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Il n'y a pas de Marché heureux !

Auteurs: Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique)
Création de l'article: Novembre 2015
Etat de la rédaction: finalisé
Droit de rédaction: ouvert
Licence: Licence culturelle non-marchande


Création de la page: 27 mai 2016 / Dernière modification de la page: 25 avril 2024 / Créateur de la page: Benjamin Grassineau



Résumé:






Les partisans de l'économie sociale et solidaire, ou encore des mystérieuses « économie du partage » et « consommation collaborative », ou du schizophrénique prix libre1, sont embourbés dans une contradiction indépassable. Ils prétendent lutter contre le Marché, la marchandisation, le capitalisme sauvage, l'égoïsme forcené des consommateurs, etc, etc., tout en ayant des pratiques qui sont, à peu de choses près, exactement les mêmes que celles qu'ils dénoncent.

Le programme des marchands d'alternatives : dénoncer le Marché de l'intérieur

Reprenons. Dans leur vision étriquée du monde, pour faire vite, le Marché est le grand Satan2.

Soit. Admettons !

Seulement, au nom d'un soi-disant « réalisme », ils se sont auto-convaincus qu'il est impossible, puéril, de vouloir combattre de front ce mal abominable ; ou plutôt, cette gangrène noirâtre qui, dans leur conception manichéenne, détruit l'environnement, déstructure le lien social, et plonge dans les ténèbres de la misère des populations entières. En somme, ils honnissent le Marché, mais plient l'échine devant son bâton, tant ils se sont intimement persuadés qu'il n'est d'autres voies possibles. Amen.

Eh oui ! Hélas ! Les capitalistes sont de grands méchants, mais il faut bien vivre. Dès lors, leur projet résiduel, une fois leurs idéaux abandonnés, devient bien terne. Il consiste à humaniser ce Marché désenchanté, à le transformer de l'intérieur pour le rendre plus cool, plus serein, moins violent, plus hype..., sans nullement remettre en cause ses fondements.

Partant de ce programme, qu'ils ne se donnent même pas la peine de dissimuler, tous les moyens sont bons pour rameuter la foule.

  • L'environnement ? Trop top. Car c'est bien connu, le covoiturage, les entreprises à vélo, les coopératives sont des aubaines pour la planète.
  • La précarité économique, la misère et les inégalités dans la redistribution des revenus et du patrimoine ? Rayées d'un trait par le miracle des coopératives ou de l'économie associative - héritières lointaines du défunt solidarisme, du marxisme, du fouriérisme, etc.
  • La précarité sociale ? Elle n'est plus qu'un lointain souvenir. Car c'est un fait : les SEL créent et renforcent le lien social dans des sociétés frappées de plein fouet par une anomie galopante.
  • Les manquements à l'éthique, le poids de la hiérarchie ? Effacés par l'horizontalité qui se perd à perte de vue dans l'horizon numérique de l'économie collaborative et des coopératives !

En résumé, ces économies marchandes alternatives sont des solutions miracles. Elles sont présentées par leurs promoteurs comme les seules voies possibles pour remédier aux durs maux qui plombent l'avenir de l'humanité, tout en préservant le sacro-saint Marché !

Mais qu'en est-il en vrai ?

Le mythe des effets bénéfiques sur l'environnement

Commençons par l'environnement.

N'en déplaise à Mère Gaïa, il est bien difficile de déduire quoi que ce soit de l'action de ces austères marchands de l'économie marchande alternative !

Le covoiturage ?

Un exemple. Le fameux covoiturage qui fait consensus un peu partout - des vieux gauchistes de l'ESS aux ultra-libéraux de l'économie du partage -, est-il écologique ? Minimise-t-il la pollution ?

Pour le savoir, il faudrait disposer d'un indicateur fiable et universel de la pollution. Mais c'est peine perdue ! Et cela même en se focalisant sur une seule forme de pollution. Par exemple, concernant les classements à la mode des moyens de transport en fonction des émissions de CO2, c'est l'anarchie ! Certes, il y a quelques tendances de fond : la fusée pollue beaucoup, la marche à pied, très peu - encore qu'avec tous les accessoires gavés de pétrole vendus chez Décathlon, on ne sait plus trop... Mais dans l'ensemble, c'est la jungle3.

Car trop nombreuses sont les « variables cachées » :

  • l'énergie grise nécessaire à l'existence des infrastructures,
  • la dangerosité, la faisabilité du déplacement peut rendre les comparaisons hors de propos, le déplacement en valeur absolue autorisé par le moyen de transport - est-il pertinent de comparer le maigre kilomètre de marche par jour avec les 10 000 km en avion en un jour4 ? -, la vitesse, les possibilités techniques (aller sur la lune à pied reste encore très difficile...),
  • l'optimisation du véhicule de transport, le nombre de personnes moyennes par kilomètre parcouru - à ce titre, le vélo arrive loin devant, puisqu'on peut y grimper à 105,
  • la quantité globale de déplacements - sur l'ensemble de la planète - pour une période donnée, etc.

