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L'utilisation du qualificatif « scientifique » dans les controverses entre chercheurs

Auteurs: Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique)
Création de l'article: 2007
Etat de la rédaction: finalisé
Droit de rédaction: ouvert
Licence: Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 20 février 2016 / Dernière modification de la page: 26 avril 2024 / Créateur de la page: Benjamin Grassineau



Résumé: Vieil article remanié en 2013, puis en 2016.






A cette indifférence pour les implications pratiques de leurs travaux, la plupart des savants joignent une égale indifférence pour la manière dont les connaissances scientifiques sont diffusées dans les écoles ou par les moyens d'information de masse (...). En fait, dans les écoles primaires et secondaires, et souvent jusque dans les universités, la science est enseignée dans un esprit largement dogmatique et autoritaire, ne faisant pas appel à la réflexion et au jugement personnel de la personne enseignée. Comme conséquence, le véritable examen d'esprit scientifique est souvent inexistant même parmi les scientifiques (techniciens, professeurs d'université...), la science étant conçue comme un ensemble de tours de prestidigitation qu'on a soi-même assimilés à grande peine, et dont on s'efforce de tirer sa substance et d'éblouir les autres, à commencer par ses élèves.

Alexandre Grothendieck, « Sur le divorce entre science et vie, scientifiques et population », Survivre et vivre, n°1, août 1979, p.16-19.

Introduction

En écoutant bavasser des chercheurs « professionnels » lors d'un colloque - ce qui ne fut pas une partie de plaisir -, j'ai été frappé par la manière dont ils utilisent le terme « scientifique ». J'ai constaté d'une part, qu'ils le font en s'appuyant sur un fondement sociologique et non épistémologique1 ; et d'autre part, qu'ils inscrivent l'usage du terme dans le jeu discursif auquel ils se livrent quand ils interagissent ; ils apposent ce qualificatif sur une personne ou un travail, pour les valoriser, les disqualifier ou les tenir à distance.

En effet, quand des chercheurs qualifient une personne ou un travail de « scientifiques », ils sous-entendent juste qu'ils ont été évalués et reconnus comme tels par des pairs ou par la communauté scientifique. La catégorisation profane qu'ils utilisent s'appuie donc sur deux critères essentiellement sociologiques. J'ajouterai, deux critères très imprécis ! L'évaluation par les pairs ne garantissant rien d'autre que... l'évaluation par les pairs !!? Qui sont ces pairs ? Sur quels critères appuient-ils leur évaluation ? Est-elle transparente, biaisée par leur positionnement théorique ? Et sur quelle procédure concrète s'appuie-elle ? Quant à la notion de communauté scientifique, elle ne renvoie à rien de concret ; elle agit surtout comme argument d'autorité.

Soyons donc un peu plus précis, et traduisons-la en termes plus savants. Concrètement, d'un point de vue sociologique, ce que les chercheurs désignent comme « scientifique » correspond à des travaux et à des chercheurs inclus dans le giron de la « profession scientifique » (l'académie, la recherche privée...), soutenus par un financement public ou privé (c'est un gage de sérieux), répondant aux normes d'expression exigeantes et dominantes de la « communication scientifique » et rattachés au « segment idéologique » qui domine la profession qui gère les outils de production et de diffusion légitimes d'un savoir. Symétriquement, est non-scientifique ce qui ne correspond pas à ces critères. Sont exclues, de fait, des recherches sans statuts professionnels, sans financement, hors-normes et hétérodoxes !

Ainsi présentée, la qualification de « scientifique », et tout particulièrement de non-scientifique ou de pseudo-scientifique, a une fonction sociologique plus claire. Elle remplit des objectifs professionnels. C'est une manière très commode d'excommunier ceux avec lesquels on n'est pas d'accord, mais aussi, de capter les financements qui sont généralement alloués aux vrais « scientifiques »2 !

Mais plus généralement, lorsque les chercheurs entrent en conflit, ils ne se contentent pas d'apposer tel quel le stigmate de non-scientifique, ou celui encore plus infamant, de pseudo-scientifique, ils développent de véritables thèses profanes pour démontrer et expliquer le caractère idéologique de tels théorie ou courant théorique. Ceci à travers deux grands types de thèses, en fonction de leur position de dominant ou de dominé dans le champ de la recherche. Je nommerai l'une « la thèse de la citadelle assiégée », l'autre, « la thèse de l'orthodoxie ». Thèse de la citadelle assiégée car ceux qui appartiennent à un courant dominant au sein d'un champ de la recherche, enrobent généralement le caractère non-scientifique d'une théorie, ou d'un ensemble de théories, d'une bonne dose de paranoïa ! Tout se passe comme si les non-scientifiques étaient aux portes de l'institution, prêts à l'envahir et à y semer les graines de l'irrationalité. A contrario, les adeptes de la thèse de l'orthodoxie mettent en avant le dogmatisme du courant dominant, l'intolérance de l'orthodoxie, et ce faisant, son caractère autoritaire, non ouvert et, par conséquent, non scientifique - dans l'idée, somme toute très défendable, que la Science doit reposer sur le dialogue et la confrontation des idées contradictoires.

Épistémologiquement parlant, ceci a une conséquence notable : on ne peut établir de séparation rigoureuse, universelle et tranchée entre « l'idéologie » et « la science », car ce faisant, on déséquilibre le « jeu » de la construction des faits scientifiques. Autrement dit, on ne peut utiliser un tel argument pour départager objectivement ce qui est scientifique de ce qui ne l'est pas, puisque cet argument est, en lui-même une arme dans le « jeu » que se livrent les chercheurs entre eux, pour faire triompher leurs théories ou abattre des théories rivales. « L'accusation d'idéologie », de sectarisme et de non-scientificité est inhérente à la pratique de la recherche. Elle est constamment utilisée comme arme dans les « controverses entre chercheurs »3. J'ai pu l'observer, dans un autre contexte, une étude des conflits éditoriaux sous Wikipédia qui est un modèle de controverse entre chercheurs à échelle réduite, où l'enjeu est la conquête des espaces de publication par exclusion des théories voisines4.

Par conséquent, le caractère idéologique des théories ou des disciplines en conflit reste indéterminé, puisque tant que la controverse est en cours, il est impossible de savoir si une opinion a acquis le statut de fait – si tant est que ce soit possible ! D'autant plus que bien souvent, la controverse a lieu au sein d'un cadre méthodologique équivalent. Dès lors, on ne peut créer et utiliser des critères « artificiels » pour mesurer l'objectivité, car en quoi ces critères seraient-ils supérieurs à ceux utilisés par les acteurs qui controversent (le facteur d'impact par exemple) ? En quoi ne trahiraient-ils pas une intention idéologique latente de notre part ?

Établir cette séparation Science / Idéologie est d'autant plus délicat que ces stratégies de dénigrement ou de valorisation ne sont pas anecdotiques dans la recherche : elles y sont au contraire courantes et ne se limitent pas aux soi-disant « sciences molles ».

Je vais l'illustrer en prenant quatre exemples de controverses, le conflit darwinistes/anti-darwinistes, le conflit économistes orthodoxes/économistes hétérodoxes, le conflit physique standard/physiciens anti-big-bang et, pour rester fidèles au principe de réflexivité de Barnes et Bloor, la controverse entre relativistes (ou sophistes) et objectivistes. Ces quatre conflits ont ceci d'intéressant qu'ils donnent lieu à deux types de thèses.

