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Appel à une révolution non marchande de l'institution médicale Auteurs: Benjamin Grassineau, Sarah Plantier (voir aussi l'historique) Création de la page: 27 mai 2016 / Dernière modification de la page: 08 octobre 2024 / Créateur de la page: Benjamin Grassineau
Résumé:
Sensibles à la privatisation grandissante et inique de la médecine, nous, les membres de l'association, avons choisi de participer au projet Massilia Sante System et de nous engager à ses côtés. Il est toutefois probable que notre position diffère de celles de certains membres du collectif MSS. Mais n'est-ce pas une force ? Confronter des points de vue diversifiés permet la progression des idées. Encore faut-il pour cela que les points de vue soient clarifiés. Ce que nous proposons de faire ici. Notre problématique autour de la médecineLa base de notre problématique de recherche et d'action part de l'hypothèse qu'un changement reposant sur une transformation de l'institution médicale (ce qui englobe, au sens large, tout le secteur médical conventionnel) est irréaliste. Cette institution a une inertie considérable, et dispose d'un poids historique, d'un pouvoir intellectuel1, politique (biopouvoir) et économique (la médecine industrielle est un secteur industriel puissant, c'est par exemple dans la recherche médicale que les fraudes sont les plus fréquentes2) trop puissants. Attaquer la médecine alternative ne nous semble pas non plus pertinent. Elle peine à s'imposer et ce serait abonder dans le sens de la médecine professionnelle. Notre objectif est donc d'orienter la problématique autour des modalités de mise en oeuvre concrète d'une médecine non marchande et non professionnelle, parallèle à l'institution médicale classique. En se dégageant ainsi des traditionnels débats, médecine conventionnelle vs médecine alternative, ou médecine industrielle, sur-technicisée vs médecine éthique à visage humain, qui sont sécrétés par la structuration professionnelle et industrielle de la médecine, on peut se concentrer sur des débats relatifs à la circulation concrète des ressources médicales et aux modalités d'échange dominantes qui forment le corps de l'activité médicale. Comment développer et structurer, en coopération, s'il le faut, avec le corps médical, une médecine non marchande désintermédiarisée (non professionnelle), réticulaire, gratuite et citoyenne ? Pour répondre à cette question, il faut dans un premier temps délimiter le contour de la problématique et des termes sur lesquels elle s'appuie. Le pouvoir médicalC'est un fait que la médecine industrielle est actuellement contrôlée par des corporations (médecins, pharmaciens, infirmiers, etc.) et des organisations économiques puissantes. Comment ce contrôle s'effectue ? A l'instar de n'importe quelle institution, via des processus coercitifs et la maîtrise de pouvoirs socio-économiques et biologiques3. Quels sont ces pouvoirs ? Comment cette coercition se déploie dans le corps social ?
La gratuité des soins de la médecine industrielle est-elle vraiment désintéressée ?Penchons-nous sur le pouvoir qui découle du remboursement des soins via le système de sécurité sociale. Pourquoi sur celui-ci en particulier ? Car il est crucial, central dans la constitution des autres pouvoirs. La "gratuité" des soins - qui en réalité n'en est pas une, car elle est financée par les contribuables qui en bénéficient - fait briller la médecine conventionnelle d'une aura prestigieuse qui éteint littéralement le feu des critiques adressées aux autres manifestations du pouvoir médical. Quand bien même on critique la stigmatisation produite par l'acceptation du diagnostic et la sur-efficience de l'institution médicale, qui conduisent à rendre captif le consommateur de soins médicaux, on se heurte à cette évidence, "oui mais c'est pour votre bien, c'est gratuit !". Certes, la "gratuité" - qui n'en est pas une ! - a des effets positifs, mais ne sont-ils pas contre-balancés par les nombreux effets pervers ? De plus, a-t-elle vraiment été mis en place uniquement pour servir les intérêts des clients de l'institution médicale ? Le principal argument qui est avancé pour légitimer la gratuité des soins médicaux – hormis le risque de propagation des maladies – est qu'il est intolérable de laisser sans soins une personne souffrante. Soit. C'est une idée noble, qui, bien que culturellement située, doit continuer à être soutenue sans relâche. Mais elle pose plusieurs questions :
D'autres hypothèses paraissent bien plus vraisemblables pour expliquer la (fausse) gratuité des soins.
Symétriquement, la gratuité des soins, dans le cadre d'une médecine industrielle et professionnelle, ne va pas forcément dans le sens de l'intérêt des clients de l'institution médicale. En effet:
Qu'on nous entende bien. Notre idée n'est pas de remettre en question la gratuité des soins, mais plutôt sa pertinence lorsqu'elle est prodiguée dans un cadre professionnel, et qui plus est dans un système où les professionnels de soins sont rémunérés au prorata des actes ou médicaments qu'ils fournissent, en apparence, gratuitement. Les fondements d'une médecine non professionnelleQuel peut être la forme d'une médecine non professionnelle ? Et existe-t-elle déjà ? D'abord, précisons qu'une médecine non professionnelle n'est pas nécessairement non marchande. Elle peut en effet se fonder sur des rapports impliquant une obligation de contre-partie, qu'elle soit monétaire ou non. Ce n'est donc pas sa caractéristique principale. En revanche, elle répond à un certain nombre de critères.
