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Analyse des dispositifs répressifs. Première partie. Du bon usage des statistiques dans la répression ordinaire

Auteurs: Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique)
Création de l'article: 2015
Etat de la rédaction: finalisé
Droit de rédaction: ouvert
Licence: Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 04 août 2015 / Dernière modification de la page: 21 novembre 2024 / Créateur de la page: Benjamin Grassineau



Résumé: Premier volet d'une trilogie d'articles dont le but est de construire une batterie d'arguments contre les casse-couilles entrepreneurs de morale ! Le second devrait porter sur une analyse classificatoire des dispositifs répressifs. Le troisième sur l'origine des dispositifs gratuits. L'article étant exploratoire, il est très bordélique, et surtout, constellé de répétitions. Mais bon..., en espérant que le message passe quand même...




C'est devenu un lieu commun, le Tabac1 c'est mauvais, c'est un vice. Il est vrai que fumer est oisif... Alors, vade retro, Satana ! Haro sur les fumeurs !

Mais il y a pire que le fumeur : le Chien2. Le Chien, c'est sale, ça chie partout, ça fait zonard ! Conséquence : exclusion des lieux publics, des espaces privés, de partout ! Ou du moins, on le quadrille : muselières, ramasse-crottes, lieux prohibés... C'est fait. L’apartheid est de retour !

De l'autre côté du miroir, la Voiture ! La Voiture c'est cool, c'est fun, c'est propre ! On sort, on prend sa voiture. On part en vacances, allez hop ! en voiture ! Et c'est ainsi que la voiture a envahi l'espace public avec la bénédiction des beaufs et du sacro-saint complexe nationalo-industriel...

Hiérarchie bien établie. Mais dans les faits, entre la Voiture, le Tabac et le Chien, qui génère le plus de nuisances ? Évident, me direz-vous ! Les chiffres parlent d'eux-même. En France, plus de 70 000 morts par an sont causés par le Tabac3, tandis qu'un peu moins de 4000 morts par an sont imputés aux accidents de la route en 20114 - quant au Chien, cette brutasse incontrôlable, il mord sauvagement des milliers de personnes.

Face à ce dur constat, on a donc à priori de bonnes raisons de pourchasser le Tabac, le Chien et ses adeptes, et de les proscrire des lieux publics.

Sauf qu'en réalité, cet étalage macabre de chiffres ne veut pas dire grand chose... Je ne suis pas fumeur (même si je l'ai été quelques courtes années), je ne défends donc pas ici mes intérêts. Je ne suis pas non plus un chien ; ou si, peut-être... Enfin, ce qui compte, ce n'est pas tant de défendre Paul, Yaoutaka ou Jacques, mais de comprendre la réalité sociologique que cachent ces statistiques. Dure tâche à laquelle je vais m'atteler dès à présent... Et allez hop ! en voiture !

Tabac vs Voiture vs Chien...

Commençons par démonter le mythe de la Voiture K2000 et du Chien des Baskerville.

Cause probable, cause avérée

Alors, en guise d'introduction, essayons de répondre à cette question hautement philotrophique5, qui est le plus méchant des trois ?

D'abord, notons bien : un premier point rend la comparaison délicate. Le Tabac causerait les décès tandis que les accidents de la route n'ont rien de conditionnel. Ils tuent. Point. Le dispositif répressif est donc instauré sur la base d'une causalité (ce qui n'est pas forcément le cas, on peut interdire sans raison), et d'une causalité supposée, fondée sur des probabilités. Il s'agit d'une différence qualitative entre les deux "nuisances". L'une est supposée et précède la nuisance véritable - en particulier pour le tabagisme passif - ; l'autre est avérée.

Autre point, le Tabac est surtout dangereux pour le consommateur - il est dangereux pour soi. Je ne remets pas en cause les effets et la réalité du tabagisme passif, mais le fait est qu'il tue un nombre de personnes par an probablement assez faible (entre 2000 et 6000 personnes par an) et en tous les cas très difficile à déterminer6. Si bien que c'est un comportement qui est principalement avéré dangereux pour soi, et non pour autrui, qui est attaqué. Ce qui est l'inverse de la Voiture. La Voiture est dangereuse pour soi et pour autrui, c'est une évidence7.

Comparaison qui n'avantage pas la Voiture ; pourtant, les faits sont là, le Tabac est de plus en plus exclu des lieux publics et le fumeur fait l'objet d'une quasi "chasse aux sorcières". A contrario, la Voiture est toujours aussi omniprésente dans l'espace public, la publicité pour la Voiture et ses produits dérivés sont partout et les déplacements automobiles ne font que croître8.

Tout le monde dans le même panier !

A cela, on m'objectera que la circulation automobile (au sens large) fait depuis de nombreuses années l'objet d'un quadrillage de plus en plus dur. C'est indéniable. Mais il y a une différence de fond avec l'opprobre qui touche actuellement les fumeurs : le contrôle de la circulation automobile s'inscrit dans une logique d'aménagement, de cohabitation. Celui des fumeurs - et à fortiori, les drogués à des substances illégales - dans une logique d'exclusion. Exclusion de l'espace public, exclusion de l'usage - l'usager doit restreindre sa consommation, ou arrêter.

Pour parvenir à cette fin, certains dispositifs s'appuient sur une interdiction intégrale pure et simple, tandis que d'autres tablent sur des mesures plus sournoises. Un dispositif peut ainsi constituer une telle entrave au plaisir procuré par la pratique (par exemple, balader son chien en ville devient "humiliant") - ou à certains principes moraux largement partagés (la muselière ou la laisse sont tout bonnement ignobles) - qu'il la rend inapplicable (ou presque) dans les faits.

On voit donc que dans un cas, on rejette la pratique en bloc, sans nuance, tandis que dans l'autre, on la décompose en fonction des modalités d'action possible. S'agissant de la répression routière, c'est la vitesse sur la route qu'on tente de contrôler ; celle-ci étant, à tort ou à raison, désignée comme la mauvaise pratique à l'intérieur de la bonne (la conduite automobile). Par conséquent, on "sauve" la pratique en désignant en son sein un sous-groupe de pratiques, ou un sous-groupe de pratiquants, comme les conducteurs en état d'ivresse ou les conducteurs âgés, considéré comme mauvais. C'est une polarisation de la pratique. Il y a les bons automobilistes, et les mauvais9... A contrario, il n'y a que des mauvais fumeurs. Et conséquemment, on ne cherche pas à minimiser le nombre de morts liés au tabac, en adaptant la pratique.

Pourtant, la pratique du tabagisme demeure très hétéroclite. Fumer une ou deux cigarettes par jour n'a pas les mêmes conséquences que fumer un ou deux paquets (pour ceux qui en ont aujourd'hui les moyens) ! Fumer à l'intérieur d'un local aéré ou mal aéré, n'a peut-être pas les mêmes conséquences sur la santé des personnes qui s'y trouvent. A vrai dire, combien y a-t-il d'études empiriques sur le sujet ? Très peu, à mon avis. Tout dépend ce qu'on fume aussi. Beaucoup l'ignorent, mais il n'est pas désagréable de fumer de la sauge, de la mélisse... En fait, de nombreuses plantes peuvent se substituer au Tabac. Quelles sont les conséquences de cette pratique réalisée selon ces modalités ? Là encore, on l'ignore. Cependant, étant assimilée au tabagisme, elle tombe sous la coupe du même dispositif répressif.

Dans cette optique, les statistiques qui sont régulièrement ressassées dans les médias ou les travaux d'experts, donnent l'impression que les différentes pratiques ont un effet homogène, relativement aisé à quantifier : le nombre de morts. Or, comme je l'ai précisé plus haut, une première erreur dans ce raisonnement provient du fait qu'il faut distinguer la cause probable de la cause avérée ; mais il faut également distinguer le risque généré, la variété et l'étendue des nuisances et les effets non comptabilisés tout en demeurant sur la même échelle de valeur.

Risque généré, variété et étendue des nuisances, effets non comptabilisés

Tout d'abord, il faut pouvoir apprécier le risque réel (le danger) généré par une pratique. Or, de ce point de vue, il n'y a pas d’ambiguïté possible. La Voiture crée une menace grave et permanente. Elle représente un danger constant et très grave pour les enfants, les adultes, les chiens et les fumeurs ! A l'inverse, il est intéressant de constater que le Chien ne représente qu'un danger minime - bien que peut-être ressenti comme plus imprévisible10. Il est rare d'observer des chiens qui ne mordent que les fumeurs ! Plus sérieusement, le danger n'est pas inexistant. Ayant été attaqué par une meute de chiens à Tahiti en me promenant le long d'une plage, je peux le confirmer ! Mais la raison de l'incident provenait d'une méconnaissance de ma part. Il suffit, là-bas, de faire le geste de prendre un caillou pour faire détaler une meute ! Je prends cet exemple, car il illustre le fait que le caractère apparemment "inoffensif" de la Voiture, provient d'un apprentissage, d'un conditionnement en arrière-plan. Lorsque celui-ci est impossible ou défaillant, par exemple chez de nombreux animaux, les victimes de la Voiture sont très nombreuses11. En définitive, la Voiture induit donc un risque permanent et un sentiment d'insécurité constant. Elle crée ce faisant une effet indésirable massif. Sans arrêt, en tant que piéton, ou même en tant qu'automobiliste, il faut être attentif, surveiller les enfants, se méfier à certains feux, etc.

Ensuite, il faut, pour comparer de manière rationnelle les nuisances générées par les différentes pratiques, examiner la variété et l'étendue des nuisances. Là encore, il est indéniable que la Voiture constitue une nuisance étendue et polymorphe.