Revenons dans cette optique, au covoiturage. Sans qu'il soit nécessaire d'entamer une fastidieuse métanalyse, nombre d'indicateurs convergent sur le fait que la voiture est l'un des moyens de transport les plus polluants - et probablement l'un des moins libres6. Donc, en terme de bénéfices sur l'environnement, on en reparlera. Mais l'argument des marchands de covoiturage est plus subtil :

Certes, la voiture pollue, mais le covoiturage, et plus généralement, le partage, limite cette pollution en évitant des trajets peu optimisés.

Il est à noter que c'est, à ma connaissance, le seul argument concret en faveur de l'impact environnemental de ces économies marchandes alternatives. Tous les autres arguments s'appuient sur un lien de causalité supposé entre recherche de profit et pollution, et sont, à ce titre, grandement hypothétiques. L'Etat, par exemple, qui est mû par d'autres intérêts, possède une puissance destructrice sur l'environnement tout aussi considérable !

Car indéniablement, l'argument est parlant, et, honnêtement, j'y ai longtemps souscrit. Il est vrai que les voitures vides sont très énervantes, surtout quand on fait du stop ! Mais hélas, problème ! Ceci n'est vrai que toutes choses égales par ailleurs. Lorsque la variable remplissage des voitures se modifie, il n'est pas impossible qu'elle impacte sur la variable déplacement total, dans la mesure où elle réduit le coût financier des déplacements7. Certes, je ne dispose pas de données sur l'élasticité de la demande de déplacement, mais si je me fie à mon expérience, la baisse du prix de certains modes de transport tels que le covoiturage et le transport aérien low cost, m'a fortement incité à les utiliser.

Il se trouve que désormais, je suis tellement fauché - vive la pauvreté volontaire ! - que je préfère le stop. Mais bon ! Cela ne change pas la donne. Le covoiturage, dans le fond, ce n'est qu'une aubaine pour continuer à polluer davantage à moindre frais - ou plutôt, en se partageant les frais entre pollueurs volontaires ! Las ! Ceux qui ne pouvaient pas polluer, faute de moyens, peuvent désormais participer à ce grand projet collectif ! C'est beau le progrès !

Et c'est une différence de fond avec le stop. Le stop ne modifie pas les frais supportés par le conducteur - ou très peu. Il n'a donc pas un effet incitatif sur les déplacements de véhicule. On a jamais vu la SNCF affréter un nouveau train parce que des resquilleurs ont décidé de se rendre en masse à Hyères-Les-Palmiers ! Le stop - et plus généralement la récupe - optimise l'usage d'une ressource qui a déjà été produite.

Dit autrement, et en généralisant, l'économie marchande du partage a un effet dopant sur la croissance, sur la production de nouveaux produits, de nouveaux services. En ce sens, elle contribue à augmenter la pollution.

Bien sûr, je n'affirme pas qu'il ne faut pas se déplacer, mais seulement que le covoiturage, et nombre de services du même type, sont en réalité polluants, puisqu'ils poussent à augmenter la consommation et favorisent des modes de consommation intrinsèquement polluants.

Et le colavage ?

Pour autant, on peut rétorquer que ce n'est pas le cas pour tous les biens. Par exemple, la location entre particuliers de l'usage de sa machine à laver, n'a très certainement que peu d'impact sur la consommation globale de lavages.

Peut-être. Mais cet exemple amène surtout à se poser une question plus générale : quelle est la différence avec le Marché classique ? Qu'y a-t-il d'alternatif à vendre l'usage de sa machine à laver ? Et comment mesurer l'écart entre l'impact environnemental d'une personne qui va à la laverie du coin et d'une autre qui loue la machine de son voisin ? Entre les déplacements, les économies d'échelle... il me paraît vraiment difficile d'arriver à une conclusion définitive et incontestable, du point de vue environnemental tout au moins. Un mode de lavage « décentralisé » est-il plus écolo qu'un mode de lavage « centralisé » ? En sachant qu'une autre difficulté existe : le transfert de monnaie de pair à pair a peut-être un effet dopant sur la consommation, donc, sur la croissance - via un effet keynésien. J'avance ici une hypothèse. Mais en quoi la redistribution vers des ménages de revenus moyens à faible est-elle contraire à la croissance économique ? D'autant plus que ces revenus sont rarement déclarés. Ils doivent donc doper la consommation des ménages. Tandis que l'usage des laveries aurait plutôt tendance à doper l'épargne. Ce ne sont que des hypothèses, mais on aurait tort de les écarter trop rapidement.

