Laboratoire indépendant de recherche conviviale sur l'auto-production, la gratuité et la culture libre | |
∏ - À propos / Fonctionnement \ Admin - ∃ - Collecter des données / Évaluer \ Publier / Discuter \ Décider / Les contributeurs - ∈ - La Fabrique / Recherches \ Textes / Blog \ En chantier / La gratuiterie - ∑ - Le Boomerang / CEDREA \ Entrez sans payer / nonmarchand.org |
Autoproduction / Culture libre / Économie non-marchande / Libertés / Recherche conviviale / Critique de la science économique / Critique de l'économie marchande alternative / De tout et de rien |
La fabrique - Blog / Textes |
Textes sur l'économie non-marchande et la culture libre |
Articles en tout genre... que l'on peut librement diffuser, modifier, publier, discuter et évaluer. |
À propos des libertés fondamentales - III - Les libertés relatives à la transmission de l'information Auteurs: Benjamin Grassineau (voir aussi l'historique) Création de la page: 15 avril 2023 / Dernière modification de la page: 21 novembre 2024 / Créateur de la page: Benjamin Grassineau
Résumé: Troisième partie d'une série d'articles portant sur l'illusion des libertés fondamentales dans les sociétés modernes.
Examinons désormais une catégorie de libertés fondamentales qui, pour le geek que je suis, coutumier d'Internet, semblent séparées de façon tout à fait absurde. Bien qu'en fait, l'absurdité n'est à mon avis qu'apparente, puisqu'elle trahit une certaine conception de l'École qui est un des piliers des États nationalistes. La liberté d'expression et la liberté d'accès à l'éducation, auxquelles on pourrait rajouter, si l'on adopte une conception plus large de l'expression et de la communication1, la liberté de pensée, de religion et de croyance. Où est la liberté d'expression ?Au risque de me répéter, quiconque est coutumier de la liberté sur Internet ne peut que trouver étrange cette séparation. A vrai dire, la liberté d'échanger l'information sous le format souhaité suffit amplement à assurer l'ensemble de ces libertés. Certes, il est vrai qu'il doit y avoir des dispositifs facilitant l'échange, tels les moteurs de recherche, des dispositifs de communication multimédias, etc. De tels dispositifs existent aujourd'hui et sont libres d'accès grâce, il faut bien le préciser, au travail des adeptes de la culture libre. Mais l’État, soulignons-le, et les appareils juridico-légaux (pour m'en tenir à une définition profane), sont actuellement la principale menace qui pèsent sur ces dispositifs qu'ils n'ont absolument pas, ou alors de façon très indirecte, contribué à développer. Ceci en dit long sur leur capacité à défendre les droits fondamentaux. Mais restons-en pour l'instant à une conception plus traditionnelle de ces libertés. Qu'en est-il de la liberté d'expression ? J'ai analysé, dans un article relativement ancien (2007), les limites réelles qui pèsent sur cette liberté2. Ma conclusion était que ce n'est pas tant la censure que l'on doit viser, du moins en France – celle-ci existe bel et bien, mais elle est moins prégnante que dans d'autres pays – que l'inégale répartition des ressources en terme d'expression. Je fais bien sûr ici abstraction d'Internet, mais la réalité demeure ! Si je veux m'exprimer et me faire entendre, et notamment faire entendre un point de vue qui présente potentiellement ce que je juge être d'un intérêt scientifique, alors je n'ai d'autres possibilités légales que de parler seul, chez moi, soit en déversant un monologue sur mes plantes vertes, soit en conviant quelques auditeurs à venir m'écouter. Auquel cas, je dois le faire discrètement, car les dispositifs anti-sectes (ou plutôt, hostiles aux pensées minoritaires) veillent à ce que l'ordre de la pensée règne ; et aussi parce qu'au delà d'un certain nombre de décibels, on risque de m'accuser de tapage ! Voici à quoi correspond la liberté d'expression en France. Toute manifestation d'opinion sur la voie publique, ou manifestation artistique telle que musique de rue, art de rue, graffitis, bref, toute expression sans autorisation étant, légalement, ou en tous cas, de facto, sanctionnées plus ou moins durement. Nulle part, ou alors, c'est anecdotique, il n'est instauré de tribune publique ; nulle part dans les médias de masse, on ne peut espérer s'exprimer tant ceux-ci sont bouclés, fermés