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L'économie non-marchande : formes, enjeux et perspectives

Auteurs: Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique)
Création de l'article: mars 2019
Etat de la rédaction: finalisé
Droit de rédaction: ouvert
Licence: Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 01 septembre 2022 / Dernière modification de la page: 23 avril 2024 / Créateur de la page: Benjamin Grassineau



Résumé: Qu’une économie (production, distribution, consommation) puisse se construire en dehors du marché a longtemps semblé utopique. L’économie du don, notamment, était perçue comme une pratique marginale cantonnée aux sociétés premières, à la famille et aux fêtes religieuses. À l’inverse, les pratiques marchandes constituaient le référentiel absolu de l’échange !

On observe aujourd’hui un changement de paradigme. Tant dans les représentations que dans les pratiques, la sphère des échanges non-marchands est en plein essor et en grande effervescence. Elle touche des activités très diverses, emporte l’adhésion d’un grand nombre d’acteurs et impacte fortement sur les représentations collectives. Partout, des boîtes à livre, des magasins gratuits, des réseaux de dons de services (réseaux d’hospitalité) émergent, se structurent, se normalisent, voire s’institutionnalisent, formant ainsi une réelle alternative au marché, même pour la satisfaction de nombreux besoins primaires.

Ce qui n’est pas sans poser de nombreuses questions. Comment une telle économie peut-elle fonctionner ? Comment se manifeste-t-elle concrètement et quelle est son ampleur ? Enfin, quelles évolutions et transformations sociales pouvons-nous en attendre ?

Support pour une présentation donnée à l'université populaire du Kercorb le 16 mars 2019. http://upek.over-blog.com/2019/02/l-economie-non-marchande-formes-enjeux-et-perspectives.html / http://cedrea.net/Samedi-16-Mars-2019-a-16-h-a-Rivel-salle-des-Fetes-L-economie-non-marchande-81





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Introduction

But : tour succinct de l’économie non-marchande.

Un air de famille...

Pirates Box, boîtes à livres, piano en libre-accès, gratiférias, magasins gratuits… Mais aussi Andoïd, prix sur un étal, mer, soleil, cadeaux de noël...

Qu’y a-t-il de commun à ces phénomènes ?

Ils sont ou contiennent des biens et des services mis à disposition gratuitement et produits - pour certains - de manière ouverte et en réseau.

Nous allons tenter de les caractériser, de les classifier et de voir en quoi ils appartiennent à une économie spécifique que nous appellerons économie non-marchande.

Principales questions posées dans cette présentation

  • Comment définir et identifier ces phénomènes ?
  • Comment les classer ?
  • Comment fonctionne l’économie qui gravite autour d’eux ?
  • Quels sont les enjeux et les perspectives liés à cette économie non-marchande ?

Un champ de recherche contesté

Qu’une telle économie existe et fonctionne ne va pas de soi, voire dérange ! Ne dit-on pas « il n’y a rien de gratuit ! » Sont ainsi mises en cause :

  1. Son existence et sa viabilité.
    1. Elle n’existerait pas (phénomène inexistant, non observable).
    2. Elle n’existerait pas vraiment (trompeuses apparences).
    3. Elle ne pourrait exister que dans certains contextes (champ restreint)
  2. Son innocuité
    1. Elle serait dangereuse : négligence, pillage des ressources, paresse.
    2. Elle serait l’ennemi du marché : concurrence déloyale, remise en cause du travail marchand.

Objectif de cette présentation

Montrer que l’économie non-marchande est au contraire :

  1. Concrète, viable et distincte d’autres formes d’économie.
  2. Fondée sur des mécanismes de fonctionnement identifiables et cohérents.
  3. Adaptée à des environnements socio-techniques très divers.
  4. Souhaitable sur de nombreux aspects.
  5. Alternative au marché mais pas nécessairement antagoniste.

Qu’est-ce que l’échange non-marchand ?

But : pouvoir discriminer au mieux les « briques » de l’économie non-marchande.

La pluralité des modalités de l’agir

Pour montrer que l’économie non-marchande est une forme d’économie distincte, il faut pouvoir discriminer les éléments qui la composent à partir d’observations claires et dénuées d’ambiguïté. Pour cela, nous partons d’une question élémentaire, rarement posée car « allantde-soi » ; mais ressurgissant dans des contextes qui sortent de l’ordinaire (magasin gratuit, logiciel libre, etc.).

Quelles sont les différentes manières de réaliser une action ?

Lorsqu’une personne entreprend ou non une action (contrainte ou non), elle est en effet toujours face à des options.

  • La réaliser ou non ?
  • Avec quoi ? Quels biens utiliser en fonction de leur utilité, leur rareté, leur disponibilité...
  • Avec qui acquérir ou faire usage des biens ?
  • Comment ? Distinguons :
    • Les « techniques », par exemple, pour se déplacer, la voiture, le transport animal, le vélo.
    • Les modalités d’usage : « façons de faire » (style, positionnement social, etc.).
    • Les modalités d’échange (dons, contrainte, vol, prêt, location, etc.).

Ex : le problème du tire-bouchon...

Imaginons une petite coccinelle qui aimerait savourer une bonne bouteille de vin de pucerons mais qui, par malheur, n’a pas de tire-bouchon. Que peut-elle faire ? En acheter un ? Militer pour qu’un tire-bouchon soit obligatoire dans chaque foyer de France ? Pourquoi pas. Mais d’autres options sont possibles. Trois d’entre elles retiendront notre attention dans le cadre de notre étude de l’économie non-marchande.

  • La non-action. Notre petite coccinelle renonce à boire (et c’est tant mieux pour son foie !). Elle pourra alors se consoler en songeant que son choix est le même que celui qui fonde des courants idéologiques respectables : pauvreté volontaire, zéro-déchet, décroissance (en partie), ascétisme. Mouvements qui ont en commun d’investir non pas le « champ de l’action » mais celui des « besoins ».
  • L’auto-production. Rien à faire, son penchant pour la bouteille est trop marqué. Elle se fabrique alors un tire-bouchon maison grâce à un tutoriel « low-tech ». Elle a alors dû produire lui-même la ressource pour son usage, avec des techniques, des savoir-faire et des ressources qui le lui permettent. Elle se « donne » alors à elle-même le bien qu’elle a produit.
  • Le recours au don. Notre coccinelle se dit qu’il serait finalement plus simple d’en emprunter un à sa voisine la sauterelle. Elle recourt alors au don manuel, au prêt, voire à de la récupe.

Les deux dernières modalités d’action construisent ensemble une « alternative non-marchande ». Lorsque, plutôt que d’acheter un tire-bouchon, la coccinelle décide d’en emprunter un à sa voisine, ou bien d’ouvrir la bouteille avec les antennes (même si c’est dangereux), elle participe à une forme d’économie plus vaste. La somme de ces actions, pour un individu, un groupe ou une entité plus vaste, définit en effet une « sphère d’action » distincte de la sphère marchande. L’étude de cette sphère peut se faire à différents niveaux de recherche et/ou d’action et sous différents angles d’approche. Reste à définir précisément les actions qui composent cette sphère.

Pourquoi définir rigoureusement l’échange nonmarchand ?

Pour pouvoir répondre à des propos qu’on entend très fréquemment et qui sèment la confusion :

  • « Offre cours de pianos »
  • « Pour deux achetés, le troisième est gratuit »
  • « Prix libre, 5€ minimum »
  • « C’est gratuit, il faut juste payer l’adhésion »
  • « Facebook, c’est gratuit »
  • « L’école publique, c’est gratuit »
  • « Les SEL, c’est non-marchand »
  • « Ce n’est pas vraiment en don, car on attend quelque chose en

Essai de définition formelle d’un échange nonmarchand

Un échange non-marchand est une interaction « économique » qui se déroule :

1. seul (auto-production ou usage d’une ressource issue de son patrimoine ou n’ayant pas de propriétaire),

2. à plusieurs, sans que l’une des personnes au moins, par l’entremise d’une force de coercition directe ou indirecte, ➢ oblige les autres à interagir (non-obligation). ➢ et/ou conditionne la réalisation pour les autres de cette interaction économique à la réalisation d’une autre interaction économique (non-conditionnalité).