Il pourrait certes y avoir un effet dépressif sur l'achat de machines à laver. Mais celui-ci est grandement hypothétique. Pour une raison simple. Le fait d'avoir une machine à laver à domicile est un avantage pour l'usager. Dans le cas contraire, tout le monde irait à la laverie !

Plus généralement, cela soulève le délicat arbitrage entre a/ l'achat d'un service à un particulier, b/ l'achat du même service à un « professionnel » ou c/ le recours à l'auto-production. Qu'est-ce qui détermine ce choix ? Je ne saurais le dire. Il existe peut-être un ou plusieurs principes généraux (le prix, les coûts de transaction, le désir d'autonomie, etc.), mais ce qui me semble évident, c'est qu'il n'y a rien de neuf sous le soleil... Faire bosser un copain (ou un sans-papier...) au noir, faire appel à un artisan déclaré ou monter sur le toit pour réparer sa toiture ? Voilà un vieux dilemme ! En quoi l'économie collaborative change-t-elle la donne ? Peut-être Internet accroît-il le volume des échanges au black, en facilitant l'évasion fiscale, les échanges marchands directs et non déclarés, et en facilitant l'échange d'informations ; mais cela produit-il un changement qualitatif significatif ?

L'obscur lien social

Bien que le concept commence à être un peu démodé, le lien social a longtemps fait partie de ces langages totalitaires auxquels ont ne pouvait se dérober sous peine de voir ses subventions fondre comme la neige au soleil. Je ne m'attarderai pas trop sur la question car je l'ai déjà traité dans un autre article à propos des SEL8 ; mais je reviens dessus rapidement en ce qui concerne l'économie sociale, les coopératives et l'économie du partage.

D'abord, un petit rappel historique, pourquoi le lien social rencontre-t-il encore un tel succès chez les promoteurs de l'économie marchande alternative ? Brièvement, j'avancerai deux hypothèses.

  • Premièrement, c'est un concept passe-partout, largement invérifiable et non mesurable, et doté d'un fort capital de sympathie. Le lien social, on ne sait pas ce que c'est, c'est un peu occulte, mais c'est super cool ! Ca fait frissonner !
  • Deuxièmement, l'opposition Anomie vs Lien social structure la pensée d'une certaine gauche libérale qui va de Tocqueville à Durkheim et Arendt9. L'anomie serait la plaie béante des sociétés industrielles et modernes, dans la mesure où elle aurait des conséquences sociales et politiques indirectes néfastes : perte des libertés, suicide, populisme10. Je ne m'étends pas sur les explications avancées par ces différents auteurs, mais je souligne tout de même un point : elles sont souvent largement intenables car reposant sur des concepts trop confus, trop flous, très peu étayées par des faits - voire réfutées quand c'est possible11.

Mais la portée empirique, heuristique, d'un concept est-elle nécessaire pour un usage à des fins politiques ou marchandes ? On sait bien qu'il n'en est rien ! L'important est qu'il soit efficace, qu'il s'appuie sur des métaphores suffisamment parlantes, explicites, pour toucher un maximum de personnes ; et en particulier, les bonnes personnes, c'est à dire les financeurs ! L'important est également qu'il ait eu l'aval, la légitimation des grands politologues de la tradition universitaire démocratique...

Je ne peux pas ici m'étendre sur une critique de la notion de lien social, mais je me penche toutefois rapidement sur le rapport causal supposé entre économie du partage et lien social12. Les « nouvelles » formes d'économie du type : SEL, réseaux de don, habitats partagés, partages de ressources, créeraient donc du lien social, revitaliseraient les rapports entre personnes.

Je pense que ceci est probablement vrai dans deux sens :

  1. Il est raisonnable de supposer que les rapports entre particuliers qui échangent via des réseaux d'échanges marchands ou non-marchands ne sont pas les mêmes qu'entre commerçants et particuliers. Sans doute donnent-ils lieu à des interactions plus profondes, plus amicales - voire davantage si affinités !
  2. Il est très probable que ces néo-structures multiplient les interactions à travers les échanges, et en particulier, les interactions entre pairs, surtout pour une partie de la tranche d'âge 15 - 45 ans pour qui ils sont désormais normalisés. En tant que nouveaux espaces de socialisation, elles constituent de nouvelles opportunités pour créer des relations amicales.

