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Échanges non marchands : approches théoriques Auteurs: Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique) Création de la page: 18 octobre 2011 / Dernière modification de la page: 04 décembre 2024 / Créateur de la page: Benjamin Grassineau
Résumé:
Qu'est-ce qu'un échange non-marchand ? Pourquoi associer l'échange, le réciproque, au non-marchand, au don, à l'unilatéral ? Il y a principalement trois raisons.
re le trajet. L'échange est ici symétrique, il est à la rencontre de deux volontés, chacun souhaite donner et recevoir. Et il n'y a pas d'obligation. En revanche, s'il y a obligation de contre-partie pour que l'échange ait lieu (je demande à l'autostoppeur qu'il me paye), cela rompt la symétrie. Il n'y a plus échange, mais rapport de domination. Un terme de l'échange est censé être moins valorisé que l'autre. Idem pour le troc.
Notes préliminairesLa définition que nous donnons de l'échange non marchand n'est pas la même que celle donnée par Alain Testart dans son ouvrage critique du don. Etudes sur la circulation non marchande, Syllepses, 2007. Rapidement, l'échange non marchand est pour A. Testart un échange, entendu comme opposé au don (transfert unilatéral d'un bien économique, dépourvu d'obligation de contre-partie qui pèse sur le receveur du bien), qui a la particularité de ne pas faire circuler des marchandises, mais d'être déterminé par des relations, des rapports humains, entre les échangistes - par exemple, une relation d'amitié - et de renforcer ces relations1. Nous préférons parler d'échange non marchand plutôt que de don pour rompre avec l'idée d'une asymétrie dans le don (le receveur a un gain, le donneur un coût) pour la reporter conceptuellement sur l'échange marchand, qui est déséquilibré du fait de l'obligation de contre-partie. La distinction entre le transfert d'objets, le don, l'échange, l'activité mutuelle, les effets externes, la réciprocité, le partage, est très complexe. Dans de nombreux travaux académiques, cette complexité est noyée derrière un discours sociologique aride mais pas nécessairement rigoureux, et derrière une débauche de démonstrations empiriques toujours partielles (seules quelques observations viennent corroborer ou infirmer des thèses, et aucune étude statistique n'est avancée2) et largement douteuses, en particulier dans l'anthropologie (les commentateurs interprètent des textes produits dans un contexte colonial, qui traitent d'informations biaisées, et recueillies avec l'aide d'intermédiaires et parfois de manière peu rigoureuses). Ce n'est pas la voie que nous avons choisie, mais pour les besoins de l'action, dans le cadre du site http://nonmarchand.org, et de l'association Anomali, il nous a fallu opter pour une définition simplifiée, inductive (élaborée à partir de cas concrets, et le cas échéant, soumise à des discussions entre les échangistes) et opérationnelle (elle doit permettre de repérer facilement ce qu'est un échange non marchand, même si le processus de repérage n'est pas "scientifique") de l'échange non marchand, de manière à ne pas être ralenti dans la progression de notre action. En revanche, dans le cadre du laboratoire, la démarche de définition et de conceptualisation que nous adoptons se veut analytique (décomposition de l'échange en éléments simples), progressive (nous prenons notre temps), prudente (nous n'avançons que sur des choses sûres) et rigoureuse (nous essayons de développer des concepts clairs et de ne pas avancer des propositions théoriques et empiriques à la légère). DéfinitionVoici les critères que nous retenons pour définir un échange non-marchand. Ces critères sont arbitraires, au sens où on peut très bien définir un échange non-marchand différemment et suivant d'autres finalités. EchangeCela peut paraître évident, mais l'échange non-marchand doit d'abord être un échange. Distinguons pour le voir de façon purement conventionnelle, l'interaction, l'échange et la contrainte. Soit deux personnes A et B. Elles sont en interaction si A, par son action3Aa, provoque un effet Ea, qui modifie l'action Ab de B. L'interaction est alors asymétrique. Si, l'effet Ea entraîne une réaction de B qui a, à