Par interaction économique, on entend partage, cession temporaire ou durable de l’usage et/ou du droit d’usage d’un bien.

Remarque

Dans cette optique, un service se définit comme un usage partagé d’un bien. Une personne fait « usage » d’un bien (ou d’une personne) d’une manière qui va conditionner l’usage du bien ou d’un autre bien, par une autre personne.

Ce qu’est l’échange non-marchand

  • Un voyage en auto-stop
  • Un don manuel
  • Le téléchargement des codes-sources d’un logiciel libre en libreaccès
  • La mise en ligne en libre-accès d’un article scientifique
  • Un rapport sexuel consenti
  • L’utilisation de l’énergie solaire
  • Une partie d’échecs
  • ...

Ce que n’est pas l’échange non-marchand

  • Un échange marchand. Obligation de réaliser une activité supplémentaire (retour, contre-partie) pour accéder au bien ou au service. Cette contrainte repose sur une coercition effective (l’obligation de contre-partie) ou latente (menace) et sur une exclusion de l’accès au bien (« si la coccinelle ne paye pas, elle n’aura pas accès au tire-bouchon »).
  • Un échange contraint. Au moins une des personnes est forcée d’entrer dans l’échange. Conséquence directe : les services publics gratuits sont exclus de la définition (impôt, abonnement indirect) (« la coccinelle sera contrainte de prendre un abonnement tire-bouchon grâce auquel elle pourra utiliser un tirebouchon public, mais elle devra aussi prendre des cours pour utiliser le tire-bouchon officiel et légal en vertu des normes de sécurité en vigueur... »).
  • Un échange aliénant. Qui crée une dépendance : drogue, Youtube ! Bien dont l’usage dépend de l’achat d’un autre bien ou d’un autre service, c.a.d qui oblige une ou plusieurs personnes ayant échangé, à pratiquer une autre interaction économique. L’appréciation de ce critère dépend du niveau d’obligation induit par l’échange.

Exemples de ce que n’est pas l’échange nonmarchand

  • Une vente
  • Une utilisation de youtube ! Collecte les données et publicité
  • Un usage d’un service public
  • Un covoiturage
  • Un échange avec une monnaie complémentaire ou une monnaie locale
  • Un troc
  • Un S.E.L
  • Un vol
  • Un squat
  • Un réseau d’échange réciproque de savoir

Ce que n’est pas nécessairement l’échange nonmarchand

  • Un échange désintéressé (peut être marchand ou non)
  • Un échange polarisé (le sens donné par les parties à l’échange n’implique pas forcément une obligation de retour)
  • Un échange sans contre-partie (il peut y avoir une contre-partie, tant qu’elle n’est pas obligatoire)
  • Un échange intentionnel, connu, non-anonyme
  • Un échange qui détermine de manière définitive, la façon dont le bien sera échangé ultérieurement

Exemple : la voiture

Modalité d’échange ↘

Objet de l’interaction ↙

Echange non-marchand Echange marchand Echange contraint Echange aliénant
Droit d’usage Don de voiture Vente ou location de véhicules Obligation de destruction,

d’achats annexes (contrôle technique, permis, papiers)

Achat de pièces uniquement chez le

concessionnaire

Usages Auto-stop, auto-conduite Covoiturage, taxis Transports publics, externalités liées à l’usage de la voiture Réparation uniquement chez le

concessionnaire

Remarques sur la définition

Distinguer non-intentionnel et contraint

La définition ne prend sciemment pas en compte l’intériorité des personnes, ou encore l’intérêt ou les motivations. Seule la réalité de la contrainte et de l’interaction entrent en jeu. Par conséquent, certaines actions non-contraintes et non-intentionnelles, entrent dans la définition de l’échange non-marchand.

  • Les externalités d’une action (effets non compris dans une transaction marchande).
  • Les actions involontaires, réflexes, non destinées (ex: déchets), etc.
  • Les échanges « anonymes » ou involontaire, où les personnes ne savent pas si elles échangent et avec qui (ex : réseaux sociaux commerciaux)
  • Les actions à vocation marchande ou coercitive, mais non contraignantes. Par exemple, la publicité, l’affichage du prix, tant que le receveur n’est pas contraint de recevoir l’information – notons que cela exclut l’affichage libre ou la tenue d’une comptabilité obligatoire.
  • Il n’est pas nécessaire que l’interaction économique soit perçue comme « réelle » pour les différentes parties, ou qu’il y ait réciprocité des perspectives.
  • On peut considérer comme contrainte, une action qu’une personne aurait refusé de réaliser si elle avait été informée de sa réalisation et de ses effets.

Différents niveaux de coercition

L’appréciation d’une obligation est parfois difficile à établir car la force de coercition n’est pas forcément visible – on exclut les cas où elle n’est pas réelle (contrainte fantasmée). Elle peut émaner :

  • Du Droit.
  • De l’entourage ou d’une organisation.
  • D’une personne.

Elle peut prendre la forme :

  • D’une coercition directe (déplacement forcé, obligation de recevoir un bien, etc.)
  • D’une menace physique ou psychologique.

Elle peut être plus ou moins forte ; purement verbale ou appuyée sur une menace physique.

Elle suppose l’absence de consentement.

Niveaux d’exclusion

Distinction importante : modalité d’échange (don, vente) / modalité d’accès (libre-accès, accès sous condition). Si l’accès est limité, parlons « d’échange exclusionniste ». En Europe, seul le « propriétaire » a le droit d’exclure, de limiter l’acquisition et l’usage d’un bien. Symétriquement, le « non-possédant » peut refuser de recevoir un bien ou un service. Il existe plusieurs niveaux d’exclusion :

  • Pas d’exclusion. Libre-accès total pour tous. Ce cas est très théorique car l’accès à une ressource nécessite le plus souvent d’entrer sur un territoire national.
  • Restrictions quantitatives ou qualitatives.
    • sur la quantité de biens ou d’usages,
    • sur l’accès au lieu où se trouvent les ressources,
    • sur certains usages possibles de la ressource (cas du logiciel libre),
    • sur l’appropriation ou l’usage, plus généralement,
    • sur certains sous-éléments du bien ou du service (par exemple, le code-source),
    • sur l’usage ou les conditions d’appropriation post-échange (droit d’auteur).
  • Exclusion symbolique ou « régulative ». Il faut effectuer une demande pour apporter sa contribution ou faire usage d’une ressource. Frein psychologique : peur d’essuyer un refus, de se rabaisser. Il faut respecter certaines règles du lieu, etc.
  • Accès conditionnel. Très proche de l’échange marchand.
    • Discrimination « identitaire » (par exemple, conditions de ressources). C’est encore un échange non-marchand car la personne n’est pas obligée de réaliser une action supplémentaire.
    • Action supplémentaire requise (réussite d’un examen, paiement pour l’accès à un lieu). alors on retombe dans un échange avec obligation de contre-partie. Par exemple, diplôme fourni si réalisation d’un apprentissage.

Action supplémentaire ou contre-partie ?

L’échange non-marchand est souvent défini comme « don sans obligation de contre-partie », à partir de la métaphore du don manuel (expérience « corporelle »). Deux problèmes.

  1. La contre-partie pouvant être de n’importe quelle nature (gratification symbolique), on nie l’existence même du don. Rien n’est gratuit, car tout est intéressé.
  2. On suppose implicitement un « sens au don », une polarisation de l’échange. L’un perd et l’autre gagne, il y a une « offre et une demande ». Or, s’il est parfois identifiable dans le don manuel (mais qu’en est-il d’une balle ou d’un virus ?!), ce sens est plus flou dans des formes d’échange plus complexes. Le transfert est souvent à double sens ou bien, le gain est impossible à identifier.

Car est-ce l’homme qui offre son sperme ou la femme qui offre son corps ?! Est-ce le chenil qui garde le chien (service), ou le propriétaire qui prête son chien (transfert) ? Par exemple : « je te donne mon écoute, tu me donnes ta parole », « je joue avec toi, tu joues avec moi », « j’accepte de me débarrasse de mon canapé, tu acceptes de le recevoir », « je débroussaille ton terrain, je/tu nourris mes animaux ».