Voilà pour le constat sociologique. Celui-ci me paraît assez solide - sous réserve qu'il soit validé empiriquement. Néanmoins, trois points doivent être soulignés :

  1. De là à dire que cette « consommation collaborative » crée massivement du lien social, comble une tendance anomique, et que de surcroît, ce lien social est bénéfique pour la démocratie et diminue certaines pathologies sociales (le suicide ?)..., je ne franchirai pas le pas. Notons qu'il peut aussi avoir l'effet inverse ! Qui sait si le covoiturage n'augmente pas la probabilité d'un suicide collectif en voiture ?! Dans notre société sécuritaire, on ne sait jamais...
  2. Que l'accroissement des échanges induise une augmentation des interactions ne nous renseigne guère sur la nature et la qualité de ces interactions. Sont-elles durables, positives, profondes ? Difficile à dire. Pour ma part, moi qui fréquente beaucoup cette économie collaborative, je n'en suis pas certain. Tout dépend, in fine, de cette petite étincelle qui fait qu'on accroche ou non avec certaines personnes... Et dans cette optique, disposer d'un réseau quantitativement gigantesque d'adresses mails, d'amis facebook, de copains couchsurfers, ne prédispose en rien, je pense, à une augmentation quantitative et qualitative de notre bonheur ! Il y a là matière à débat. Mais je donne mon opinion.
  3. S'agit-il vraiment d'une révolution ? Tout dépend des projets, à vrai dire. Mais fondamentalement, nombre d'entre eux n'offrent pas une modalité de sociabilisation radicalement différente de celle qui prévaut dans les associations, les partis politiques, le travail, les organisations étatiques, etc. Il est certain que les valeurs, les modes d'organisation, sont quelque peu différentes. Et, en ce qui me concerne, je souscris à certains projets qui promeuvent un mode d'organisation et de sociabilisation horizontal, fondé sur l'absence de contraintes et la simplicité des échanges. Mais je n'irai pas jusqu'à parler de révolution. D'une part, les pratiques organisationnelles sont trop hétéroclites au sein de l'économie collaborative, et d'autre part, l'impact sur le fonctionnement de l'économie marchande et les modes d'organisation traditionnels est pour l'instant trop marginal.

Précarité économique, économie collaborative et ESS.

Il y a un élément que de nombreux économistes négligent inconsciemment, lorsqu'ils publient leurs belles équations : une théorie peut être superbe mais totalement fausse dans la pratique. Et ce ne sont pas les pseudo-vérifications économétriques qui changeront cet état de fait !

On pourrait en dire de même de l'ESS et de l'économie collaborative. En théorie, il s'agit d'un remède, ou tout au moins d'un pansement, pour de nombreux phénomènes économiques qualifiés de maux par le plus grand nombre. Essentiellement, il y en a deux : les inégalités de patrimoine, de revenus, de pouvoir d'achat et de consommation - généralement regroupées dans une même catégorie, alors que leur rapport n'est pas toujours trivial13 - et le chômage - j'examinerai plus tard le délicat problème de l'organisation du travail.

Qu'en est-il dans les faits ?

D'abord, il faut bien recentrer la question sur ce qui a été effectivement réalisé. En ce qui concerne l'ESS, il existe quelques secteurs d'activité dans lesquels elle a connu une évolution particulièrement favorable. Par exemple, l'assurance, l'agriculture et la grande distribution. Je ne prends qu'un exemple, il y a en tête du classement des entreprises de la région Poitou-Charentes (CA)14, des grosses coopératives agricoles et des coopératives de distribution - les mutuelles sont également très puissantes dans la région mais absentes du classement.

Cette concentration a-t-elle un impact sur le chômage dans la région ? Je ne vois guère de signes allant dans ce sens... La région Poitou-Charentes est fortement affectée par le chômage. Il est en outre notoire que l'agriculture et la grande distribution sont de gros destructeurs d'emplois du fait de leur forte mécanisation.

Et s'agissant des inégalités économiques ?

  • A l'intérieur de ces structures, il est loin d'être évident que le modèle un travailleur - une voix, modifie radicalement la donne (cf. ci-dessous).
  • A l'extérieur : RAS. Les entreprises en coopératives, ou les mutuelles, pratiquent des prix à peu près similaires. Certes, il y a un léger mieux entre la Macif et AXA, mais bon... les mutuelles peuvent être très dures avec les assurés qui présentent un risque de sinistre élevé.

En définitive, les coopératives et les structures de l'économie sociale sont au pire sans effet sur le chômage et les inégalités de revenus et de patrimoines, au mieux, des organisations qui s'appuient sur des modèles économiques un peu moins brutaux, mais néanmoins astreints à des logiques marchandes qui en fixent les limites.