son tour, un effet Eb sur A, alors, l'interaction est symétrique. Notons que l'effet Ea peut causer l'action Ab, par un simple vecteur représentatif. C'est là toute la difficulté. L'effet n'est pas forcément "matériel", au sens où il peut agir à travers les représentations de l'effet par B, qui ne correspondent pas nécessairement avec l'effet réel. La nature de l'interaction dépend en tous les cas de l'effet. L'action est contrainte, ou contraignante (l'effet Ea se produit en tous les cas ou bien, il est conditionné à l'effet Eb), ou au contraire, fait l'objet d'un choix. Techniquement, cela revient à dire, en cas de contrainte, que B ne peut pas ne pas réaliser l'action Ab, ou ne peut pas la réaliser, à cause de l'effet Ea qui est la résultante de l'action Aa. Remarque, l'action ou l'effet peuvent aussi être connus, ou inconnus de A et/ou de B. Ce point peut être important (voir plus loin). Dans la suite, nous allons distinguer une interaction contraignante, une contrainte, d'une interaction volontaire, un échange. Dans ce cas, nous dirons qu'il y a échange, s'il y a :
AnnexesDeux problèmes se posent dans la définition de l'échange non-marchand :
Deux problèmes intimement liés, puisque, pour simplifier, disons qu'une orientation pragmatique de la définition du don suppose de trouver un ensemble de critères opérationnels et simples à l'usage, permettant de définir un échange non-marchand et de le différencier concrètement d'autres formes d'échange existantes. Dans l'idéal, ces critères sont en correspondance claire avec des propriétés observables de l'échange (si possible quantifiables) et sont dénués d'ambiguïté. De plus, ces critères, et la définition, doivent être utilisables dans l'action, voire dans l'échange proprement dit.
Difficultés et avantages liés à chaque orientation. Le problème, c'est que la démarche théorique est généralement peu opérationnelle (même si elle peut déboucher sur des résultats concrets) pour au moins deux raisons : 1. elle laisse flotter de nombreuses incertitudes : la critique ou la remise en cause de liens de causalité, de concepts, de préjugés, pouvant paralyser l'action qui s'appuie sur une simplification du réel (l'élimination des détails) et des hypothèses sous-jacentes ; 2. elle est difficilement communicable, dans la mesure où la communication s'appuie elle aussi sur des simplifications et sur des conventions communes (tel concept désigne à peu près telle chose, et c'est suffisant pour communiquer). Notes1 Autant A. Testart a une démarche intéressante et rigoureuse, lorsqu'il oppose le don à l'échange, autant sa démarche est confuse et peu opérationnelle lorsqu'il oppose échange non marchand et marchand. Quant à son concept de marchandise (statut de la chose), il est largement critiquable. Nous reviendrons sur ces points dans un autre texte. ⇑ 2 Par exemple, tel auteur va affirmer que le don est rare dans telle ou telle société, mais, il le fera sans procéder à une mesure globale des échanges (seul moyen d'avoir une base solide), à une définition rigoureuse des échanges (nécessaire pour la quantification) qu'il observe et du contexte d'échange (quantité d'échange, contexte domestique, festif, etc.), et sans tenir compte des limites de l'observation, telles que la part de l'invisible et du non observé dans les interactions sociales ⇑ 3 Au sens large, l'ensemble de ses manifestations et des dynamiques qui affectent les biens qui lui sont rattachés ⇑ Comment caractériser Echanges Non Marchands Theorie Un échange non-marchand est un échange !L'idée d'échange non-marchand n'est pas intuitive : comment l'échange, fondé sur la réciprocité, et donc, opposé au don, peut-il être non-marchand ? La réponse à cette question tient surtout dans la définition qu'on donne de l'échange non-marchand. Deux problèmes surgissent à cet endroit : 1. définir l'échange non-marchand n'est, d'une manière générale, pas simple, et peut devenir très complexe suivant le niveau de précision recherché, 2. aucune définition n'est neutre, car elle dépend de l'usage qu'on veut faire du concept. Deux problèmes intimement liés. Pour simplifier, disons qu'il existe deux orientations globales pour définir l'échange non-marchand.