Échange ne signifie donc pas nécessité d’une « action en retour », bien qu’il puisse y en avoir une, mais qu’une personne interagit avec une autre, « sans contrainte » pour ce faire. La réciprocité, l’intérêt sont inclus dans l’acte lui-même (ou indirects). On peut parler « d’échange tacite ».

Règles constituantes et obligation de participation

Pour des interactions complexes (jeu, activité nécessitant un partage des tâches), l’inclusion dans le non-marchand repose sur celle de l’activité primaire, qui ne peut se faire que dans un contexte culturel (ou « contrat »). Il y a plusieurs cas de figures. Soient X et Y qui réalisent une activité A.

  • La réalisation d’une action supplémentaire par X est attendue par Y, mais non indispensable à la réalisation de l’activité A. Par exemple, en stop, parler ou écouter est une « contre-partie optionnelle » à l’activité de transport. Et A pourrait aussi se définir comme « partage d’usage du véhicule ».
  • A se déroule avec ou sans la participation de X. Dans ce cas, si une obligation pèse sur X pour participer à A, on bascule dans un échange marchand. C’est encore le cas du stop.
  • A nécessite un partage des tâches. Ce cas doit être décomposé.
    • Le partage se fait sans obligation. Alors, le seul risque est qu’en cas de défection de X ou de Y, A s’arrête. Par exemple, on arrête une conversation.
    • L’obligation porte sur les « règles constituantes » de A. Ce sont des règles qui définissent et construisent « l’activité en soi ». Par exemple, les règles du jeu, les pas de danse, le transport d’un bien, etc. Elles doivent être distinguées des contraintes pesant sur l’acquisition et le financement des ressources nécessaires à l’activité. Ces règles sont souvent négociables.
    • L’obligation porte sur les règles de l’échange. Par exemple, X a l’obligation de lever le pouce pour faire comprendre à Y qu’il veut faire du stop. X doit sortir de la voiture si Y lui demande. Etc. Notons que ces règles peuvent être très injustes !
    • L’entrée dans l’échange est conditionnée par l’acquisition de ressources (plateau de jeu, essence) indispensables à la réalisation de A. On bascule alors dans l’échange marchand. Conséquence. On exclut les coopératives de la définition !
    • Dernier point : l’échange marchand n’est-il pas une activité en soi ? Oui ! Et c’est pour ça que la définition de l’activité de base est primordiale. Dans le monopoly, par exemple, les échanges sont « marchands » à l’intérieur du jeu, de l’activité, mais dans le partage du jeu, de l’activité, ils ne le sont pas.

Remarque méthodologique

Trois échelles d’analyse et d’observation et deux approches distinctes.

Point de vue « humain »

C’est l’approche la plus courante. Elle se focalise sur les échanges qui transitent par les « humains ».

  • Niveau individuel (micro). Dans l’ensemble des usages ou échanges qu’une personne effectue, certains sont marchands, d’autres non, certains besoins sont satisfaits par l’auto-production, d’autres non. On peut les quantifier : usages sur une période, biens et services acquis ou cédés selon la modalité d’échange. Ceci dépend de nombreux facteurs : salaire, accessibilité aux ressources, facteurs culturels, adhésion idéologique, dépendance, catégorie de personnes avec qui l’échange se fait, types de technique utilisée (certaines techniques sont peut-être plus intensive en échanges marchands que d’autres).
  • Niveau interpersonnel (meso). Des structures, des organisations regroupant plusieurs personnes insèrent les échanges dans des « circuits ».
  • Niveau global (macro). Rapport entre la somme totale des échanges non-marchands et la somme totale des échanges marchands, liens avec le type d’objets, le niveau démographique, les techniques dominantes, etc.

Point de vue « matériel » et « immatériel »

Approche moins courante. On se focalise sur les transformations qui affectent les biens.

  • Niveau du bien. Un bien passe par des échanges, des modalités d’échange (donné, prêté, vendu) et des usages successifs. On peut s’intéresser à cette dynamique du bien sous plusieurs angles : statuts (cf. plus loin), quantité d’usages, quantité d’échanges, profils d’échanges, spatiale (regroupement dans des structures).
  • Niveau des structures intermédiaires. Regroupements d’objets, circuits d’échange (Kula) ou espaces de gratuité.
  • Niveau macro-économique. Ex : quantité globale d’objets dans une économie, disponibilité d’une ressource, modalités d’usage et d’appropriation dominants (ex : terres ou arbres).

Typologie

But : présenter et classer les différentes manifestations de l’économie non-marchande.

Classification des échanges non-marchands : quels critères utiliser ?

  • En fonction de la nature du bien : catégorie d’objets ou de services échangés / propriété privée ou publique / bien immatériel ou non.
  • En fonction de la nature de l’échange : connaissance ou non de l’échange / transfert d’usage ou de propriété / échange légal ou non / modalité d’échange légale ou non / règles d’échange / règles de circulation et d’usage post-échange.
  • En fonction des personnes : anonymat total ou partiel / quantité de personnes qui donnent ou reçoivent / discrimination pour accéder aux ressources / symétrie de l’échange / relations entre les personnes.

Intérêt :

  • Les types d’échange sont corrélés. Par exemple, on va trouver dans la catégorie prêt (transfert d’usage) davantage d’échanges de biens durables.
  • Les échanges s’agrègent entre eux en fonction de leur type dans des structures d’échange.

Classement des échanges non-marchands (ex post)

Par biens

  • Catégorie d’objets ou de services échangés.
  • Propriété privée ou publique.
  • Quantité de biens échangés.
  • Matérialité du bien

Selon l’échange

  • Connaissance ou non de l’existence de l’échange. Ex : récupération dans les poubelles (le donneur ignore), contamination (tout le monde ignore!), exploitation des données numériques (l’usager ignore) !
  • Transfert d’usage ou de propriété. Transfert d’usage exclusif : prêt / Transfert de propriété : don / Hérédité des conditions d’usage et d’échange : objets nomades.
  • Echange légal / toléré (cueillette des champignons) / illégal (cannabis!) / « exclusif » (un seul statut d’échange accepté, ex : objets sacrés, rapports sexuels).
  • Règles d’échange ou règles constituantes. Par exemple, rationnement, premier arrivé / premier servi, discrimination selon les besoins, ramener l’objet une fois utilisé dans le même état, etc.
  • Règles de circulation et d’usage post-échange.

Selon les personnes

  • Anonymat total ou partiel (on ignore avant ou pendant l’échange qui est le donneur et/ou le receveur).
  • Quantité de personnes qui donnent ou reçoivent au moment d’un échange.
  • Discrimination (sur la contribution, sur la réception, s’il y a lieu de distinguer les deux).
  • Symétrie de l’échange (donneur=receveur et réciproquement)
  • Relations entre les personnes : hiérarchie, lien familial, lien professionnel, etc.

Remarque

À ce stade, on peut déjà supputer l’existence de relations, de corrélations entre l’évolution de différentes catégories d’échange. Par exemple, le prêt concerne des biens durables

Classement selon les statuts (ex ante)

Le statut d’un bien peut désigner.

  • Statut d’échange. La façon dont celui-ci est proposé à l’échange par une ou plusieurs des parties. A donner, A vendre, A prêter, A faire circuler, A regarder, A utiliser, A redonner… Dans le cas d’un biens immatériel, il peut y avoir une scission entre le bien physique et l’information qu’il porte.
  • Statut d’état. Par exemple, A modifier, A réparer, A éliminer.
  • Statut d’appartenance. Il définit à qui le bien est destiné.