  • Étendue, car elle touche tout le monde et elle frappe dans les moindres recoins de la Route. Elle s'invite même dans les maisons avec le garage ! Il n'y a guère que sur quelques îles, en France, et dans les rues piétonnes des centres urbains qu'on dispose d'un peu de répit. Certes, il existe des déserts automobiles dans la campagne, mais il ne s'agit de lieux de vie très faiblement peuplés. Étendue, aussi, car elle impacte sur de nombreuses autres pratiques. Elle rend certaines pratiques difficiles, voire impossibles (la transhumance, par exemple) ; et, étant quasi-obligatoire dans de nombreuses activités, elle y étend ses nuisances.
  • En ce qui concerne la variété des nuisances, le calcul est rapide. La Voiture est bruyante (bien plus selon moi que les chiens qui aboient !), polluante, sent mauvais, génère de nombreux déchets ; et, si l'on prend en compte le dispositif technique qui lui sert de support, sa démocratisation s'avère écologiquement catastrophique ! Bitume, stations d'essence, derricks, oléoducs, feux, ..., et toutes les nuisances qui leur sont associées. Il faut ajouter pour finir que les statistiques mises en avant dans les médias, ne traitent pas du nombre de blessés générés par les accidents de la route (plus de 80 000 blessés par an en 2011).

Enfin, il faut tenir compte des effets non comptabilisés de la circulation automobile (le nombre de morts pouvant être indirectement imputés à la Voiture). De ce point de vue, on a que l'embarras du choix ! Il y a en premier lieu la pollution atmosphérique générée par les transports routiers qui tue probablement autant, voire davantage que le Tabac12. Mais il y a aussi la pollution générée par les routes, le bitume, l'intérieur des voitures, etc. On en finirait pas de dresser la liste. Il y a également, ne l'oublions pas, les maladies indirectement causées par l'usage excessif de la Voiture13. Dans la mesure où celle-ci crée une sorte "d'addiction", elle se substitue à des déplacements plus sains - à pied ou à vélo, par exemple. Pourquoi parle-t-on si peu des effets sur la santé liés à la voiture, et pourquoi s'y intéresse-t-on si peu, alors qu'elle tue peut-être autant que le Tabac ?

En résumé, lorsqu'on examine les dispositifs, il apparaît que :

  • Le phénomène visé par le dispositif s'appuie sur une représentation plus ou moins véridique de ce qui est censé le causer.
  • Cette cause est certaine ou probable (voiture vs tabac), car il n'est pas toujours aisé d'attribuer tel phénomène à telle cause.
  • La probabilité de survenue de l'effet indésirable est plus ou moins forte (qu'est-ce que je risque en prenant le volant ?).
  • Le danger généré par une pratique est plus ou moins élevé, étendu ; et le dispositif peut viser l'intégralité d'une activité ou seulement certaines modalités de réalisation de l'activité.
  • Le dispositif peut viser l'ensemble de l'activité ou une modalité d'action particulière, l'ensemble des pratiquants ou une minorité.
  • Le niveau "d'indésirabilité" de l'activité dépend des critères retenus.

Quelques jalons pour une analyse des dispositifs répressifs.

Quel enseignement tirer d'une telle comparaison ? Que l'on peut fumer tranquille tant qu'on le fait à vélo ! Ce n'est certes pas mon propos ! J'ajoute que mon but n'est pas non plus de critiquer la Voiture. En fait, il est de parvenir à un constat plus général.

La nature du dispositif répressif qui touche une pratique ne s'explique pas exclusivement par des critères purement "rationnels", "techniques", c'est à dire, relatifs à la "nature physique" de l'activité en question.

Problématique de la répartition et de la nature des dispositifs répressifs

Il existe un premier argument empirique en faveur de cette thèse : si tel était le cas, on devrait observer une superbe homogénéité transculturelle des dispositifs répressifs ! Or, les marins et les explorateurs, et accessoirement les anthropologues14, ont montré qu'il n'en est rien. Néanmoins, les études comparatives transculturelles ont leurs limites - par exemple : niveaux technologiques et conditions environnementales variables, faiblesse méthodologique -, et je pense qu'il faut donc continuer l'exploration.

Une première piste se dégage lorsqu'on observe qu'à l'intérieur d'une activité quelconque, les dispositifs techniques, règlementaires et représentationnels sont très diversifiés. Ils évoluent temporellement, socialement (ils changent d'une culture à une autre), contextuellement (le dispositif réglementaire peut être largement transformé en temps de guerre, en vacances, etc.). Ajoutons qu'ils diffèrent aussi dans l'espace des activités.

Mais ce constat demeure encore un peu bancal, car à ma connaissance, il n'existe pas d'explication convaincante de la répartition de ces dispositifs répressifs, ni, au passage, de typologie qui fournirait une base à une théorie de la répartition et de l'évolution des dispositifs répressifs.

Il existe certes une littérature, souvent fort intéressante, qui s'attelle à montrer le caractère irrationnel et inadapté des dispositifs répressifs sur des activités spécifiques. Par exemple le travail de Thomas Szasz sur la drogue. Mais cette littérature n'a pas de vue d'ensemble. Elle se contente de prêcher pour une activité - ou au contraire, contre une activité - mais ne tente pas de comprendre pourquoi certaines activités sont plus sujettes à la répression que d'autres.

De même, la littérature qui se situe dans le prolongement des travaux de Michel Foucault, étudie, de manière très globale, l'évolution et la structuration des dispositifs répressifs, mais elle n'a pas produit à ma connaissance, de typologie des dispositifs répressifs et de théorie qui expliquerait la répartition temporelle, géographique et "trans-activités", de ces dispositifs.

Enfin, toute une littérature juridique, experte, s'inscrit dans une approche "trans-activité", au sens où ce n'est plus l'activité qui est analysée, mais la règle, la loi. Mais la nature holistique du dispositif réglementaire - au sens sociologique - n'est pas prise en compte. On se contente d'une analyse interne et morcelée des lois, sans l'insérer dans une vue d'ensemble15.

Flou juridique et dérive liberticide

Je pense, et je précise qu'il s'agit d'une profession de foi et d'un point de vue politique, que cette vue étriquée des dispositifs réglementaires qui caractérise la pensée contemporaine, et le flou qui entoure la notion de loi, sont en partie responsables de la dégradation qui affecte actuellement nos libertés individuelles. Car, d'une part, le morcellement de la pensée nous rend impuissants à nous défendre contre des lois abusives ; le problème ne pouvant être replacé à l'intérieur d'un ou plusieurs cadres de pensée plus vastes ; et d'autre part, la transposition du problème dans le cadre élaboré par les juristes est inopérante dans les faits.

C'est à mon avis flagrant dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Considérons ces deux extraits

La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

(...)

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.

En se fondant sur de telles bases, il n'est guère étonnant que nous vivions dans le pays des entrepreneurs de morale, où les libertés fondamentales s'amenuisent de jour en jour. Car indéniablement, cette déclaration, qu'il nous faut vénérer aveuglément sous peine d'être pris pour un fasciste, est une fumisterie ! Que nous dit-elle ? Que la Loi peut brimer les libertés en invoquant le principe ésotérique "d'action nuisible". Ce qui est objectivement la porte ouverte à toutes les répressions possibles. Puisque ni l'action nuisible, ni les cas déterminés par la loi ne sont définis, on peut les étendre à n'importe quel type d'actions16. La communication est un droit fondamental. Sur ce point, la proposition est claire. Elle renvoie à une réalité sociologique, certes un peu vague, mais « empiriquement décidable ». Bien qu'il y ait un processus sociologique en arrière-plan de construction de la décidabilité, il est assez aisé pour un groupe de personnes de savoir si A communique ou non ses pensées. Disons qu'ils peuvent arriver à un compromis incluant ceux qui croient en la télépathie ! En revanche, les cas déterminés par la loi constituent un ensemble qui, du moins dans le cadre de la constitution, est fondamentalement « indécidable ». On peut le remplir comme on veut avec ce que l'on veut. Dès lors, ce dispositif ne constitue aucunement une barrière contre un dispositif réglementaire ultra-répressif. Surtout si on lui rajoute l'article premier "Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune". Super ! On peut ainsi légitimer un régime d’'apartheid. L'utilité commune étant un concept encore une fois « indécidable ».

Seulement, le caractère flou et indécidable de cette déclaration n'est pas une fatalité.

Prenons par exemple les deux premiers amendements de la constitution américaine :

Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre.

Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé.

On peut penser ce qu'on veut de l'activité de défense civile, ou celle qui consiste à proférer n'importe quoi dans la rue, mais il faut reconnaître que les libertés protégées par ces deux amendements sont claires. L'Etat ne peut pas empêcher le port d'armes. Point ! La liberté fondamentale est défendue sans concession. Il n'y a pas, pour terminer l'article, le tristement célèbre "sous réserve des limites déterminées par la loi...".

Libertés fondamentales et nature des dispositifs répressifs

Il serait assez simple d'étendre ce "principe de clarté" à des libertés fondamentales. Par exemple, la liberté de circuler, de se nourrir, de s'exprimer, de se droguer, de faire l'amour comme on l'entend, de disposer d'un abri, de pouvoir posséder une parcelle de terre pour subsister, de faire un feu pour chauffer ses aliments, la liberté de donner, de vendre, etc...

Certes, chaque activité nécessiterait une analyse particulière. Exemple, le droit de circuler peut se heurter au droit à disposer d'une parcelle de terre privée17. De même, le dispositif technique doit pouvoir être adapté aux limites imposées par d'autres dispositifs techniques. Supposons par exemple qu'un feu de camp présente un risque d'incendie considérable, c'est à dire, un feu réalisé dans une pinède en période de canicule en plein mois d'août, il peut paraître judicieux de l'interdire.

Je rebondis sur ce dernier exemple pour examiner un peu plus en détail la structuration générale des dispositifs réglementaires répressifs. Concernant le feu de camp, quelle est la réglementation en vigueur ?

D'abord, premier constat, il est très difficile d'obtenir l'information sur le cadre réglementaire. En d'autres termes, à moins d'être richement documenté, l'usager ignore, généralement, si le feu de camp est autorisé ou non. C'est un premier critère de structuration :

la clarté et la transparence de la réglementation

A la vue des informations que j'ai pu glaner, il semble qu'il soit prohibé dans les forêts, les landes, plantations et maquis (jusqu'à 200m d'une surface boisée18), dans les zones urbanisées, dans les parcs naturels, sur les rivages et, bien sûr, dans les terrains privés sans disposer de l'autorisation du propriétaire. Notons que la réglementation sur le camping sauvage n'est guère plus permissive19. En somme, en théorie, le feu de camp est prohibé à peu près partout et sous toutes ses formes. Voilà encore deux critères importants à retenir :

l'étendue géographique et temporelle de l'interdiction (est-il interdit partout ?) et le degré de nuance de l'interdiction.