Thèse de la citadelle assiégée et thèse de l'orthodoxie

Je définis la thèse de la citadelle assiégée comme une thèse, généralement « profane », qui consiste à amplifier et à dénigrer l'attaque de courants minoritaires envers une théorie ou un courant de pensée dominants. Elle est utilisée, en règle générale, par les partisans d'un courant en position dominante, qui ont à essuyer des critiques de courants minoritaires, ou qui tolèrent difficilement la présence de ces courants dans les espaces de publication plus ou moins légitimes. On y retrouve toujours les mêmes arguments, qui visent à justifier le caractère naturel et légitime de la domination de l'orthodoxie :

  • Point a. Le caractère idéologique, intéressé, pseudo-scientifique, pathologique, religieux et superstitieux des adversaires et de leur théorie; et à contrario, le caractère scientifique, désintéressé, vertueux et factuel des partisans de l'orthodoxie et de la théorie orthodoxe. Le but étant de démontrer le manque de bonne volonté ou de crédibilité des courants minoritaires.
  • Point b. L'ignorance des détracteurs : seuls les spécialistes sont à même de comprendre les théories orthodoxes, et les critiques viennent de personnes qui ne les comprennent pas.
  • Point c. La domination numérique de la théorie orthodoxe dans les revues et les universités légitimes, et inversement, le caractère marginal et non-officiel des théories hétérodoxes.
  • Point d. Le caractère hétérogène et inconstant des théories orthodoxes, insistant sur le fait qu'il n'y a pas une seule théorie, mais tout un groupe de théories qui sont en pleine évolution.
  • Point e. Une tendance à amplifier le danger, la taille, la haine et l'ampleur des attaques des organisations ou courants qui défendent les théories hétérodoxes. C'est une stratégie de victimisation.
  • Point f. Une construction historique visant à montrer que la théorie défendue se positionne à l'un des sommets de l'évolution des théories scientifiques, et qu'elle s'est hissée en éliminant les théories adverses, qui se sont accrochées à leur position pour des raisons idéologiques.
  • Point g. Un argumentaire visant à montrer le caractère erroné et irréaliste des théories minoritaires, et l'absence de preuves factuelles. Inversement, la théorie défendue est largement confirmée, et prometteuse de découvertes et de recherches.
  • Point h. Un ensemble de théories et de questions visant à comprendre pourquoi il existe des hétérodoxies et pourquoi ces hétérodoxies sont presque en train de triompher.

À l'opposé, la thèse de l'orthodoxie souligne le caractère artificiel et illégitime de la théorie orthodoxe. Elle insiste sur les points suivants.

  • Le caractère idéologique, intéressé, dogmatique et religieux des orthodoxes, avec inversement, le caractère scientifique et empirique des théories défendues.
  • Les stratégies des orthodoxes qui bouclent les postes-clés, contrôlent les revues, refusant (sciemment ou non) de permettre l'accès à la publication aux théories minoritaires. Elle met également en avant l'absence de financements pour les théories hétérodoxes.
  • Elle amplifie le caractère uni de l'orthodoxie, passant sous silence les controverses qui ont lieu au sein du camp orthodoxe.
  • Elle propose une construction historique alternative, qui met en avant l'existence d'une tradition de pensée différente mais cohérente, ou en insistant sur le caractère plus ou moins illégitime de l'accession de la théorie orthodoxe à sa position actuelle. De ce fait, elle adopte généralement une position externaliste pour expliquer la progression de l'orthodoxie, tandis que les orthodoxes optent pour un point de vue internaliste.
  • Elle développe un argumentaire visant à montrer le caractère erroné, peu abouti et irréaliste des théories majoritaires, et l'existence de faits inexpliqués par la théorie orthodoxe, ou le caractère artificiel des preuves adoptées.

Ce « métadiscours », c'est à dire, ce discours sur le discours et sur les déterminants du discours, est utilisé de manière systématique dans les controverses scientifiques. C'est en ce sens qu'il est assez difficile de trancher entre idéologie et faits. Certes, lorsqu'il s'agit de faits clairement établis, ou de théories tout à fait farfelues, on peut arbitrer assez facilement. Mais ce sont rarement ces théories, qui ont généralement un public assez restreint, qui posent problème. Le débat oppose plutôt des théories explicatives issues de traditions de pensée assez robustes ; la tâche devenant alors nettement plus difficile. D'autant plus que lorsqu'on accepte d'examiner les arguments des hétérodoxes, on est parfois frappés par leur pertinence, ou tout au moins, par les perspectives, en terme d'heuristique, qu'ils ne manquent pas d'ouvrir.

Utilisation dans les controverses

Examinons ces thèses à travers les controverses citées plus haut.

La théorie de la citadelle assiégée émane en général de courants majoritaires, à contrario, la théorie de l'orthodoxie émane de courants minoritaires. Ici se pose un premier problème. C'est que la « théorie de la victimisation », et la « théorie de l'hétérogénéité de l'orthodoxie », vont dès le départ brouiller les cartes. Il n'est pas évident de savoir qui est majoritaire ou minoritaire, surtout quand les frontières d'un mouvement dépassent le cadre du monde universitaire.

Le débat économiste orthodoxe/hétérodoxe

Prenons pour illustrer ce fait le débat économiste orthodoxe/hétérodoxe. Ormerod (1996) considère, à l'instar d'autres auteurs (Bourdieu, Godelier, Latouche, Sapir...), l'économie orthodoxe comme une force dominante et politiquement influente. Il s'exclame :

Dans la vie politique occidentale, l’économie occupe une place centrale. Et, depuis près de quinze ans, c’est la théorie orthodoxe qui exerce le plus d’influence sur les décisions de la puissance publique.

Plus loin :

La discipline universitaire s'est considérablement développée depuis dix ans. Et sa « précision » mathématique a augmenté, qu'il s'agisse des travaux théoriques ou de la méthodologie de l'économie appliquée. Des désaccords persistent encore au sein de la profession, comme ceux qui opposent les monétaristes aux keynésiens. (...) Pourtant, entre les économistes d’aujourd'hui, de telles disputes ne servent qu’à dissimuler un corps important de croyances partagées qui constitue une orthodoxie intellectuelle.

Ormerod défend donc l'idée de la domination, universitaire et politique d'une orthodoxie homogène sous une apparente diversité théorique. Cette idée ne tombe pas des nues, elle a donné lieu à un mouvement de contestation en France en Juin 2000, qui a essaimé à l'étranger. Ce mouvement dénonce tout particulièrement, le manque de pluralisme théorique dans les universités (Les Éconoclastes, 2004, p. 6), sous-entendu, le monopole de l'économie orthodoxe. D'autres auteurs (Bourdieu, 2001) insistent plus particulièrement sur la domination du néo-libéralisme.

Mais le débat n'en reste pas là, car de l'autre côté, deux types de contre-critiques se sont mises en place. La première consiste à d'affirmer que c'est au contraire, l'économie néo-classique qui est assiégé par les intellectuels marxistes et keynésiens, donc, par voie de cause à effet, par des idéologues qui tentent d'investir les universités. Boudon s'exclame ainsi en introduction de son ouvrage au titre éloquent, Pourquoi les intellectuels n'aiment pas le libéralisme ? :

Étant donné la puissance intellectuelle du libéralisme, (...) on est un peu déconcerté qu'il soit si peu populaire auprès de beaucoup d'intellectuels. (Boudon, 2004, p. 13). (points e et g)

Dans une discussion sur Internet, j'ai également relevé cet argument.