Remarques sur les statuts

  • Le concept sert à déterminer la disponibilité d’une ressource. Il permet notamment de quantifier le poids de l’économie non-marchande.
  • Les statuts peuvent être ou non combinés (et / ou / pas | puis | doit / peut). Exemple, un objet peut être « à prêter ou à donner ou à vendre », « pas à regarder et à donner » (cadeau de noël) « à donner puis à modifier et à donner avec hérédité des conditions de circulation » (objet mutant!), « à utiliser puis à redonner » (objet nomade, bookcrossing), « à utiliser et à redonner », « à utiliser et à ne pas modifier » (prêt). Un logiciel propriétaire est « A vendre puis à ne pas donner, modifier, vendre, détruire » tandis qu’un logiciel libre est « à vendre ou à donner » puis peut vendre, donner, modifier, réparer, utiliser ». On voit donc se dessiner un profil « statutaire » des biens, qui peut parfois être hérité tout au long de la vie de l’objet. On peut penser qu’il dépend des caractéristiques physiques et de la perception culturelle de l’objet.
  • Les statuts sont généralement déterminés par le propriétaire d’un bien, mais on peut envisager qu’une négociation porte sur la détermination du statut d’un bien ayant déjà un propriétaire (l’usager peut par exemple le revendiquer) ou bien sur les conditions d’appropriation (attribution de la propriété).

Le type d’échange n’est connu qu’une fois celui-ci réalisé (ex post). Le statut est donc une information ex ante.

  • Des statuts à priori contradictoires peuvent coexister pour un même bien. Par exemple, il se peut qu’un bien soit, au choix, « à donner, à vendre ou à prêter ». Ces configurations sont loin d’être rares.
  • Le mode d’échange effectif d’un bien n’est certain qu’une fois celui-ci réalisé (ex post). Le statut d’échange est donc une information ex ante. De même le statut matériel d’un bien n’est pas le même que l’état réel.
  • Le classement peut tenir compte d’une « continuité chronologique » : succession de statut, successions d’état.
  • Le donneur initial peut imposer à l’objet ou au receveur, des conditions de circulation ou d’usage post-échange. Par exemple, revenir au donneur initial au bout d’un certain temps (cas du prêt). Obligation de refaire circuler l’objet en le donnant ou selon d’autres conditions héritables (logiciel libre). L’objet est en quelque sorte sous copyleft.
  • Le statut est négociable et déterminé par l’intention des personnes qui échangent, l’annonce publique faite du statut, les conditions matérielles et culturelles du contexte de l’échange (certains biens ne peuvent être donnés ou vendus dans certains contextes).
  • Pour les biens immatériels, il peut y avoir un écart entre le statut du bien physique et celui de l’information qu’il véhicule.

Profil d’un bien

Classement des biens par profil. Évolution des états et des statuts d’un bien au cours de son existence.

  • Succession d’états.
    • Quantité et types d’usages et d’échanges sur une période donnée (possible, effective).
    • Quantité et types de propriétaires et d’usagers (possible : certains biens ne peuvent être utilisés simultanément par plusieurs personnes, effective).
    • Évolution de l’état physique (dégradation rapide, cycles...).
  • Succession de statuts.
    • Évolution des statuts d’échange. Ex : forte probabilité de « à vendre » puis de « à donner » ou l’inverse (œuvres d’art). Ces statuts peuvent être « héritables » (cas du logiciel libre et des objets nomades).
    • Évolution des personnes. Ex : un bien s’ouvre à des catégories de personnes auparavant exclues, passe du cercle privé au cercle plus étendu (ex : DVD).
    • Évolution des statuts matériels. Ex : un bien proposé à modifier, à assembler, avec autorisation ou obligation de modification.

Les éléments de ces profils peuvent être corrélés entre eux ou avec d’autres variables. Ex : la catégorie du bien (durable, éphémère) est liée à la quantité d’usages, la disponibilité de la catégorie du bien dans l’économie. On peut aussi s’interroger sur : 1. le lien entre l’état matériel et la quantité d’usage, 2. le lien entre l’état matériel et le statut d’échange (un bien en mauvais état a-t-il une probabilité plus forte d’être « à donner »). 3. Le lien entre quantité d’usages et nombre d’usagers. Ces variables sont importantes dans l’analyse du prêt gratuit, par exemple. 4. Le lien entre types d’échange, types de propriété et évolution de l’état physique (création, maintenance). Question récurrente dans les critiques qui portent sur la gratuité.

Exemple : culture libre et propriétaire

Bien libre Bien propriétaire
Statut d’échange Héritable. L’usager peut regarder, utiliser, redistribuer les éléments du biens. Pas héritable. Un seul échange « à vendre », puis circulation et réutilisation impossible.
Profil d’échange Viral. Unique (ou illégal).
Statut d’appartenance Les différents processus sont, de fait, ouverts à tou.te.s. Contrat très restrictif. Ex : interdiction de donner le bien en dehors du cercle familial.
Profil d’appartenance Communautés d’usagers. Producteurs / consommateurs.
Statut d’état Modifications possibles. Modifications impossibles, dispositifs d’élimination du bien (DRM).
Profil d’état Principe des versions, améliorations rapides. Dépend du créateur.

Structures d’échange : principes

  • Groupes d'échanges reliés par leurs types, par une continuité juridique, chronologiques, spatiale (etc.).
  • Structures, contenant où se déroulent ces groupes d'échange. Les échanges non marchands se déploient dans l’économie en s’insérant dans des structures spatiales, juridiques, culturelles.

Leur agrégation va segmenter l’économie en différents types (niveau macro).

Quatre éléments principaux à prendre en compte.

  • Propriété des biens. A qui sont-ils ? Quelle forme de propriété ? Négociation possible ?
  • Modalités d’échange. Comment les acquérir ? Statut dominant ? Négociation possible sur le statut ou les règles d’échange à l’intérieur d’un statut (ex : négociation du prix) ? Transfert possible ?
  • Modalités d’usage. Usage libre, contraint / avant, pendant, après. Conditions d’usage post-échange.
  • Source de la régulation. Norme spontanée ? Règle exogène ?

Remarque : ces questions peuvent aussi être posées à propos du contenant.

Tableau comparatif

Marché forain Gratiféria
Propriété des biens ou des « services » (à qui est-ce?) Propriété privée non négociée. Les biens appartiennent au vendeur. Le modèle qui tend à prédominer est une désappropriation des biens disponibles pendant la gratiféria.
Modalités d’échange (comment l’obtient-on?) Echange marchand. Variantes. Règle du premier arrivé, premier servi. Stabilité des prix ou à la tête du client.

Discriminant ou non. Enchères. Demande obligatoire. Etc. Certains biens sont tacitement considérés comme noncessibles. Certains biens peuvent être acquis librement : informations, prix.

Echange non-marchand mais il y a des biens « non-donnables ».

Parfois une buvette.

Modalités et conditions d’usage Certains usages sur les biens sont libres : informations, prix, essai, regard, visite. Variable.
Source de la régulation Fortement exogène. Coercition étatique. Endogène.

Structures d’échange : types

  • Rapport contenant / contenu
    • Le contenant détermine-t-il la modalité d’échange des contenus ? Ex : nature – droit à cueillir.
    • Marqueurs de la propriété :
      • Contrat
      • Appartenance à une structure.
      • Droit de propriété apposée sur l’objet (courant chez les romains qui marquaient les esclaves).
      • Règles de circulation apposée sur l’objet.(exemple : hérédité du statut).
      • Régulateur extérieur : ex, droit d’auteur.
      • Propriété intrinsèques : exclusion d’usage impossible, (services (ambigu)).
  • Propriété, modalité d’accès et d’usage du contenant.
  • Centralisé – décentralisé.
    • a) Informations et/ou b) ressources et/ou services.
    • Par un intermédiaire.
    • Dans un lieu d’échange (serveur ou espace de gratuité)
  • Symétrie de l’échange (donneur=receveur et réciproquement).
  • Communauté d’échange (quel lien?)
  • Structure temporaire / durable.
  • Lieu virtuel / réel.