Par ce deuxième critère, je cherche à mettre en évidence le fait que certaines pratiques sont prohibées sans nuance. On peut interdire le feu de camp dans son ensemble, mais on peut aussi interdire certaines modalités de réalisation du feu de camp. En somme, le feu de camp "mal fait", qui présente davantage de risques. Exemple, la réglementation en Ontario sur les feux de camp stipule que :

Vous pouvez allumer un feu de camp pendant la saison des incendies si vous le faites sur de la roche nue, de la terre ou un autre matériel non inflammable. Votre feu de camp doit être aménagé à au moins un mètre de tout matériel qui peut prendre feu et à au moins trois mètres de toute végétation qui pend. Votre feu de camp ne doit pas avoir plus d’un mètre de diamètre et plus d’un mètre de hauteur20.

Ceci illustre l'importance de la nuance du point de vue des libertés individuelles. Dans bien des cas, en effet, ce n'est pas le feu en soi qui présente un risque, mais un certain type de feu. Et, plus généralement, il faut à cet endroit opérer une distinction importante. On peut envisager deux cas-types :

  • soit la "mauvaise pratique" est généralisée. Comme par exemple - autre domaine -, le téléchargement illégal.
  • Soit la "mauvaise pratique" est minoritaire. La question demeure alors de savoir si le dispositif interdictionnel va pénaliser "au hasard" et interdire l'ensemble de l'activité, s'il va pénaliser uniquement la minorité qui est censée "mal agir".

Evidemment, ceux qui pratiquent les feux de camp, même occasionnellement, savent qu'il est toujours possible de se débrouiller pour en faire... La raison en est assez facile à trouver. D'une part, les feux de camp sont tolérés dans la campagne, d'autre part, ils sont parfois difficiles à déceler. De plus, ils ne sont que faiblement réprimés. Il faudrait donc introduire ici d'autres critères :

L'intensité de l'interdiction et également, l'intensité des sanctions.

Positionnement du dispositif

Il reste à se pencher sur la légitimation qui est faite de l'interdiction. Comment le dispositif représentationnel appuie-t-il le dispositif réglementaire ?

Il y a une première distinction à établir. Le dispositif répressif opère soit :

  • en amont de l'action jugée indésirable, il vise alors à éliminer des actions qui peuvent induire l'action indésirable en aval,
  • directement sur elle, le dispositif opère directement sur l'action indésirable,
  • en aval, il vise à éliminer les actions qui sont des conséquences de l'action indésirable, sans éliminer l'action elle-même et les actions qui la causent.

Une analogie avec le domaine médical permet de clarifier cette catégorisation. On peut jouer sur l'étiologie d'une maladie, en tentant d'éliminer ses causes ; chercher à la guérir, une fois celle-ci déclarée ; laisser la maladie s'installer, mais traiter d'éventuelles complications. Prenons un autre exemple. Un enfant met du désordre en jouant. On peut l'interdire de jouer, ce qui constitue une interdiction en amont ; l'interdire de mettre du désordre, ce qui constitue une interdiction directe ; l'obliger à ranger, ou le ranger moi-même, sans l'interdire d'en mettre, c'est alors une obligation en aval.

On notera que l'enchaînement causal n'est pas toujours aisé à morceler en actions disjointes. La raison en est que les actions sont généralement imbriquées les unes dans les autres. Si le fait de jouer produit nécessairement du désordre, alors, l'action "je mets du désordre" est partie intégrante de l'action "je joue". Et il faut donc éliminer l'action "je joue" pour éliminer l'action "je mets du désordre". De ce point de vue, le découpage conceptuel de l'action n'est pas sans conséquence sur la façon dont elle est régulée. Il n'est pas rare, notamment, qu'on confonde l'action à éliminer avec l'action qui est censée la causer. Par exemple, on assimile souvent une maladie comme le cancer du poumon, qu'on peut définir comme une action involontaire, à l'action de fumer. L'action de fumer est perçue comme une cause presque unique de la maladie. En fait, dans ces enchaînements causaux de long terme, on se situe davantage dans des schémas multi-causaux et probabilistes21. Autre point, la différence entre un dispositif qui opère en amont ou en aval tient pour beaucoup à l'action qui va être désignée comme indésirable. Or, en fonction du point de vue où l'on se place, il peut y avoir des différences notables. Par exemple, en temps de guerre, pour les belligérants, l'action indésirable n'est pas la mort des soldats, mais la baisse des effectifs aptes au combat ! Tout dépend, à ce titre, des finalités du dispositif et de ceux qui l'instaurent.

Autre exemple. Un dispositif qui opère en amont pénalise un conducteur qui grille un feu rouge. Un dispositif qui opère directement pénalise celui qui engendre un accident et s'avère fautif. Enfin, un dispositif en aval pénalise - par une vignette, une taxe, un malus, etc. - les coûts engendrés par l'accident. Il peut notamment établir une discrimination en fournissant assistance exclusivement à ceux qui ont "bien" respecté la règle.

De façon peut-être plus intuitive, supposons que le tag soit considéré comme une action indésirable. Un dispositif en aval consiste à éliminer les tags en aval, les effacer ; un dispositif en amont, à interdire de se balader le soir avec des bombes de peinture ; un dispositif direct, à interdire l'action de taguer. Notons que le dispositif peut aussi opérer préventivement en aval en modifiant la perception du tag - convaincre de son esthétique. Il s'agit alors de transformer l'effet indésirable en effet désirable22.

Il est important de comprendre que cette distinction ne concerne toutefois pas le caractère punitif, préventif ou réparateur du dispositif répressif - la façon dont il s'y prend pour éliminer ou produire des actions chez la personne qui tombe sous son influence (communication avec la personne, transmission d'information) ou sous sa contrainte (modification des conditions physiques dans lesquelles une personne évolue).

A cet égard, il existe trois possibilités.

  • La personne est contrainte à réaliser une activité. C'est une situation de coercition : la contrainte est directe,
  • La personne n'est pas contrainte à réaliser l'activité, mais elle est soit empêchée de la réaliser, soit, lorsqu'elle la réalise, un ensemble de contraintes pèsent sur elle pour l'empêcher de le faire selon certaines modalités. La contrainte passe alors par une modification directe de l'environnement.
  • La personne est contrainte indirectement. Si elle réalise ou non l'action, elle encaisse une pénalité ou bénéficie d'une gratification.

Par exemple, si l'action visée est la pêche à pied, le dispositif répressif peut s'appuyer sur le dispositif technique en limitant l'accès à l'estran, ou le dispositif représentationnel, en disposant des panneaux indicatifs dans des lieux stratégiques. Si le dispositif répressif est réparateur, il peut viser à empêcher l'action indésirable, lorsqu'elle est enclenchée, par exemple, en mettant en place une opération sanitaire (ou en effaçant systématiquement des tags sur les murs). Enfin, si le dispositif est punitif, il ne vise que l'action qui s'est effectivement produite.

Du point de vue de l'efficacité, le positionnement du dispositif, en amont ou en aval n'est peut-être pas le même. Il est certain qu'interdire par un dispositif punitif en amont de promener son chien dans la rue élimine efficacement l'action indésirable : le chien qui défèque sur le trottoir ! Mais, du point de vue des libertés individuelles, le résultat n'est pas le même. Si le dispositif punitif ne vise qu'à réprimer l'action indésirable proprement dite, la liberté est bien plus restreinte.

L'élimination globale des actions en amont

Le discours ainsi formulé peut sembler abstrait, mais je ne fais pourtant que conceptualiser des dispositifs répressifs bien concrets. Considérons par exemple le déplacement de troupeaux. Si celui-ci est soumis à autorisation, ce n'est pas parce qu'une transhumance est en elle-même une action indésirable - bien qu'elle puisse l'être -, mais parce qu'elle peut probablement générer des actions indésirables : une contamination, la destruction d'un champ. Ceci n'est pas une simple nuance, c'est un saut qualitatif majeur. Pour éliminer l'action indésirable possible, le dispositif répressif étend son emprise, pour ainsi dire, à un ensemble d'actions et d'éléments en amont qui risquent de créer l'action indésirable.

Par exemple, on interdit le Chien dans les lieux publics (transports en commun, parcs pour enfants, bibliothèques, musées), car celui-ci peut représenter un danger et une gêne directe pour les usagers. Risque sanitaire (l'urine du chien peut contenir des germes), risque sécuritaire (le chien peut mordre), risque "psychologique" (la présence de certains chiens peut incommoder des usagers et leur faire peur).

Plusieurs aspects sont à prendre en compte dans cet exemple.

  • Comme on l'a vu, l'action qu'on cherche à éliminer n'est pas intrinsèquement indésirable, ce sont les actions en aval qui le sont potentiellement.
  • On interdit l'ensemble des chiens - et des maîtres qui les accompagnent - sans distinction23 ! Or, en réalité, seule une poignée de chiens peut effectivement causer des problèmes. Pourtant, l'action est interdite quelle qu'en soit les modalités, les éléments et les acteurs. Etendons ce raisonnement : si une personne humaine présente un danger pour autrui en se promenant dans la rue (parce qu'elle est violente), il faut éliminer de la rue l'ensemble des humains qui s'y promène !
  • La gêne effectivement causée par le chien : 1. n'est pas une "gêne universelle", elle ne concerne souvent qu'une minorité d'usagers, 2. n'est pas une gêne réelle, au sens où elle représente souvent davantage une peur qu'un problème concret, 3. est psychologique et non physique. Je reviens après sur ces points.

Cette focalisation sur l'action en amont montre que l'application et l'élaboration du dispositif répressif présuppose une représentation de la "chaîne d'actions" qui induit l'action indésirable. Elle suppose aussi qu'on détermine la catégorie d'acteurs (ceux qui réalisent l'action) qui va être visée.