J'en viens à l'économie collaborative. Envisagée du point de vue de la dérégulation du marché du travail, elle a effectivement un effet pansement sur le chômage de masse, puisqu'elle permet de générer des revenus à partir d'un ensemble de ressources patrimoniales ou de capital humain qui étaient exclus jusqu'ici - du moins ces dernières décennies - du marché15. L'économie collaborative offre un revenu complémentaire à ceux qui la pratiquent. Voilà tout est dit.

Mais quel est son impact réel sur le chômage ? Deux points.

  1. Il est douteux que ce soient les personnes au chômage qui en profitent. Mon expérience me prouve que de nombreux adeptes de l'économie collaborative ont déjà un travail et sont, pour certains, issus de classes moyennes ou supérieures. Les maigres revenus tirés de la location de leur chambre d'amis constituent alors un cadeau fiscal. A ce sujet, il faut aussi rappeler que la valorisation d'un patrimoine suppose qu'on en ait un. Par conséquent, les inégalités de revenus peuvent être accentuées par les inégalités de patrimoine.
  2. Les effets macroéconomiques sur l'emploi de cette redistribution monétaire indirecte sont incertains. Ils se perdent dans le nuage du multiplicateur keynésien.

Le seul avantage probable de ce type d'économie est de diminuer les inégalités du point de vue du pouvoir d'achat. Des services dont le prix était auparavant dopé par la professionnalisation, et tout ce qui s'en suit, sont proposés à des prix plus attractifs. Soit, mais est-il vraiment nécessaire d'y voir une nouvelle forme d'économie ? En quoi le constat diffère-t-il du vieux credo du libéralisme économique : libérez le Marché de l'emprise de l'Etat et les consommateurs en profiteront.

Le mythe de l'égalité par le réseau ou la démocratie

Les vieux mythes ont la vie dure. Et tout comme dans l'analyse des mythes de Levi-Strauss, ils ne font souvent que se déplacer d'une tribu à une autre. L'égalité donc, est l'eldorado promis par les promoteurs de l'économie collaborative et de l'ESS. Non pas l'égalité économique dont il vient d'être question, mais l'égalité envisagée du point de vue des rapports humains. A l'horizon du rêve vendu par les marchands d'économie marchande alternative, il y a la société sans classe, le vieux rêve marxiste d'une société où toute hiérarchie aurait été abolie.

Mais la marche est longue... Car les vieux réflexes ont la vie dure. Même au sein des micro-coopératives, la dynamique des groupes demeure ce qu'elle a toujours été. Alors, songeons à ce qu'il en est au sein de grosses organisations comme les mutuelles, les coopératives de distribution, etc. Rien de bien révolutionnaire. Le modèle organisationnel est un modèle bureaucratique, à peu de choses près, avec pour seule différence que les sociétaires peuvent, ou tout au moins, ils en ont l'illusion quand ils votent - pour les plus naïfs -, participer à la gestion. Comment pourrait-on appeler cela ? Du capitalisme diffus ?

Reprenons la définition d'une coopérative :

Une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement16.

Il s'agit bien de noyer le poisson sous des termes vagues et imprécis ; de masquer le caractère fondamentalement lucratif et hiérarchique derrière un vernis démocratique.

Voyons les différents points :

une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs

L'autonomie ? Elle est toute relative. Les statuts sont très précis et déterminés par la loi. En outre, une coopérative s'inscrit dans un marché, et a des impératifs économiques forts - elle reste une entreprise -, d'où une limite intrinsèque à son autonomie.

Que les personnes soient volontairement réunies n'est certainement pas un critère distinctif très pertinent : on pourrait en dire autant de McDonald17. En outre, qu'elles le soient pour satisfaire des besoins communs est fort douteux. Et, faut-il vraiment le préciser ? A chacun ses motivations ! Les personnes sont réunies ensemble pour réaliser certaines tâches. Point. Allez dire au balayeurs de la MACIF18 qu'ils sont réunis avec les cadres pour partager un projet commun !

au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement

On pourrait penser qu'il y a là des éléments plus concrets, mais c'est un tort. Je cite souvent l'exemple de la république démocratique de Corée pour indiquer à quel point le terme peut être galvaudé. Que le pouvoir soit exercé démocratiquement est une condition tellement floue, qu'on peut imaginer sans difficulté des modes opératoires bien plus tyranniques que dans les multinationales. Que faut-il entendre par démocratie ? Les libertés individuelles au sein de la coopérative, le droit de vote, les procédures de vote, les modes de représentation, la possibilité de participer directement aux décisions ?

Quant à la propriété collective, elle ne diffère pas, fondamentalement de l'actionnariat salarié.