Classement des structures

Economie produite par les structures Don traditionnel / professionnel Don communautaire Effets externes Entraide occasionnelle Communauté de pratiques Bien public Réseaux non marchands Culture libre Espaces de gratuité non virtuels Auto-production
Exemples Restos du cœur, secours populaire. Famille, communauté religieuse Utilisation des déchets, récupe. Auto-stop, mendicité, aide entre voisins. Café bricole, groupe de rencontres, de jeux, collectif. Nature, information Réseaux d’hospitalité Wikipédia, logiciel libre Magasins gratuits, boîtes à livres DIY, auto-réparation
Anonyme Oui Non Oui Non Non Oui Non Possible Oui Non !
Centralisé Oui Oui (noël) et non Non (sauf chronologique) Non Ind. Non Oui ou non Non Oui Non
Intermédié Oui Non Non Non Non Non Non Non Non Non
Matériel Oui Indifférent Oui Oui Ind. Oui Oui Non Oui Ind.
Asymétrie Oui Non Oui Oui Ind. Non Non Non Non Non
Contraintes post-échange Oui (implicite : interdiction de revente) Oui (on ne donne pas un cadeau de noël!) Non Oui (implicite) Ind. Non Non Oui Oui (objets nomades)et Non Ind.
Temporaire Indifférent Indifférent Indifférent Oui Ind. Ind. Ind. Ind. Ind. Ind.
Propriété dominante Privée Tous les types (collective, privé, « public ») Incertaine (le déchet est mal défini) Privée Privée ou mutualisation Publique Privée Licence libre Libre, nomade, publique Privée
Droits d’usage Don Divers (prêt, don, partage) Don Divers Partage Acquisition ou usage Ind. Très étendus Ind. Ind.
Rationnement Oui Oui Non Oui Non Non Non Non Non Ind.
Outil convivial Non Oui Non Oui Var. Oui Oui Oui Oui Ind.
Discriminant Oui Oui Oui (culturelle) Oui Var. Non Non Non Non Oui !

Exemple pour l’échange de biens culturels

Type Structures
Economie du don trad. / pro. Education popuplaire
Economie du don communautaire Apprentissages vernaculaire
Economie des effets externes Musique d’un concert au-delà des « murs »
Economie de l’entraide Musique de rue avec chapeau
Economie des communauté de pratiques Groupes de musique, réseau alternatif
Economie du bien public Chant des oiseaux !
Réseaux non marchands Réseaux d’échange pair à pair
Economie du libre Culture libre
Economie des espaces de gratuité non virtuels Magasins gratuits, boîtes à livres
Economie de l’auto-production Répétition, écriture pour soi

Exemples de structures

  • Les restos du coeur. Structure formelle et traditionnelles d’échanges anonymes, intermédiés, discriminants et centralisés. Economie du don caractérisée par une intermédiation professionnalisée, spécialisée selon la catégorie de ressources échangée (vêtements, organes, etc.) avec une discrimination forte envers la catégorie de population autorisée à acquérir les ressources. Outil non-convivial.
  • Structures d’échanges non-anonymes, non-intermédiées, discriminantes et décentralisées. Il s’agit d’une économie du don informelle et structurée sur des réseaux préexistants (dons entre amis, au sein de la famille), les personnes se connaissent avant l’échange. Elle peut se cristalliser lors de rituels ou d’évènements collectifs, comme par exemple Noël.
  • Structures d’échange anonymes, non-intermédiées, non-discriminantes, non intentionnels et décentralisées. On trouve ici toute une économie du don fondée sur la valorisation des externalités de la production ou de la consommation (déchets, etc.)
  • Structures d’échange d’accompagnement du marché (affichages libres, prix, etc.)
  • Communautés de pratique. Nécessaire ou forte réciprocité volontaire (ex : musique), sentiment d’appartenance.
  • Structures d’échange anonyme (ex : le stop, on ne sais pas qui va donner à l’avance).
  • Structures d’échange pair à pair sur support virtuel, comme les réseaux d’échange de fichiers, les réseaux de don
  • Structures d’échange pair à pair dans espace réel : évènements éphémères comme les gratiférias, nouvelles formes de propriété (objets nomades, transferts de prêts, partage d’usage), information libre.

Les espaces de gratuité

Un espace de gratuité est un contenant dont une large majorité des objets présents est considéré comme étant en libre-accès. Ils centralisent des objets à donner. Trois types :

  • Centralisation d’objets matériels.
  • Centralisation d’objets immatériels et d’informations.
  • Centralisation d’informations sur des échanges non-marchands.

Idéal-type : librement ouvert, chacun est libre d’utiliser, prendre, donner les biens et modifier en partie le lieu.

Exemple : boîtes à livres, magasins gratuits, tableaux d’annonces, étendoirs gratuits, dead drop, gratiféri’art, etc. Ou bien spécialisation par modalité d’échange : prêt, objets nomades.

Classement des réseaux non-marchands ou structures selon le degré d’ouverture

Contribution ouverte Non Oui Oui Oui Oui Oui
Aucune action supplémentaire requise Non Non Oui Oui Oui Oui
Statut des biens immatériels permissif (usage, modification, redistribution, revente) Non Non Non Oui Oui Oui
Usage libre de la base de données (téléchargeable, modifiable) Non Non Non Non Oui Oui
Usage de l’outil d’échange libre et ouvert Non Non Non Non Non Oui
Exemples Geoportail Facebook, Couchsurfing Boockcrossing Ex : GitHub (projet « scindé ») Falling fruit OpenStreetMap, Wikipédia

Évolution

But : Tour d’horizon de l’évolution récente de l’économie non-marchande

Essor de l’économie non-marchande

L’évolution de l’ENM est contrastée en fonction des sous-catégories. Mais on peut repérer quelques tendances.

Structures

  • réseaux non-marchands (couchsurfing, freecycle)
  • espaces de gratuité
  • qualitative des techniques permettant la gestion et l’optimisation des échanges

Flux

  • ressources disponibles sous des statuts non-marchands (ex : culture libre, boîtes à livres, réseaux de prêt, réseaux d’hospitalité).

« non-marchandistes » durables ou occasionnels (extension par profil sociologique ?).

  • secteurs d’activités (flagrant dans le logiciel libre et dans les réseaux non-marchands. Idem pour .
  • adhésion idéologique.
  • échanges – on ne dispose que de données sectorielles : ↗ auto-production, ↗ culture libre, ↗ échanges dans les réseaux.

Exemples

  • Bookcrossing (livres en libre circulation) : 2 Millions de BookCrosseurs et 12 M livres en train de voyager dans 132 pays (2019)
  • Wikipédia : 300 000 utilisateurs actifs et 49 M d’articles encyclopédiques (2019).
  • Matériel libre : Arts plastiques, Imprimantes 3-D, Moyens de transport, Outils d'agriculteur, bateaux, Aérien, Habitat, Ameublement, Appareil électronique grand public, etc.

Fonctionnement

But : Hypothèses et observations sur le fonctionnement de l’économie non-marchande

Comment l’économie non-marchandefonctionne-t-elle ? (plan)

  • Incitation, moteur
    • Principe de réciprocité indirecte (par le réseau). Nécessite la symétrie réelle ou anticipée.
    • Inversion ou interchangeabilité des rôles (nécessite l’ouverture de la production) : pousse à améliorer l’outil en tant qu’usager.
    • Motivations intrinsèques à l’activité, en particulier dans le DIY et dans les communautés de pratique. Motivation parfois extrême comme dans Wikipédia ou les réseaux sociaux ! Dans les projets open source, on cherche à créer et développer des communautés de pratique.
    • Absence de coût dans l’échange (« ça ne coûte rien de donner ou très peu », biens inutilisés proposés à prêter).
    • Le plaisir et l’éthique du don (et de la réception!)
    • Lutter contre les freins psychologiques..
  • Financement
    • Financement par l’économie du don.
    • Directe (demande de financement aux contributeurs/usagers :
    • Indirecte : synergie par types de ressources / par activités / par nombre de personnes (effet réseau), viralité de certains objets (information, bookcrossing). Cette synergie est supposée suivre un cercle vertueux. Au fur et à mesure que l’économie du don croît, il devient possible de réduire les échanges marchands et accroître les échanges non-marchands.A un niveau plus restreint, les différents processus et ressources d’une organisation obéissent au même principe. Par exemple, dans un magasin gratuité, les ressources sont données, puis certaines sont réparées dans des ateliers gratuits et ouverts, puis mises en prêt gratuit Dans l’auto-production, les informations en libre-accès jouent également un rôle important..
    • Financement par l’absence de coûts ou le très faible coût
    • Simplicité volontaire (très peu de frais).
  • La satisfaction des besoins des usagers/contributeurs.
    • Libre accès et ouverture de l’outil de production (moins de perte par sous-consommation, plus de facilité à acquérir les ressources).
    • Aller vers l’abondance naturelle d’un bien (choix des techniques).
    • Recours à l’auto-production, à la réparation des objets.
    • Optimiser les biens en multipliant les usages (prêt).
  • Maintien de la qualité.
    • Des techniques d’évaluation et d’amélioration de la qualité très différents sont mis en place (ex : wikipédia).
    • Accroissement quantitatif entraîne mécaniquement une hausse des contributeurs qui gèrent le niveau de qualité.
  • Coordination
    • Recours fréquent à des formes d’action collective non-autoritaire, favorisant l’investissement et la participation
    • Surfent sur les vides juridiques.
  • Dysfonctionnements, déclin
    • Baisse des contributions,
    • Manque de financement, manque de continuité.