La France est l'un des pays où les courants hétérodoxes en économie sont les plus développés et ont le plus d'audience.

La seconde est d'affirmer que l'économie orthodoxe est bien plus variée que ce que les hétérodoxes laissent entendre. Par exemple, toujours dans la même discussion :

Supposez vous que néo-classicisme est équivalent à néo-libéralisme ? Si c'est le cas, vous faites erreur je pense, je peux vous citer des dizaines de noms d'économistes néo-classiques socialistes ou keynésiens, voire même marxistes.

Mais ces procédures défensives peuvent elles-mêmes être contre-attaquées. En effet, si l'on en croît Bourdieu :

Pareil à l'hydre de Lerne, [le libéralisme] a tellement de têtes différentes qu'on peut toujours en trouver une qui a déjà soulevé, plus ou moins bien, la question qu'on essaie de lui poser et toujours une – pas nécessairement la même – à qui l'on peut emprunter des éléments pour y répondre. Ses contradicteurs sont ainsi condamnés à apparaître comme ignorants ou injustes. (Bourdieu, 1997).

Ce que confirme un journaliste des Enjeux :

Pour les uns, notre enseignement des sciences économiques est imprégné de "marxisme keynésien". Pour les autres, il reflète la "pensée unique" (Enjeux, Novembre 2005, p. 76).

Il apparaît ici que le débat se déporte sur les critères de classifications et de définition, permettant de minimiser ou de maximiser l'importance d'une hétérodoxie ou d'une orthodoxie. Or, il n'existe pas de critères absolus, voire d'observations « objectives » (puisque nous sommes dans l'ordre des croyances), permettant un partage entièrement dénué d'ambiguïté. Les partisans vont donc utiliser les arguments, les critères d'évaluation et les classifications qui les avantagent. Naturellement, dans le cas d'une orthodoxie, les partisans de l'orthodoxie tenteront, suivant leur stratégie (victimisation ou domination légitime), de mettre en avant l'importance des hétérodoxies en dehors du champ scientifique légitime, ce qui donnera l'impression d'une véritable armée de pseudo-scientifiques ou d'idéologues mal intentionnés à l'assaut d'une forteresse théorique et scientifique; ils pourront aussi mettre en avant l'importance de la théorie dans les lieux légitimes de publication. Dans ce cas, ce qui joue, c'est la force du nombre et le prestige des sources, ni plus ni moins.

Il faut voir, en outre, que ces accusations vont donner lieu à de véritables théories. Boudon (2004) développe ainsi une théorie socio-économique pour expliquer l'aversion des intellectuels contre le libéralisme (point h). À noter également que les faits avancés pour argumenter les théories ou les classifications qui servent d'appui à ces théories peuvent aussi être contestés. Bref, le débat peut facilement s'éterniser.

Comme nous l'avons suggéré plus haut, une stratégie de délégitimation va également consister à mettre en avant le caractère idéologique, ou religieux, de l'orthodoxie ou de l'hétérodoxie, et à insister plus généralement sur les aspects externalistes (ou internalistes suivant le but recherché). Dans les sciences économiques, les accusations d'idéologie sont courantes. Par exemple, Bourdieu, Cordonnier et Latouche les ont utilisés abondamment. De même, les libéraux, et les économistes néo-classiques, insistent généralement sur le caractère mal intentionné, idéologique et irrationnel des hétérodoxes, principalement des économistes marxistes et keynésiens. En fait, il existe deux stratégies : la première est de rattacher (ou détacher) un « courant scientifique » à une idéologie. Dans le combat entre les économistes orthodoxes et hétérodoxes, on rencontre par exemple un conflit pour savoir si les économistes orthodoxes, sont ou non d'influence libérale. La seconde stratégie consiste à réduire un courant orthodoxe ou hétérodoxe à une idéologie.

Du côté des sciences « dures »

L'utilisation du méta-discours ne se limite pas aux sciences sociales. En théorie de l'évolution, le darwinisme suscite pareille controverse. Elle se déploie à différents degrés. Dans le noyau théorique, on trouve une orthodoxie néo-darwiniste, regroupée autour de la théorie synthétique de l'évolution, avec certains pôles extrêmes comme le néo-dawinisme de Richard Dawkins et certains courants de la sociobiologie. À la périphérie, on trouve tout un panel de théories : organicisme, ontogénisme moléculaire, neutralisme, néolamarckisme, modèle des équilibres ponctués, etc.; et, loin du noyau théorique standard, les théories créationnistes. Des deux côtés, à l'intérieur du noyau et dans la périphérie, on va retrouver des arguments offensifs et/ou défensifs. Mais les arguments vont différer si la controverse a lieu à un même niveau, ou entre des niveaux différents. Et ceci, on peut le supposer, selon un schéma assez simple.

Au fur et à mesure que la distance entre les niveaux augmente, le recours au méta-discours s'accroît dans la controverse.

Ainsi, Mayr s'emploie, dans Darwin et la pensée moderne de l'évolution (1993), à construire une histoire évolutionniste du darwinisme (convenant parfaitement, notons-le bien, à la théorie qu'il défend), qui renforce la conviction chez le lecteur que le darwinisme est une théorie fiable, mais systématiquement attaquée depuis ses origines par des courants idéologiques (voir son chapitre : Les oppositions idéologiques aux cinq théorie de Darwin et La lutte contre les physiciens et les philosophes). Naturellement il s'agit d'une reconstruction de l'histoire. Au moment des controverses, les détracteurs du darwinisme n'agissaient pas nécessairement par conviction « idéologique ». Soit ils se défendaient contre une hétérodoxie montante – qui aurait fort bien pu être une idéologie. Soit, ils étaient sceptiques contre une théorie minoritaire, qui manquait de preuves concluantes. En somme, ils agissaient en scientifiques ! Mayr va également défendre, comme prévu, une position internaliste (Mayr, 1993, p. 58-59). Ceci paraît normal, au moment où il rédige son ouvrage, le darwinisme est un courant dominant, pour ne pas dire monopolistique; dans ces conditions, il a tout intérêt à défendre une telle position.

Examinons plus en détail, quelques arguments (non exhaustifs) de Mayr qui relèvent du méta-discours :

Point d. Dans la littérature, aussi bien savante que non spécialisée, il est fréquemment fait référence à la "théorie de l'évolution de Darwin", comme s'il s'agissait d'une théorie unitaire. En réalité, la théorie de l'évolution de Darwin était un faisceau de théories. (Mayr, 1993, p. 54). Le darwinisme n'est pas une simple théorie qui est soit juste soit fausse, mais plutôt un programme de recherche d'une grande complexité que est sans cesse modifié et amélioré. (idem, p. 176).

Point a et b. Beaucoup de ce que l'on écrit sur Darwin est tout simplement faux, voire franchement mensonger. (id., p. 13).

Point a, e et f. L'essentialisme ne fut pas la seule idéologie que le darwinisme dut affronter » (id., p. 69). Comme en témoigne le nombre de livres et d'articles récents qui s'efforcent toujours de réfuter le darwinisme, nombre d'idées darwiniennes rencontrent toujours une opposition due à la force persistance des idéologies qui leur sont hostiles. (id., p. 59).

