités, au détriment de millions d'étudiants qui se font endoctriner de gré ou de force dans l'indifférence la plus totale. Car la religion néo-libérale est une religion particulièrement agressive, dogmatique, réactionnaire, simpliste et expansionniste. Qui plus est, ses partisans n'hésitent pas à employer une rhétorique perverse, et à utiliser des méthodes politiques malsaines et immorales pour asseoir leur contrôle institutionnel. Ce qui n'a rien de surprenant, dans la mesure où leur doctrine prône, dans ses conclusions ultimes, la négation de toute morale. La mainmise de cette secte d'arriérés intellectuels sur l'enseignement universitaire, et sur les revues universitaires, pose donc un véritable problème de société que nous ne pourrons éluder éternellement. Venons-en à notre sujet. Ce que je constate, à travers mes expériences personnelles et mes lectures diverses, c'est que l'université, qui devrait théoriquement nous armer intellectuellement pour que nous puissions adopter une attitude critique à l'égard de la doctrine néo-libérale, rate totalement son objectif. En effet.
Donc, pour conclure, il faut hélas admettre que l'université ne remplit pas son rôle, qui devrait être, je le répète, de nous donner les moyens de réagir de manière critique à une invasion idéologique. Au contraire, elle est, avec certains médias, l'un des principaux vecteurs de cette invasion idéologique. Or, je ne crois pas que ce soit exclusivement la faute des universitaires de droite, tel Jean-Robert Pitte. En fait, tous les universitaires sont impliqués, qu'ils soient de droite ou de gauche. Trois raisons.
Par conséquent, il me paraît impératif de réfléchir à la fonction et à la place de l'université dans nos sociétés, en dehors des clivages idéologiques. Comment faire pour que l'université cesse de servir de vecteur à des idéologies qui monopolisent l'enseignement, et puisse retrouver son rôle véritable qui est d'ériger un rempart contre des idéologies sectaires, rétrogrades et suicidaires ? Comme je l'ai suggéré, une privatisation des universités ne solutionnerait pas le problème mais conforterait au contraire la position des néo-libéraux (et ferait bien plaisir aux multinationales de l'enseignement qui n'attendent que ça). C'est donc la solution à éviter absolument. Continuer dans la voie actuelle n'est pas non plus une solution, puisque comme nous venons de le voir, le système public hiérarchisé à la française, hérité du modèle universitaire parisien, n'a pas permis de résister à l'invasion idéologique néo-libérale. Mais alors quelle solution nous reste-t-il ? Selon moi, la solution passe par le renforcement de la démocratie directe dans les universités. Cette solution existait déjà dans certaines universités au moyen-âge, et elle fonctionnait d'ailleurs relativement bien. Avec le développement des médias interactifs, une telle université serait encore plus performante. Cette solution a l'avantage de ne pas remettre en cause le caractère public et gratuit de l'enseignement universitaire. En revanche, elle implique que les salaires, les statuts et les fonctions des professeurs et dirigeants universitaires soient régulièrement votés et remis en cause par les citoyens et les universitaires. Ce qui répond à votre critique. Mon opinion personnelle est que les salaires des cadres universitaires doivent être réduits, et que ces cadres doivent se conformer aux vues des citoyens et des universitaires. Mais bien entendu, je ne devrais pas être le seul à en décider... Un tel système devrait être examiné par les citoyens et voté par ces mêmes citoyens. Donc, en partant de cette base, votre opinion compte autant que la mienne. Pour autant que nous acceptions de nous conformer à un processus démocratique. Mais est-ce dans vos intentions de démocratiser les universités ? Voilà le débat sous-jacent : faut-il oui ou non démocratiser les universités ? Si la réponse est non, alors notre débat n'a aucun sens, puisque de toute manière, nos idées n'auront aucun impact sur le cours des événements. Ce seront les technocrates de Bruxelles, guidés par l'élite universitaire européenne, qui décideront à notre place du destin des universités. Notes 1 Ou plutôt, je rouvre, car les textes présents ici datent approximativement de 2006-2007. ⇑ 3 Un exemple ⇑ 5 Deux siècles de rhétorique réactionnaire, Paris, Fayard, 1991. ⇑ 6 Les Universités et les Pouvoirs publics au Moyen Age et à la Renaissance, dans Pour un autre moyen âge, Gallimard, 1977, p 198-219. ⇑ 7 Voir par exemple, André Tuilier, Histoire de l'université de Paris et de la Sorbonne, Tome II. De Louis XIV à la crise de 1968, Paris, Nouvelle librairie de France, 1994, p 43-101. ⇑ 8 Je renvoie à Paul Feyerabend, La science en tant qu'art, Paris, Albin Michel, 2003, p 165-166. ⇑ 9 Je renvoie par exemple au chapitre Individualisme et collectivisme dans La route de la servitude, Paris, PUF, 1985. ⇑ 10 Eh oui ! Cela surprend, n'est-ce pas ! La référence est la suivante, François-Georges Dreyfus, Le IIIe Reich, éditions de Fallois, 1998, p 96. ⇑ 11 Op. cit., p 206-207.], les universités ont toujours eu un rôle économique non négligeable. Elles représentaient dès le moyen âge un marché de consommateur dont l'importance était cruciale pour les villes qui les accueillaient. Les choses n'ont pas vraiment changé depuis. Mais, comme le notait aussi Jacques Le Goff[^Op. cit., p 208-209. ⇑ Catégories: Critique de la science économique / Culture libre
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