Incitations

  • Principe de réciprocité indirecte, par le réseau ou dans l’échange
  • Inversion ou interchangeabilité des rôles (nécessite l’ouverture de la production) : pousse à améliorer l’outil en tant qu’usager
  • Motivations intrinsèques à l’activité, en particulier dans le DIY et dans les communautés de pratique
  • Absence ou très peu de coût dans l’échange
  • Le plaisir et l’éthique du don (et de la réception!)
  • Engagement idéologique

Financement

Financement par l’économie du don.

  • Directe (appel à contribution, crowdfunding).
  • Indirecte (usage de ressources en libre-accès) grâce à l’économie non-marchande. Par exemple, un site web comme nonmarchand.org fonctionne grâce à des hébergeurs libres, des contributions gratuites et des logiciels libres. Aucun coût.

Effet de synergie : plus il y a de ressources librement accessibles en input, plus il est facile d'en proposer en output.

Recherche de dispositifs avec absence de coûts ou avec un très faible coût (pas de maintenance, très peu d’intermédiaires, bien moins de coûts superflus que dans l’économie non-marchande : pas de pub, de marketing, de coûts d’organisation, de coûts de transaction, pas d’étude préalable, etc…). On peut par exemple opposer les boîtes à dons payées par la ville de Paris, très, très cher, et les boîtes à don qui émanent de citoyens.

Le coût est dispatché entre les personnes qui échangent. C’est typique dans les réseaux P2P ou les darknet. Ce processus peut très bien s’appuyer sur la propriété privée. L’idée est aussi d’utiliser les ressources déjà présentes sur un territoire, comme par exemple dans les médiathèques en réseau.

Principe de simplicité volontaire. C’est le cas par exemple de l’éthique hacker dans la culture libre. Les techniques doivent être simples, robustes, faciles à comprendre et sans « chichi ». Recours également au principe du low-tech.

Besoins et qualité

La satisfaction des besoins des usagers/contributeurs.

  • Libre accès = très bonne disponibilité.
  • Ouverture de l’outil de production permet de l’adapter aux besoins.
  • Maximiser la disponibilité d’un bien.
    • Choix de techniques qui la favorisent (low-tech, biens durables…).
    • Recours à l’auto-production, à la réparation des objets.
    • Optimiser les biens en multipliant les usages (prêt).
    • Améliorer la localisation des ressources déjà disponibles, et encourager leur mise
  • Maintien de la qualité.
    • Des techniques d’évaluation et d’amélioration de la qualité très différents sont mis en place (ex : wikipédia).
    • Des boucles rétroactives. ↗ nombre et diversité des contributeurs ⇒ ↗ qualité ⇒ ↗ nombre et diversité des usagers (du fait de la symétrie) ⇒ ↗ nombre et diversité des contributeurs.

Coordination

  • Recours fréquent à des formes d’action collective « non-autoritaire », favorisant l’investissement et la participation
  • Surfe sur les vides juridiques. Ce qui permet le règlement des problèmes au cas par cas.

Règles normatives, légitimation : exemple de la grainothèque

[LA GRAINOTHEQUE : POURQUOI ?

Pour la gratuité dans un monde où tout s'achète / Le partage est une manière économique, libre et solidaire de faire (re)découvrir les trésors de la nature à nos enfants, à nos voisins... Alors que les graines reproductibles abondent dans nos jardins, les semences hybrides de l'industrie semencière constituent un véritable racket annuel des paysans et jardiniers. / Pour la liberté d’échanger et de reproduire nos graines / Le geste de l’échange est déjà interdit chez nos paysans et nombreux sont les projets de lois qui menacent sans cesse notre biodiversité cultivée. Ce geste a pourtant bâti la diversité des semences depuis des millénaires. / Pour un entretien citoyen de la biodiversité cultivée / Mauvaise nouvelle, l’héritage de notre biodiversité est déjà perdu à 75% selon la FAO, détruit par une industrie qui nous impose un nombre toujours plus restreint de variétés. Avant que d’autres ne tombent dans l'oubli et disparaissent, c'est à nous de les entretenir ! / Pour des semences adaptées à notre territoire / Des semences standardisées réclament des conditions standardisées, à grand renfort d’engrais et pesticides, et ne sont plus adaptées aux différents territoires. Retrouvons localement les variétés adaptées et partageons-les ensemble ! / Pour tous, parce que les semences concernent chacun d'entre nous / Pour se réapproprier la question de la semence, échanger les savoir-faire. Prenez des graines, reproduisez-les pour en déposer à votre tour et reprenons en main notre héritage !

[LA GRAINOTHEQUE : COMMENT ?]

Quelles graines et variétés partager ? / Toutes les graines : légumes, fruits, fleurs. Ramenons au jardin la plus grande biodiversité possible ! Les variétés anciennes, les variétés traditionnelles de nos terroirs sont les plus en péril. Ensemble nous pouvons préserver et faire vivre ce patrimoine en proie à l’homogénéisation et à l'agriculture monoculturale intensive. A savoir que la plupart de nos légumes, même en bio, même au marché, même en AMAP, même les fleurs des fleuristes sont la plupart du temps des hybrides F1 dont les graines donnent des plantes qui dégénèrent ! Dans le doute, il vaut mieux s’abstenir. / Comment faire ses graines ? C’est très simple mais il est important de savoir comment faire ! On trouve rapidement ces informations sur internet : très facile : tomate, salade, haricot, la plupart des fleurs annuelles - avec techniques simples : la grande famille des courges - plus compliqué : choux, les bisannuelles comme la plupart des légumes racines (carottes, betteraves, etc.) Ensuite, il faut bien faire sécher les graines avant de les ensacher, noter la variété, lieu et date de récolte, et quelques conseils pratiques (période de semis, etc.) Comment faire pour participer? Les semences de la boite sont libres, vous pouvez vous servir ! Ce geste vous incitera peut être à participer car la démarche est beaucoup plus simple que l’on croit et très ludique. Faîtes participer les enfants ! Assurez-vous pour le bien être de tous, de : - n'utiliser aucun engrais chimique : le bio c'est si bon ! - ne pas introduire de semences hybrides F1 (non reproductibles). Vous pouvez alors les déposer dans la grainothèque. Vous trouverez aussi des ateliers près de chez vous pour apprendre et en savoir plus.

Enjeux et perspectives

But : exposer quelques enjeux et perspectives liées à l’essor de l’économie marchande

Pourquoi l’économie non-marchande ?

  • Libertés individuelles
  • Impact environnemental
  • Simplicité volontaire
  • Impact « économique »
  • Impact social
  • Réduire la part du marché

Comment contribuer, quelles politiques possibles ?

Pauvreté volontaire (réduire les désirs)

  • Aller contre les croyances négatives
  • Lutter contre les politiques visant à éliminer la pauvreté sans remettre en cause l’origine institutionnelle de la pauvreté : monopole radical de l’échange marchand et de la propriété privée sur certaines ressources, action des institutions de lutte contre la pauvreté qui visent exclusivement à réinsérer par le haut les populations cibles dans le travail, la propriété ou le marché (paradoxe).
  • L’accès aux ressources primaires doit être amélioré.
    • Par l’économie non-marchande
    • Par la défense des libertés fondamentales (droit à se nourrir, à faire un feu, à camper, à utiliser les ressources de la nature, à se loger dans des habitats légers, etc.).
    • Par la redistribution obligatoire, en tant qu’elle compense l’exclusion produite par le marché.