De ce point de vue, tout au moins si l'on adopte une posture relativiste, il n'y a aucune raison d'espérer que le régulateur - dans son sens abstrait, la personne ou le groupe qui applique la règle - s'appuie sur une représentation "véridique" de cette chaîne d'actions et de la catégorie d'acteurs incriminés. Ce qui implique que concernant les libertés individuelles, il faudrait pouvoir se focaliser sur la nature du dispositif répressif, sur son étendue, son emprise, sans tenir compte des théories qui le légitiment et le structurent24.

A cet égard, dans les dispositifs répressifs modernes, comme je l'ai suggéré plus haut, il faut distinguer deux types d'enchaînements, ceux qui sont avérés et ceux qui sont probables. Il peut être avéré qu'une action en entraîne une autre. Si un automobiliste renverse un piéton, il y a peu de doute sur le fait que l'activité de circulation a causé le dommage, éventuellement la mort ! Tout un chacun peut le constater. Il en va de même lorsqu'une personne marche dans une crotte, c'est le chien qui est en cause. A priori. Car il se peut que la crotte ait été déplacée ! On évolue alors vers un enchaînement causal probable et non plus certain. Il faut bien comprendre à cet endroit que ce n'est pas le risque dont il est question ici, mais la probabilité que ce soit bien telle ou telle action qui ait eu telle ou telle conséquence. La circulation peut provoquer un accident. Et si c'est le cas, si l'accident survient, on sait quelle est la cause de l'accident. En revanche, si l'on cherche à établir l'origine d'un acte violent ou l'étiologie d'une pathologie, on tente d'établir une liste des facteurs qui l'ont probablement provoqué.

Bien des dispositifs répressifs sont instaurés sur la base de telles probabilités. Typiquement, la légitimation qui est faite de l'interdiction du cannabis repose sur l'énumération des conséquences probables de sa consommation. C'est donc un dispositif qui opère en amont, sur la base de probabilités - et essentiellement sur un mode punitif.

De même, dans de nombreux cas, l'interdiction d'une substance réputée dangereuse pour l'environnement est établie à l'aide de techniques d'observation faisant appel à des recherches statistiques, chimiques, biologiques. Or, outre le fait que de telles recherches sont toujours entachées d'une grande part d'incertitude, liée en particulier à des questions d'ordre méthodologique, leur réalisation nécessite un appareil sociotechnique lourd et hors de portée du premier venu. Ce qui pose, concrètement, le problème de la validation démocratique du risque. Problème d'actualité, car combien de règles, aujourd'hui, sont édictées sur la base de suppositions statistiques ?

En résumé, le dispositif répressif est instauré non pour réparer ou punir un événement considéré comme nuisible, mais pour éliminer, par des procédés punitifs, tout un ensemble d'actions qui risqueraient de le provoquer. D'autre part, cet ensemble étant défini grossièrement, tout un cortège de pratiques adjacentes, d'éléments et d'acteurs sont englobés dans la foulée à l'intérieur du processus éliminatoire.

Au niveau macro-social, le processus est clair. Un exemple, le chômage, l'insécurité, considérés comme indésirables - ce qui déjà, est l'objet d'une construction sociale -, sont attribués par une grande partie des citoyens à l'immigration. Causalité probable, et à mon avis complètement fausse, mais ce n'est pas la question. Ce qui compte, c'est que dès lors, pour combattre le chômage, on tente d'éliminer l'immigration, englobant dans la foulée, tout un ensemble de pratiques. Obtenir un visa pour aller passer quelques jours dans un pays devient ainsi une véritable sinécure. Au nom de quel droit ? Du droit à travailler ? N'est-il pas abject que le droit fondamental de circuler sur la Terre soit ainsi entravé par un critère d'efficacité hypothétique ? La baisse du chômage ?

Au niveau micro-social, le processus est tout aussi clair. J'ai introduit dans un autre article, le concept de relais institutionnel25. Ce concept me semble tout à fait adapté pour décrire la manière dont des personnes extérieures à une institution (au sens d'organisation instituante) participent activement au fonctionnement des dispositifs répressifs, et en intègrent les éléments idéologiques de base.

Effets psychologiques ou réels

L'exemple le plus remarquable nous est donné par le Chien. Désormais, l'interdiction de promener son chien sans laisse n'est même plus légitimée par le risque réel, mais par la peur qu'il fait naître chez les passants. A plusieurs reprises, on m'a sommé de tenir mon chien en laisse, car il faisait peur, et le plus souvent, pouvait faire peur.

Encore une fois, le saut qualitatif est important, car il signale la transposition du concept de risque - qui ne peut être véritablement établi que par une observation macro-sociologique - dans la sphère d'évaluation individuelle. Il indique aussi le passage d'une nuisance observable à une nuisance indétectable - ou tout au moins, aisée à simuler. Désormais, le Chien est interdit, non pas parce qu'il crée un « risque » socialement établi comme risque, ou parce qu'il crée une nuisance réelle, mais parce qu'il induit chez une minorité de personnes une peur subjective. Ou pire, dans bien des cas, parce que ceux qui veillent à l'application du dispositif répressif supposent que le Chien fait peur. Fort heureusement, ce principe de légitimation demeure encore rare. Dans le cas contraire, les libertés individuelles subiraient un sacré revers ! Imaginons, par exemple, qu'on interdise la pratique de la voiture parce qu'elle fait peur à certains piétons. Pourtant, dans ce cas précis, la peur est justifiée par une cause avérée ; la Voiture, quand elle se déplace, est bien plus dangereuse qu'un Chien.

Bien des éléments de légitimation du dispositif répressif qui s'exerce à l'encontre du Chien sont donc fondés sur la mise en avant des conséquences psychologiques liées à la présence du Chien. Le quadrillage du Chien, ou tout simplement son exclusion de certains espaces, est légitimé par la peur qu'il est censé engendré, ou parce qu'il serait sale.

Il est vrai que la différence entre les effets psychologiques et physiques d'une pratique n'est pas toujours facile à établir. La crotte de chien, en effet, est physique, de même que les molécules qui s'en échappent ! Pour autant, on peut utiliser deux critères permettant d'appuyer de façon pratique la distinction :

  1. Les conséquences indésirables portent-elles sur un élément physique extérieur à la personne ou non ?
  2. Les conséquences portent-elles principalement sur le psychisme de l'individu (émotions, dégoût, peur...), sur son état physique ou enfin son « état social » (richesse, honneur, etc.) ?

Par exemple, le tag crée, par le biais de la modification d'un objet, au moins trois types d'effets indésirables : a/ la dégradation d'un mur, qui crée une moins-value du bien, b/ l'aspect inesthétique pour certains et le contenu du tag qui peut être choquant, c/ éventuellement, la pollution générée par la peinture. A l'opposé, un viol atteint directement la victime, physiquement, psychologiquement et socialement.

Considérons, dans cette optique, les effets indésirables du Chien, et en particulier la crotte de chien. D'abord, ils atteignent une personne via un élément matériel extérieur, et ils concernent les aspects "psychologiques" : la mauvaise odeur et le côté inesthétique. Les aspects physiques existent. Par exemple, le fait de marcher dans une crotte, mais, s'ils sont certes gênants, ils sont plutôt anodins. Ils présentent également quelques risques sanitaires quasiment insignifiants26. Quant aux conséquences sociales, je ne sais pas... Pour en avoir le coeur net, il faudrait réaliser une enquête. Il est certain que marcher dans une crotte de chien est quelque peu humiliant, mais bon...

La maximisation des libertés fondamentales

Là où je veux en venir, c'est que nous sommes en présence de phénomènes qualitativement bien distincts. Dans un cas, le préjudice passe par un vecteur, public ou privé, ce qui le rend souvent plus facilement réversible ou potentiellement supprimable en aval, et se cantonne à des effets essentiellement psychologiques. Dans l'autre, l'effet est directement ressenti par la personne (il n'y a pas véritablement de vecteurs), il touche la sphère privée et il est clairement physique et psychologique (le premier entraînant l'autre, le plus souvent).

Donc, si d'un strict point de vue matérialiste, il est difficile de distinguer les différents cas, il est à parfaitement possible de le faire en rajoutant des critères "sociologiques".

Supposons une action produite par A qui produit des effets sur B.

  • L'action de A a-t-elle un effet sur B, ou seulement sur A ?
  • Empêcher A d'agir aura-t-il des conséquences sur ses libertés fondamentales ? L'action de A impacte-t-elle sur les libertés fondamentales de B ?
  • L'action de A induit-elle des effets physiques, autres que ceux liés à la perception visuelle ou auditive, sur B ? Par exemple, un coup !
  • Si les effets sont purement sociaux et psychologiques, peuvent-ils quand même avoir un effet indésirable de nature physique sur B ? Par exemple, quelqu'un est diffamé, d'où perte d'emploi, et conséquences physiques.
  • L'action de A passe-t-elle par un élément extérieur, dont les transformations n'ont pas d'effets physiques indésirables sur B ? Par exemple, un tag sur un mur.
  • Peut-on facilement éliminer ou éviter les effets de l'action de A ? Par exemple, il est assez aisé de détourner le regard d'une publicité gênante, tandis qu'il est presque impossible de ne pas écouter la radio diffusée par les pouvoirs publics dans la rue.
  • Les effets indésirables de l'action de A sur B sont-ils avérés ?
  • Si un dispositif est mis en place, doit-il être généralisé à l'ensemble des personnes et à l'action A dans sa globalité ?

De la réponse à ces questions découle des éléments structurants du point de vue de la maximisation des libertés individuelles et collectives fondamentales.