Il s'agit de trouver un ensemble de critères opérationnels permettant de définir un échange non-marchand et de le différencier concrètement d'autres formes d'échange existantes. Dans l'idéal, ces critères sont en correspondance claire avec des propriétés observables de l'échange (si possible quantifiables) et sont dénués d'ambiguïté. De plus, ces critères, et la définition, doivent être utilisables dans l'action, voire dans l'échange proprement dit.
Il s'agit d'examiner la "pertinence" des concepts qui sont sous-jacents aux concepts, les à priori qu'ils cachent, les causalités masquées qu'ils présupposent, et de les positionner par rapport à un ou plusieurs champs théoriques. Difficultés et avantages liés à chaque orientation.Le problème, c'est que la démarche théorique est généralement peu opérationnelle (même si elle peut déboucher sur des résultats concrets) pour au moins deux raisons : 1. elle laisse flotter de nombreuses incertitudes : la critique ou la remise en cause de liens de causalité, de concepts, de préjugés, pouvant paralyser l'action qui s'appuie sur une simplification du réel (l'élimination des détails) et des hypothèses sous-jacentes ; 2. elle est difficilement communicable, dans la mesure où la communication s'appuie elle aussi sur des simplifications et sur des conventions communes (tel concept désigne à peu près telle chose, et c'est suffisant pour communiquer) 1. Par exemple, si je considère, à juste titre, l'échange marchand comme un couple d'actions (interdépendantes) donnant lieu à une contre-partie monétaire, c'est suffisant pour savoir, à peu près si deux personnes réalisent ou non un échange non-marchand. Néanmoins, même ainsi, des problèmes persistent ; problèmes que le Droit, souvent considéré comme l'autorité compétente en la matière, peine à solutionner sans recourir à une forte dose d'arbitraire. Maintenant, si je m'attache à comprendre ce qu'est concrètement un échange marchand, il y a de quoi s'arracher les cheveux ! D'abord, où est quand s'arrête les actions incluses dans l'échange ? Ensuite, comment déterminer que les actions s'entraînent bien l'une et l'autre ? Autre problème, doit-on inclure le troc ? Sinon, comment définir la monnaie ? Enfin, dois-je tenir compte des intentions des personnes qui échangent ? Toutes ces questions peuvent sembler simples, elles sont en fait très ardues ; et il existe des quantités d'ouvrage considérables pour tenter de les élucider, en particulier, dans la philosophie de l'action ou l'anthropologie économique. Pour risquer une analogie, ce sont un peu les "équations diophantiennes de la sociologie". Actions élémentaires, en apparence "simples" (ce ne sont pas des abstractions complexes, et éloignés de notre perception directe, comme l'Etat, le paradigme ou le PIB), mais qui donnent pourtant lieu à des développement théoriques redoutables - et qui n'aboutissent pas toujours à des résultats véritablement intéressants... Tout cela ne signifie pas que la démarche théorique soit sans intérêt, Cependant, il paraît nécessaire de la différencier d'une démarche plus pragmatique. Dans la pratique, je n'ai pas besoin de la philosophie de l'action pour réaliser une action. Et, comme le disent à juste titre les partisans de la phénoménologie sociale2, la sociologue professionnelle va peut-être trop loin en plaquant sur la réalité sociale une définition de l'action limitative et arbitraire, alors que les acteurs sociaux disposent eux-mêmes de leur propre analyse, de leur propre sociologie profane de l'action. Ce point doit toutefois être relativisé. Car dans la pratique, nous avons aussi souvent besoin d'une définition de l'action, d'une catégorisation de l'action, "artificielles". C'est à dire, que, bien qu'elles soient construite selon des procédés complexes et collectifs, et qui donc, échappent à notre emprise directe, permettent de se repérer et d'agir dans l'action. Typiquement, il s'agit par exemple du Droit, qui, en tant qu'institution, produit une certaine typologie du réel, et en particulier, une typologie de l'action à laquelle, dans la pratique, nous allons probablement nous référer dans certaines situations. Par exemple, la définition formelle de la propriété privée, si elle