Tous ces éléments nous éloignent à grand pas du mythe tant ressassé par les promoteurs de l'ESS des coopératives égalitaires. La seule avancée en la matière est le droit de vote conféré aux salariés ou aux coopérateurs sur une partie des décisions de la coopérative - en fait, l'élection des dirigeants pour les grosses boîtes. Faut-il s'en réjouir ? Certainement, mais il est loin d'être suffisant s'il n'est pas fondé sur une réelle égalité dans la participation directe !

J'en viens désormais au mythe de l'égalité dans l'économie en réseau. Que dire ? Tous producteurs-consommateurs ? C'est en partie vrai. L'économie réticulaire facilite le passage d'un statut à un autre. Mais ce passage dépend tout de même du capital dont il faut disposer pour pouvoir produire. Produire un service de covoiturage est facile quand on a une voiture, plus difficile quand on en a pas. Bref, l'horizontalité a ses limites...

Le rêve d'un Marché épuré

Que ce soient les partisans de l'ESS - que je m'abstiendrai de définir, me contentant de désigner par là ceux qui s'en revendiquent - ou de la consommation collaborative - idem -, tous présentent les mêmes travers.

  • L'utilisation d'un langage flou, imprécis, ambigu, qui a pour effet de masquer la contradiction fondamentale entre leur opposition théorique au Marché et leurs pratiques marchandes.
  • L'absence de principes clairs qui permettraient d'éliminer certaines pratiques concrètes et d'en promouvoir d'autres. Conséquence directe, des listes où sont agglutinés une multitude de projets n'ayant rien en commun, mais qui semblent être en adéquation avec ces vagues principes, ou autrement dit, connectés par un fil occulte, fleurissent un peu partout19.
  • La mise en avant de l'efficacité au détriment de principes fondamentaux qui définiraient les contours du mouvement. Ainsi, l'ESS, l'économie collaborative est promue non pour elle-même, pour ses caractéristiques propres, mais pour son efficacité supérieure du point de vue environnemental, social, économique, culturel, etc.
  • Ces économies alternatives se construisent sur la base de principes marchands. Considérons ceci. Les SEL n'ont jamais cherché à reproduire un système fondé sur le prêt gratuit, sur l'économie du don, sur les objets nomades, ou à l'inverse, sur des modèles hiérarchiques militaires, ou pourquoi pas, sur des jeux de rôle grandeur nature20 ! Le modèle d'interaction qui a servi de référence est celui de l'échange marchand, même si les promoteurs des SEL ont tenté d'en désamorcer certains de ses traits qui leur semblaient néfastes. J'en ai traité dans un autre article21.

Une des conséquences est que ces mouvements qui réunissent ces différentes composantes, à savoir, le flou langagier, l'absence de principes clairs, la mise en avant de l'efficacité au détriment de valeurs qui sont plus fondamentales à mon sens (la liberté individuelle, l'égalité de fait, la solidarité entre personnes), combinés avec une dichotomie indépassable entre discours et pratiques, autorisent tout et n'importe quoi. On retrouve ces caractéristiques dans le management participatif où la réalité de la collaboration des employés à leur propre exploitation est dissimulée sous des termes bienveillants ou abscons. Stratégie que les vendeurs de marchés alternatifs, qu'ils participent ou non à ces marchés, ont très bien intégrée.

Mais peu importe la réalité ! Car les partisans de l'ESS ou de l'économie collaborative ont les yeux dirigés ailleurs. Ils continuent envers et contre le réel à caresser le rêve d'un Marché solidaire, équitable, où chacun échangerait selon ses moyens, pour satisfaire ses besoins, le tout dans une parfaite harmonie et dans le respect conscient et responsable des règle du jeu. Mais c'est un rêve illusoire car la nature même du Marché est antinomique à de tels idéaux. Le Marché est fondé sur la coercition, la tension, la frustration et l'exclusion. Il se positionne justement là où la tension entre des désirs antagonistes - je désire ton bien, tu ne veux pas me le donner, ou bien, je veux que tu me serves mais tu as autre chose à faire ! - crée une rupture potentielle dans une interaction pacifiée. Il est vrai que dans nos sociétés assagies et « amnésiées » par des siècles de répressions sanglantes et systématiques, cette tension n'est plus visible, qu'elle s'est dérobée à nos regards, mais elle demeure en fait présente en arrière-plan. La violence des échanges marchands est toujours prête à ressurgir dès qu'on transgresse les normes sur lesquels ils reposent.

