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Pourquoi lo-fi ? Par opposition radicale à ceux qui prétendent qu'il y aurait de la « bonne » et de la « mauvaise sociologie ». Lo-fi car on peut faire de la sociologie sans être mutilé, limité, aliéné par le style académique pompeux, réactionnaire, ultra-sérieux et politiquement correct qui colonise les revues académiques. Conséquence, la sociologie lo-fi peut être mal écrite, traiter de sujets introuvables (ou pas), être non-marchande, anti-système, etc. Cette orientation « atypique » et le flou qui entoure la notion, font que certaines analyses sortent parfois du cadre du laboratoire. |
Non à l'état d'urgence ! Auteurs : Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique) Création de la page: 27 novembre 2015 / Dernière modification de la page: 27 mars 2016 / Propriétaire de la page: Benjamin Grassineau
Résumé :
Le terrorisme, une abomination ? C'est une évidence. Qui le contestera ? Dès lors qu'on considère le crime, la guerre, l'assassinat, comme des éléments haïssables et condamnables de la vie sociale, cela va de soi. Le terrorisme est immonde, comme tout meurtre commis de sang-froid, et ceci, quels qu'en soient les mobiles. Mais cela, nous le savons bien. Alors est-il vraiment nécessaire de s'y attarder ? De ressasser dans les médias le caractère répugnant des actes commis le 13 novembre 2015 ? Faut-il suivre le vaste mouvement d'indignation consensuelle qui traverse aujourd'hui le pays et réclamer vengeance via l'Etat et son cortège de mesures sécuritaires ? S'indigner, réprouver ? Ok. Même s'il existe d'autres sources d'indignation largement aussi valables en France. En revanche, sombrer dans la haine, hors de question ! La solution sera pire que le mal. Car n'oublions pas qu'il est un fait tout aussi avéré que le terrorisme, quoique plus sournois, la puissance oppressive et destructive des États1. Quelles que soient les valeurs qui les animent - et de leur point de vue, il s'agit toujours de « bonnes valeurs » -, les Etats représentent une menace considérable sur les libertés individuelles, le bien-être et la sécurité des personnes - voire sur le genre humain, étant donné le perfectionnement croissant des techniques à usage militaire et notamment des techniques robotiques. A cet égard, la déclaration de l'état d'urgence de novembre 2015 par le gouvernement français, qui surfe sur les peurs engendrées par les attentats du 13 novembre 2015, accroît de manière substantielle les menaces qui pèsent sur les populations française et étrangère. Mais ce n'est qu'un nouveau pas en arrière qui s'inscrit dans un mouvement de dégradation généralisée de nos libertés fondamentales. Tendance de fond, liée à l'ingérence grandissante de l'Etat dans la société civile et à l'extension du quadrillage institutionnel, dont l'origine est à rechercher dans l'accroissement des dispositifs répressifs qui opèrent en amont des actions désignées comme indésirables2. C'est à dire, des dispositifs qui ne visent plus à éliminer directement les actions indésirables, mais à éliminer tous les facteurs qui pourraient potentiellement concourir à leur apparition. L'aspect le plus significatif des mesures prises depuis 2001 contre le terrorisme est en effet la mutation de dispositifs conçus pour opérer directement sur un problème grave (rétablir l'ordre) vers des dispositifs conçus pour opérer en amont de celui-ci (prévenir le désordre)3. Trois points indiquent clairement que le dispositif opère désormais en amont :
La conséquence de ce déplacement en amont est un risque de banalisation et de pérennisation de dispositifs encore plus liberticides que ceux qui existent actuellement. Car, la menace étant diffuse, abstraite, impalpable, le dispositif répressif peut être instauré de façon permanente5 et viser un grand nombre d'actions et de personnes en amont, quand bien même elles ne participent nullement à de possibles attentats - on en a l'exemple dans les aéroports. La probabilité de survenue (quel est le risque qu'un nouvel attentat survienne), la nature (quel sera la nature de l'attentat) et l'élément générateur des phénomènes indésirables (qui seront les commanditaires), sont en effet largement méconnus (à priori et à posteriori, puisque tout ce que l'on sait sur les commanditaires des attentats repose sur des vidéos postées sur Internet !), en particulier du plus grand nombre. Dès lors, tout repose, in fine sur une évaluation des risques par l'exécutif qui est, en la matière, juge (c'est lui qui évalue), partie (il a des intérêts dans la mise en place et la continuation du dispositif) et acteur (il participe au dispositif). Dans cette optique, le risque que fait peser un Etat lourdement armé contre une population civile qui est désignée comme porteuse en son sein d'une menace, est très grave. Tout ce qu'on peut espérer, à ce titre, est que l'Etat soit bienveillant et modéré dans son action. Mais le passage à un dispositif qui opère en amont fait sauter une grande partie des garde-fous qui l'encadrent. La gravité des attentats nécessitait-elle de prendre un tel risque ? Difficile à dire. Les seules informations disponibles sont fournies par l'Etat et l'Histoire n'incite pas à le croire sur parole ! On pourrait s'essayer à mesurer l'efficacité des mesures de restrictions des libertés civiles prises afin de limiter le nombre d'attentats. Mais il y a deux problèmes. D'une part, rappelons-le, d'un point de vue éthique cela revient à sacrifier les libertés sur l'autel de l'efficacité et de la quantophrénie. Ce qui n'est guère souhaitable. D'autre part, cette efficacité est très difficile à évaluer. Où trouver les sources ? Que va-t-on mesurer ? Le nombre de morts ? Le nombre d'attentats ? Le nombre d'attentats en fonction du mode opératoire ? Comment va-t-on comparer les dispositifs répressifs, sachant que les mesures préconisées et appliquées peuvent grandement différer ? Il faut donc bien se rendre à l'évidence. L'application du régime d'état d'urgence en France, sa transformation en dispositif qui opère en amont ainsi que sa probable banalisation, ne sont justifiés par aucun argument scientifique, et encore moins éthique - l'éthique de la liberté devant primer sur l'efficacité. Ou alors, si de telles mesures sont motivées par un risque accru d'augmentation de la probabilité d'attentats, et de baisse conséquente de cette probabilité grâce à leur mise en oeuvre, les preuves et les instruments de mesure fondant cette prise de décision ne sont pas rendus publics. Pourquoi ? On l'ignore. Mais on nous demande, en tous les cas, de croire sur parole ceux qui prennent les décisions liberticides. On nous somme d'avoir une foi absolue en un Etat qui se déclare en guerre, alors même qu'il est notoire que les Etats en guerre utilisent massivement la propagande pour contrôler les populations. Et les grands médias, les parlementaires, suivent cette ligne de conduite. Ce qui est totalement irresponsable de leur part. Notes 1 A l'heure où je modifie cet article, les frappes russes, par exemple, ont décimé 403 civils dont 97 enfants. Quant aux frappes française, pas de chiffres ! Mais quoi qu'il en soit, la comptabilisation des victimes semble bien hasardeuse. Comment estiment-il le nombre de morts ? Comment savoir si les personnes tuées appartenaient à Daech ? Etait-ce marqué sur leur front ? Et comment mesurer la terreur générée par les bombardements ? ⇑ 2 Je renvoie à cet article. ⇑ 3 Ibid. ⇑ 5 Au même titre qu'un psychanalyste peut prolonger indéfiniment une psychanalyse en arguant qu'il subsiste des éléments inconscients qui perturbent ou risquent de perturber la santé mentale du client - je ne fais ici que transposer une idée initialement développée par Karl Popper. ⇑ Catégories: Libertés
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