à la voix populaire. Nulle revue scientifique n'est ouverte à ceux qui ont subi l'opprobre des comités de lecture, ou les opaques et iniques processus de peer-review ; alors même que de telles revues seraient aisées à développer. En résumé, en tant qu'être humain lambda, je suis bien obligé de constater que l’État ne m'offre aucun moyen d'expression supplémentaire à ceux dont je dispose sans son intervention. Au contraire, il m'exclut de l'usage des outils d'expression qui sont à ma portée. Et pire, il me contraint à m'exprimer comme il l'entend et dans bien des cas, à m'exprimer tout court ! L'expression est-elle libre de toute coercition en France ? Bien sûr que non ! Il y a tout d'abord les obligations diverses et variées d'expression qui s'immiscent ça et là dans l'arsenal judiciaire et sécuritaire (l'obligation de montrer sa carte d'identité, par exemple). Mais il n'est nul besoin d'aller si loin ! L'ensemble de du commerce, des professions, sont asservies par de lourdes contraintes. Obligation de publier sa comptabilité, ses résultats financiers, ses prix, etc. A cela, il faut ajouter l'obligation (de fait ou légale) de s'exprimer en français dans l'espace public. En au nom de quoi ? En définitive, il n'y a bien que le secret bancaire qui résiste (de moins en moins bien) à cette obligation liberticide de parler, d'avouer, de s'exprimer en français, et je ne sais quoi ! Le mythe de l'École libératriceJ'en viens à ce stade à la plus incroyable des fumisteries qui n'ait jamais été inventée : l’École. Qu'une institution à ce point réactionnaire, pour ne pas dire criminelle – il est utile de se remémorer son triste passé de soutien sans faille aux nationalismes les plus meurtriers – puisse se targuer d'être une force sociale libératrice et émancipatrice me paraît surréaliste ! Comment peut-on confondre le « droit » à l'éducation avec les produits et les services toxiques, ou au mieux insipides et inutiles, que cette agence gouvernementale, ou à la botte de l’État, dispense de force avec une soi-disant bienveillance3 ? Paradoxe qui n'est pas inintéressant, dans la mesure où il met en évidence plusieurs aspects pervers des discours « officiels » sur la défense des libertés individuelles.
Et la liberté religieuse ?Je termine sur la liberté religieuse. Qu'en est-il en France ? D'abord, la séparation de l’État et de l’Église est encore loin d'être acquise. D'autre part, la liberté de croyance se heurte à l'influence puissante des idéologies « scientifiques sur l’État ». Concernant la séparation de l’Église et de l’État, comment expliquer, en effet, que les cloches continuent à sonner dans les villages. Pourquoi ne sont-elles pas converties en lieu de culte ouverts à tous. Enfin, que penser de la chasse aux sectes qui sévit en France fondée sur des critères d'identification extrêmement flous et peu spécifiques – combien d'ouvrages anti-sectes, à ce titre, ont été écrits sans quasiment aucune référence empirique ? Peut-on dire, par exemple, que l'embrigadement des enfants est une particularité des sectes, quand l’État impose l'instruction obligatoire, ou pire, pour les personnes socialement défavorisées, l’Éducation obligatoire, voire le placement obligatoire. Notes1 Je fais référence à l’école de Palo Alto. ⇑ 2 « Réflexions sur les enjeux épistémiques et politiques de la publication », GratiLab, 2016. ⇑ 3 Certains arguments exposés ici peuvent être approfondis dans l'article suivant, « Instruction en famille VS école non-marchande », GratiLab, 2021. ⇑ 4 Je préfère cette formule à celle d’École laïque qui prête à confusion au sens où elle laisse à penser que « l’École d’État » est idéologiquement neutre. ⇑ 5 Entre guillemets car s'agit-il de les transmettre ou de les utiliser à des fins de reproduction des rapports de classe ? ⇑
Catégories: Libertés
|
|||||||||
Le contenu du site GratiLab, laboratoire de recherche conviviale sur la gratuité, le DIY et la culture libre, sauf mentions contraires, ainsi que toute nouvelle contribution à ce site, est sous licence culturelle non-marchande.
Site gratuit, sans publicité, à but non lucratif, ouvert à tous ceux qui souhaitent effectuer des recherches sur les échanges non-marchands et la culture libre ou simplement partager leurs savoirs et savoirs-faire. Construit avec PmWiki. |