Considérons les éléments concrets sur lesquels un Marché se fonde :

  • La contrainte d'exclusion, matérialisée par la propriété privée. Contrainte qui s'accompagne d'une création artificielle de pénuries, en limitant par divers moyens l'accès à des ressources gratuites ou facilement auto-productibles.
  • Deux contraintes d'obligation indirecte :
    • Dans un rapport de services, où le but est, sous diverses formes de contraindre l'autre à travailler.
    • Dans un rapport d'échange de ressources matérielles, il y a une obligation de contre-partie.
  • Une contrainte d'obligation directe. Elle se matérialise sous diverses formes : taxes, impôt, obligation d'utiliser la monnaie d'Etat, obligation de respecter les termes du droit pour échanger, etc. Bref, tout le cadre complexe et imposant qui structure, donne sa forme aux échanges marchands dont la réunion forme les marchés.

Empiriquement, il n'existe pas de Marché en dehors de ce cadre d'interaction intrinsèquement coercitif. Ce cadre agit en arrière-plan, il peut sembler invisible, mais il est en réalité omniprésent. Si vous n'êtes pas convaincu, rendez-vous sur un marché, prenez les marchandises présentes sur l'étal et partez comme si de rien n'était ! La violence sous-jacente à l'interaction marchande se manifestera alors avec force !

Aussi, la question demeure. Est-il possible de construire une société non-coercitive, solidaire, sociale, pacifiste, etc., sur la base d'un mécanisme de redistribution des ressources qui n'est absolument pas destiné à cette fin ? Peut-on lutter contre la violence en recourant à des dispositifs qui s'appuient sur la violence tout en prétendant que ce n'est pas de la violence ! C'est schizophrénique ! Et doublement violent : violent de fait et psychologiquement violent.

Pour autant, cela ne signifie nullement que nous sommes plongés dans une impasse, que nous sommes enfermés à l'intérieur des murailles hermétiques du Marché. Prenons l'exemple de la culture libre. Son but est de promouvoir le développement de libertés bien spécifiques. Or, le périmètre de ces libertés étant tracé, elle utilise tous les moyens possibles pour les maximiser, exceptés, naturellement, des moyens qui seraient contraire au développement de ces libertés. Par exemple, le copyright est détourné de son usage courant à des fins d'extension des libertés des usagers. Et il n'y a pas de contradictions, eu égard aux objectifs initialement fixés par les tenants de la culture libre. A l'extrême, si le développement de la culture libre devait se faire en menaçant d'autres libertés - par exemple la liberté de commerce ou des libertés menacées par la libre circulation de l'information - ce serait fâcheux, mais ce ne serait pas pour autant contradictoire. De même, l'utilisation du dispositif de la propriété intellectuelle n'est pas antinomique, car, quand bien même celui-ci repose sur une violence latente, celle-ci n'est pas contraire aux objectifs initialement fixés !

A l'inverse, certains mouvements culturels ont un programme qui est en contradiction directe avec leurs pratiques. Tel est le cas, notamment, des organisations qui font leur commerce de ressources culturelles tout en dénonçant les méfaits du capitalisme et du commerce22 ! Néanmoins, on pourrait à la rigueur arguer qu'il existe une séparation entre commerce immatériel et matériel, justifiant une critique du second par le premier. Comment ? Je l'ignore. Mais quoi qu'il en soit, cette excuse n'est même pas recevable dans le cadre de l'économie sociale et solidaire qui est généralement intégrée dans le commerce matériel !

Dans le cadre de la promotion de l'économie non marchande, du moins telle que je la conçois, il n'y a pas, en revanche, de contradiction entre le programme fixé et la pratique.

Le but est, je le rappelle, d'accroître les échanges non marchands, via l'auto-production (on se donne à soi-même), le don et l'usage de ressources gratuites. Quel est le fondement de ce programme ? L'idée est de maximiser ainsi les libertés individuelles en permettant d'accéder à un maximum de ressources sans passer par le Marché - qui constitue une entrave à ces libertés. Je n'ai de cesse de souligner que ce programme n'est nullement incompatible avec l'existence d'échanges marchands. Que les biens soient vendus n'implique nullement qu'ils ne seront pas donnés par la suite. Il n'est d'ailleurs nullement exclus de recourir à des échanges marchands pour financer des échanges non marchands, tant que le développement des échanges marchands qui en découle n'a pas un effet négatif indirect sur le développement d'échanges non marchands. En revanche, dans les situations où le Marché est en situation de monopole sur une activité, souvent en raison de dispositifs technico-juridiques, il est légitime par rapport au programme initialement fixé, d'entrer dans une logique anti-marchande. Toutefois, ce n'est pas le Marché en soit qui est visé, mais plutôt son emprise excessive sur un secteur d'activité.