  • Si l'action n'a pas d'effet sur B, ou du moins d'effets physiques, alors, il est parfaitement illégitime de tenter de l'éliminer - ou tenter de la produire. C'est pourtant extrêmement courant dans le secteur médico-social, psychiatrique, scolaire, dans la prévention routière, etc.
  • L'étalon de mesure, le point de référence, doit être la baisse des libertés fondamentales, et non l'ordre moral ou je ne sais quel autre principe fascisant ou délirant. Notamment, la liberté d'aller et venir doit primer sur des problèmes de sécurité, dont la pertinence est généralement peu convaincante.
  • Une action de A générant un impact purement psychologique et n'ayant pas de conséquences physiques indirectes sur B, n'a pas à être interdite, sanctionnée. Et pour en revenir à nos amis les chiens, et, plus généralement, aux libertés fondamentales, comme la liberté d'expression et la liberté d'aller et venir, il n'y a pas lieu d'interdire les chiens27, ou d'entraver ces libertés, sur la base des effets psychologiques qu'ils sont censés induire. Autre exemple, le tag ne génère pas d'effets physiques indésirables. Il n'y a donc pas lieu de le pénaliser. D'autant plus que c'est un moyen d'expression dont les effets sont facilement réversibles.
  • En revanche, si les effets provoquent indirectement un préjudice physique, via un vecteur social ou psychologique, alors, ils devraient être pris en compte.
  • De même que la destruction de ressources nécessaires à la réalisation de certaines activités couvrant des besoins fondamentaux. Comme la destruction de milieux naturels utiles pour l'alimentation.
  • La limitation d'une liberté fondamentale, via un dispositif répressif, ne devrait s'appuyer que sur des causalités rigoureusement avérées et non sur de vagues probabilités ; et, j'ajouterais, seulement à partir du moment où il est avéré que les dispositifs en aval ou directs, se sont montrés inefficaces, ou sont impossibles à mettre en œoeuvre. Hélas, ce n'est pas la voie qui est actuellement suivie. Les dispositifs répressifs qui portent sur les libertés numériques, la liberté d'expression, etc., le montrent bien !
  • La mise en place d'un dispositif devrait fonctionner selon le principe du "pas à pas". Il faut d'abord circonscrire les éléments d'une action qui peuvent être indésirables, puis introduire des dispositifs, préférentiellement préventifs et en aval, pour tenter de les éliminer. Progressivement, il serait possible d'étendre l'interdiction à des éléments connexes, mais, seulement si les interdictions ou obligations précédentes se sont avérées inefficaces. Mais dans tous les cas, les dispositifs en amont doivent être pris en dernier ressort, et exclusivement sur la base d'un très large consensus.
  • Toujours dans le même ordre d'idée, lorsqu'une modalité action est désignée comme indésirable, il faut d'abord pénaliser ceux qui l'accomplissent l'action selon cette modalité, et non l'ensemble des personnes qui pratiquent cette action selon d'autres modalités. Par exemple, l'argument selon lequel certains chiens sont sales, est fallacieux lorsqu'il est utilisé pour interdire tous les chiens dans un espace accueillant du public.

Mais j'entends la critique, une rationalisation des procédés de régulation n'a-t-elle pas des relents quelque peu fascisants ? Ne vaut-il pas mieux les laisser émerger spontanément de l'interaction des acteurs ? D'abord, je précise que je ne fais qu'ouvrir le débat et que je ne propose rien d'autres qu'un modèle d'action parmi d'autres. Mais je ne peux me contenter d'éluder ainsi la remarque et il y a deux points dans cette critique auxquels je me dois de répondre.

  1. La rationalité peut intervenir à l'intérieur du processus décisionnel, en apportant ou en détruisant une légitimation qui prévaut à la création de règles et de dispositifs. Les statistiques, par exemple, corroborent ou non l'existence de liens entre des phénomènes, dont l'un est jugé indésirables, et peuvent, à ce titre, légitimer ou non une action. Ce serait toutefois extrêmement réducteur et profondément scientiste de les utiliser comme source exclusive de régulation. D'autant plus que les statistiques sont souvent entachées d'incertitudes et sujettes à caution (on peut toujours les contester d'un point de vue méthodologique, plusieurs interprétations sont possibles, elles sont parfois fausses, etc.), difficiles à construire (elles demandent beaucoup de ressources pour être produites) et orientées en fonction de ce qu'on souhaite prouver (d'autres statistiques mettraient en relief des phénomènes et des causalités différents, et, dans l'ensemble, elles se contentent souvent de mettre en évidence des effets de masse28). Il n'empêche, de mon point de vue, dans un monde, le nôtre, où les processus sont - du moins en apparence - régis par la rationalité scientifique et statistique, il importe de ne pas se couper de leur utilisation, car ce serait laisser le champ libre à la technocratie. Utiliser cette "arme" me paraît justifié car les statistiques sont effectivement un outil de connaissance très efficace. Néanmoins, il faut garder à l'esprit qu'elle ne constitue nullement l'arme fatale qui va clore le débat. Les statistiques ont beau montrer les effets du Tabac sur la santé, il n'en demeure pas moins que le Tabac peut être considéré comme désirable pour bien d'autres raisons.
  2. La rationalité peut intervenir dans la structuration du processus décisionnel en délimitant un ensemble de libertés fondamentales qui constituent un socle de référence par rapport auquel les dispositifs répressifs doivent être pensés, et en apportant des concepts, des éléments de réflexion, pour penser l'interaction avec ce socle, de façon à garantir sa préservation.

Cette deuxième forme de rationalité paraît incontournable. Elle pourrait servir de point d'appui pour repenser de façon systématique notre rapport aux libertés fondamentales et d'argumentation de fond qui transcende les cas particuliers. Et c'est de cela dont nous avons besoin. Un ou plusieurs cadres généraux s'affranchissant de l'inertie culturelle et historique du Droit, qui permettent de repenser les interactions sociales, en favorisant les libertés fondamentales.

Exemple : la Route

La Route est l'exemple même du lieu public, potentiellement cool, libre, ouvert et gratuit, mais dans les faits accaparé par des corps professionnels qui y font régner une terreur liberticide. Le mot est fort ? Songez aux menaces lorsque vous ne payez pas une amende, aux arrestations sommaires et discriminatoires sur le bord de la route, aux flashs, à la prévention dans les écoles, etc. La peur règne sur la route ! Archétype de l'inconscient collectif ? La Route mystérieuse, effrayante, où les pillards rôdent ! La Route, espace de liberté mais espace de danger, qu'il faut dès lors policer, encadrer.

Il y a sûrement une part de vérité dans ces représentations collectives primales, mais celles-ci ne suffisent plus, de nos jours, à convaincre ! Car, globalement, pour l'automobiliste, la Route est sûre ! Il faut donc un discours high-tech, puissant, qui en impose, pour justifier l'intervention de l'Etat. Et l'arme de légitimation de cette oppression ordinaire, ce sont les statistiques. Elles viennent en renfort pour appuyer l'action combinée de centaines de dispositifs répressifs et totalisants (ils tendent à envahir l'ensemble de la Route).

Des statistiques foireuses

Prenons le site de l'association Prévention Routière29. C'est un des sites qui apparaît en tête de liste, lorsqu'on cherche des renseignements sur les accidents de la route. Il propose au lecteur une série de statistiques sur les causes des accidents de la route. Peu importe si les statistiques sont présentées de manière peu scientifique et sont difficiles à exploiter, car rappelons que ce qui nous intéresse, c'est l'usage sociologique qui en est fait, et les méprises, les actions liberticides, auxquelles elles peuvent donner naissance ou auxquelles elles servent de légitimation.

D'abord, premier constat, les statistiques indiquent une grande tendance : les jeunes qui rentrent de boîte de nuit bourrés sont les principales victimes de la Route ! Belle avancée dans la connaissance, sauf que pour le reste de la population, impossible d'en déduire quoi que ce soit !

D'abord parce que les statistiques mélangeant la conduite récréative de populations à risque avec les autres, elles sont intrinsèquement biaisées. Étant donné que de nombreux jeunes se tuent au volant (25% des cas) en rentrant de soirées arrosées30, l'importance de la variable alcool au volant est artificiellement gonflée. Mais cela ne prouve pas grand chose. L'inexpérience, l'usage peu fréquent de la voiture en dehors des soirées, le caractère ludique et parfois auto-destructeur des "virées en bagnoles", la "vitesse-testostérone", les comportements à risque dans le véhicule, constituent un tout. Et, dans cette conduite, globalement et tristement dangereuse, l'alcool, la vitesse, est un élément parmi d'autres, exagérément présent, d'où sa sur-représentation dans les statistiques globales.

Ensuite, il est significatif que des pratiques considérées comme dangereuses et soumises à une répression notable, le sont sur des bases creuses d'un point de vue statistique. Sur quoi s'appuie alors la légitimation ? Mystère ! Il faudrait, pour le savoir, reprendre l'historique de chaque dispositif, ou s'appuyer sur une théorie explicative de la répartition et de la genèse des dispositifs répressifs. Mais comme il n'en existe pas à l'heure actuelle... ! Prenons le cas du téléphone portable au volant. J'ai été abasourdi d'apprendre qu'il n'est pas relaté dans les procès-verbaux. Par conséquent, aucune donnée n'est disponible. Il en va de même de la vitesse qui est très difficile à estimer pour des raisons techniques. Idem pour d'autres facteurs comme la distraction, la fatigue, les distances de sécurité.

Troisième point, les statistiques sont construites sans une population témoin pour comparaison, ce qui les rend plus fragiles - techniquement, il faudrait pouvoir décorréler les variables. L'absence de ceinture de sécurité est présente pour 20% de la population qui trouve la mort au cours d'un accident de la route. Mais, outre le fait, comme je viens de le montrer, qu'il faut relativiser cette donnée en tenant compte des pratiques des populations à risque peu enclines à mettre leurs ceintures - j'en fais l'hypothèse -, il faut pouvoir estimer la part des conducteurs et des passagers qui, en moyenne, ne mettent pas leur ceinture lorsqu'ils sont en voiture. En tenant compte des passagers arrières, il n'est pas irréaliste de supposer qu'elle doit facilement atteindre les 10 - 20 %. Or, si tel est le cas, cela implique que l'absence de ceinture de sécurité n'est pas un facteur prépondérant de mortalité ! Donc, et cela doit bien être souligné, non seulement le dispositif anti-ceinture est liberticide, au sens où il contraint des personnes à éliminer une pratique (le non-port de la ceinture) qui ne crée un danger avéré que pour la personne elle-même, mais il l'est, de surcroît, pour des raisons probablement erronées !

Dernier point, en réalité, les accidents mortels sur la route, touchent à peu près autant les automobilistes que les usagers plus "softs" de la route : piétons, cyclistes, motards... La catégorie senior est particulièrement visée, puisque le nombre de piétons victimes s'élève à 240 et celui des automobilistes à 340. Voilà de quoi relativiser le danger des anciens au volant !

