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La gratuité, c’est où et quand on le décidera !

Auteurs : Collectif Tumulte (voir aussi l'historique)
Date de création de l'article : 2012
Rubrique: Le journal des gratiférias
Etat de la rédaction: achevé
Droit de rédaction : non éditable
Licence : Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 26 novembre 2013 / Dernière modification de la page: 26 novembre 2013 / Propriétaire de la page: Benjamin Grassineau


Résumé :



Origine: Tumulte

Mercredi 19 décembre 2012, en soirée, le Collectif Tumulte a installé, dans les rues de Sion, à l’intérieur de l’enceinte du Marché de Noël, une table pour distribuer de la soupe, du thé et du vin chaud gratuitement. Instruments de musique et chants accompagnaient la bonne humeur des personnes présentes autour de ce mini-stand. Quelques personnes se sont arrêtées et ont accepté qu’on leur offre quelque chose à se mettre sous la dent ou dans le gosier, certaines furent surprises qu’on leur refuse la possibilité de nous donner de l’argent. « Gratuit, ça veut dire gratuit ! », répétaient les membres du collectif.

Au bout d’une bonne heure, plusieurs bénévoles nous ont accostéEs pour nous demander, de manière plus ou moins diplomatique, de dégager, car nous n’avions aucune autorisation et nous n’avions pas payé notre place. Notre argumentation sur l’absurdité de devoir demander une autorisation et de payer une place pour donner de la nourriture et des boissons gratuitement n’a pas eu raison de leur entêtement à nous expulser, sous menace d’appeler la police. Il et elles n’ont pas manqué de nous rappeler que nous pourrons, l’année prochaine, demander l’autorisation d’être présents durant une soirée dans leur tente Solidarité. Il et elles nous ont également signalé que nos propos étaient exagérés, lorsque nous parlions de l’omniprésence du capitalisme. Selon eux, le Marché de Noël est différent, et il et elles nous ont invitéEs à lire sa Charte pour comprendre le sens de cette manifestation. Après un bon quart d’heure de « dialogue », nous avons décidé de quitter les lieux… pour placer notre stand juste en périphérie du Marché de Noël, maintenant notre zone de gratuité temporaire.

L’effervescence nauséabonde de fin d’année étant terminée, il est temps de tirer des conclusions de cette brève expérience. Le Marché de Noël de Sion est une manifestation qui, chaque année, à la fin du mois de décembre et pendant une dizaine de jours, occupe une des places principales de la ville, appelée la Place du Midi, ainsi que, depuis 2012, l’Espace des Remparts. Ceci afin qu’une soixantaine de commerçantEs puissent installer leur tente et vendre leurs produits. Il s’agit donc objectivement d’une zone commerciale présente sur deux places publiques. Le commerce, autrement dit l’activité d’achat et de vente, envahit ainsi notre espace. Ceci vient s’ajouter à l’agression publicitaire incessante des boutiques et des supermarchés durant cette période. Bien entendu, comme tout marché de Noël, d’autres activités, dont, entre autres, des concerts gratuits, des contes et des tours en âne, viennent enjoliver l’endroit. La tente Solidarité fait également partie des offres de ce marché. (site du MdN de Sion)

Si nous nous penchons sur la Charte, comme nous l’ont proposé les bénévoles, nous découvrons que le Marché de Noël « offre un espace de rencontres, d’échange et de convivialité. L’association se donne les moyens de créer ce lieu où il est agréable de s’arrêter, de flâner ». (Charte du MdN de Sion) Pauvres de nous, nous avions oublié à quel point il est agréable de s’arrêter devant un stand, de flâner en essayant de choisir quel cadeau acheter, de rencontrer des commerçants et de partager un moment convivial avec eux. Car c’est bien connu, dans cette société spectulaire-marchande (oups.. encore un terme trop fort), la majorité des rapports humains sont centrés autour d’un rapport d’échange (vente-achat, que ce soit de marchandise ou de force de travail). Soyons sérieux, loin de nous l’idée d’attaquer les commerçantEs présentEs au marché, mais il est important d’appeler un chat un chat. Ces personnes sont présentes pour vendre leur marchandises, nous refusons de croire que le but principal de cette zone commerciale réside dans la rencontre. Tout ce beau monde resterait-il sur place sans rien vendre, uniquement pour discuter ? La réponse est logiquement non, cependant le stade d’aliénation avancée de cette société pousse les gens à ne voir que le voile d’humanisme flou qui couvre ce qui, aujourd’hui, occupe la quasi-totalité de notre temps de vie, à savoir la soumission de chacune de nos activités aux exigences du capitalisme (produire durant notre temps de travail, consommer durant notre temps libre, ce qui a été produit, puis se reposer pour pouvoir produire encore).