Une telle médecine est-elle fréquente dans la médecine alternative ? Non, car la médecine alternative calque son fonctionnement sur celui de la médecine professionnelle, à différents degrés. A titre d'exemple, l'ostéopathie a aujourd'hui de nombreuses caractéristiques qui la rapproche d'une activité professionnelle. Une critique vient spontanément à l'esprit. La possibilité d'une médecine non professionnelle fondée sur des échanges réticulaires ne va-t-elle pas se heurter aux asymétries d'information. Sans connaître les compétences réelles du soignant, ne sera-t-on pas réticent à accepter ses services ? Deux contre-arguments.
Les bases d'une médecine non marchande et non professionnellePlus peut-être dans la médecine que dans d'autres activités, il faut scinder les concepts de marché et de profession, étant donné le rôle joué par le professionnalisme dans la structuration réelle de l'activité, à tous les niveaux où elle se déploie. On peut constater, alors, l'équilibre instable sur lequel repose une médecine non marchande et non professionnelle, du fait, peut-être de caractéristiques socio-techniques qui sont propres à l'activité médicale. On ne peut nier, d'un côté, le rôle puissant joué par l'histoire, et en particulier l'inscription très ancienne de la profession médicale dans l'université, de l'autre, les risques potentiels d'une pratique de l'activité médicale incontrôlée, ou tout au moins, le contexte anxiogène que génère naturellement l'activité médicale. Il n'en va pas de même dans toutes les activités. Considérons par exemple l'activité de vente de produits manufacturés d'occasion. Elle ne s'exerce pas forcément dans un cadre professionnel (vide-greniers, par exemple), mais elle n'en est pas moins marchande. Mais peut-on alors sortir de cet équilibre instable pour s'appuyer sur des bases solides ? Il y aurait peut-être pour cela à se tourner vers la médecine humanitaire. Mais, sans remettre en cause son efficacité et sa pertinence, elle demeure clairement enserrée dans le giron de la médecine professionnelle, voire industrielle. Et ce faisant, elle véhicule avec elle, toutes les difficultés engendrées par cette dernière. Explorons alors une voie qui, à notre connaissance, n'a été que peu explorée, celle d'une médecine non marchande et non professionnelle. Si cette voie est aujourd'hui délaissée, elle a pourtant eu son heure de gloire. Dans les années 1970, portée par le vent de la contestation sociale, dans la lignée des travaux d'I. Illich, C. Rogers et des auteurs du mouvement de l'antipsychiatrie, un petit nombre d'expérimentations sociales concrètes ont été tentées. Il en reste aujourd'hui quelques traces - les thérapies de groupe, par exemple. La critique portait alors essentiellement sur les aspects professionnels et industriels de l'activité médicale. Sont alors apparues, par exemple, des notions fort intéressantes d'institutions manipulatrices, d'outil convivial, d'approches centrées sur la personne, etc. Mais les problèmes de marchandisation et de privatisation de l'activité médicale occupaient un rôle plus secondaire dans les préoccupations des penseurs et des acteurs de ce mouvement contestataire, sans pour autant être absents. Il est donc temps de revoir cette position et de réactualiser les questions, les idées et les solutions que ce mouvement a proposé, au monde contemporain qui a depuis subi de profondes mutations structurelles. L'essor spectaculaire de l'économie non marchande et réticulaire en est par exemple l'un des faits marquants. L'apparition de techniques informatiques facilitant une évaluation réticulaire et égalitaire des compétences apporte par exemple des pistes intéressantes. Dans cette perspective, examinons quelques-unes des possibilités concrètes d'action qui s'offrent à une médecine non marchande et non professionnelle.
On peut s'interroger. Un tel système est-il être viable ? On peut s'interroger, certes, mais on ne peut répondre à priori à cette question en affirmant d'un ton péremptoire "ça ne marchera pas". Au contraire, l'expérience prouve que l'économie non marchande n'est pas incompatible avec l'économie marchande. Prenons le logiciel libre où le secteur marchand et le secteur non marchand cohabitent... De toute façon, la mise en œuvre d'une médecine non marchande et non professionnelle n'est pas seulement une affaire de réussite ou d'efficacité. Les raisons pour lesquelles les acteurs du monde médical, qu'ils soient soignés ou soignants, qu'ils soient producteurs, auto-producteurs ou consommateurs de substances pharmaceutiques, choisissent de pratiquer la médecine non marchande et non professionnelle ou la médecine institutionnelle, ne regardent qu'eux. On peut certes tenter de les convaincre. Mais au final, la liberté de choisir entre la médecine non marchande et la médecine industrielle, devrait être défendue au nom du respect des libertés individuelles. Mais la liberté réelle n'étant pas la liberté formelle, il reste à établir concrètement les structures d'une médecine non marchande et non professionnelle. Ce ne sont pas les possibilités qui manquent.
Voilà ce qui pourrait constituer les bases d'un nouveau mouvement médical révolutionnaire. Notes1 Cf. P. Feyerabend et son concept de police de la connaissance. ⇑ 2 Cf. W. Broad ⇑ 3 Cf. M. Foucault et le biopouvoir ⇑ 4 Cf. T. Szasz et I. Illich ⇑ 5 Cf. I. Illich ⇑ A lire
Catégories: Économie non-marchande
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