Point a, c et f. Lors de la synthèse théorique des années 1940, il ne restait virtuellement plus un seul biologiste de l'évolution, ni même un seul biologiste compétent, pour croire à l'existence d'une cause finale dans l'évolution. (...) Les causes finales n'en restent pas moins beaucoup plus plausibles et séduisantes pour le non-spécialiste que le processus aléatoire et opportuniste que représente la sélection naturelle. C'est pour cette raison que la croyance en des causes finales a toujours eu beaucoup plus d'emprise à l'extérieur qu'à l'intérieur de la biologie. (id, p. 89)

Point b et f. L'une après l'autre, ces diverses critiques ont été réfutées (...) Le point commun à toutes ces objections (...) est une incompréhension évidente de la théorie qui est issue de la synthèse. (id, p. 174).

Comme nous le voyons assez nettement, tout un ensemble d'arguments qui relève du méta-discours sont mobilisés. Et dans la majeure partie des cas, l'accusation d'idéologisme ou d'ignorance est au fondement de l'argumentation.

Un autre débat récurrent dans les controverses, est la la neutralité des revues scientifiques. Ici, l'objectif des orthodoxes est de s'imposer en haut de la hiérarchie d'évaluation (ce sont eux qui occupent les meilleures places), et d'imposer les critères qui fondent cette hiérarchie (les critères de classement qui les avantagent sont les meilleurs). Ainsi, sur une page de discussion traitant de l'évolution, un docteur en biologie évolutionniste, acquis à la cause du néo-darwinisme, défend corps et âmes la neutralité et la transparence des revues et de la littérature scientifique. Selon lui, d'une part, la quasi-totalité des publications est dévolue au néo-darwinisme (point c), et d'autre part, la procédure de diffusion et de validation scientifique suit un schéma linéaire et transparent. Il le décrit ainsi :

Voici le fonctionnement de la diffusion scientifique:

  1. On a une idée.
  2. On met au point et on effectue une expérience (ou on met au point un modèle formalisé).
  3. On soumet ses résultats à une revue scientifique, qui demande à des scientifiques réputés de donner leur avis sur le caractère novateur, répétable et réfutable des résultats et arguments proposés.
  4. Les résultats sont publiés, et cités par les autres chercheurs.
  5. Les résultats sont vérifiés, les expériences répétées et confirmées par des équipes indépendantes.
  6. Les résultats sont diffusés auprès du grand public.

Pour tes "théories alternatives", le chemin fait 1 -> 6. Pourquoi ? Parce que la confrontation avec la communauté scientifique les détruiraient. Pourquoi ? Parce que ce ne sont pas des théories scientifiques.

Ce qui frappe, dans cette sociologie profane que le chercheur orthodoxe élabore5, c'est la similitude entre les arguments employés dans le débat économique et le débat biologique. Certes, on sait que les deux programmes théoriques (économie orthodoxe et darwinisme) ont des points communs, du fait du rôle prépondérant qu'ils confèrent à la sélection et au calcul économique. Et on sait par ailleurs que ces raisonnements sont difficilement attaquables, il n'est donc pas surprenant que le débat se déporte vers le méta-discours. Mais quoi qu'il en soit, le rapport de force est nettement plus déséquilibré dans le cas du darwinisme. C'est peut-être pourquoi, ignorance, idéologisme, mauvaise foi, hostilité injustifiée deviennent la marque des détracteurs du darwinisme. Comme le note Chauvin, un adversaire déclaré du darwinisme :

On ne peut s'opposer au darwinisme qu'en vertu d'idées préconçues, c'est à dire qu'on est un déiste honteux et attardé, auquel on doit tourner le dos; la discussion ne sert à rien : il ne reste qu'à attendre la chute de votre piteux interlocuteur dans les poubelles de l'histoire. (Chauvin, 1997, p. 9).

Car l'hétérodoxie est en effet exclue du champ scientifique par un discours qui tend à minimiser son importance dans le champ scientifique légitime, tandis qu'en revanche, sa place, son hostilité et sa force sont maximisées en dehors du champ scientifique légitime. Elle est systématiquement ramenée à une idéologie, quelque soit sa forme, qui a été terrassée après de longues luttes, et qui reste encore potentiellement dangereuse. Ce qui oblige à « rester sur ses gardes ». En revanche, l'orthodoxie est une victime, elle doit livrer un combat contre des forces hostiles et contre l'ignorance de ses détracteurs. On retrouve alors le même brouillage sur la domination de l'orthodoxie que dans le débat entre les économistes. Cavalli-Sforza déclare ainsi :

Je vis en Californie depuis 1971, mais je dois faire un effort pour me souvenir qu'ici l'enseignement de l'Évolution n'est pas libre. (...) une grande partie de la population apprend encore l'histoire humaine à partir d'une interprétation littérale de la Bible ! C'est que les religions fondamentalistes sont très puissantes aux États-Unis ! Elles voudraient abolir tout enseignement de l'Évolution. Comme elles n'y parviennent pas, elles s'emploient à le limiter en demandant que l'on traite au moins de la Création et qu'on lui consacre autant de temps qu'à l'évolution. (Cavalli-Sforza, 1996, p. 101). (point e)

Deux points sont intéressants dans cet extrait. Tout d'abord, l'utilisation de la stratégie de victimisation et de la stratégie qui consiste à brouiller les frontières de l'orthodoxie. En effet, suite à la remarque de Cavalli-Sforza, on ne sait plus réellement si l'Évolution a oui ou non une position orthodoxe. Mais le point réellement intéressant, c'est que nous nous trouvons ici face à un authentique conflit pour l'occupation de l'espace de publication. Naturellement, la théorie de l'Évolution est en position dominante en Californie, mais elle subit les assauts de théories alternatives qui réclament une occupation partielle de l'espace de publication. Ce qui est alors frappant, c'est que « l'argument de la liberté » est ici totalement déplacé. Et il montre bien que l'auteur utilise une stratégie de victimisation. Car, si l'enseignement n'est pas libre, c'est précisément du fait de l'Évolution ! C'est bien ses partisans qui bloquent l'accès (à tort ou à raison) aux autres courants et qui restreignent la liberté d'enseignement ! Or, c'est la théorie hétérodoxe qui se voit accusée de pourfendre les libertés !

On me pardonnera cette digression, mais nous voyons ici que le terme de liberté peut être utilisé dans n'importe quelle argumentation, et il l'est souvent dans un objectif de victimisation. Seulement, ce qu'il y a de gênant, d'un point de vue éthique, c'est que c'est la minorité, l'hétérodoxie, par définition en position de faiblesse, qui est accusée de brimer les libertés de la majorité, l'orthodoxie.

Cette stratégie discursive n'est pas la seule, il y en a d'autres : couper court à la discussion, être indifférent, arguer du manque de preuves, faire état de la supériorité numérique dans les publications (donc jouer sur l'argument de la majorité), etc. Autant de stratégies d'isolement qu'on retrouve fréquemment dans les communautés virtuelles : l'indifférence face au « troll » fauteur de troubles. L'idéologie sous-jacente à ces communautés tend à stigmatiser le déviant qui, bien souvent, ne fait qu'émettre un avis contraire à l'opinion majoritaire, en le définissant comme porteur d'un comportement hostile, agressif et néfaste. Une autre stratégie courante, est celle du « va voir ailleurs si tu n'est pas content », qui permet, de protéger un projet (ou une théorie) de toute forme de transformation ou d'intervention non désirée.