Et ce n’est pas parce que le Marché de Noël « évite tous symboles commerciaux tel que celui du Père Noël » (Charte du MdN se Sion), qu’il ne s’agit pas d’une zone commerciale. Or, ce que nous avons voulu proposer, c’est un bout de zone non-commerciale et même anti-commerciale, une zone de gratuité temporaire, en occupant une petite surface d’une place sur laquelle nous n’avions pas le droit de nous établir sans payer. Car il s’agit bien ici de se réapproprier non seulement une partie de notre temps (en mangeant et buvant gratuitement, sans aucune recherche de profit, sans aucune aliénation commerciale), mais également de se réapproprier le territoire, qu’on nous confisque toujours plus pour les exigences du système.

Alors oui, les commerçantEs du Marché sont effectivement sympathiques, ils ne produisent pas leur marchandise de manière industrielle, ils sont leurs propres patrons.. Mais leur « combat » (nous reprenons ici les termes d’un vendeur venu nous voir), n’est pas le nôtre, ou du moins, il n’étaient pas identiques à ce moment-là, car nous ne vendions rien. On nous a attaquéE sur le fait que nous aussi avons besoin d’argent pour vivre. En fait, nous avons besoin d’argent pour SURVIVRE, et juste pour ça. Mais vous ne savez ni combien nous travaillons, ni comment nous consommons. Mais surtout, en-dehors de notre temps de travail (très restreint pour certainEs d’entre nous), nous refusons de vouer notre temps libre à la consommation. Nos «loisirs » ne visent aucun profit. Notre zone de gratuité permanente et les zones de gratuités temporaires (stands, concerts, etc.) que nous avons mis en place par le passé et que nous continuerons à ériger existent non seulement pour satisfaire notre désir de vivre le plus possible en-dehors de l’aliénation propre à ce système, mais également pour montrer aux gens que le partage et la gratuité sont possibles. Il s’agit d’ouvrir les yeux sur d’autres rapports entre humains qui ne soient pas conditionnés par l’échange de marchandises (l’argent en est une parmi d’autres).

Enfin, concernant la proposition de faire une demande pour être présentEs à la tente Solidarité, notre réponse est négative. Nous refusons de demander l’autorisation pour faire de la gratuité durant un soir qu’on nous attribue lors du Marché de Noël. Nous considérons que partager est un droit que nous ne quémanderons pas. Nous continuerons à occuper la rue si le désir et le besoin se feront sentir, afin de partager, informer, s’amuser ou faire entendre notre colère et notre frustration générées par ce système d’exploitation. Nous ne sommes pas solidaires du Marché de Noël et nous ne reconnaissons aucune légitimité à son occupation de ce qui nous reste de place publique, vu qu’il nous empêche de donner de la nourriture et de la boisson gratuitement et comme bon nous semble. Nous ne donnons aucun crédit à une association qui protège le commerce, parce que nous rejetons le commerce.

Si nous avons décidé, pour les deux autres soirs durant lesquels nous avons installé notre stand, de nous placer en-dehors de l’enceinte du Marché, ce n’était ni par sympathie, ni par compréhension de l’action du Marché, ni pour entretenir des rapports conviviaux avec les bénévoles et les commerçants, mais pour des raisons stratégiques.

Nous reviendrons dans la rue distribuer de la bonne bouffe, car, au royaume de l’exploitation absurde, le trône de l’aberration est détenu par le fait de devoir payer pour se nourrir.

Vive la gratuité !!

Collectif Tumulte




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