Quelques conclusions en vrac

Il est inutile de poursuivre cet examen de la validité des statistiques d'accidentologie tant les conclusions que l'on peut en inférer s'imposent d'elles-même :

  • Les dispositifs répressifs sont instaurés et légitimés en se fondant sur des probabilités grandement incertaines.
  • Ils touchent l'ensemble de la population sans distinction, alors que seule une partie présente véritablement des risques.
  • Ils opèrent en amont, en éliminant des pratiques, ou des modalités d'accomplissement des pratiques, qui induiraient un risque accru d'accidents.
  • Ils touchent l'ensemble des pratiques en amont, sans nuance, alors même que ces pratiques ne présentent peut-être un risque que si elles sont combinées - une conduite en état d'ivresse sur de courtes distances est-elle véritablement dangereuse si elle ne s'insère pas dans un contexte "récréatif".
  • Leur efficacité est douteuse, voire indémontrable31.
  • Leur finalité première paraît largement phagocytée par des intérêts économiques. J'entends par là que les dispositifs finissent par devenir davantage des cagnottes pour l'Etat que des dispositifs efficients pour la cause qui a servi de justification à leur mise en place.
  • Ils pénalisent des pratiques dangereuses pour soi et non pour autrui (port de la ceinture).
  • Le danger réel généré par la pratique (le danger que fait peser la voiture sur l'espace public) n'est guère diminué par les dispositifs.
  • Il est exceptionnel qu'il y ait une réflexion de fond qui soit engagée sur le caractère indésirable, néfaste, d'une action ; celle-ci n'est jamais repensée par rapport aux libertés fondamentales32.

En définitive, la seule chose que mesurent ces statistiques, c'est l'immensité de notre ignorance lorsqu'il s'agit d'établir quelles sont les causes de phénomènes sociologiques aussi complexes que les accidents de la route. Exceptionnellement, il arrive que l'on puisse affirmer avec une assez bonne assurance que tel phénomène est lié à telle catégorie d'actions ; mais le plus souvent, il n'est même pas possible de déterminer si, au niveau macro-social, l'ensemble des actions A cause bien le phénomène B, si A est le seul à causer B et quel est son poids dans la survenue de B parmi les nombreux autres facteurs en présence.

En fait, le raisonnement courant opère par inférence. Il saute du particulier au général sans vérifier la robustesse théorique et empirique du procédé33. Qu'une personne ait été poignardée dans une rixe et on en conclut que le couteau est dangereux, et qu'interdire le couteau dans la rue éliminera le crime ! C'est de la pensée magique ! Comme si le dispositif allait changer quoi que ce soit, alors que n'importe quel objet qui traîne dans la rue peut potentiellement servir d'arme blanche ! De plus, s'inscrivant dans un contexte très particulier (la rixe de rue), il est presque certain qu'il n'éliminera qu'un ensemble très restreint des éléments du phénomène ; voire aucun, car le plus probable est que les acteurs vont rapidement s'adapter et développer des stratégies de contournement pour parvenir à leurs fins ! Le pire, c'est qu'il n'est pas impossible que le dispositif, une fois mis en place, prodigue l'illusion de l'efficacité ; là encore, à grand renfort de statistiques. Car, au niveau macro-sociologique, les dispositifs s'installent dans le moyen ou dans le long terme et s'inscrivent dans des dynamiques de fond qui peuvent renforcer cette illusion d'efficacité. Par exemple, la baisse continue et générale des accidents de la route depuis les années 1970 est une tendance de fond dans tous les pays qui connaissent un accroissement du réseau routier et de la circulation - disons qu'elle suit une courbe en cloche34. A ce titre, il est extrêmement difficile d'isoler l'effet d'un dispositif de ce bruit diffus, de cette tendance dans laquelle il s'insère. Enfin, même si le dispositif s'avère efficace, il n'est pas évident que ce soit dû au fait qu'il soit parvenu à éliminer l'action qu'il visait. Il est probable que la menace qu'il fait planer sur les usagers par sa présence diffuse, suffit à modifier leur comportement global, contribue à les rendre plus prudents !

En multipliant les dispositifs en amont sur la base de statistiques qu'il décrète comme étant La Vérité, l'Etat produit un cadre de vie de plus en plus liberticide. D'Internet aux dispositifs anti art de rue et aux chiens prohibés dans les lieux publics, tout concourt à faire de l'espace public un lieu présumé sauvage, populaire, et qu'il faut donc coloniser, encadrer, formater. En continuité des processus de colonisation et d'anéantissement des cultures populaires, bien décrits par ailleurs35, il quadrille l'espace public, évacue toute participation spontanée, jusqu'à ce que ce dernier devienne terne, triste et invivable.

Il est donc urgent de réclamer une élimination pure et simple des dispositifs répressifs qui opèrent en amont sur le mode de la contrainte directe ou sur le mode punitif ou sur le mode de la récompense. Les dispositifs doivent pénaliser les comportements criminels et non les comportements à risque qui n'ont rien de criminel. Par exemple, la drogue, et le commerce de la drogue, ne sont pas un mal en soi ! Attention, cela ne signifie pas qu'il ne faut pas pénaliser un drogué qui commet un crime ! Mais le dispositif doit viser l'action directement et non l'ensemble des actions en amont censés le produire selon des enchaînements causaux mystérieux, selon les prédictions astrologiques prophétisées par nos oracles statisticiens !

La logique qui devrait prévaloir est le laisser-faire pour l'ensemble des actions qui se situent en amont d'une action jugée indésirable, tout en sanctionnant l'action indésirable quand elle survient. Ainsi, les acteurs peuvent s'organiser comme ils l'entendent pour éviter de produire l'action indésirable. Sur mer, pendant longtemps, c'est ce mode de fonctionnement qui a prévalu, avec le succès que l'on connaît.

Les dispositifs doivent également être conçus prioritairement sur l'usage d'actions indirectes opérant en amont (par exemple, la construction d'un ralentisseur) et de procédés informatifs. En particulier quand ceux-ci touchent les libertés fondamentales. Plutôt que de pourchasser les skateurs des centre-ville, ne peut-on mettre en avant leur liberté fondamentale d'aller et venir ?

Alternatives aux dispositifs anti-animaux (anti-Chien !)

Les principes que je viens d'exposer permettrait de construire une alternative aux dispositifs sécuritaires anti-animaux qui sont aujourd'hui en pleine expansion.

Premier point, la liberté fondamentale qui est visée par ces dispositif est la liberté d'aller et venir pour, 1. la personne qui accompagne les animaux, 2. les animaux. Il me paraît important d'insister sur ce deuxième point. L'interdiction d'accéder au littoral, aux lacs, qui frappent les chiens est sidérante ! Elle signifie que nous, humains, nous arrogeons le droit d'exclure des êtres vivants de leur milieu de vie, sans aucune justification valable - je n'ai jamais rencontré un argument solide en la matière. C'est fascisant et inhumain ! Je n'ai pas d'autres qualificatifs en tête !

Quoi qu'il en soit, examinons ces arguments. Quels sont, soit-disant, les effets indésirables causés par les chiens sur la plage ?

  • ils s'ébrouent, jouent sur la plage, creusent des trous, etc.,
  • ils causent de graves problèmes de sécurité, ils mordent quiconque s'approche d'eux à moins de 50 mètres, transmettent des maladies redoutables, etc.,
  • ils sont sales, ils chient partout,
  • ils terrorisent les plagistes.

Le dispositif est-il légitime ?

Première question : sur quelles statistiques reposent de telles accusations ? On peut rechercher longuement les fondations ! C'est un travail d'archéologue ! Car on ignore à peu près tout de la réalité du phénomène. Combien y a-t-il de chiens sur les plages lorsqu'il n'y a pas d'interdiction ? Aucune idée. Combien ont des comportements de jeu casse-couille ? Mystère. Combien de personnes sont dérangées et ont peur des chiens ? On l'ignore. Combien de personnes ont été contaminés par la rage en allant se tremper les pieds dans l'eau et ont eu les bras arrachés par des fox-terriers déchaînés ? Pas de statistiques sur la question.

Il faut donc prendre acte de quatre données fondamentales avant toute proposition :