Pour revenir à notre exemple, Mayr ne se contente pas de dénoncer l'idéologisme des adversaires, il tente également de l'expliquer (point h) à partir d'une sociologie profane. Selon lui, les causes finales (la finalité de l'évolution) sont plus séduisantes et plausibles pour le non-spécialiste et c'est ce qui explique le succès de la croyance en des causes finales. Cette sociologie profane soulève obligatoirement trois remarques :

  1. Elle n'est pas vérifiée. Et d'ailleurs, elle semble difficilement vérifiable, l'adhésion à une théorie profane étant un processus complexe. En somme, il s'agit d'une affirmation gratuite.
  2. Elle s'appuie sur une théorie de la sélection naturelle appliquée au savoir – tout comme l'histoire du darwinisme qui lutte contre les théories rivales – qui résonne harmonieusement avec l'idéologie darwiniste. Il s'agit donc ni plus ni moins d'un raisonnement utilitaire. Une théorie est retenue par les profanes, parce qu'elle est plus plausible et séduisante. Disons qu'elle apaise l'esprit. Fait qui est loin d'être prouvé, à ma connaissance...
  3. Elle s'appuie sur un préjugé de « scientifique » envers les « non-scientifiques ». Autrement dit, elle part du principe que les profanes cèdent à la tentation de la facilité intellectuelle. Ils sont « simplets ». Mais deux questions se posent. 1. Les chercheurs qui adhèrent au darwinisme n'en font-ils pas de même ? En sachant qu'à la quiétude d'esprit peut s'ajouter la tranquillité professionnelle : contester ouvertement le darwinisme est peut-être lourd de conséquence pour un chercheur en biologie. 2. Est-ce vraiment le cas ? En quoi la théorie des causes finales serait-elle plus simple à comprendre que les autres ? Cela ne dépend-il pas en priorité de l'enseignement reçu ? On peut se poser la question, car dans les faits, on sait très bien que la théorie de la sélection naturelle est une théorie facilement compréhensible dans ses grandes lignes. Le succès de l'utilisation du darwinisme à des fins politiques est bien là pour le confirmer. L'idée selon laquelle les forts survivent mieux et transmettent leur caractères à leurs descendants n'a rien d'original. C'est en somme une idée plutôt banale, issue de la frange politique conservatrice, et assez ancienne (Jacquard, 1994, p. 77 et Gould, 2000, p. 144-150).

Mais ce manichéisme ne se limite pas aux partisans du darwinisme. Dans les rangs de l'hétérodoxie, on retrouve des arguments qui relèvent eux-aussi du méta-discours. Tout d'abord, les adversaires, ou du moins des observateurs critiques de certaines applications du darwinisme, vont favoriser les thèses externalistes. Ainsi, Séralini déclare dans Génétiquement incorrect :

La théorie scientifique la plus en vogue à une époque donnée, au moins en biologie, n'est pas forcément celle qui intègre le mieux les résultats de l'expérience, mais plutôt celle qui est le plus compatible à la fois avec les résultats de l'expérience et avec le climat social et politique – autrement dit, celle qui est le plus utile au pouvoir dominant mais qui n'est pas forcément la plus exacte. Les étudiants l'apprennent souvent à leurs dépens quand ils accomplissent leurs travaux de thèse. Démêler le vrai des préjugés, dans cette forêt scientifique demande un travail de synthèse, précédé d'un regard critique sur l'opinion scientifique. (2003, p. 33-34).

Chauvin s'exclame quant à lui :

Les gens ne le savent pas, mais chez les « hommes de science » il ne suffit pas d'avoir de bonnes idées, il faut encore être capable de les imposer et par des moyens qui ne diffèrent guère des politiciens. Pasteur, par exemple, n'eût jamais fait admettre ses microbes s'il n'avait été doyen d'une faculté et un personnage considérable. (1997, p. 309).

Chauvin défend également la thèse selon laquelle le darwinisme est une croyance, et s'apparente à une tautologie (tout au moins la théorie de la sélection naturelle). Par ailleurs, il emploie un certain nombre de termes ou d'expressions pour désigner les darwinistes, leurs convictions, leurs pratiques et leurs théories, qui mettent en avant leur caractère idéologique, confus, imprécis ou erroné : « pieusement », « dogmatisme », « démystifier », « Providence », « ne signifie rien », « mythe », « folie », « dépourvue de raisons »...

On pourrait multiplier les exemples, car la littérature anti-darwiniste est vaste6. Mais penchons-nous plutôt sur une autre controverse. Celle qui oppose les adversaires du Big-Bang aux partisans de la théorie standard. Ainsi, nous aurons balayé le spectre des disciplines scientifiques, et montré que le méta-discours n'est pas réservé aux « sciences molles ».

Les adversaires du Big-Bang se sont manifestés récemment en publiant An Open Letter to the Scientific Community, signée par quelques grands noms de la physique. Leur position est intéressante, car elle concerne un domaine, où le profane n'envisage même pas qu'il puisse y avoir des problèmes institutionnels qui entachent la recherche. Et pourtant, ce n'est pas ce qu'affirment les signataires de cette lettre.

Today, virtually all financial and experimental resources in cosmology are devoted to big bang studies. Funding comes from only a few sources, and all the peer-review committees that control them are dominated by supporters of the big bang. As a result, the dominance of the big bang within the field has become self-sustaining, irrespective of the scientific validity of the theory.

Le contraste avec les défenseurs du darwinisme est assez frappant. La « théorie » de la transparence et de la neutralité des revues, ainsi que le respect du caractère novateur lié au fameux peer-review, sont clairement remis en cause. Ces détracteurs de la physique standard observent, comme nous l'avions suggéré, une répression formelle (par l'empêchement d'accéder aux revues et aux financement) de la créativité. Le problème du financement des recherches et du conformisme de la majorité, écarté dans les thèses de la citadelle assiégée, ressurgit avec force dans la thèse de l'orthodoxie.

La controverse objectiviste/relativiste : ce qui est questionnable et ce qui ne l'est pas

La controverse objectiviste/relativiste n'échappe pas, elle non plus, aux principes que nous venons de définir. Nous allons le voir en introduisant un élément d'analyse supplémentaire : « le choix du questionnement, en lui-même, n'est pas neutre ». La critique d'une hétérodoxie – ou d'une orthodoxie – se centre en effet toujours autour d'une question qui n'est jamais neutre dans sa formulation. La nature du questionnement posé s'inscrit généralement dans une stratégie de « délégitimation » latente ou patente des théories adverses. Car la question suppose qu'il y ait quelque chose de suspect, d'étrange, de douteux. Elle remet en cause, elle détruit une certitude, elle soulève une controverse.

Il y a ainsi un champ de « choses » « questionnables » sur lesquels l'attention peut se porter et sur lesquels les controverses vont se greffer, et un champ « non questionnable », ou non questionné, qui reste soit le lieu des certitudes partagées, soit le lieu des « choses » qui laissent indifférentes. Un exemple qui m'est cher, la question de savoir pourquoi certains individus sont « intéressés » dans certains contextes n'est quasiment jamais posée. Pourquoi ont-ils un besoin frénétique de s'enrichir au delà du nécessaire vital ? En revanche, la question de savoir pourquoi les individus sont altruistes a donné lieu à une littérature abondante. Mais, la question s'est posée sur la base de la première certitude, à savoir, qu'il est normal, naturel, logique de se battre pour ses propres intérêts.