Substitution (adapter les désirs)

  • Changer nos croyances pour valoriser des ressources librement accessibles
  • Choisir des ressources adaptables, plus simples (pas d’hyper-spécialisation).

Autres mesures…

L’auto-production (satisfaire soi-même ses désirs)

  • Valoriser l’auto-production, complètement négligée dans les politiques officielles contre la pauvreté.
  • Améliorer la disponibilité des biens : informations libres, récupe.
  • Réduire le recours au travail marchand en améliorant la disponibilité des ressources non-marchandes.
  • Penser aux effets d’apprentissage : on s’améliore au fur et à mesure
  • Favoriser les communautés de pratiques.

Disponibilité des ressources (satisfaire ensemble nos désirs)

  • Multiplication des usages partagés (prêt)
  • Multiplication et perfectionnement des structures d’échange (espaces de gratuité, réseaux d’échange non-marchand, plateformes de stop). Un magasin gratuit dans chaque village et dans chaque quartier !
  • Multiplication des échanges qui permet l’apprentissage de la gratuité, du don, et de la symétrie des échanges
  • Techniques qui facilitent l’action à plusieurs plutôt que la passivité du consommateur (possibilité de s’investir dans le processus productif), qui permettent d’avoir davantage d’abondance (moins d’obsolescence programmée, par exemple), de faciliter la réparation.
  • Améliorer des paramètres qui jouent sur la disponibilité et sur le choix : localisation des biens, connaissance d es statuts, connaissance des stocks réellement disponibles.

Les termes du débat

Pro-non-marchand

  • Alter-marchand. L’essor et l’expansion de l’ENM est perçue comme positive. Toutefois, elle peut se faire en parallèle du marché et en complémentarité avec lui. Défense d’une position modérée : augmentation des échanges ex-post et surtout des ressources disponibles pour l’ENM (statuts).
  • Anti-marchand. L’ENM doit remplacer l’EM.

Anti-non-marchand

La croissance de l’économie non-marchande peut être appréhendée comme une menace, par exemple, comme la marque d’une précarisation croissante.

Argument pro-non-marchands

Sur le plan des libertés individuelles

  • Liberté de pouvoir accéder aux ressources et de pouvoir faire davantage de choses (améliore l’accessibilité des ressources).
  • Liberté en soi de pouvoir échanger sous une autre forme.
  • Possibilité de s’émanciper du marché et des servitudes liées au travail (accroissement des échanges non-marchands conduit à moins de travail ?).

Impact environnemental

  • Idem que pour le marché de l’occasion (moins de production, moins de destruction)
  • Coût de fonctionnement et coûts de transaction absents ou très faibles (simplicité volontaire).
  • Seuil de don < seuil de vente
  • Incitation plus forte à récupérer (moins cher)
  • Amène à repenser notre rapport aux objets superflus (expérience vécue)
  • Prêt optimise les usages d’un bien.

Simplicité volontaire

  • L’échange non-marchand est beaucoup plus simple dans sa réalisation. Il nécessite très peu « d’information grise ».

Décroissance

  • Il n’y a pas forcément de lien entre les deux projets de société.

Impact « économique » favorable dans certains cas

  • Centres villes ?
  • Villages en déclin ?

Impact social

  • Aide plus directe et plus valorisante pour les personnes défavorisées (possibilité de participer et de maintenir un lieu), moins ressentie comme une domination (d’ailleurs, les zones de gratuité sont initialement parties des squats).

Réduire la part du marché dans les échanges économiques

Arguments anti-marchands

Les critiques sont nombreuses ! Distinguons :

  • Les critiques partielles. Elles se focalisent sur des secteurs d’activité précis : sexualité, éducation, culture.
  • Les critiques totales. Est visé le modèle « étatico-marchand » (propriété privée, impôt, échange marchand, travail…). Sous deux aspects.
    • Le « monopole radical » de l’économie marchande et coercitive qui :
      • Impose la satisfaction de besoins illimités par l’achat, la rémunération contrainte ou l’usage payant de ressources ou de services à haute intensité technique, à des organisations détenant un quasi « monopole sur les outils de production ». D’où une appropriation quasi totale des ressources, et l’impossibilité de se représenter un monde hors marché. L’aspect coercitif et totalitaire se renforce quand le groupe qui détient les ressources est celui qui dispense les moyens d’y accéder (formes légitimes, salaires). Plus « d’échappatoire ». Par exemple, l’école, la médecine ou la grande industrie, le travail.
      • Fonctionne grâce à un appareil étatique extrêmement puissant qui assure la redistribution des ressources par la force, l’exécution des contrats, le contrôle et le quadrillage des populations exclues. Ces institutions une fois en place, entrent dans une logique de dépendance inflationniste. Elles doivent continuer à entretenir une population cible (population « d’usagers » pour justifier le fait qu’elles piochent une part du gâteau. Ou par effet d’annonce, demander davantage de ressources pour éviter d’être rationnées.
    • Les effets indésirables. Externalités négatives, coûts superflus (marketing, administration, coûts de transaction, publicité, etc.), production et consommation superflues (société de consommation), baisse des libertés dû à la coercition et à l’exclusion, problèmes de la propriété privée et du monopole du marché pour l’entretien et la réutilisation des biens à faible valeur, passivité chez le consommateur qui se voit dérober toute ses capacités et ses compétences à vivre par lui-même, critique du travail.

Ces aspects se retrouvent dans les « alternatives marchandes ». L’ESS n’obéit pas à des logiques fondamentalement différentes du marché conventionnel. Les différences portent davantage sur le bien-être du consommateur et du producteur. L’appropriation est toutefois relative dans les structures de l’ESS. Les SEL importent l’idéologie professionnelles, voire l’étendent aux compétences individuelles. Le commerce local et équitable génèrent les même problèmes, économie collaborative, pas de différences notables).

Arguments anti-non-marchands

Barrières idéologiques (frein au développement). Souvent les mêmes arguments que dans la défense des libertés individuelles (rhétorique réactionnaire).

Contestation de la réalité ou de l’ampleur d’une telle économie.

  • Elle n’existe pas !
    • Rien n’est vraiment gratuit (trompeuses apparences).
    • Elle n’est nulle part observable.
  • Elle ne peut fonctionner que dans des environnements socio-techniques très particuliers, comme l’économie culturelle.
  • Elle doit se limiter à une seule forme d’échange non-marchand : l’économie de la redistribution.
  • Sans incitation marchande, pas de production, pas d’innovation (exemple : biens culturels). N’est pas sans rappeler des arguments pro-esclavagistes !
  • Gratuité (= revente) = pillage des ressources = consommation illimitée.

Elle génère des effets pervers.

  • Elle est injuste, dangereuse.
  • Elle conduit à la paresse.
  • Elle conduit à la négligence (un bien acquis par le don est menacé de dégradation ! le raisonnement confond modalité d’échange et modalité d’appropriation).

Rapport au marché.

  • Elle est sous-efficiente.
  • Elle ne fonctionne que grâce à l’abondance permise par le marché.
  • Elle concurrence le marché : concurrence déloyale.
  • Trop d’ouverture n’est pas bon : problème de la revente.

Pourquoi se diriger vers moins de marché ?

Dans de nombreux domaines, le marché n’est pas dominant, et pourtant, les échanges fonctionnent bien : dons de sang, culture, sexualité.

Dans d'autres, le « monopole radical » de l’économie marchande et coercitive :

  • impose la satisfaction de besoins illimités par l’achat, la rémunération contrainte ou l’usage payant de ressources ou de services à haute intensité technique, à des organisations détenant un quasi « monopole sur les outils de production ». D’où une appropriation quasi totale des ressources, et l’impossibilité de se représenter un monde hors marché. L’aspect coercitif et totalitaire se renforce quand le groupe qui détient les ressources est celui qui dispense les moyens d’y accéder (formes légitimes, salaires). Plus « d’échappatoire ». Par exemple, l’école, la médecine ou la grande industrie, le travail.
  • Fonctionne grâce à un appareil étatique extrêmement puissant qui assure la redistribution des ressources par la force, l’exécution des contrats, le contrôle et le quadrillage des populations exclues. Ces institutions une fois en place, entrent dans une logique de dépendance inflationniste. Elles doivent continuer à entretenir une population cible (population « d’usagers » pour justifier le fait qu’elles piochent une part du gâteau. Ou par effet d’annonce, demander davantage de ressources pour éviter d’être rationnées.
  • Génère des effets indésirables. Externalités négatives, coûts superflus (marketing, administration, coûts de transaction, publicité, etc.), production et consommation superflues (société de consommation), baisse des libertés dû à la coercition et à l’exclusion, problèmes de la propriété privée et du monopole du marché pour l’entretien et la réutilisation des biens à faible valeur, passivité chez le consommateur qui se voit dérober toute ses capacités et ses compétences à vivre par lui-même, critique du travail.