Si nombre d'adeptes de l'ESS ou de l'économie collaborative ne parviennent pas à comprendre ce raisonnement profondément libéral, c'est peut-être parce qu'ils sont enfermés de facto dans des rapports marchands qui constituent leur seul horizon possible. Ils ne parviennent pas à s'en extraire dans leur vie courante, piégés dans leurs crédits ou leurs achats bio-solidaires, et se sclérosent sur des oppositions contre-factuelles, ou indémontrables : marchand / intérêt individuel / égoïsme vs non marchand / action désintéressée / altruisme.

Et aussi longtemps que durera leur crise existentielle, leur lutte christiano-freudienne entre la figure du Marché paternel qu'il faut haïr mais à qui il faut obéir, et la figure du don maternel qu'il faut aimer mais qu'on ne saurait véritablement prendre au sérieux, aussi longtemps que dureront leurs tergiversations schizophréniques (être dans le Marché sans y être), ils n'apporteront rigoureusement rien à la construction d'une économie alternative. C'est déjà le cas aujourd'hui puisque les soi-disant innovations de l'ESS ou de l'économie du partage, comme l'habitat partagé ou la location de sa tronçonneuse, n'ont de créatives que le discours marketing qui est utilisé pour les promouvoir auprès des institutions qui les financent, ou auprès des consommateurs désorientés, qui errent en quête d'un illusoire achat responsable.

Notes

1 Pour le prix libre, voir cet article.

2 Je ne m'attarde pas sur la réalité empirique de ce point, mais il est très facile de l'étayer en parcourant la littérature de l'ESS et de la consommation collaborative. Concernant cette dernière, où la référence au Marché est réputée moins négative, je peux tout de même lire sur la page Wikipédia qui lui est consacrée : Ce type d'économie s'inscrit dans un contexte de défiance des acteurs institutionnels du système capitaliste traditionnel, de crise économique mais aussi d'éthique environnementale. Avec pour référence : Lorna Gold, The Sharing Economy. Solidarity Networks Transforming Globalisation, Ashgate,‎ 2004, p. 7.

3 Par exemple, selon l'éco-comparateur de l'ADEME, l'avion pollue moins que la voiture en gramme de CO2 par km parcouru par voyageur !

5 ref

6 Voir par exemple cet article.

7 Notons au passage qu'elle offre aussi une image plus sécurisée que le stop - ce qui est surtout lié, de mon point de vue, à l'absence de dispositif numérique du même type dédié au transport non-marchand.

9 Concernant Tocqueville, je me réfère à Corey Robin, La peur : Histoire d'une idée politique, Armand Colin, 2006.

10 Voir par exemple cet entretien avec Hervé Le Bras.

11 Ibid., en ce qui concerne Arendt.

12 Toujours sur Wikipédia. L’importance grandissante accordée au lien social est une tendance profonde dans les nouvelles générations. Elle a été soulignée dans l’étude des modes de vie en 2050. Le partage et les échanges sont l’occasion de nouer de nouvelles relations. Ils réduisent les gaspillages. L’effet est bénéfique écologiquement et économiquement.

13 Je précise ce point. L'inégalité de patrimoine peut n'avoir que peu d'impact sur l'inégalité de revenus si les propriétaires ne veulent pas vendre leurs biens. L'inégalité de revenus peut être connectée de manière assez complexe à l'inégalité du pouvoir d'achat en fonction des taxes, prestations sociales, accès au crédit, disponibilité des ressources... L'inégalité dans le pouvoir de consommation (usage des ressources) dépend en partie du patrimoine. Par exemple, de la possibilité de stocker, utiliser des ressources grâce à d'autres ressources.

15 Exclus pour deux raisons. 1/ Les coûts de communication - de transaction - étaient trop élevés. Pendant longtemps, pour indiquer aux voisins qu'on voulait vendre ses tuiles, il fallait l'annoncer sur ParuVendu, et pour ça, il fallait payer. Aujourd'hui, c'est gratuit. 2/ L'extension du marché à de nouveaux biens et services est assez récente. Est-ce lié à la démocratisation d'Internet ? Je n'en sais rien.

17 Certes, cela permet de les différencier des organisations où l'enrôlement est obligatoire...

18 Qui est une mutuelle, mais ça ne change pas la donne !

19 Par opposition, on notera la rigueur des principes qui définissent la culture libre au sens strict.

20 Je prends cet exemple car je suis conscient des limites de mes représentations en ce qui concerne les modes d'organisation, de structuration des interactions sociales. Qui connaît, à ce titre, l'étendue du champ des possibles ?

21 Ibid.

22 Voir par exemple, L'arnaque des labels alternatifs



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