Prenons d'autres exemples issus de la quatrième page d'ouvrages de littérature de vulgarisation scientifique. Ces exemples sont intéressantes car on y trouve en fonction du positionnement des auteurs, différents questionnements qui synthétisent la pensée des auteurs des ouvrages. Par exemple, dans des ouvrages « pro-objectivistes », on va trouver ce type de questionnements ou d'affirmations avec un questionnement induit :

Pourquoi les hommes font-ils bien plus souvent confiance à leurs croyances qu'à la science ? Pour quelles raisons cette dernière a-t-elle eu si longtemps l'Église pour ennemie ? (ouvrage de Jacquard et Lacarrière, 1994). (points f et h)

Attaquée de toutes parts, la science est aujourd'hui tenue pour responsable de tous les périls qui nous menacent. Promet-elle pour autant l'apocalypse pour demain ? N'est-elle pas plutôt l'instrument du progrès, notre ultime rempart contre les obscurantismes et les fanatismes renaissants. (ouvrage de Perutz). (points a et e)

L'enjeu est clair. Dans un monde où règnent les superstitions et les passions nationalistes et religieuses, les êtres humains sauront-ils affronter les problèmes bien réels que pose leur survie ? L'approche rationnelle n'est-elle pas le seul véritable rempart contre nos diverses folies ? (ouvrage de Sokal, 2005). (point a et e)

Cette fin de siècle connaît (...) une réduction drastique des dépenses de recherche de la part de tous les grands laboratoires industriels, une baisse de prestige et d'autorité de la pensée scientifique dans le grand public, une atmosphère générale de révolte rampante et d'indifférence officielle. Plus grave encore : des scientifiques eux-mêmes se mettent à douter des vertus de la raison en dehors du laboratoire et la communauté scientifique dans son ensemble se révèle incapable de réaffirmer collectivement le sens de son activité. (ouvrage de Holton, 1998).

À l'opposé du spectre idéologique, on va trouver ce type de questions ou d'affirmations.

Pourquoi les sciences modernes n'avancent-elles que sur le mode guerrier – guerre du scientifique contre ses concurrents, du savant contre le « charlatan », du « nouveau » contre « l'ancien » ? Pourquoi ces sciences s'affirment-elles sous le jour le plus faux : triomphe d'un savoir enfin objectif, neutre et désintéressé, produit par une démarche méthodique, humble et sereine ? (...) Pourquoi, par exemple, la physique moderne, est-elle habitée par la conviction qu'elle seule peut percer l'énigme de ce monde (...) ? (ouvrage de Stengers, 2003).

Depuis qu'elles existent, les sciences dites exactes se prétendent différentes des autres savoirs ? Comment comprendre cette prétention ? (...) Peut-on, suivant le modèle nouveau des études sociales des sciences, y voir une simple croyance ? (ouvrage de Stengers, 2005).

Pourquoi le mode de pensée des savants est-il si souvent totalitaire ? Pourquoi cette rage de réduire la diversité du monde et de la vie à un principe unique ? (ouvrage de Lurçat, 2003).

Si la science fait bouger le monde, doit-elle pour autant le guider ? Comme le veut le schéma classique du politique éclairé par la science, aurait-on d'une part des experts sans responsabilité et de l'autre des politiques ignorants ? (ouvrage du Colloque de la Vilette, 1996).

Pourquoi les chemins du progrès technique s'écartent-ils de ceux du progrès humain ? Pourquoi la société est-elle impuissante à assumer la science ? (ouvrage de Maestre, 1973).

On voit bien ici, en quoi les questionnements renversent la nature de ce qui est normal, et délégitiment implicitement ce qui paraît légitime. Ces extraits appellent par ailleurs trois remarques.

Premièrement, ils confirment l'existence de la théorie de la citadelle assiégée et de la théorie de l'orthodoxie dans le conflit épistémologique. Ce qui ne peut que renforcer notre conviction que la séparation entre idéologie et non-idéologie, dépasse le clivage science/non-science. Dès lors, c'est une raison supplémentaire pour refuser d'établir une séparation entre la science et la non-science. En effet, que ce soit dans le champ scientifique ou hors-scientifique, la rhétorique permettant la démarcation entre vérité et fausseté, est à peu près la même. Considérons par exemple un extrait de l'ouvrage de Hers :

L'ingratitude d'une partie de la société vis-à-vis de la science (...) est caractéristique du fait que les maux passés sont très vite oubliés [point a]. Un mouvement antiscience plus pernicieux s'est développé depuis une vingtaine d'années (...). Ce mouvement (...) a eu et a encore un succès considérable tant en France qu'aux États-Unis [point e] (...) alors que (...) nombre de ses adeptes manipulent abusivement divers concepts (...) qu'ils ont visiblement mal compris [point b]. (Hers, 1998, p. 48).

Deuxièmement, les idées qui y sont développées sont des caricatures de la réalité. Par exemple, l'idée qu'il existerait une baisse des fonds attribuée à la recherche industrielle est largement erronée. Et, même s'il existe une petite part de vérité dans cette affirmation, il est absurde d'accuser un hypothétique mouvement anti-scientifique ! Tout d'abord, le mouvement anti-scientifique est aujourd'hui très largement fantasmé. Il ne dépasse pas le cadre de la sociologie et de la philosophie des sciences, ou le cadre de sujets controversés. En fait, il ne faut pas renverser l'ordre de la « persécution », ce ne sont pas les pseudo-scientifiques qui attaquent les scientifiques, mais, comme nous l'avons vu, les scientifiques (auparavant appuyés par l'Église) qui attaquent les pseudo-scientifiques. Ce qui est tout à fait normal d'un point de vue historique et sociologique. Pour ceux qui sont coutumiers de la sociologie de la connaissance, il n'y a rien de surprenant à cela : les orthodoxes tentent d'éliminer les mouvements hétérodoxes7. Autre raison, la baisse proportionnelle et hypothétique des fonds alloués à la recherche dans certains pays, s'accompagne d'une hausse des sommes ponctionnées par l'État et du PIB. En fait, la véritable cause de cette baisse des fonds attribués à la recherche serait plutôt d'ordre économique. Les mouvements pseudo-scientifiques n'ont donc aucun rapport avec celle-ci. Tout d'abord, certaines recherches coûtent de plus en plus chers (Rescher, 1993, p. 243-244). Du côté des fonds publics, la recherche subit le contre-coup de politiques de réduction des fonds publics8. Du côté des fonds privés, elle subit un vaste mouvement de réorientation de certains secteurs vers des stratégies marketing ou commerciales, plus rentables que les stratégies de recherche et développement.