  • On ne sait pas, objectivement, - car subjectivement, chacun peut avoir son idée sur la question -, si la présence des chiens est considérée comme indésirable, ou plutôt qui la considère comme indésirable et quels sont les éléments de la présence canine qui les incommodent si durement. Non seulement on l'ignore, mais, de plus, dans un contexte où les dispositifs anti-chiens sont déjà installés, un biais majeur perturbe l'observation. Car, je fais ici une hypothèse qui demanderait une confirmation plus poussée, nombreux sont ceux qui se transforment en entrepreneur de morale et en farouches adversaires des chiens, du simple fait de la présence d'une règle anti-chien. Ils agissent en relais institutionnel. En fait, si le dispositif ne leur avait pas désigné le chien comme étant un problème, ils n'y auraient probablement même pas fait attention. Le dispositif est donc normatif.
  • La réalité des effets indésirables est inconnue. C'est un point que je n'avais pas encore abordé. Autant certains phénomènes sont couverts par des statistiques ou d'autres techniques d'observation qui en dressent les contours, par exemple, les accidents de la route, les cancers du poumon ou les BPC chroniques, autant, s'agissant du chien sur la plage, on nage dans un flou presque complet. Certes, on dispose bien de quelques témoignages, tel chien a pissé sur le sac d'une mamie, tel enfant a marché sur une crotte, mais c'est généralement bien faible... Quant aux problèmes de sécurité causés par les chiens, pendant longtemps, le vide était complet. En 2010, une étude est parue sur les admissions dans les hôpitaux qui sont liées aux morsures de chiens, mais elle est postérieure à l'extension de nombreux dispositifs anti-chiens36 ; et notons qu'elle ne traite pas des morsures de chiens sur la plage !
  • A supposer qu'on ait une bonne cartographie des effets indésirables de la présence des chiens sur la plage, que celle-ci soit publique et transparente, il reste indispensable d'entamer une réflexion sur "l'indésirabilité" des effets. Trois questions peuvent être posées :
    • Les effets sont-ils intrinsèquement indésirables ? Par exemple, est-il vraiment grave que les chiens creusent des trous ? Ne faut-il pas réviser sa position à cet endroit ? Autre exemple, en s'en tenant à un strict point de vue écologique, la crotte de chien est-elle réellement nuisible ? Ce n'est pas certain.
    • Les effets indésirables peuvent-ils être compensés par d'autres effets désirables ? Par exemple, un chien joueur est un formidable compagnon pour les enfants, ce qui peut laisser davantage de temps libre aux parents. Autre exemple, des chèvres et des brebis qui pâturent dans les zones urbaines créent effectivement quelques nuisances (des crottes essentiellement), mais elles ravissent les enfants et les adultes et tondent efficacement l'herbe et les broussailles.
    • L'action incriminée crée-t-elle plus d'effets indésirables que d'autres actions qui produisent le même type d'effets ? Sous-entendu : pourquoi ne pas éliminer également, ou prioritairement, ces autres actions ? Par exemple, si les trous posent problème, pourquoi ne pas interdire les enfants sur la plage ? Autre question du même ordre, d'un point de vue écologique, la pollution générée par les crottes sur la plage n'est rien en comparaison de la pollution générée par les crèmes solaires ! Quant à la nuisance occasionnée, tout est affaire de sensibilité ! En ce qui me concerne, devoir me baigner dans une eau imprégnée de dérivés pétroliers ne me réjouit guère ! Prenons enfin les aspects sécuritaires : les morsures de chien ont occasionné un peu plus d'un mort par an en moyenne en France depuis une vingtaine d'années37. Ce n'est sûrement pas négligeable, mais cela ne prouve rien de véritablement concret. D'abord, parce qu'il faudrait être certain que c'est la morsure en elle-même qui a causé le décès, et non une complication, auquel cas, la gravité demanderait à être relativisée ; ensuite, il faut tenir compte du fait que la plupart des accidents par morsure ont lieu à domicile ; enfin, avec un nombre de morts aussi faible, on ne peut pas conclure grand chose, d'un point de vue statistique. Bref, en matière d'accidentologie canine, on nage dans l'incertitude...
  • J'ajoute une quatrième donnée : le niveau d'indésirabilité causé par la mise en application du dispositif anti-chien devrait être pris en considération. Exemple : les poches mises à la disposition des propriétaires de chien pour ramasser les crottes constituent une pollution inédite, bien plus grave d'un point de vue écologique que la crotte de chien en elle-même.

Il reste également à établir dans quelle mesure les effets indésirables de la présence du chien ne relèvent pas exclusivement de la croyance irrationnelle ou de la peur. Il n'est pas rare à ce titre, qu'on justifie l'interdiction du chien dans un lieu public ou privé "parce qu'il fait peur aux gens". Mais outre les écueils qu'on rencontre pour mesurer la réalité, la répartition sociale et l'intensité de cette peur, et pour en établir une cartographie comparative avec d'autres phénomènes qui la provoquent, il est illégitime de tenir une telle position. Quand bien même, une grande majorité de la population éprouve, sur la base de croyances largement irrationnelles, de la peur, du dégoût, une aversion, face à un phénomène provoqué par une ou plusieurs personnes dans un contexte donné, cela ne justifie nullement une restriction des libertés fondamentales. Et heureusement ! Dans le cas contraire, on imagine sans peine les dérives que peuvent induire la généralisation d'un tel processus décisionnel...

En généralisant, la mise en place d'un dispositif répressif visant une action donnée, ne devrait pouvoir se faire que si les effets indésirables ne sont pas purement psychologiques. A cela, on peut rétorquer que certains effets psychologiques indésirables sont particulièrement forts. Néanmoins, il me paraît assez aisé de distinguer les effets psychologiques graves, causant indirectement des dégâts physiques, d'une simple peur ou aversion morale, qui, en réalité, fonctionne dans les deux sens - elle frappe autant la victime que le fautif. Exemple : se sentir rejeté par une personne intolérante parce qu'on est à poil est aussi blessant, si ce n'est plus, que d'être gêné à la vue d'une paire de roubignoles ! De ce fait, l’État, en s'immisçant dans ce jeu social très complexe, ne fait que se poser en gardien de l'ordre moral, dans une orientation très partiale, alors même que cet ordre opère comme une puissante force de coercition qu'il faut combattre pour garantir les libertés individuelles fondamentales. Le rôle de l’État, dans les cas que nous venons d'examiner, devrait au contraire être, précisément, de protéger les personnes qui sont entravées dans leurs libertés fondamentales par d'autres personnes sur la base de croyances irrationnelles.

Quelques idées pour un dispositif plus respectueux des libertés fondamentales

Soit ! Mais revenons à nos moutons, et partons de l'hypothèse que les effets de la présence du chien aient été effectivement avérés indésirables. Il reste encore à être certain que c'est bien le chien qui est en cause dans leur survenue. A priori, concernant le chien, nous sommes plutôt dans un contexte de cause avérée. Mais ce n'est pas si simple. Les embrouilles entre voisins, par exemple, peuvent les conduire à des déclarations mensongères. Et donc, dans un nombre de cas certes très hypothétique - par définition - il plane un doute non négligeable sur les causes réelles d'un effet indésirable. En particulier quand des assurances sont en jeu ! C'est d'ailleurs en partie pour cette raison qu'un certificat médical doit être établi pour prouver que l'accident a bien été causé par un chien. Un autre aspect plus subtil du problème tient au fait qu'il n'est pas toujours aisé de déterminer dans quelle mesure la victime n'est pas en cause dans l'incident. Il est en effet notoire que des enfants se font souvent mordre en jouant avec le chien ou en le "titillant". Qui faut-il alors incriminer ? Le dispositif doit-il opérer sur celui qui commet le trouble ou celui qui le reçoit ? La réponse n'est pas toujours simple.

La mise en place d'un dispositif alternatif consisterait donc, dans un premier temps, à établir une sorte de cartographie des effets de la présence des chiens dans des lieux spécifiques, en l'appuyant sur des éléments solides, à la renouveler régulièrement, et à agir en conséquence. Toute restriction des libertés fondamentales qui pourrait en découler devrait alors être prise avec une grande prudence, et en progressant à tâtons.

Il faudrait également pouvoir établir de façon relativement sûre l'efficacité d'un dispositif qui touche les libertés fondamentales. A trois niveaux.

  1. Le dispositif peut n'avoir qu'un impact très limité, voire aggravant, sur l'action à éliminer. C'est indéniablement le cas des dispositifs anti-drogue, mais cela concerne également les dispositifs anti-chiens qui sont par exemple totalement inopérants sur les plages une bonne partie de l'année - et tant mieux !
  2. La suppression de l'action peut s'avérer inefficace, au sens où l'effet persiste ; ou bien, autre possibilité, l'action est éliminée et l'effet s'estompe, mais ce sont d'autres facteurs qui sont en cause - ce qui peut se produire quand on raisonne sur le long terme. Dans ce cas, le dispositif est inutile.
  3. Il n'est pas rare que le dispositif ne fasse que déplacer l'effet indésirable. La "pollution canine", comme certains se plaisent à la désigner, a certes délaissé les trottoirs mais elle a envahi le moindre recoin de verdure dans les villes.

Cependant, la mesure objective de l'efficacité d'un dispositif répressif est rendue difficile par le fait qu'elle dépend, on peut du moins raisonnablement le supposer, de la puissance du dispositif répressif. Que recouvre cette notion ? Elle se définit par la combinaison de deux éléments.

  1. Le premier est la gravité, la nature, la force de l'effet indésirable produit par le dispositif répressif sur la personne qui produit l'action à éliminer (ou qui ne produit pas l'action obligatoire). A cet égard, ce sont à peu près toujours les mêmes méthodes qui prévalent : blâme, amende, châtiment physique, torture, emprisonnement, condamnation à mort, etc.
  2. Le deuxième est la probabilité qu'en effectuant l'action à éliminer, la personne subit l'effet indésirable produit par le dispositif. Notons à ce titre que les relations entre l'action effectuée attribuée à une personne, et l'effet produit n'étant pas toujours attribuées de façon véridique, l'efficacité du dispositif peut peut-être s'en trouver grandement atténuée. Si le dispositif pénalise les personnes innocentes (qui ne sont pas en cause dans l'effet survenu), ou pire, pénalise alors même qu'il n'y a pas eu d'effets indésirables, ou même pas d'action du tout, il devrait en théorie n'avoir qu'une portée limitée. Mais ceci est à prendre au conditionnel, car on ignore, dans les faits, si la simple menace que fait planer un tel dispositif aléatoire ne suffit pas à dissuader bien des fautifs potentiels ! Il faudrait en tous les cas, tenir compte du fait que la représentation de l'efficacité du dispositif est une part intégrante de son efficacité réelle.

Il existe donc de bonnes raisons de s'abstenir de mettre en place des dispositif anti-animaux : la plupart sont injustes, inefficaces, inadaptés et constituent une entrave sévère aux libertés fondamentales. Mais il n'empêche, supposons qu'on souhaite éliminer une action indésirable dans un contexte donné. Par exemple : les chiens qui pissent dans les bibliothèques, les musées, les grandes surfaces, etc. Ce comportement malheureux des chiens est à ma connaissance le seul de solide qui soit avancé pour leur barrer l'accès à ces lieux qui accueillent du public.

Il importe en premier lieu, de bien centrer le dispositif sur la catégorie de chiens, d'actions et de contextes concernés. Pour cela, il est évident qu'il faut disposer d'une connaissance minimale du phénomène. Mais ce n'est pas hors de portée. Par exemple, je suppose que le problème provient essentiellement des mâles qui ont la fâcheuse habitude de lever la patte. En toute bonne logique, le dispositif devrait donc réduire son champ d'action aux mâles. Et cela tombe bien, car il est assez facile de les reconnaître ! Dans le même registre, on pourrait limiter l'interdiction à des personnes dont les chiens sont réputés sales. Reste à savoir comment s'y prendre pour obtenir l'information, mais ce n'est pas impossible. Un dispositif en amont ou en aval permettrait d'y parvenir. Par exemple, en visionnant des vidéos de surveillance ou en fournissant un permis aux détenteurs de chiens propres ! Pourquoi pas ! Mais surtout, seuls les personnes qui ont effectivement été observées avec un chien qui pisse doivent être pénalisées. Et non les autres. Quant aux actions, il faudrait pouvoir établir l'étendue du phénomène pour y apporter une réponse adéquate. Sous quelle forme les chiens pissent-ils ?! L'idée peut sembler saugrenue, mais il faut peut-être en passer par là pour restaurer notre liberté fondamentale d'aller et venir avec des animaux. Idem pour le contexte. L'effet n'est probablement pas le même en fonction des lieux dans lesquels les chiens se soulagent ! Le dégât sera minime si les livres ne sont pas à portée du chien.