Ces aspects se retrouvent dans les « alternatives marchandes ». L’ESS n’obéit pas à des logiques fondamentalement différentes du marché conventionnel. Les différences portent davantage sur le bien-être du consommateur et du producteur. L’appropriation est toutefois relative dans les structures de l’ESS. Les SEL importent l’idéologie professionnelles, voire l’étendent aux compétences individuelles. Le commerce local et équitable génèrent les même problèmes, économie collaborative, pas de différences notables).

Quelques problématiques

Relation Statut / Echanges réels.

  • ↗ quantité de biens et services disponibles sous un certain statut ⇒ ↗ quantité d’objets effectivement échangés avec le statut correspondant ? La relation n’est pas évidente. Le développement de l’économie du logiciel libre a montré que la relation n’est pas mécanique.
  • Evolution du ratio (SNM / SM) - services ? Biens proposés sous un statut non-marchand / biens proposés sous un statut marchand.
  • Déterminants du rapport entre le statut et la probabilité d’échange effectif. Passage de l’intention à l’échange. Effet d’imitation ? Effet de persuasion ?
  • Rapport entre les dynamiques (succession au cours de l’existence d’un bien, « statutaire », « des états successifs du bien », des types d’échange, des usage (quantité d’usage) et les caractéristiques socio-techniques de la catégorie du bien. Par exemple, les objets physiquement durables et/ou partageables, donnant lieu à peu d’usage, sont-ils davantage prêtés ?
  • Evolution des statuts (disponibilité).

Effets de synergie.

↗ quantité et diversité de personnes ⇒ ↗ quantité de biens et de services disponibles ⇒ ↗ quantité et diversité de personnes

Relations ENM / EM

Evolution du ratio EM/ENM dans une économie sur une période donnée.

↗ ENM ⇒ ↘ EM ? Ou au contraire, la relation est inversée ou non reliée. La quantité d’échanges non-marchands est en effet potentiellement très grande. Idem pour l’auto-production ? Et ↗ AP ⇒ ↘ EM ? A-t-on aussi ↗ ENM ⇒ ↘ AP ou la relation inverse du fait de la disponibilité gratuite de certaines ressources fondamentales (tutoriels par exemple).

Vue du point de vue objetal, répondre à l’argument de la vente mais à d’autres idées, par exemple, une augmentation du nombre d’usages ou d’échanges nm dépend-elle de la quantité de biens disponibles. Un effet de rareté a-t-il pour effet d’augmenter la quantité de ressources prêtées ? La quantité d’usage dépend-elle de la durabilité, du type d’objet, idem pour la quantité d’ENM.

Accroissement des échanges entre personnes, entre biens, permet d’avoir moins recours à l’e m. Ceci est vrai pour l’auto-production. Disponibilité d’usage. d’où l’intérêt du prêt.

Indépendance / Extension illimitée des échanges / Usages illimités.

Relation Quantité usage / Augmentation optimum d’usage

Evolution des usages / nombre de biens présents dans une économie (prêt).

Relations Représentations collectives / Echanges et statuts

Quelle transformation des représentations  ? L’augmentation des échanges non-marchands peut-elle impacter sur les représentations qui vont augmenter les échanges non-marchands ?

Relation technologie / Ratio ENM / EM

Evolution des techniques..

L’augmentation des échanges non-marchands suppose-t-elle le choix de certaines technologies ?

Accroissement des usages permet-il de réduire le recours au marché et au travail marchand ?

Evolution du cycle des objets. Hérédité des statuts ?

Accroissement des échanges entre personnes, entre biens, permet d’avoir moins recours à l’e m. Ceci est vrai pour l’auto-production. Disponibilité d’usage. d’où l’intérêt du prêt.

Quelle transformation des représentations ?

L’explosion des réseaux spécialisés

  • Par activité
  • Adhésion croissante des personnes.
  • Nombre d’échanges.

La multiplication des espaces de gratuité

La culture libre et l’internet

Vecteurs de la gratuité immatérielle, du DIY et d’une autre manière d’appréhender la gratuité ?

Questionnements macro-économiques

  • Evolution du ratio EM/ENM sur une période donnée ?
  • Evolution des usages / nombre de biens présents dans une économie (prêt).
  • Evolution du cycle des objets. Hérédité des statuts ?
  • Indépendance / Extension illimitée des échanges / Usages illimités.
  • Evolution des techniques.
  • Evolution du nombre de personnes.
  • Evolution des statuts (disponibilité). Nécessite de prendre en compte le passage de l’intention à l’échange. Effet d’imitation ?
  • Lien entre les variables (S EM/ENM) ?
  • Nombre de personnes : augmentation de l’effet réseau ?
  • Nombre d’objets et de services : augmentation de l’effet réseau ?

Conclusion

Que sera le monde dans 30 ans ?

Ce ne sera probablement pas un monde où le marché aura disparu. Et ce n’est pas souhaitable car chacun a le droit d’échanger comme il le souhaite.

Mais justement, si nous devons pouvoir le faire selon notre modalité d’échange favorite. On doit, quand on veut réaliser une activité ou utiliser un bien, pouvoir le faire librement. Donc, si tous les biens ne peuvent être gratuits, il faut pour chaque catégorie de biens, une partie d’entre eux soit accessible librement et donc, gratuitement. C’est le principe de l’équivalent gratuit.

Et cela ne doit pas concerner que la culture et les logiciels. Cela doit concerner toutes les ressources, toutes les activités. Et cela doit aussi concerner chacune et chacun d’entre nous. C’est réalisable si on cesse de croire qu’acheter est la seule façon possible d’obtenir ce que l’on veut. Et pour cela, il n’y a qu’un seul pas à faire. Vous prenez une caisse comme celle-ci, vous la déposez devant chez vous, et vous écrivez dessus, « prenez, déposez, vous êtes libres ». Et voilà. C’est un tout petit acte. Tout simple, qui ne coûte rien, mais les conséquences en seront énormes. Quelque part, dans l’immensité du monde, il y aura ce petit espace où, pour une fois, le marché aura perdu. Il aura cédé la place à autre chose. Quelque part, sur la planète terre, il y aura une anomalie. Un petit coin de paradis, où pour une fois, c’est la liberté et la générosité qui auront triomphé.

Bibliographie indicative

Ouvrages

  • Anderson, Free ! Entrez dans l’économie du gratuit, Pearson, 2009
  • Anscombe G. E. M., L'intention, Gallimard, 2002.
  • Cérézuelle Daniel, « Autoproduction et développement social », Hermès, n°36, 2003, p. 101-103.
  • Coase Ronald, The nature of the frm, 1937. Texte en ligne : <http://staf.bath.ac.uk/msbrd/mang0094/Coase(1937).pdf>
  • Godbout Jacques, L'esprit du Don, Paris, La Découverte & Syros, 2000.
  • Godelier Maurice, L'énigme du don, Flammarion, 1996.
  • Grassineau Benjamin La dynamique des réseaux coopératifs, L'exemple des logiciels libres et du projet d'encyclopédie libre et ouverte Wikipédia, thèse de doctorat, Paris-Dauphine, 2009.
  • Illich Ivan, Oeuvres complètes, Volume1, Fayard, 2004.
  • Lafont Jean-Jacques, Fondements de l’économie publique, Economica, 1988
  • Schütz Alfred, Éléments de sociologie phénoménologique, Paris, L'Harmattan, 1998.

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