De l'autre côté de la barrière, chez ceux qui tendent vers l'extrémité relativiste du spectre idéologique, on trouve d'autres arguments erronés. L'idée que la science avance exclusivement sur le mode de la guerre scientifique, inspirée du courant de la sociologie des controverses scientifiques, me paraît clairement excessive. Car une telle vision, qui porte exclusivement l'attention sur les conflits, néglige le fait que la science fonctionne en grande partie sur le modèle coopératif, et que les productions scientifiques, les articles, les expériences, sont très souvent des normes d'action ou des procédures d'action ad hoc, que les scientifiques mettent en place, par simple souci de bien faire, par envie de découvrir ou par choix de communiquer correctement leurs informations. On aurait tort de négliger l'importance de ces mécanismes fort simples de régulation qui, en termes de quantités d'informations circulantes et d'actions effectives, sont probablement nettement supérieurs aux controverses. Même si, naturellement, il ne faudrait pas négliger le rôle des conflits, de la réputation, de la compétition, des jalousies entre chercheurs, de l'indifférence ou du mépris simulé, etc. Bref, toute une armature émotionnelle, plus ou moins ambivalente, qui modèle la nature de la recherche.

Deuxième remarque, ces questions ont ceci d'intéressant qu'elles négligent une large partie de la recherche. Elles se focalisent autour de thèmes classiques de l'épistémologie. Si bien qu'elles laissent une large part de phénomènes non questionnés. Ainsi, la science technique, effectuée par les marchands, est totalement négligée. Elle tombe en dehors du champ de l'épistémologie. Comment expliquer cela ? Pourquoi les dégâts causés par les sciences du marketing et du management sont-ils quasiment négligés, tandis que les controverses sérieuses sont portées sur un piédestal ? On peut avancer deux hypothèses pour l'expliquer. Tout d'abord, les controverses épistémologiques s'inscrivent souvent dans la continuité d'un mouvement de prise de parole qui vise à modifier la direction prise par les institutions publiques. Du fait de leurs origines, elles s'inscrivent donc dans la continuité de problématiques soulevées directement sur le terrain. Deuxième hypothèse, le mythe du marché auto-régulé qui satisfait de manière optimale la demande, est répandu dans le milieu scientifique et épistémologique. Autant la prise de parole est possible dans le cadre d'une science publique, autant elle est illégitime dans le cadre d'une science privée, où les mécanismes de défection doivent permettre d'assurer en théorie une régulation optimale...

Convergence vers l'orthodoxie

Intrinsèquement, la critique relativiste révèle un réel problème de sociologie des sciences, et qui ne peut qu'inquiéter les partisans, dont je fais partie, de l'objectivité en science. Si le seul critère de « scientificité » dont on dispose est un critère sociologique (l'aval de la communauté scientifique), il n'y a guère de raison de supposer qu'il permette un gain d'objectivité. Il est permis d'en douter, car un contrôle collectif de la recherche, autrement dit, l'instauration d'une police citoyenne de la connaissance, favorise surtout l'émergence d'une orthodoxie, et non la recherche d'objectivité9.

De nombreux facteurs sociologiques entrent en effet en jeu : l'opinion, l'intermédiarisation, les hiérarchies, les hiérarchies de diffusion, l'accès aux postes, l'auto-censure, le conformisme... Concernant l'opinion, par exemple, nous savons qu'elle n'obéit pas nécessairement à la règle de l'évaluation objective. On sait également que les groupes tendent naturellement à se conformer à une norme, et à exclure les déviants. Et ils le feront d'autant plus volontiers que l'écart par rapport à la norme s'avère coûteux. Autant de faits qui sont devenus des classiques de la psychologie sociale.

Conséquemment à cela, d'une part, l'opinion d'un petit groupe de pairs n'a finalement pas de raison d'être plus éclairée que celle d'un groupe plus étendu. Et, au moins en théorie, que l'opinion circule ou non chez des professionnels ou des profanes ne change rien au problème. Ce n'est pas un gage de scientificité. Pourquoi ? Car il n'y a aucune raison de supposer que les scientifiques sont plus difficilement influençable par les normes et les opinions dominantes de leur milieux, que des profanes. En outre, le contrôle horizontal, à l'intérieur d'un groupe clos, n'est pas forcément plus propice à une évaluation objective, que le contrôle vertical. Comme le remarque Latour :

L'évaluation (...) un sujet auquel ont été consacré énormément de travaux, qui ont permis d'abandonner complètement l'idée selon laquelle il suffit de demander aux experts reconnus d'une discipline pour obtenir un jugement fiable. (2001, p. 98)

Mais tout ne peut pas être attribué au conformisme ou au manque de distanciation critique des chercheurs. En fait, Latour remarque également que l'opposition à une théorie dominante, et la légitimation d'une théorie, a un coût. Comme il l'affirme, et comme nous avons pu le constater sur Wikipédia, l'exclusion, la défection au sens d'Hirschman, repose souvent sur le renoncement, et finalement, l'auto-exclusion du contestataire :

L'«Homme du commun qui tombe sur la vérité » (...) n'aura aucune chance de vaincre les milliers d'articles, de critiques, de partisans et d'institutions de financement qui s'opposent à son énoncé. Le pouvoir de la rhétorique scientifique repose sur le sentiment de solitude qu'éprouve l'opposant ». (1995, p. 111).

Le sentiment de solitude dont parle Latour ne doit pas être négligé. Car la pression psychologique est ici déterminante. La souffrance est réelle pour celui qui se met au ban d'une communauté en défendant des idées déviantes. À l'incompréhension et aux sarcasmes viennent parfois s'ajouter parfois une exclusion matérielle.

Il est probable, de ce point de vue, que plus le dogmatisme est élevé dans un groupe, plus le déviant subit un coût important, lorsqu'il tentera de contester le dogme. Il y a peut-être un phénomène auto-entretenu. Les déviants subissent un coût lorsqu'ils dévient, qui est proportionnel au niveau de dogmatisme du groupe. Or, on peut supposer que le dogmatisme va augmenter au fur et à mesure que des individus possédant une même opinion vont se retrouver en supériorité numérique. Ce qui rendra alors d'autant plus élevé le coût de la déviance. Si l'on suppose qu'un discours peut être objectivement vrai et reconnu comme vrai, alors le discours reconnu comme vrai par la majorité de la communauté scientifique est le discours orthodoxe. Et tout discours hétérodoxe, est un discours reconnu par une minorité. D'autre part, faire reconnaître un discours hétérodoxe par la communauté, c'est à dire transformer un discours hétérodoxe en un discours orthodoxe, a un coût, de même que faire en sorte qu'un discours soit objectivement vrai a un coût. Ces coûts sont de différentes natures. Tout d'abord, il faut pratiquer un investissement communautaire (publications, promotion, obtenir des postes...). Ensuite présenter un discours hétérodoxe est risqué, il peut induire un déclassement ou une marginalisation. Enfin, il faut faire un investissement matériel ou intellectuel (temps de travail) pour tenter de rendre le discours hétérodoxe « objectivement vrai » et pour rendre le discours orthodoxe faux. Notons que cette procédure ne peut fonctionner que si il est possible de critiquer le discours orthodoxe, et que si il existe des manières standardisées de reconnaître ce qui est objectivement vrai. Dans les faits, il existe souvent un pluralisme méthodologique et théorique qui oblige à livrer bataille sur plusieurs fronts : preuves empiriques, contradictions théoriques, présence d'immunisants épistémologiques, etc.

Conclusion et perspectives

Si les seuls critères probants, pour déterminer la « scientificité » d'une recherche sont, in fine, de nature sociologique, ceci nous amène à transposer la question épistémologique dans le champ social et politique. Quels discours va-t-on autoriser ? Quelles recherches va-t-on financer ? Qui pourra y participer ?