A ce titre, une large variété de dispositifs pourrait potentiellement satisfaire les deux parties, tout en respectant la liberté fondamentale d'aller et venir.

  • En amont : surélever les objets sensibles, informer les usagers qui entrent avec des chiens, prévoir des lieux adaptés aux chiens.
  • Directement : le détenteur du chien, ou une tierce personne peuvent intervenir pour stopper un chien qui s'apprête à pisser.
  • En aval : réparation des objets souillés, exclusion des personnes qui ont laissé leur chien pisser sans nettoyer, etc.

Conclusion

Au terme de cette réflexion, il apparaît que les facteurs qui concourent à la répartition des dispositifs régulatifs dans les activités humaines, ainsi que les facteurs qui concourent à en définir leurs caractéristiques : étendue, puissance répressive, positionnement (en amont, en aval...), moyens utilisés (répression, prévention...), caractère obligeant, excluant, facilitant, sont largement méconnus et décorrélés de la nature des activités visées. Par ailleurs, la justification des dispositifs laisse grandement perplexe - d'un strict point de vue sociologique, elle ne devrait être qu'une donnée de recherche parmi d'autres. Cela implique que le discours légitimant d'une institution - qui n'est finalement que la somme plus ou moins organisée de dispositifs qui régulent une activité - n'a pas à être pris au pied de la lettre. Par exemple, la justification qui est faite de l’École, en tant que dispositif gratuit, obligeant, etc., doit être examiné avec une grande circonspection. A titre d'exemple, son caractère émancipateur, tant vanté, n'est rien de plus qu'un mythe ! Dans un autre domaine, le tristement fameux "c'est pour votre sécurité", laisse franchement sceptique. Comme nous l'avons vu, le choix des dispositifs paraît largement déconnecté des questions de sécurité.

Car la justification d'un dispositif répressif repose souvent sur un vide empirique pur et simple qu'on parvient à masquer tant bien que mal par quelques statistiques bancales. De même, les caractéristiques d'un dispositif, en particulier son positionnement, sont largement arbitraires. Sont-elles pour autant aléatoires ? Pourquoi pourchasse-t-on si durement le chien, tandis que la voiture fait preuve d'une large tolérance. Pourquoi certains services sont payant tandis que d'autres sont gratuits ? Il reste à ce sujet à entamer un travail de réflexion sur les causes de la répartition et de la nature des dispositifs répressifs dans les activités sociales. Ce qui fera l'objet d'un prochain article.

1 Dans la suite, je fais précéder le terme qui désigne certains phénomènes par une majuscule, pour bien insister sur leur caractère conceptuel et socialement construit.

2 Voir par exemple cet article édifiant : Camille Tissot, Les idées les plus folles pour lutter contre les crottes de chien, Les Inrocks, 28 juin 2012.

5 Néologisme gratuit et sans signification.

7 Après réflexion, ce point est à nuancer pour une raison qui n'est pas inintéressante. Il faut faire la distinction entre l'accident qui frappe exclusivement le conducteur, et éventuellement les passagers - il est alors plus délicat de déterminer qui a agit en connaissance de cause - et celui qui affecte une autre personne. Du point de vue des libertés fondamentales, la distinction est primordiale, car il n'est pas nécessairement légitime de pénaliser une personne qui met principalement en danger sa vie et non celle des autres. L'article de Caroline Politi, Les principales causes des accidents de la route, L'Express, 2012, qui résume une étude menée par l'association 40 Millions d'automobilistes, répond en partie à cette interrogation. Elle y affirme que dans 85% des cas, c'est le conducteur ou le passager du véhicule à l'origine du dommage qui trouve la mort. En cause, notamment, les lignes droites qui provoquerait la somnolence et le relâchement de l'attention. Mais l'explication est à prendre au conditionnel, car pourquoi, en ce cas, les décès sur les autoroutes sont moins nombreux, comparativement au nombre de kilomètres parcourus ? L'explication n'a de sens, d'ailleurs, que si l'on peut comparer le nombre de kilomètre parcouru en moyenne sur les routes rectilignes et sur les routes qui serpentent.

8 L'indice de circulation augmente continument, et ceci même dans les années 1990 / 2000. Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Accident_de_la_route_en_France. En revanche, la population canine française décroît continument. Voir par exemple : http://www.santevet.com/articles/enquete-le-nombre-de-chiens-diminue-en-france et http://www.facco.fr/-Population-animale-.. Enfin, le pourcentage de fumeurs dans la population française est également en baisse régulière depuis les années 1950. Voir http://www.respir.com/doc/abonne/pathologie/tabac/TabagismeFumeursAgeSexe.asp.

9 En référence à HK & Les Saltimbanks.

10 Deux morts par an, si j'en crois cet article.

11 Il est significatif, à cet égard, qu'on ne compare pas les décès des animaux imputés à la Voiture à ceux liés au Tabac.

13 On pourra lire à ce sujet un article récemment paru dans le journal en ligne Reporterre, Eurek Alert, Des experts sont formels : ne pas utiliser sa voiture est bon pour la santé, Reporterre, 8 octobre 2014. Consulté le 09 octobre 2014. <http://www.reporterre.net/spip.php?article6354>

14 Qui pendant longtemps cherchaient plutôt un dénominateur commun à toutes les sociétés.

15 Au même titre, par exemple, qu'une analyse de la musique faite par des musiciens, ou des musicologues, n'est pas assimilable à une analyse de sociologie de la musique qui va insérer la classification musicale dans son environnement social.

17 A ce titre, nombreux sont ceux qui défendent la propriété privée comme s'il s'agissait d'une liberté fondamentale. Or, c'est une erreur conceptuelle. En effet, la propriété privée est une institution, un moyen, qui permet de garantir certaines libertés fondamentales. Par exemple, le droit à s'installer sur une parcelle de terrain, le droit à récolter les fruits de son travail, etc. Mais elle ne constitue pas un droit en soi.

18 Toute l'année en forêt, il est interdit de fumer et de faire du feu. Le code forestier interdit de porter ou d'allumer du feu à l'intérieur et jusqu'à 200 m des bois, forêts, plantations, landes et maquis. Source: http://www.prevention-incendie-foret.com/prevention-incendie-foret.php consulté le 16 juillet 2014.

21 On pourrait penser, à cet endroit, que plus l'action à éliminer est grave, menaçante, du moins, selon les critères communément admis au sein d'un groupe social, plus le recours à des dispositifs en amont est systématisé. L'idée demanderait à être explorée.

22 Je note au passage que l'écologie industrielle s'inscrit dans cette logique : valoriser ce qui est considéré comme un déchet.

23 Excepté les chiens d'aveugles pour lesquels toute l'argumentation anti-chiens paraît inopérante ! Merci vieux pays catholique pour ton infinie commisération envers les indigents et pour ta haine viscérale des marginaux hérétiques !

24 D'où l'intérêt, je crois, d'appliquer les méthodes de la sociologie phénoménologique pour les comprendre.

25 Ici. J'entends par là le fait que l'institution s'appuie, pour exercer son pouvoir de transformation sociale, sur tout un ensemble d'outils, mais aussi, sur la participation active de l'institué. Ainsi, l'Ecole peut compter sur une armée de citoyens dociles qui, d'une part, défendent âprement l'enseignement obligatoire et d'autre part, y participent indirectement, par exemple, en obligeant l'enfant à travailler à domicile.

26 J'en prends pour preuve la conclusion de C. Chuard, Les pathologies infectieuses transmises par les animaux familiers sont plutôt rares quand on considère le nombre de chiens, de chats, de rongeurs, de poissons, d'oiseaux, de reptiles et d'autres créatures plus exotiques dans les familles. L'aspect bénéfique de la présence des animaux dans l'entourage de l'homme l'emporte très largement sur les risques qu'ils lui font courir, même en cas de déficience du système immunitaire., Revue Médicale Suisse, n°320. Consulté le 09 octobre 2014. <revue.medhyg.ch/article.php3?sid=34346>

27 Et accessoirement à ceux qu'on définit comme étant leurs "maîtres"..., c'est dire à quel point le rapport hiérarchique est omniprésent dans les représentations populaires.

28 Par exemple, le fait que 80% des personnes pratiquent telle ou telle chose, ne peut servir à pénaliser la minorité des 20%...

29 On pourra lire, en complément, l'article, Libérez la Route, la Rue pour tous !.

30 Indéniablement, les statistiques le suggèrent : le risque est particulièrement aigu le week-end (notamment le dimanche), avec presque 2 fois plus de risque de décès que les autres jours (lundi au vendredi). Et plus de la moitié des décès de jeunes dans un accident de la route se produisent la nuit.

31 Je renvoie à l'article Libérez la route, la rue pour tous !

32 Concernant les accidents de la route, par exemple, le chef d’œœuvre de J. G. Ballard, Crash, nous rappelle qu'il n'est pas forcément souhaitable pour tous de les éviter à tout prix !

33 C'est peut-être ce qui explique, au passage, le succès de la micro-économie.

34 Idem

35 Voir notamment Robert Muchembled, Culture populaire et culture des élites dans la France moderne : XVe-XVIIIe siècles : essai, 1977, Flammarion. On pourra également se référer à l'oeuvre de Thomas Szasz.

36 Facteurs de gravité des morsures, de chien aux urgences, Enquête multicentrique, France, mai 2009-juin 2010. Consulté le 24 juin 2015. <http://www.invs.sante.fr/publications/2011/morsures_chiens/rapport_morsures_chiens.pdf>.

37 Idem.

Catégories: Libertés



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