s'appuie certes sur la coutume, n'en a pas moins a un impact direct sur notre conception de la propriété, et nos actions correspondantes. Ce faisant, le Droit n'est pas seulement une "institution" qui produit de la connaissance et l'applique mécaniquement au corps social, c'est une institution qui, par cette connaissance, modèle directement, avant de s'appliquer, le social. Autrement dit, la règle produit un certain impact sur les pratiques sociales, du simple fait qu'elle est énoncée et incorporée dans les représentations sociales. Néanmoins, la règle, en général, s'appuie presque toujours sur un travail de théorisation (collectif ou non) et de définition. Quelles finalités pour une définition ?Ceci nous conduit à admettre qu'il est, en quelque sorte, parfaitement légitime d'élaborer une définition "artificielle" de l'échange non-marchand, en gardant à l'esprit qu'une telle démarche n'est pas neutre. Par conséquent, pour éviter tout malentendu, précisons quelles sont les finalités que nous rattachons à cette définition. J'en retiendrai trois. La première, déjà mentionnée, est que cette définition doit être opérationnelle, et, si possible, "cohérente". La deuxième est que celle-ci doit "éliminer" des pratiques, des actions qui pourraient être confondues avec l'échange marchand. Entendons par là éliminer de la définition, puisque l'objectif n'est bien sûr pas d'éliminer ces pratiques sociales dans la réalité - en gardant cependant à l'esprit qu'une telle définition peut toutefois impacter sur les pratiques réelles !! Il s'agit en effet, grosso modo, d'exclure de la définition les pratiques suivantes :
Toute la difficulté vient du fait que la notion d'échange marchand est mal définie. Car qu'entend-on, en définitive, par "échange marchand" ? Quelles sont les propriétés qui le caractérisent ? Quelles sont les caractéristiques qui, habituellement, permettent de le différencier des autres actions, des autres formes d'échange, en général ? La liste n'est pas exhaustive, mais on peut repérer quelques éléments constitutifs :
L'échange marchand est, dans cette optique, une action collective, caractérisée par un transfert volontaire d'un offreur, propriétaire, vers un demandeur, avec obligation de contre-partie, sous forme monétaire, dont la valeur est sensée compenser le coût du transfert, ou du service, et dans lequel les deux échangistes sont intéressés pour échanger. Ces éléments constituent l'essence de l'échange marchand, ou disons le prototype, au sens de Rosch, et plus généralement la base des échanges qui vont construire le système marchand. Par ce dernier, il faut entendre un ensemble d'échanges répétés, de règles - en particulier, des règles de Droit extrêmement complexes, et de rituels qui modèlent la forme des échanges marchands. À l'opposé de ce prototype, on trouve l'échange non-marchand, qu'on désigne habituellement sous la notion de gratuité. Avant de l'examiner, soulignons qu'au niveau intérmédiaire, il existe quantité de formes d'échange dont certaines propriétés de l'échange marchand sont absentes. Par exemple, une association à but non-lucratif qui fournit des services marchands, au sens classique du terme, sort du cadre, dans la mesure où elle agit - paraît-il - de manière "désintéressée". De même, un Système d'Échange Local, affaiblit la notion de monnaie. Et un système de troc, davantage. Enfin, certaines formes de gratuité marchande, affaiblissent la notion d'obligation de contre-partie. Quant à l'obligation de participer à l'échange, elle est affaiblie par le principe de concurrence, et sert, en théorie, à distinguer les systèmes d'échange marchand des systèmes d'échange étatique, fondée sur la contribution obligatoire - nous reviendrons sur ce point plus loin. Maintenant, si vous demandez à une personne dans la rue pourquoi, selon elle, tout ne peut pas être gratuit, il est significatif, dans les réponses données, que la gratuité est toujours définie, et le plus souvent attaquée, en opposition à une ou plusieurs caratéristiques de l'échange marchand. Une première appréciation montre qu'elle répond le plus souvent que :
(...a terminer...) Catégories: Économie non-marchande
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