Il existe bien sûr une multitude de réponses possibles à ces questions. Et je ne peux ici toutes les explorer. Mais ce que je peux faire, en revanche, c'est proclamer que chaque chercheur est en droit de choisir la réponse qui lui convient le mieux, tant du point de vue de ses aspirations personnelles que du point de vue des conséquences de ses actions. J'ai choisi, pour ma part, depuis plusieurs années, un modèle de recherche-action que j'expérimente personnellement, fondé sur l'ouverture, la participation libre, la gratuité et la liberté d'accès aux contenus et aux outils nécessaires à la recherche10. J'ai déduit ce modèle de mes expériences et de mes réflexions sur la culture libre, mais je me suis rapidement aperçu qu'une frange radicale du mouvement de l'open science, ou de la science ouverte, partageait les mêmes opinions et les mêmes pratiques que moi. En cela, j'encourage chaque chercheur a prendre ses responsabilité,s et à choisir en son âme et conscience le modèle d'action qui lui paraît le plus en adéquation avec ses choix de vie. Il rencontrera toujours, tôt ou tard, d'autres chercheurs engagés dans la même voie que lui.

L'enjeu est important, car l'extension du modèle de la science ouverte aurait plusieurs conséquences prévisibles sur le fonctionnement de la recherche. Il en découlerait, par exemple, l'ouverture des universités et des lieux de diffusion du savoir, à toute personne désireuse d'enseigner, ceci sur la base d'une gratuité sans conditions ; une réappropriation des outils de recherche, quels qu'ils soient (laboratoire, revues) par les personnes désirant les utiliser ; une externalisation des systèmes d'évaluation qui pourraient, eux aussi, se calquer sur un modèle similaire, celui de la publication libre et ouverte.

Quelles seraient les conséquences économiques et épistémiques d'une telle transformation ? En définitive, peu importe ! Ce qui compte, ce n'est pas tant de pérorer indéfiniment sur l'efficacité de tel ou tel système, mais de déterminer quel est le système qui maximise les libertés des usagers et des producteurs de la recherche. Et de point de vue, ceux qui croient que l'université et la recherche institutionnelle offrent davantage de liberté aux chercheurs que la science ouverte, confondent malencontreusement les avantages conférés par le statut d'esclave, avec les inconvénients posés par le statut d'homme libre.

Pour ma part, j'ai préféré l'air pur de la science ouverte à l'air vicié de la bureaucratie industrielle scientifique. Et tant pis pour les inconvénients...

Notes

1 Tels la validation par la preuve, l'arbitrage du réel ou la reproductibilité des expériences.

2 Voir cet article pour une première réflexion sur la fonction professionnelle des discours sur la Science.

3 Sur la notion de controverse scientifique, voir Raynaud (2003).

4 Je renvoie à ma thèse de doctorat.

5 Sociologie qui s'appuie au passage sur une circularité logique et sur une vision naïve de la recherche scientifique. Naïve car la linéarité d'un tel processus est peu probable. Le passage de à 1 à 2 est souvent inversé, parfois il va de 3 à 1, etc. De plus, des perturbations et des biais divers peuvent apparaître tout au long du processus. L'argument est circulaire car il s'appuie sur le raisonnement suivant. 1. Une théorie est scientifique si elle remplit certaine conditions. 2. La théorie alternative ne remplit pas ces conditions. 3. Elle ne remplit pas ces conditions parce qu'elle n'est pas scientifique. Mais pourquoi n'est-elle pas scientifique ? Parce qu'elle ne remplit pas ces conditions. Donc, il n'y a aucune explication ici. On explique que la théorie ne remplit pas des conditions parce qu'elle n'est pas scientifique, et qu'elle n'est pas scientifique parce qu'elle ne remplit pas les conditions.

6 Par exemple, Marcel Blanc, Michael Denton, Jean-Jacques Kupiec, Pierre Sonigo, etc.

7 Voir Berger et Luckman (2003).

8 Remarque gratuite et partiale, mais ces théories sont largement inspirées, au passage, par des théories économiques dites « scientifiques », soutenues par une grande majorité de scientifiques issus des sciences dures, du fait de leur technicité mathématique. Par exemple, la revue Pour la science, consacre tous les mois une rubrique à la micro-économie orthodoxe, mais quasiment jamais d'articles sur des sujets de sociologie ou d'anthropologie. En somme, on pourrait même faire l'hypothèse que les scientifiques sont en partie responsables d'une telle désaffectation. Sans compter qu'ils sont les seuls responsables de leur mauvaise presse. Notamment à cause de la position de certains d'entre eux sur certaines technologies impopulaires (OGM, nucléaire, etc.)

9 Ce qui amène à penser que si on observe, aujourd'hui, une croissance de l'objectivité dans certains secteurs de la science, c'est probablement lié à des facteurs indirects, tels justement, les imperfections de contrôle, la segmentation extrêmement poussée de la recherche qui fait que très peu de chercheurs sont compétents sur des domaines précis, des contraintes inhérentes aux différentes activités de recherche, le goût de l'expérimentation, de la recherche de vérité et de la validation par la preuve chez la plupart des chercheurs (peu importe à ce titre s'il trouve en partie sa source dans des déterminants sociaux), le verdict technique (telle application marche-t-elle ou non ?), etc.

10 Voir cet article.

Bibliographie

  • Berger P. et Luckman T., La construction sociale de la réalité, Armand Colin, 2003.
  • Boudon R., Pourquoi les intellectuels n'aiment pas le libéralisme ?, Paris, Odile Jacob, 2004.
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  • Bourdieu P., Contre-feux, Paris, Éditions Raisons d'agir, 1998.
  • Bourdieu P., « Pour un savoir engagé », Le Monde Diplomatique, Février 2002.
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  • Hirschman A, Défection et prise de parole, Paris, Fayard, 1995
  • Holton G., Science en gloire, science en procès : Entre Einstein et aujourd'hui, Gallimard, 1998.
  • Jacquard A. et Lacarrière J., Science et croyance, Paris, Écriture, 1994.
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  • Latour Bruno, Le métier de chercheur : regard d'un anthropologue, Paris, INRA éditions, 2001.
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  • Lurçat F., De la science à l'ignorance, Monaco, Éditions du Rocher, 2003.
  • Maestre C.-J., La science contre ses maîtres, Paris, Grasset, 1973.
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  • Perutz M. F., La science est-elle un mal nécessaire ?. Essais sur la science et les scientifiques, Paris, Odile Jacob, 1991.
  • Raynaud D., Sociologie des controverses scientifiques, Paris, PUF, 2003.
  • Rescher N., Le progrès scientifique. Un essai philosophique sur l'économie de la recherche dans les sciences de la nature, Paris, PUF, 1993.
  • Séralini G.-É., Génétiquement incorrect, Flammarion, 2003.
  • Sokal A., Pseudosciences et postmodernisme : adversaires ou compagnons de route ?, Paris, Odile Jacob, 2005.
  • Stengers I., L'invention des sciences modernes, Flammarion, 1995.
  • Stengers I., Sciences et pouvoirs. La démocratie face à la technoscience, Paris, La Découverte, 1997.
  • Stengers I., Cosmopolitiques I, Paris, La Découverte, 2003.

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